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31 août 2016

Il est à la maison

Je décide de rentrer chez moi par la route des falaises. C’est un petit détour, mais ce chemin est si joli et il fait si beau, me dis-je sans laisser remonter jusqu’à ma conscience l’envie inavouable qui me tenaille déjà les entrailles. En vérité, peu m’importe le paysage. Il y a longtemps que je suis lasse du spectacle de la mer, et je ne l’observe plus que dans l’espoir de voir une voile sur la peau ridée de ma rivale. Je regarde plutôt les potagers avec leurs légumes qui me font bien envie, en particulier les concombres et les courgettes, qui doivent être tout chauds sous le soleil de midi. J’en viens à comparer leur forme oblongue au souvenir du sexe de John, taille mise à part. Ce n’est pas que je veuille vraiment imaginer tout ça. Mais je ne peux pas m’en empêcher. Alors, évidemment, mon ventre finit par tressaillir et je sens fondre ma féminité entre mes cuisses. J’ai l’impression de devenir folle tant ça me manque ! Inutile de me raconter des histoires, je sais déjà que je ne résisterai pas à la tentation au croisement du chemin Sherburne.

Arrivée là, je vérifie que personne ne m’a suivie et je m’enfonce brusquement dans le bosquet. J’enjambe quelques ronces, et je m’agenouille parmi les feuillages, toujours au même endroit, à l’abri d’éventuels regards indiscrets. Je ne tarde pas à avoir à portée de main le fruit de mes désirs. Elle est énorme. Sa peau tendue, d’un rouge carmin, brille sous les rayons du soleil. Je retire mon chapeau de paille pour pouvoir avancer mon visage entre les feuilles, jusqu’à ce qu’elle soit juste sous mon nez. Je remarque une goutte de sucs, luisante à son extrémité. Elle est irrésistible. Mes lèvres s’ouvrent, presque malgré moi. Je tends la langue et darde la pointe brillante de sève, qui semble frémir sous le souffle de ma gourmandise. Je finis par la gober tout entière, sans même m’aider de la main. Elle m’apparaît si grosse que pour un peu, elle remplirait presque ma petite bouche. J’accentue la pression de ma langue en la faisant rouler contre mon palais, jusqu’à la faire exploser. Elle se répand dans ma gorge en un jus épais, onctueux, et délicieusement acidulé. J’avale tout goulûment, les yeux mi-clos, savourant ma jouissance égoïste quand l’image de John s’impose à mon esprit. Je sais que c’est honteux, toutefois je ne ressens pas de culpabilité au fond de mon cœur. Comment le pourrais-je, puisque mon mari est pour moi indissociable de mon plaisir ? Je sais bien que je devrais penser à lui en termes de devoir, de respect et de chasteté, mais c’est plus fort que moi, lorsque je songe à John, je le revois cet après-midi-là, juste avant son départ, torse nu en train de couper du bois au fond du jardin. Il était si beau que je n’ai pu résister à l’envie de toucher son corps musclé, luisant de sueur. Après tout, nous avions le droit, nous étions mariés. C’est la seule fois où j’ai vu son sexe dressé en pleine lumière. J’ouvre les yeux et je vois une autre mûre, tout aussi grosse que la première. Oui, j’en suis certaine maintenant, son gland gorgé de désir avait bien cette couleur-là. Quant au goût de sa semence, ma foi, je n’en sais rien, mais je meurs d’envie de le connaître, quoi que puisse en penser le révérend Smith. Je me dépêche de cueillir toutes les mûres à ma portée, je les dépose dans mon chapeau, et je sors de ma cachette. Pourvu que personne ne m’ait vu ! Je crois bien être la seule à avoir repéré ce mûrier sauvage.

