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01 juillet 2007

Ma nuit mutine

Septembre 2004. À cette époque là, je fréquentais assidûment le forum Echangisme et Triolisme, avec la grosse envie de participer enfin au principal événement de ce forum : la fameuse « nuit mutine ». En gros, cela consistait à réunir tous les libertins et sympathisants, d’abord dans un café pour un apéritif vertical, puis dans un club libertin pour un repas que je qualifierais d’oblique, et enfin pour un moment de convivialité horizontale. Rien d’obligatoire, bien entendu, mais tout restant possible. L’entrée au club étant réservée aux couples, je parvins à trouver une accompagnatrice, Frédérique, quelques jours avant cette soirée afin de constituer le duo requis.

Sur le plan affectif, je me sentais, dans une situation transitoire selon l’expression consacrée par Jeanne. Jeanne, dont j’étais toujours amoureux, avait mit un coup de frein à notre liaison depuis notre désastre aux Chandelles. Alors que j’entretenais avec elle une relation exclusive, le sevrage auquel je fus soumis eut raison de mes velléités « monogames ». Ainsi avais-je cédé aux avances de Sarah, je m’étais perdu un soir d’ivresse entre les cuisses de Frédérique, et j’avais rencontré la pétillante Kundalini sans parvenir à la séduire. De ces écarts de conduite, je n’avais avoué à Jeanne que ma soirée de débauche en club avec Frédérique, puisque c’est ce qui me semblait le plus anecdotique, ainsi que ma prochaine participation à la nuit mutine. Jeanne avait pris la chose avec assez de philosophie, mais elle me fit une scène virtuelle sur messenger quelques jours plus tard en lisant le compte rendu de ma nuit mutine sur le fameux forum Echangisme et Triolisme :

Ce petit texte est profondément subjectif. Pas de synthèse, pas de digestion, mais quelques clichés in petto, instantanés d'impressions sur ma mémoire évanescente. Des rushs à couper au montage des mémoires d'un voyeur.

19h30, quelque part vers Montparnasse. Quelques taches de cirage liquide sur le carrelage d'un Franprix, mais mes chaussures brillent ! Après avoir soigneusement tamponné mes bottines, j'abandonne dans l'entrée de la supérette le tube tant désiré quelques minutes plus tôt, un peu comme un préservatif usagé qu'on aurait cherché dans le noir, à tâtons, pendant d'interminables secondes en priant tous les diables pour ne pas débander. Il est 19h35, je suis en retard mais pas encore à la bourre.

Aux alentours de 21h, au Select. Le visage émacié d'un grand type aux lunettes carrées, journaliste en pleine overdose de carrosseries après sa longue journée au salon de l'auto. "T'aime écrire ?" qu'il me dit, "alors on échange nos jobs, et je te file mes articles, moi, j'en peux plus des mots". Mais moi, les voitures, je n'y connais rien, les seules carrosseries qui m'intéressent sont toutes en courbes souples, avec deux tétons pour toutes pointes et pour lignes brisées des plis gracieux tout en haut des cuisses, des liserés de dentelles à la place de celles des portières et des escarpins en guise de jantes. Après tout, il doit bien avoir raison quand il me dit que les femmes en petite tenue sur les stands font vendre les voitures. Mais il est venu seul. Dommage pour lui de ne pas avoir pu en dévergonder une pour l'accompagner au club.

Vers minuit, au sous-sol du club Emmanuelle. Zoom sur les bretelles design de Zorote qui vient d'atterrir sur le forum et dans le libertinage. Il voit qui je suis quand je lui dis qu'un de mes meilleurs souvenirs de club est une petite exhibition sur le podium de l'overside, mes reins collés à ceux d'une gogo danseuse. "En fin de compte, ce n'est pas parce qu'on passe à l'acte qu'on a les meilleurs souvenirs" lui dis-je en guise de conclusion prémonitoire.

medium_cabaret.jpg

1h du matin, encore plus au fond du sous-sol du club Emmanuelle. Photo de famille au naturel en mode panoramique, avec, de bas en haut et de gauche à droite, monsieur Doubleo les yeux rivés sur le centre de la piste de danse, Frederique911 en grande discussion avec Venitia75 et EnvieDoser, Titinette tentant vainement d'attirer l'attention de Huskill qui est en train de brancher RiresEtCalins, Kundalini3 à la barre avec sa robe rouge Ferrari et dans un show dont elle a le secret, madame Doubleo au centre de la piste de danse, Kalain et sa Kalinette qui montent les escaliers en direction du bar pour aller s'en jeter un, Les Missty27 pas loin de Madelba pas loin de Buli92 pas loin de son rugbyman de mari au crochet du droit dissuasif.

Un peu plus tard, torse nu sur la piste de danse, tout contre elle. Macro sur les reflets iridescents des spots bleu sur sa peau tabac, là, juste sous la paupière droite, en dessous de ses yeux cafés où je perds pied, incapable de me raccrocher aux reflets ambrés de ses cheveux bruns, un peu flous au premier plan. Elle respire la sensualité, m'inspire un violent désir plaqué sur son aine, ma jambe droite entre les siennes entrouvertes, juste entrouvertes. Elle allume, met le feu un peu partout, pyromane qui s'amuse du haut de ses 26 ans, et qui suivra son instinct jusqu'au bout de la nuit. Juste l'instinct de son plaisir. Elle a tout compris. Derrière elle, Kalain contre ses reins donne le tempo.

Aux alentours de 1h30, près du bar. Un homme charismatique prend un glaçon pour l'appliquer sur le téton de Kundalini3, histoire de voir s'il se dresse bien sous l'effet du froid. Il doit avoir fait sa connaissance à peu près 2 minutes 30 auparavant alors que je discutais avec elle. 1 heure plus tôt il avait fait mettre torse nu tous les garçons présents sur la piste de danse, ce qui a donné un bon coup de fouets à la soirée. Certaines personnes ont une audace admirable. D'ailleurs l'expérience est concluante.

Plus tard dans la nuit, au tréfonds des coins câlins. Huskill à genoux dans la mêlée, dressé tel le mat du radeau de la méduse, prend une inspiration tantrique avant de donner des coups de reins dévastateurs à biiiip qui embrasse biiiiip avec biiiiip pendant qu'elle se fait prendre par biiiip. Raconté comme ça, on ne se rend pas bien compte de la beauté du tableau, mais quatre couples enchevêtrés dans la pénombre et un plaisir contagieux, ça fait drôlement joli. Quelques esthètes pointilleux pourraient peut être reprocher la trop forte dominante rose accentuée par la lumière rouge, mais c'est être bien difficile. Moi, j'aurais bien volontiers fait partie du tableau.

