21 janvier 2007
Libertinage et volage font-ils bon ménage ?
A la lecture des annonces de couples mariés qui ne veulent rencontrer que des couples mariés, et au vu des débats houleux entre couples libertins légitimes et singletons volages, ces deux volants du libertinage apparaissent bien incompatibles, et un couple exemplaire comme Georges & Madeleine semble être l'exception qui confirme la règle.
Je conçois le mépris que peut inspirer la personne volage au couple légitime qui a décidé de tout partager, jusqu’aux désirs que peuvent leur inspirer les autres, et les plaisirs charnels qu’ils peuvent en tirer: mépris pour l’infidélité du cœur (le couple libertin n’ayant renoncé qu’à la fidélité du corps), mépris pour la tromperie et pour les mensonges auxquels ils ont échappé, et peut être un peu de mépris pour l’échec matrimonial que la personne volage représente. Car un comportement volage est l’échec fondamental pour cette conception symbiotique du couple, où il est impensable qu’un de ses membres consomme sa liberté individuelle jusqu’au lit.
Face à ce fonctionnement apparemment aussi bien huilé qu’une morale judéo-chrétienne, le libertin individuel est cependant en droit de se poser quelques questions: la racine étymologique de « libertinage » n’est-elle pas « libertin », caractérisé par la liberté de corps et d’esprit ? Comment peut-on se proclamer libertin et dénier à son conjoint sa liberté individuelle de jouir de son propre corps comme il l’entend ? Le libertinage serait-il un échange de liberté stipulé par le contrat tacite: « Tu peux jouir d’un autre corps si je peux jouir d’un autre corps », et qui donne tout son sens au terme « échangisme », une sorte de liberté surveillée, voire une liberté sous caution lorsqu’elle est assortie d’interdits tels que la pénétration hors couple ?
Selon Michel Onfray et sa définition du libertin dans sa « théorie du corps amoureux », un vrai libertin doit être célibataire. Cela ne signifie pas qu’il est condamné à papillonner de corps en corps sans échanger plus que quelques étreintes. Cela veut simplement dire que le libertin affranchit ses relations amoureuses du prosaïque quotidien, qu’il noue des liens tout en gardant ses distances vitales, qu’il ne sacrifie pas sa liberté sur l’autel d’une vie commune avec un tiers. La parabole du hérisson exprime bien l’épineux problème de la juste distance : Comment des hérissons peuvent être assez proches pour se réchauffer en hiver, sans pour autant se piquer.
Il est amusant de constater que ces deux positions bien tranchées sont appelées à se confronter sur l’oreiller du fait d’un comportement sexuel partagé. Si vous êtes un couple libertin pur et dur, quel est votre degré de tolérance pour faire l’amour et pas la guerre ? Demandez-vous le statut matrimonial de l’éphèbe musculeux rencontré au détour d’un coin câlin ? Vous souciez-vous d’un éventuel conjoint abandonné lorsque vous jouissez enfin de la jolie jeune femme accueillie dans votre lit conjugal ? Vilipendez-vous systématiquement les couples illégitimes qui ont le malheur de s’intéresser au votre ?
09:15 Publié dans Réflexions | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : Blogs, Livres, Onfray, libertinage