ErotismeJ’espère que vous aurez apprécié cet extrait de ma nouvelle intitulée Il est à la maison, qui m’a été inspirée par un article sur les godemichets qu’auraient utilisés les femmes de marin sur l’île de Nantucket au 19ème siècle. J’ai ainsi inventé l’histoire de l’horrible dildo de Connie Congdon, dans la veine de mes nouvelles érotiques historiques, telles que celle sur le fauteuil de volupté dans Les mystères du Chabanais. Ne vous inquiétez pas pour votre libido, la suite de cette nouvelle est plus salée que les mûres sauvages, et vous pourrez la découvrir dans Osez 20 histoires d’obsessions sexuelles publié par La Musardine, où je ne suis pas peu fier d’être parvenu à glisser des références bibliques. A chacun ses challenges…

23 juin 2016

Les mystères du Chabanais

Vous vous souvenez peut-être que je m’étais posé maintes questions quant à l’utilisation du fauteuil de volupté, dans une note consacrée à cet étrange objet l’année dernière. Aucune étude, aucun article, pas le moindre document n’expliquait l’utilisation de ce meuble plusieurs fois exposé à Paris, les historiens jetant un voile pudique sur les pratiques sexuelles auxquelles se livrait le prince de Galles sur son fauteuil au Chabanais, pour les laisser à l’imagination d’un public ignorant.

De tels faits historiques ne pouvaient rester plus longtemps dans l’ombre. N’écoutant que notre courage et bravant tous les interdits, Clarissa et moi-même avons décidé de concentrer nos recherches pour faire toute la lumière sur les abominables déviances princières, le stupre et la luxure où se roulait une des plus célèbres têtes couronnées. Ainsi avons-nous déniché au fin fond d’archives poussiéreuses de nombreuses lettres que nous avons patiemment déchiffrées, ce qui nous a permis de percer un des derniers mystères du Chabanais !

Bandeau-EDL-Mysteres-Chabanais.jpg

En lisant cet ouvrage de la plus haute importance historique, vous découvrirez trois nouvelles :
-    Une petite bonne, de Clarissa Rivière, retrace les pérégrinations sexuelles d’une petite bonne dans les maisons closes parisiennes.
-    Avec Les mystères du Chabanais de Clarissa et moi-même, vous retrouverez notre petite bonne confrontée à son ancienne maîtresse en présence du prince de Galles, et vous verrez se muer la lutte des classes en luxurieuse collaboration à chaque étage du fauteuil de volupté.
-    Enfin, je vous laisserai découvrir quels sont les véritables personnages historiques qui se cachent dans Une femme libre.

Je terminerai cette présentation de ce recueil par la couverture, signée Rita Renoir, qui vous donnera un avant-goût de l’usage de ce fauteuil pervers révélé dans Les mystères du Chabanais.

29 février 2016

Un seul espoir

Ancres.png— C’est grave docteur ?
— Vous savez, à votre âge, c’est irrémédiable.

Le vieil horloger de Saint-Omer n’écouta pas davantage le discours lénifiant du médecin. Tout venait de s’arrêter au mot irrémédiable. Il régla la consultation et quitta le cabinet médical sans dire un mot de plus. Il aurait dû retourner à la boutique, mais il n’avait plus le cœur à sourire aux clients derrière son comptoir. Après toutes ces années de labeur, toutes ces innovations dont il avait été le fer-de-lance, toutes ces audaces commerciales qui lui avaient permis de se hisser, marche après marche, parmi les notables départementaux, il avait l’impression de n’être plus qu’une vieille horloge comtoise, pour ne pas dire un vieux coucou dans son entreprise qui fonctionnait très bien sans lui. Sa femme tenait d’ailleurs fermement la caisse, qu’aurait-il bien pu arriver sans lui ce jour-là ? Sans trop savoir pourquoi, il eut envie d’aller voir la mer. Jacques Lecoutre monta dans sa voiture sous le crachin du Nord, enclencha les essuies glaces, regarda un moment leur va-et-vient régulier sur le pare-brise, et il prit la direction de Dunkerque.

La nuit était tombée depuis longtemps lorsque Laura Lecoutre entendit enfin le crissement familier de la voiture de son mari, sur les gravillons de l’allée du garage. Elle vit par la fenêtre qu’il n’était pas seul. La porte d’entrée de leur pavillon s’ouvrit brutalement sur un rude gaillard enjoué à la peau hâlée, qui traînait derrière lui une grosse malle. Jacques le suivait en titubant. Son teint rougeaud justifia ses explications. Le type avec lequel il avait un peu trop bu avait eu la gentillesse de le raccompagner, il allait passer la nuit chez eux et partirai le lendemain matin. Le regard de Laura dégrisa l’inconnu. Elle prit son ciré trempé en murmurant un merci réprobateur, et le conduisit à la chambre d’amis.