Un peu avant 3h du matin, aux pieds de la piste de danse. Deux couples à moitié nus tentent vainement de s'accrocher des serviettes autour des reins. Frédérique911 me masse les épaules, et je me laisse faire. Elle a de très beaux yeux Frédérique. Des yeux d'un bleu délavé poignant. Il est temps que je parte moins pour l'imminence de mon vol pour Londres que pour ne rien gâcher. Huskill me dit souvent qu'éjaculer c'est mourir un peu, que le sperme ça se contient, et que l'énergie vitale remonte alors le long du dos jusqu'à la tête. Moi, faut que ça sorte, ne serait-ce que par une salve de mots.

C’est donc ce récit d’une frustration sublimée qui avait entraîné la crise de jalousie de Jeanne. Elle n’avait pas supporté de lire ces mots là sur le forum, en même temps que tout le monde, sans que je ne lui en parle avant. À ce moment là, j’avais ressenti sa réaction comme une profonde injustice (après tout, je n’avais rien fait avec Kundalini) et une entrave à ma liberté d'expression. Je comprends aujourd’hui qu’on peut être plus jaloux d’un désir  frustré que d’un désir assouvi : il conserve son énergie potentielle dévastatrice.

25 juin 2007

Descente aux chandelles (5)

Patrice s’allongea sur le dos. Jeanne le chevaucha. Je regardai un moment leurs sexes emboîtés, et puis je sodomisai Jeanne, très facilement malgré ma position plutôt sportive : debout, les jambes fléchies, genre cours d’aérobic, juste en appui sur les pieds pour ne pas les écraser. Les cris de plaisir de Jeanne arrosèrent toute la pièce. Tandis que je me retirai, elle voulu aussi arrêter. Elle n’en pouvait plus. Mais son partenaire en voulait encore, répétant qu’il allait bientôt jouir. Alors elle resta encore un peu dans ses bras. À côté de moi, un autre homme se masturbait, prêt à entrer en jeu. Je lui dis que c’était fini. Le bassin de Jeanne finit par se séparer de celui de Patrice. Je regardai son sexe, un peu mou. Il pressa son gland entre ses doigts et finit par lâcher quelques gouttes de sperme. Il ne devait pas en être à son premier jet. Il fit quelques commentaires sur la « figure de style » que nous venions de réaliser, d’autant plus élogieux pour Jeanne que c’était sa toute première double pénétration. Il nous rappela son prénom, dès fois qu’on l’oublie. « Au plaisir de ne jamais te revoir »  pensai-je très fort.

Le temps de récupérer mes petites affaires semées ici et là, et je retrouvai Jeanne dans la salle principale en conversation avec Sonia. Nous échangeâmes quelques banalités avec elle, puis Jeanne et moi nous assîmes tous les deux. Je la retrouvais enfin. Je l’étreignis, fort, comme un noyé serre sa bouée de sauvetage. Je m’ouvris à elle, peu à peu, je lui  fis part de mes sentiments confus, de la tempête émotionnelle qui m’avait submergé. Je fus surpris qu’elle me dise ne pas avoir aimé cela, même si la situation était excitante, « parce que les hommes bandaient plutôt mou, et même si c’est pas mal d’avoir plusieurs mains sur soi, c’est quand même mieux à deux avec son amoureux ». Et surtout elle me dit que jamais, oh grand jamais, elle ne m’aurait quitté pour un de ces hommes là. Cela me rassura, même si je savais qu’il me faudrait du temps avant de digérer cette expérience, pour ne pas dire cette épreuve, qui m’avait aussi permis de réaliser combien je tenais à elle. Et pourtant, alors que je comprenais mieux ce qui me liait à Jeanne, ce que je venais de toucher du doigt allait se déliter.

medium_Libertine_II.jpgNous rentrâmes à l’hôtel. Jeanne jeta ostensiblement le bout de papier sur lequel Patrice avait noté son numéro de téléphone à mon insu. Elle me raconta même comment il lui avait demandé en pleine étreinte : «Embrasse-moi ! Embrasse-moi comme si tu m’aimais !». Ainsi sa tentative d’appropriation de Jeanne, tentative que j’avais immédiatement perçue et dont j’avais souffert, était bien réelle et motivée par une confusion malsaine. Patrice n’était pas dans le partage, ni même dans le pillage, mais dans l’annexion pure et simple. Dans cette guerre, Sonia n’était que son cheval de Troie. Jeanne et moi nous couchâmes, nus, l’un contre l’autre. Dieu que c’était bon de la sentir entièrement contre moi. J’eu envie de lui faire l’amour, faire l’amour sans doute pour la première fois de la soirée. Épuisée, elle s’endormit dans mes bras. Moi, je ne dormis pas beaucoup cette nuit là. Le film de la soirée passait et repassait en boucle sur l’écran noir de ma nuit blanche. Dans son sommeil, Jeanne marmonnait la bande son : « J’ai trop bu… J’ai fait des bêtises avec mon corps… »

Nous ne sommes jamais retournés en club libertin, Jeanne et moi. Elle ne l’aura fait qu’une seule fois en fin de compte, « pour voir si j’en étais capable » me dira-t-elle quelques mois plus tard, mais sans la moindre envie de recommencer : « J’ai survécu au Koh-Lanta du libertinage, moi ! ». En évoquant dernièrement cette malheureuse expérience avec elle, Jeanne m’a dit n’avoir toujours pas compris ma débâcle : « Après tout, on ne va pas dans un club échangiste pour enfiler des perles ! »

 

23 juin 2007

Descente aux chandelles (4)

Tandis que j’arrivai sur le nouveau théâtre des opérations, après avoir enlevé mes chaussures et enjambé les corps agglutinés en regardant bien où je posais les pieds, Patrice prenait sa partenaire, ma Jeanne, dans la position du missionnaire. J’étais vidé. Je posai la main sur elle, tendrement. En pleine extase, les yeux mi clos, elle me dit « c’est toi mon ange ? ». Oui, c’était moi, je n’allais pas la laisser toute seule avec ce type là, il fallait que je reste avec elle, avec elle qui n’était plus vraiment là et qui me manquait déjà. Je voulais que cet homme parte, qu’il nous laisse. D’un autre côté, je ne voulais pas la frustrer du plaisir qu’il semblait lui donner. Une femme vint roder autour de nous. Elle fouillait fébrilement les matelas, puis elle finit par lâcher : « Excusez-moi, je ne veux pas m’incruster, mais c’est très important, j’ai perdu mon tube de rouge à lèvre !medium_Pile_ou_Face.2.jpg

- Je vous en prie ! » Répondit Jeanne sur un ton calme et policé en lui laissant la place. Elle semblait avoir repris tout d’un coup ses esprits. Décidément, elle n’en finissait pas de me surprendre.

Cette anecdote est révélatrice de l’état d’esprit de Jeanne. Elle se conformait au modèle social attendu tel un caméléon qui se confond avec les couleurs du décor. Dans ce club, la norme sociale était celle de l’échangisme et elle livrait donc son corps à cet homme conformément à son idée préconçue de l’échangisme, et à laquelle elle s’était préparée, au point d’abraser ses envies spécifiques plus proches du mélangisme comme elle me le dirait plus tard et dont les tentatives de caresses à l’endroit de Sonia l’avaient attesté. Le comportement de Jeanne était donc exactement en phase avec l’image de la parfaite libertine promue par ce club, mais peut être pas avec ses désirs profonds et certainement pas avec les miens. Quant à Patrice, il avait su tirer parti de cette parfaite adaptation de Jeanne qui la conduisait à se faire baiser en ronronnant de plaisir, comme un bon client bien poli se fait baiser avec le sourire par un commercial sans vergogne.

La femme retrouva son précieux tube de rouge à lèvre et nous laissa à nos petites affaires qui reprirent là où elles avaient été interrompues. Patrice souleva les jambes de sa partenaire à la verticale et il les plaqua le long de son torse. A la sonorité des gémissements de Jeanne, plus aigus, je cru comprendre qu’il la sodomisait. Je ressentis alors l’impérieuse nécessité de sortir du désarroi insondable dans lequel je sombrais.

On peut envisager plusieurs comportements face aux situations de conflit, et c’est d’ailleurs l’étude de ces mécanismes de défense qui permettent de dresser le profil psychologique de chacun. Ces comportements sont plus ou moins archaïques ou adaptés au contexte et aux contraintes. Or je me trouvais bien dans une telle situation conflictuelle puisque j’avais assimilé l’attitude de Patrice à une agression envers le couple que je formais avec Jeanne, intrusion néanmoins consentie par Jeanne dans ce contexte échangiste. Par conséquent, ma principale contrainte demeurait le plaisir visible de Jeanne. Aussi n’envisageai-je pas l’affrontement direct, c’est à dire la rébellion face à cette scène violente à mes yeux, et qui aurait consisté à ordonner à Jeanne d’arrêter, ce qui revenait de facto à chasser Patrice. Il me sembla tout autant inconcevable de prendre la fuite, ce qu’elle aurait considéré à juste titre comme un lâche abandon incompatible avec mon estime de soi. Je régressai donc jusqu’au déni : Tout était parfaitement normal, Jeanne et moi allions très bien, et je sortis ma queue mollassonne pour qu’elle me la suce. Ce comportement offrait pour bénéfice secondaire une apparente adaptation aux règles du jeu dans cet établissement : J’étais blanc comme un linge mais j’avais sorti ma verge comme une civilité. Quant au dernier bénéfice secondaire, mon éventuel plaisir, il était quelque peu anecdotique.

Le plus étrange est que mon corps, comme s’il avait été indépendant de mes états d’âme, réagissait positivement et Jeanne parvint à me redonner une certaine vigueur. Patrice dit : « quand tu es prêt, on fait une double ! ». J’acquiesçai poliment, reconnaissant envers lui de le laisser m’intégrer à leur couple. Lui et moi avions totalement intervertis nos rôles.

A suivre...

 

21 juin 2007

Descente aux chandelles (3)

Jeanne ne comprit pas ce qui venait de m’arriver. Jusqu’alors, je représentais l’homme de tous ses fantasmes, des pique-niques coquins aux ébats scénarisés, le libertin tout terrain qui cachait sous son capot rutilant un cœur d’amant sentimental, et qui lui permettait d’échapper à l’horizon bouché de sa vie de mère au foyer coincée dans un mariage en bout de course. Pour cette soirée, Jeanne s’était préparée à toutes les extravagances afin d’être à la hauteur de ma réputation sulfureuse. Elle, elle avait revêtu sa robe de soirée comme un gladiateur met son plastron, et voilà que l’homme censé la conduire sur le chemin des plaisirs extrêmes se dérobait soudain. En quelques minutes, j’avais perdu auprès d’elle mon statut d’amant infaillible, et par la même une partie de mon attrait érotique. À l’inverse, je découvrais en elle une libertine aux ressources insoupçonnées qui dansait comme si de rien était après sa première expérience pluraliste.

medium_ClementineII.2.jpgUn peu groggy, je m’assis pour regarder Jeanne au milieu d’autres ravissantes créatures sur la piste. Je me sentais encore un peu déconnecté mais je voulais reprendre le cours de la soirée comme on saute dans un train en marche, ce que se manifestait par une furieuse envie de baiser. Je remarquai une fille métisse qui semblait un peu paumée, assise au bar sur un grand tabouret, sacrément sexy et curieusement seule. Jeanne qui ne dédaignait pas les femmes s’approcha de moi et me parla d’elle, ou plutôt de ses seins rehaussés par sa guêpière, pulpeux comme des fruits murs, « où elle aimerait planter les dents », me dit-elle. Je ne demandais pas mieux. Lorsque cette fille partit dans les salons câlins, visiblement à la recherche de son partenaire – rétrospectivement je me demande si elle n’était pas à la recherche de son client pour lui signifier des dépassements d’honoraires – je proposai à Jeanne de suivre le même chemin. Comme nous tentions de nous frayer un passage entre les corps entrelacés, une grande blonde qui siégeait au détour d’un étroit couloir nous barra le passage. Elle affichait la posture désinvolte d’un douanier africain corrompu dominant son bout de macadam, mais la kalach aux yeux plutôt qu'à l'épaule: Ses jambes tendues en appui sur le mur face à elle, sa jupe relevée sur une belle impudeur, elle cribla Jeanne de regards égrillards. « On ne passe plus ! », sortit-elle sur un ton de défi. À ses côtés, un homme regardait Jeanne comme une gourmandise dans la vitrine d’une pâtisserie. J’imagine qu’il fallait actionner la manivelle de ce garde barrière pour que sa comparse ouvre tous les passages, et ils semblèrent bien dépités de voir Jeanne rebrousser chemin sans entrer dans leur jeu. Nous échouâmes finalement dans la grande salle où la partouze battait son plein.