Le lendemain matin, enveloppée dans son peignoir, Laura émergeait à peine d’une nuit sans rêve devant son café fumant, quand elle réalisa que l’inconnu se tenait dans l’encadrement de la porte de la cuisine.

— Bonjour, lui dit-il d’un air gêné.
— Bonjour, vous n’êtes pas parti avec Jacques ?
— Non, je ne savais pas qu’il partait si tôt, je viens de me réveiller.
— Les marins se lèvent tôt d’habitude.
— Je ne suis pas marin, je suis tatoueur itinérant. Je m’appelle Ruiz.

Laura se surprit à parcourir du regard le corps de cet homme à la recherche de tatouages, en vain. Seules ses mains aux doigts fins dépassaient de son gros pull de laine. Ruiz devait avoir son âge, c’est-à-dire une bonne trentaine d’années. Ni beau, ni laid, mais le regard sombre. Laura lui désigna la chaise face à elle d’un coup de menton, et elle lui servit un café silencieusement. Elle reprit sa place et porta la tasse à ses lèvres. La fumée du café encore chaud glissait devant ses yeux clairs.

— Combien de temps ça prend, un tatouage ?
— Ça dépend. Ça vous plairait ?
— J’y pense.

Aux abords de midi, Laura décida qu’elle n’irait pas à la boutique ce jour-là. La table de la cuisine, que Ruiz et elle n’avaient pas quittée de toute la matinée, était jonchée de croquis. Laura esquissait des idées toutes faites que Ruiz couchait au stylo-bille. Il dessinait d’un trait sûr tous les rêves de marins, des roses et des sirènes, des tigres et des guitares, toutes ces choses qui n’impressionnent plus personne, ni les fils de bonne famille, ni les filles des ports. Laura opta pour le papillon. Elle l’avait vu dans un magazine.

L’après-midi venu, elle décida qu’il était temps d’offrir ses reins au virtuose du stylo bille. Quand elle entra dans la chambre d’amis, Ruiz l’attendait assis sur le lit, en marcel blanc. Elle s’était imaginé être fortement impressionnée par des bras recouverts de tatouages, mais ceux de Ruiz en étaient totalement vierges. En revanche, elle ne put réprimer un frisson à la vue des aiguilles et du dermographe métallique dans la malle du tatoueur. Conformément à sa promesse, elle abandonna son peignoir et s’étendit sur le lit, en sous-vêtements, tout en pensant très fort à son mari. Ruiz lui murmura doucement qu’il allait d’abord dessiner le papillon au stylo tout en bas du dos, pour permettre à Laura de s’assurer du motif avant le tatouage définitif.

Au contact des doigts de Ruiz sur son corps, Laura se retint de se relever et de tout arrêter. Dans quelle folie s’était-elle donc engagée ? Elle clôt ses paupières pour sceller son serment, et elle tendit les mains vers ses hanches. Tout en sentant la pointe du stylo courir sur ses reins, elle fit imperceptiblement glisser son slip vers le bas, dévoilant peu à peu sa croupe au regard du tatoueur. Quand elle ouvrit de nouveau les yeux, elle vit son impudeur dans le reflet de l’armoire à glace. Ruiz avait du mal à poursuivre son ouvrage. Sa langue humectait régulièrement ses lèvres sous l’effet du désir plus que l’effort de dessiner. Lorsque l’élastique du slip parvint enfin au sillon fessier, Ruiz y laissa choir son stylo. Laura se cambra légèrement et l’homme oublia totalement son œuvre pour baiser le cul somptueux qui s’ouvrait sous ses yeux. Il avait perdu toute réserve. Tout en se déshabillant hâtivement, il fit glisser le slip tout au long des jambes nues, avec les dents. Sans plus faire dans la dentelle, il plongea son nez au méridien de ses désirs pour y lécher l’équateur. Il y trouva la mousson.