Nous regardions la scène, passablement excités, lorsque le couple que nous avions croisé dans le sas d’entrée nous aborda. « Et bien on se retrouve » me dit l’homme en souriant, sourire auquel nous répondîmes. Prendre garde à ses sourires est certainement la chose la plus importante à expliquer aux apprentis libertins. Cet homme prit probablement le nôtre pour une invitation car il enlaça Jeanne sans autre forme de procès pour l’embrasser fougueusement. J’étais sidéré par la vitesse à laquelle l’affaire s’emballait. Serrés dans la foule toujours plus compacte, j’essayais de garder le contact avec Jeanne alors qu’il la contournait pour la caresser par derrière. Je sentis une main s’égarer sur la bosse de mon pantalon. Ce n’était pas celle de Jeanne mais celle de la compagne de cet homme, apparemment ravie, qui s’approcha de Jeanne pour l’embrasser à son tour, à pleine bouche. Nous nous présentâmes entre soupirs et baisers : lui Patrice, elle Sonia. J’étais à la fois terriblement excité et inquiet. J’embrassai timidement les lèvres offertes de cette inconnue, et ma main plus hardie s’égara sous sa jupe, sur ses fesses nues, fermes et rebondies. Malheureusement, Patrice ne semblait pas goûter au plaisir des préliminaires mélangistes qui m’auraient amplement suffit. Il détourna à son profit les tentatives de Jeanne pour caresser Sonia, ce dont je ne me rendis pas compte. Je ne voyais qu’une chose : le visage haletant de Jeanne que Patrice prenait debout, par derrière, une minute à peine après nous avoir abordés !

Il attira sa proie consentante dans un recoin tranquille pour mieux jouir d’elle. J’y entraînai aussi Sonia pour ne pas perdre Jeanne de vue. En voyant Patrice prendre mon amour encore et encore, contre ce mur de pierres où elle gémissait de plaisir – oui, c’était bien du plaisir, je reconnaissais ses soupirs - j’essayai de la haïr. Débauche des corps et débâcle des sentiments. L’ombre d’un instant j’essayai de reconsidérer la situation sous un autre angle : Jeanne n’était pas la femme dont j’étais amoureux, non, ce n’était qu’un simple passeporc pour entrer dans ce club et me taper toutes les nanas qui me tomberaient sous la main. Sonia tombait plutôt bien. J’écartai son string par derrière et je caressai son sexe encore sec. De l’autre main j’enfilai un préservatif, prêt à la prendre façon soudard. Quelques allées et venues le long de sa vulve, et je la sentis tout d’un coup toute humide sous mes doigts qui s’acharnaient sur son clitoris comme sur le bouton d’un ascenseur récalcitrant. Alors je l’enfilai d’un coup sec et je l’a besognai sans ménagement, un peu comme une vengeance. Elle était étroite et j’éjaculai très vite, sans plaisir mais sans débander non plus tant mon corps était excité. Je continuai à la ramoner vigoureusement tandis qu’une autre femme s’approcha de Sonia pour la caresser. Elle finit bien par jouir sous mes coups de boutoir. De temps en temps, le cœur vide, je regardai Jeanne se faire bourrer aussi. Je crois que j’éjaculai une seconde fois au fond de Sonia, sans vraiment en jouir, puis je me retirai. Mon préservatif pendait au bout de ma queue en berne. Sonia m’adressa un sourire élogieux. En retour, mon rictus dut etre mis au compte de la fatigue. Patrice voulut prendre ses aises sur une banquette et je les suivis, comme un troisième. Je ne réalisai même pas que Sonia avait disparu.

À suivre

19 juin 2007

Descente aux chandelles (2)

medium_Le_temps_des_cerises_II.jpgEtait-ce la programmation musicale qui commençait à s’améliorer, l’ambiance qui s’échauffait ou notre taux d’alcoolémie qui montait, mais Jeanne m’entraîna sur la piste pour nous trémousser un peu. Dieu qu’elle était excitante avec ses yeux brillants et sa moue inimitable. Elle me donnait une irrésistible envie de la caresser alors qu’elle virevoltait entre mes bras timides, avant de se serrer contre moi, de m’embrasser fougueusement, de sentir mon érection au travers de mon pantalon et de m’entraîner vers les fameux salons câlins. A peine arrivés, je la plaquai face à la fenêtre devant laquelle nous étions passés quelques minutes plus tôt, et dont elle saisit les barreaux. Mes mains étaient avides de sa peau, et puis pleines de ses seins, mes lèvres sur sa nuque, mes reins contre ses fesses… Mutine, Jeanne se dégagea de ma prise traîtresse pour aller de l’autre côté du mur, là où une banquette encore chaude semblait attendre de nouveaux ébats.

Elle s’y étendit sur le dos, et moi sur elle. Ivre de désir je remontai sa robe sur son corps enfiévré pour m’emparer de ses fesses, à pleines mains. Mes lèvres papillonnèrent entre ses seins, puis sur son ventre, reconnaissant le chemin qui menait à sa source où j’aimais tant m’abreuver. Elles le suivirent, comme prises d’une soif inextinguible. Je glissai peu à peu à ses pieds, entre ses cuisses ouvertes. En levant les yeux vers elle, je vis un homme dans la pénombre, qui avait aventuré une main entre les barreaux de la fenêtre afin de cajoler les seins de Jeanne. J’ai alors aimé qu’il lui fasse cette caresse là, au point de regretter de le voir disparaître furtivement. Mes lèvres étaient arrivées au bout de leur course, et mes doigts fébriles venaient à la rescousse pour écarter l’ultime dentelle qui me séparait de sa source. Ma langue y plongea, débusqua son nectar qui inonda bientôt mes lèvres, ce qui ne faisait qu’attiser ma soif de son plaisir. Je l’entendis gémir tandis que j’aspirai son bouton entre mes lèvres avides.

Il y a des images dont on se souvient toujours, avec une acuité telle qu’on pourrait les dessiner. Comme celle de cette liste des noms des bacheliers, agrafée sur le mur d’un lycée, si proche et si lointaine à la fois, tandis que j’étais pris dans la cohue de ceux qui l’avaient et de ceux qui ne l’avaient pas. Ou comme celle que mon cerveau a irrémédiablement enregistrée ce soir là lorsque j’ai levé les yeux vers Jeanne en l’entendant gémir. Au centre, son visage à contre jour, tourné vers la droite, découpé comme une ombre chinoise, ses lèvres tendues sur la queue d’un inconnu agenouillé à côté d’elle. Probablement était-ce le type qui l’avait caressée entre les barreaux, et qui avait dû trouver plus commode de faire le tour de la cloison. A sa gauche, dans la pénombre, un autre homme qui était venu s’occuper de ses seins temporairement délaissés. Je me rapprochai de Jeanne: « Ca va ? Chuchotai-je à son oreille.
- Oui ça va ! », me répondit-elle dans un souffle. Je glissai deux doigts inquisiteurs dans sa chatte trempée, troublé par le spectacle de son corps qui vibrait sous mes doigts. Sous nos doigts. L’homme de gauche l’embrassait maintenant goulûment, et Jeanne n’abandonnait sa bouche que pour sucer l’homme de droite quand il s’impatientait. Quant à ses seins, ils se les partageaient.

En nous laissant ainsi aller, dans cette promiscuité certes recherchée mais à laquelle il était impossible d’échapper, je sentais confusément que je perdais le contrôle de la situation. Je ressentis un profond malaise, au sens figuré du terme, puisque mon corps suivait : mon sexe bandait plus que jamais. Le même malaise que quand j’avais 8 ans, et que je voyais approcher les autres, à peine plus grands : Je savais bien qu’ils voulaient m’arracher mon bateau avec lequel je m’amusais seul, toujours seul au bord du bassin, sous prétexte de jouer avec moi. Je fus submergé malgré moi par cette émotion égoïste, archaïque, atavique, inopportune jusqu’au ridicule dans un tel contexte, mais qui m’étouffa. Alors sur le sexe de Jeanne, j’avais la main mise, protectrice. Mes doigts possessifs y entraient, en sortaient, m’amarraient à Jeanne déjà en voyage, et l’y poussaient même, mais sans pourtant la lâcher. Jusqu’au moment où j’ai fini par lâcher prise. La suite, je ne m’en souviens plus très bien. L’homme de gauche lui fouilla le sexe sans vergogne. Jeanne lui dit « doucement ! ». Je me couchai aussitôt sur elle comme un garde du corps, et ils se volatilisèrent. Je n’avais même pas vu le signe qu’elle avait dû leur faire pour leur signifier d’arrêter, lorsqu’elle avait perçu que je ne la suivais plus. Mais je me souviens très bien de ses mains sur mon dos, légères, si légères qu’elles semblaient voler, au point que je me suis demandé si elles lui appartenaient. Jeanne m’a dit que l’homme de gauche embrassait bien, et que pour un peu elle lui aurait demandé de finir la nuit avec nous. Et puis nous sommes retournés danser.

A suivre...

17 juin 2007

Descente aux chandelles (1)

medium_Lola.2.jpgAvril 2004, un Jeudi soir vers 22h30. Jeanne et moi étions sur le trottoir, à la porte de la Mecque des nuits libertines parisiennes : Les chandelles.

Ce n'était pas ma première sortie en club libertin, j'avais déjà eu quelques expériences à l'Overside, expériences plus exhibitionnistes qu'échangistes, et je m'attendais à vivre plus ou moins la même chose dans cette soirée exclusivement réservée aux couples, voire un peu de mélangisme, sans pour autant exclure la pénétration hors couple même si je ne l’envisageais pas vraiment. Car Jeanne était vierge de toute expérience de pluralité sexuelle et c’était aussi la première fois qu’elle mettait les pieds dans un club libertin. Elle n’avait exprimé qu’une inquiétude : être refusée à l’entrée. Elle aurait pris ça comme un déni de son charme, une insulte à sa féminité, alors elle avait mis toutes les chances de son côté. La veille, allongé sur le lit de la chambre d’hôtel qui abritait notre dernière escapade clandestine, nu, le sexe déjà dressé dans l’attente de son corps lové tout contre le mien, je l’avais regardée essayer sa nouvelle petite robe noire, à demi transparente, ses escarpins aux talons pointus, et son tailleur vintage qui soulignait si bien ses courbes féminines.

Quand nous entrâmes dans le sas d’entrée du club, il y avait déjà un autre couple qui commençait à s’impatienter. La femme vêtue d’un long manteau semblait assez jeune, apparemment maghrébine et plutôt jolie bien que trop maquillée à mon goût. Quant à l’homme, il était grand et de belle prestance. La seconde porte du sas s’ouvrit enfin sur un videur revêche qui leur reprocha aussitôt de venir pour la première fois, auquel cas les premiers jours de la semaine étaient plus indiqués que le Jeudi soir. Je commençais à jeter vers Jeanne des regards dépités lorsque le videur nous pria d’entrer, me confirmant ainsi qu’il y avait bien deux poids et deux mesures.

Après le vestiaire nous descendîmes un escalier qui menait vers le club en sous-sol, et puis nous traversâmes une véritable muraille de rubans roses suspendus au plafond, comme pour symboliser un passage vers un autre mode, une parenthèse aux conventions ordinaires, et nous arrivâmes dans la salle principale du club aménagé dans d’anciennes caves voûtées en pierre de taille. Cette salle qui abritait le bar et la piste de danse déserte, avait une déco résolument kitch : intégralement capitonnée de similicuir bleu foncé, jusqu’au plafond littéralement recouvert de lustres en cristal rococo. Côté faune, de très jolies filles vêtues de peu, des hommes bien sapés, mais sans doute pas à la hauteur de leurs cavalières dont nous soupçonnions certaines d’être des escort-girls permettant aux hommes seuls mais aisés de pénétrer dans le club, dans tous les sens du terme. Quant à la musique, elle aurait certainement fait fuir les clubbers avertis, mais étions-nous là pour nous trémousser que sur la piste de danse ?