Laura se cambrait d’instinct sans quitter l’armoire des yeux. Depuis combien d’années n’avait-elle pas été baisée ainsi ? Jacques aurait bien pu lui faire cela, mais voilà, son mari n’envisageait pas d’entamer un voyage sans parvenir à son terme. Elle continua d’observer le tatoueur dans le reflet du miroir tout en se laissant gagner par le plaisir. Les bras noueux de cet homme, pour lequel elle n’éprouvait qu’un brutal désir charnel, lui enserraient les flancs. Elle sentit ses mains, si délicates à manier le stylo, lui empoigner les seins pour triturer ses mamelons. Elle apprécia cette virilité dont elle avait oublié la ferveur animale. Ruiz la lapait comme un chien. Entre son ventre plat et ses jambes fléchies, son sexe dressé était prêt à la saillie. Sur sa hanche était tatouée une ancre de marine, parée au mouillage.

Laura replia ses cuisses sous son ventre. Il lui avait fallu des années pour s’y faire, mais elle était prête maintenant. L’homme derrière elle se redressa et la couvrit. Elle sentit la verge dure l’envahir lentement, lui ouvrir les chairs si longtemps restées vierges de toute virilité. Il commença son va-et-vient avec la régularité d’un balancier d’horloge, ponctué par le claquement caractéristique de chaque coup de reins contre ses fesses. Laura observa attentivement son propre reflet dans la glace de l’armoire, les traits de son visage vrillés par l’éclosion du plaisir. « Je t’aime » sembla-t-elle se dire à elle-même tandis qu’on lui faisait l’amour. Alors la porte de l’armoire s’ouvrit lentement et Jacques en sortit silencieusement. Tout entier à sa besogne, Ruiz n’entendit pas le mari approcher, mais il sursauta quand Jacques lui posa amicalement la main sur l’épaule. Le tatoueur regarda le vieil horloger lui adresser un triste sourire, et puis s’asseoir au chevet de sa jeune épouse.

Jacques caressa amoureusement les cheveux de Laura, haletante sous les coups de boutoir de son amant. Elle aurait pu prendre le sexe de Jacques en bouche, mais il avait toujours considéré la fellation comme une forme de réanimation. Désormais, ce ne serait plus qu’une pathétique tentative de résurrection. Son cas était irrémédiable. Sur le point de jouir, elle prit la main de Jacques pour la serrer entre ses doigts. Elle vit alors, pour la première fois, tatouée à l’aine de son époux, une ancre de marine identique à celle que portait Ruiz. Une petite ancre fine, à la verge verticale. Ce serait désormais la seule verge raide qu’il n’aurait jamais sur le ventre.

Jacques regarda le magnifique dessin qu’avait réalisé Ruiz sur les reins de son épouse. C’était un voilier en pleine tourmente. Il songea alors qu’il ne faut pas lier une vie à un seul espoir ni un navire à une seule ancre.

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PrixNouvelleErotique.jpgSi vous avez participé au Prix de la Nouvelle Érotique, vous avez sans doute reconnu la double contrainte du 25 Octobre dernier. Vous avez aussi compris que je ne fais pas partie des 30 heureux élus mais des 212 malheureux déçus. Libre de faire ce que bon me semble de ce texte, je le publie tout simplement sur mon blog.

Et vous, ami auteur qui partagez mon sort, qu’allez-vous faire de votre nouvelle qui vous aura coûté, à vous aussi, une nuit de sommeil ? Si vous décidez de la publier sur votre blog ou toute page en libre accès, n’hésitez surtout pas à me l’indiquer en commentaire et je me ferai un plaisir d’établir un lien vers votre nouvelle ici-même:

Ainsi célébrons-nous virtuellement notre passion commune pour l’écriture, que nous avons ressentie au cours de ce combat personnel au souvenir prégnant toute la nuit du 24 octobre 2015, où nous aurons donné le meilleur de nous-même pour atteindre ainsi une certaine vision de l’élite, fut-elle modeste.