Nous nous assîmes dans un coin trop tranquille avec deux gin-tonics, avant d’explorer le reste du club, dont ces fameux « salons câlins ». Nous vîmes le premier au travers des barreaux d’une fenêtre creusée à même la roche. C’était une grande pièce sombre dont les cotés étaient bordés de larges banquettes susceptibles d’accueillir une famille très nombreuse. Un couple s’y ébattait tranquillement. Le pantalon à mi-cuisses et les fesses nues, l’homme était juché entre les jambes de sa partenaire dont on ne voyait que les mollets qui battaient l’air. Dans un coin, une alcôve devant laquelle se pressaient des curieux, et plus loin une autre pièce qui semblait aussi bondée qu’un hall de gare un jour de grève, ce qui ne nous invita pas à pousser davantage nos investigations. C’était reculer pour mieux sauter, si j’ose dire.

 A suivre...

15 mai 2007

Faites vos vœux (2)

le club...Vagant m'avait laissé le choix. Le choix du lieu, des protagonistes, et des armes.

Autrement chez soi, c'est là que ça allait se passer. Je dis ça, parce que ni lui ni moi ne savions ce qui allait arriver. Il faut toujours ménager une part à l'imprévu et l'imprévu ce jour-là aurait pu prendre les traits d'un couple séduisant, d'un défilé de lingerie, d'une exhibition érotique... A moins que ce ne soit Vagant qui reste stoïque.

Ne pas s'interdire le meilleur, ne pas occulter le pire, sachant que la soirée pourrait osciller entre le tout et le rien.

Contrairement à mes craintes, l'entrée ne nous fut pas interdite sous le prétexte d'une « soirée privée », rejetant nos envies et nos pas sur le pavé. L'accueil était chaleureux. Il faut dire que ce nous étions peu nombreux. Vagant et moi avons eu d'ailleurs le privilège de déambuler dans toutes les salles du restaurant coquin, tels les châtelains d'un manoir abandonné.

Faisons ensemble le tour du propriétaire, voulez-vous?

La salle du restaurant cosy, à l'étage supérieur un bar et une barre de lap-dance, plus haut encore des banquettes en attente de futurs occupants, et enfin une salle de bain.

Si vous m'avez suivi comme le fit Vagant. Alors sans doute avez remarqué mes bas résille et ma démarche chaloupée. Je n'y suis pour rien, ce sont les talons qui... Et comme Vagant, auriez-vous posé vos mains sur mes fesses?

Désormais, le ton était donné.

Pendant le dîner, nos pieds se rencontrèrent, nos mains s'évanouissaient sous la table et quelques baisers furent pris, d'autres donnés.

A côté de nous, un vieux couple, pas mari et femme, mais amant et maîtresse. Le monsieur parle de son chez lui, la dame au collier de perles, de son urticaire. Quelques bribes de leur conversation nous parviennent : « Sarkozy », « Ségolène », « firefox »... Mais Vagant et moi n'écoutions pas. Nous, nous en étions aux confidences, aux mots murmurés du bout des lèvres, aux caresses verbales, celles que je tirais d'un livre érotique et celles qui s'adaptaient à la situation.

Après avoir goûté mutuellement nos desserts, geste qui augurait comme un heureux préliminaire, nous décidâmes de prendre notre café à l'étage.

Vagant eut droit à une séance de lap-dance en règle. Bien choisie, la musique vibrait au son de tangos lancinants. Ça ne semblait pas déplaire à mon partenaire, à en juger par son sourire carnassier et par ses yeux brillants. Mais je préférais quitter la barre pour vérifier ses dispositions réelles à mon égard. En frottant mes fesses contre son sexe, je sentis qu'il bandait dur. Et entre nous, c'était cette barre-là que je voulais caresser. Il ne manquait plus que je relève ma jupe sur mon string effilé pour que le fauve sorte de sa cage. Vagant ne me laissa plus de répit. C'étaient ses mains qui pétrissaient ma croupe comme un sauvage, sa bouche qui parcouraient ma nuque tandis que moi je jouais à enlever mon corsage. Les miroirs nous renvoyaient le tourbillon du désir qui nous envahissait.

Pantelants, nous fîmes ensemble quelques pas de danse, si l'on peut appeler danse le mime d'une levrette. Tel un bateau ivre, nos envies prenaient le large, celui de la dérive. Plaquée contre la barre de lap-dance, les jambes autour de la taille de mon cavalier, je sentais que nous en étions arrivés au point de non retour. Quand les corps s'expriment, le langage se résume à des râles.

Dans un coin câlin qui n'attendait plus que nous, Vagant me lécha, en usant et abusant de toutes les pirouettes que sa langue pouvait dessiner. Après m'être remise de mes émotions, je tendis la main et trouva des menottes, tentation avec laquelle nous avons joué. Cela dit, mon bon génie ne perdait rien pour attendre. Et il s'en aperçut quand mes lèvres se refermèrent sur son gland. Très vite, nous avions compris à quel point nous étions de l'un et l'autre gourmands.

En 69, chacun pouvait sucer ce dont il était si friand.

Tout se passait à merveille, mais il y avait un mais. Un petit bout de ficelle qui dépassait de mes lèvres, celles du bas. Un problème n'en est jamais un pour peu que l'on soit avec un savant.

-Si nous le contournions? me dit Vagant.

Soit. Ce fut donc par derrière que j'accueillis son mandrin brûlant. Nul ne pouvait soupçonner ce qui se passait. Pas même les hommes que j'aperçus dans l'entrebaillement de la porte, qui croisèrent mon regard, mais n'entrèrent pas. Les jambes posées sur les épaules de Vagant, je me laissais aller doucement. C'était doux, c'était fort, et cela dura longtemps. Nous n'avions pas encore joui quand deux couples nous rejoignirent. Je sentis de regards se poser sur nous, mais je n'étais plus tout à fait là. Nos silencieux compagnons s'installèrent sur les banquettes à côté de nous. Des bruits de baisers faisaient échos aux nôtres. Mais en dehors de cela, le silence régnait. Seuls Vagant et moi, l'interrompions de nos gémissements.

Plus ouverte que jamais, je sentais Vagant aller et venir en moi. Ses mouvements se firent plus amples quand soudain, il posa ses deux mains sur mes épaules. Rien ne pouvait l'arrêter, c'était le galop final, la course à la jouissance.

Nous nous rhabillâmes lentement. Notre couchette étant la plus éloignée de la porte d'entrée, nous ne pouvions que passer devant ces corps enlacés. Une femme administrait une fellation à son silencieux partenaire tandis qu'une petite brune en guépière blanche chevauchait le sien. Les vieux amants quant à eux, regardaient la scène.

- Nous sommes partis comme des écoliers qui font l'école buissonnière.
- Tu voulais voir si les vieux amants allaient faire l'amour?

Vagant m'assura que non et me gratifia d'un baiser avant que nos chemins, qui nous avaient conduit dans ce lieu nocturne et luxurieux, se séparent sur une nuit, à mille autres plus belle.

Theodelinde

16 février 2007

Première soirée à l'Overside

Avril 2002. Nous arrivâmes à 23h30 dans un club déjà bondé. Mon accompagnatrice et moi nous faufilâmes entre les couples scellés par un slow sur la piste de danse, à la recherche de deux places confortables pour ne trouver que deux poufs au fond du podium. La faune locale était essentiellement composée de couples trentenaires BCBG, mais "particulièrement ouverts" comme se plaisait à répéter Nathalie devant le spectacle des bas résilles et des mains baladeuses. Quant à moi, c'était plutôt le fait de voir quelques couples de noirs qui me faisait opiner du chef, et pas que du chef d'ailleurs.

Nathalie était mon accompagnatrice, celle qui m'avait fait l'immense honneur d'accepter mon invitation en ce lieu de perdition. Je ne sais pas quel autre mot choisir. Amie est un peu exagéré vu que je ne la connaissais de visu que depuis quelques heures, même si nous entretenions une correspondance décousue depuis plusieurs mois. Et puis, amie avec un 'e', cela insinue une certaine intimité dans la bouche ou sous la plume d'un homme, un peu comme partenaire, alors que Nathalie n'était venue que pour voir, tout comme moi officiellement.

A propos d'ouverture, nous fîmes rapidement connaissance avec nos voisins de table, un couple disparate composé de Sandrine, une jolie grue aux cheveux courts, et d'un frisé dont la maturité n'était que physique. Nathalie exprima un vif intérêt pour le piercing que Sandrine affichait au nombril, et la jeune femme ravie écarta aussitôt les cuisses et son string pour dévoiler fièrement celui qu'elle arborait au clitoris. Le ton était donné. Je ne pus m'empêcher de songer à un distrayant concours de blessures de guerre lorsque Sandrine, Nathalie et son mari exhibèrent leurs tatouages, un papillon sur l'épaule pour l'un, un dragon à la cheville ou un petit serpent sur l'épaule pour l'autre. Dieu merci, le vieux frisé nous épargna son anneau au prépuce. A l'autre bout de la piste un transsexuel opéré exhibait ses petits seins siliconés. Nous étions à l'Overside, club libertin parisien.

medium_overside.jpgLa musique battait son plein et nous nous dandinions sur le podium sous l'emprise de la voix d'Aretha Franklin qui chantait "Freedom" transformé en gospel hédoniste. Nathalie qui n'était venue que pour voir, mais qui avait perdu quelques pudeurs, enlaçait Sandrine avec un plaisir affiché. Un couple de gogos danseurs fit son apparition avec des masques de scream, halloween oblige. Les masques et les capes tombèrent pour dévoiler une strip-teaseuse petit format et un chippendale body-buildé. Nathalie avait envie de tâter de la bête, je suggérai à Sandrine de l'aider un peu à surmonter les vestiges de sa timidité, et leurs mains s'égarèrent de concert sur le fessier convoité. Peut être est-ce cela qui poussa le musculeux viking, vêtu de chaînes et d'un micro string, à sortir de la cage où il jouait de tout ce que la nature lui permettait de gonfler, à s'approcher du couple saphique, et en caresser les rondeurs émouvantes. Aux regards alanguis de la gent féminine, je vis bien que le viking plaisait beaucoup. Avec sa barbe de quelques jours, il incarnait la virilité sauvage, le mâle brut de fonderie sur lequel les femmes fantasment, celui qui les change des dandys publicitairement corrects, rasés de près et bronzés aux UV, ou encore des cadres sous lexomil qu'elles se résignent à épouser. Peut être que la mode va revenir aux poils ? Derrière Nathalie, je n'en étais pas à ses réflexions sur le consumérisme sexuel mais je profitais honteusement de ce cafouillis de caresses pour y glisser les miennes, lorsque soudain un corps se plaqua sur mon dos pour s'en prendre aux boutons de ma chemise.

Ne pouvant voir l'auteur de cette délicieuse agression, et ne voulant me retourner par peur d'en rompre le charme, j'avoue qu'en cet instant je me mis à scruter la salle à la recherche du transsexuel de peur qu'il soit derrière moi. Mais déjà ma chemise était ouverte sur mon torse nu, je remerciais le ciel ou plutôt les enfers de ne pas avoir mis un marcel, et la petite gogo-danseuse en bikini intervertit les positions, plantant sa cambrure sur la bosse outrageuse de mon pantalon. Elle plaqua mes mains sur ses cuisses et ses reins aux miens, leur imprima un air de samba ensorcelant, et je la suivis comme un bateau ivre épouse la mer déchaînée, le mat dressé et toutes voiles abattues. Mes mains se mirent à glisser sur sa peau, ses cuisses, son ventre, sa nuque et ses seins lorsqu'elle eut dégrafé son soutien-gorge et que j'en eus fait glisser les bretelles sur ses épaules. Malgré mon esprit chauffé à blanc, j'avais immédiatement senti les limites du jeu, de cette exhibition qui n'avait d'autres buts que d'échauffer les esprits des clients. Je ne caressai pas ce corps ô combien désirable comme je l'aurais fait pour donner du plaisir à une vraie partenaire sexuelle, mais pour le mettre en valeur tel un acteur de série Z érotique façon M6. J'étais le gogo qui prenait son rôle de faire valoir à bras le corps, et je lui en donnais pour son argent puisqu'en fin de compte c'est elle qui serait payée. En attendant, je mimais une bonne levrette et ça me plaisait, car comme disait Hegel, le vrai est un moment du faux.

C'est ainsi que je me donnai de longues minutes en spectacle sur le podium d'un club échangiste, y trouvant un plaisir plus cérébral que charnel, sans craindre les remarques assassines de mon accompagnatrice qui suffoquait prise en sandwich entre les pectoraux du viking et du gogo danseur. Je ne vous raconterai pas la suite, les fameux salons câlins à la faune aussi dense que sur la piste de danse bien qu'encore moins habillée, leurs soupirs extatiques au lieu des rythmes synthétiques, les lumières rouges qui conféraient aux lieux un air de lupanar, éclairant faiblement les couples entrelacés qui s'accouplaient à la vue des autres, échangeant davantage les regards que les caresses...

Je ne vous raconterai pas la suite parce que je n'y ai pas participé. Cette première soirée en club libertin fut néanmoins une des meilleures que je n'ai jamais vécue, la pire ayant été paradoxalement la plus chaude.
Sexe débridé n'est pas forcément synonyme de bonheur accompli.

15 février 2007

Du libertinage à Londres

Figurez-vous que j'ai l'insigne honneur d'être le 491ème membre du fameux club échangiste londonien "OurPlace4Fun". Après avoir lu des commentaires plus élogieux les uns que les autres sur le web, après envoyé ma photo et avoir été sélectionné, après avoir téléphoné pour obtenir le mot de passe qui me permettrait d'entrer au "sein des seins", je me suis rendu à ce club il y a quelques mois, tout seul comme un grand, en soirée mixte. Par curiosité d'une part, mais aussi pour me soigner d'un petit coup de blues. Mauvaise idée la soirée mixte et sa surpopulation masculine me direz-vous. Certes, mais j'avais reçu la confirmation que le club ne recevait pas plus de 2.5 hommes seuls par couple. 2 adultes et un nabot en somme.

Je suis arrivé à 21h pétante au fond d'une ruelle sordide au nord de Londres, un "mew" qui n'avait en commun que le nom avec les "mews" classieux de South-Kensington. La charmante gérante que j'avais eue au téléphone m'avait conseillé d'arriver tôt pour ne pas louper la "naughty lady" qui ne manquerait pas de venir ce soir là, et je ne fus pas mécontent d'être arrivé avant la tombée de la nuit. Après quelques allées et venues au fond de la ruelle, un homme avec une tête de gérant de sex shop m'ouvre la porte d'un bâtiment indéfinissable. C'est nous que vous cherchez, me demande-t-il ? Oui, je crois, lui dis-je en guise de mot de passe. Et il me fait entrer dans ce qui semble être un petit night club genre Feelings club dans le 6ème, en un peu moins grand et un peu moins chic. Evidemment, je suis le premier client.

medium_ourplace.jpgJe m'assoie au bar face à la charmante gérante, quinquagénaire siliconée comme je peux aisément m'en rendre compte vu le peu de dentelle qu'elle porte sur elle, et elle me sert un nescafé avant de me faire visiter l'établissement, c'est à dire les 5 ou 6 coins câlins plutôt bien agencés avec tout de même une particularité: Les zones à haut risque, c'est à dire les matelas, sont entourées d'une ligne blanche peinte sur le sol !
C'est la limite pour les hommes seuls, m'explique-t-elle, ils ne peuvent pas franchir les lignes blanches sans être explicitement invités par les couples qui s'ébattent. Vous comprenez nous avons notre réputation à tenir, ajoute-t-elle, nous sommes le club le plus sympathique de la capitale, reconnu pour le bon comportement de ses membres, et nos règles assurent de maintenir une ambiance respectueuse! Enfin, c'est énoncé avec tant de gentillesse que ça passe, et accoudé au bar, je bavarde une bonne heure avec les gérants avant qu'un premier client n'arrive.

C'est un imposant sexagénaire habitué des lieux qui est venu avec sa propre bouteille de jus de fruit. Je ne savais pas que le "bring your own bottle" s'étendait aux boissons non alcoolisées, mais à 1 GBP le verre de coca servi dans un gobelet en plastique, je me dis que ce n'était visiblement pas une mauvaise idée. Ensuite vient un nabot aux cheveux blancs, la demi-portion, il ne manque donc plus que le couple, et bingo, le voici qui arrive sous la forme d'un homme mûr, énorme, accompagné d'une quadragénaire en mini jupe. Vient ensuite un autre sémillant sexagénaire suivi d'un nouveau couple, un quinquagénaire en short accompagné d'une femme en robe à laquelle j'ai bien du mal à donner un âge, ce qui illustre bien le fait que la laideur est supérieure à la beauté, parce que la laideur, elle dure. Arrive ensuite une brochette d'hommes seuls du même acabit histoire d'exploser les quotas, avec une mention spéciale pour un vieil anglais de 76 ans, costume de tweed et moustaches en guidon de vélo, qui ne manque pas une occasion de tripoter la gérante pour la plus grande joie des clients hilares. Il pourrait bien être son père mais qui s'en offusque, ce n'est pas la différence des ages qui choque mais leur disproportion.

Alors que je venais de me lancer dans une improbable conversation à propos d'Ovide avec la gérante, là voilà qui me demande de la suivre dans les coins câlins, en particulier un petit couloir sans ligne blanche mais avec "glory holes", et elle me montre le second couple s'y est "isolé", entouré de mâles en rut. Ca se tripote, ça se suçouille, ca se pelote, ça gargouille, c'est un enchevêtrement indéfinissable qui n'a vraiment rien, mais rien d'érotique sans pour autant être déplaisant à regarder. J'ai l'impression d'être un entomologiste indiscret devant une fourmilière et sa reine mère au centre de mille et une attentions tactiles, et après quelques minutes de ce spectacle je retourne au bar. "Oh, my tvgirl !" dit la patronne en accueillant une étrange créature, un travelo à perruque blonde d'au moins 1m90, la trentaine d'année, pre-op comme je pourrai le constater un peu plus tard dans la soirée. Le travlo branche le couple qui revenait du couloir de la mort, et les voilà reparti dans une autre pièce suivis d'une nuée d'hommes frétillants qui se remuent déjà la queue. C'est la fête ! J'assisterai aux ébats délirants sans la moindre envie de m'y fourvoyer. Pour terminer, un dernier couple arrive en fin de soirée, dont une jeune noire américaine avec des épaules à faire pâlir Schwartzy, et une invraisemblable paire de seins, naturels comme j'aurai l'occasion de le vérifier.

En conclusion, des scènes dantesques, une palpation mammaire et quelques discussions sympathiques dans une ambiance bon enfant. Si vous voulez du dépaysement libertin, traversez simplement la Manche et suivez le guide ! Orgasme improbable mais rigolade assurée !