21 février 2016

Réflexions capillaires

golfe.jpg

« Les golfes se creusent de plus en plus. »

Face au miroir je ne peux que constater les ravages du temps sur mon crâne. Le coiffeur, pas un de ces minets barbus qui vous vendent le dernier shampoing, que dis-je, le dernier soin à la mode, mon coiffeur donc, un de ces vieux coiffeurs pour hommes dans son salon de banlieue sans prétention, me répond avec son sourire narquois vissé au visage : « Que voulez-vous, c’est notre croix à nous, les hommes. »

Debout derrière moi, il continue de m’essuyer la tête où la calvitie avance ses pions, tout en me regardant bien en face dans le miroir. « Remarquez, vous n’avez pas à vous plaindre, vous en avez encore là ! » ajoute-t-il en désignant d’un coup de menton l’arrière de mon crâne. J’acquiesce tandis qu’il ajuste la collerette. « Je préfère ça. Au moins je peux regarder le problème en face » dis-je pas mécontent de ma répartie face à mon coiffeur madré. Il rigole un coup, et puis il se retourne en me désignant, dans le reflet du miroir, la tonsure qui règne au sommet de son crâne : « Moi, on me fait des réflexions ».

11 février 2016

Osez 20 histoires de correspondance érotique

Osez20HistoiresDeCorrespondanceErotique.jpegCette fois-ci, j’ai impatiemment attendu de recevoir mon exemplaire du dernier recueil de la collection Osez 20 histoires dans ma boîte à lettres, avant de me jeter dessus comme la petite vérole sur le bas clergé. J’ai été agréablement surpris par la diversité du traitement du thème. La correspondance apparaît parfois dans la forme épistolaire de la nouvelle, que ce soit à une voix, deux voix, voire plus si affinités. Mais elle en est parfois l’objet, voire à la fois la forme et le fond, comme dans cette remarquable Correspondances de John Elliott. Je vais, à la différence de ma dernière chronique, vous donner un aperçu plus exhaustif de cet opus, parce ce que c’est selon moi un grand cru. Je vous prie donc de me pardonner la taille excessive de cette note. En la matière, plus c’est bon, plus c’est long.

Avec La reine des abeilles, Axelle F. nous sert l’histoire fort agréable de la seule serveuse d’un grand restaurant qui reçoit des avances rédigées sur le bloc de commande. Je regrette la position du narrateur omniscient alors que l’auteur décrit uniquement le point de vue de la serveuse, mais le rythme est relevé par l’échange épistolaire pétillant aux réparties audacieuses :

« Petite garce. Tu veux me rendre fou. Et puis ce sillage, ton parfum mêlé à ta transpiration. Ça m’a mis la bite en feu, ça. Au bar, j’étais comme un lion en cage. Peux-tu t’imaginer ce que c’est pour un mâle en rut d’avoir le désir qui piétine ? Je te regardais virevolter en salle, les nichons expressifs dans ton décolleté. Il m’a fallu tirer plusieurs fois sur ma tige pour la remettre en place. »

Mélanie et Geek82 d’Anne-Charlotte Tunroc nous plonge dans les pensées d’une jeune thésarde qui se soumet aux ordres pervers d’un inconnu d’internet :

« C’était absurde car j’aurais pu répondre oui sans le faire. Mais je le fis car j’aimais sa manière de me donner des ordres. J’étais fatiguée, mais ma curiosité était éveillée, et j’aimais cette demi-passivité où j’étais plongée. Ça me plaisait d’être sa marionnette. Je laissais ma nuisette tomber sur mon ventre. Je regardais mes seins et je constatais qu’ils pointaient. »

J’aime beaucoup Vincent Rieussec. Avec L’été de l’hirondelle, il nous propose une délicieuse nouvelle épistolaire du seul point de vue d’une femme adultère, qui écrit ses aveux complaisants à son mari cocu. Les hésitations du premier rendez-vous sont décrites avec autant de finesse que sa pornographie délicate :

« Jason a contemplé un instant ma vulve entrouverte nappée de sécrétions poisseuses. Puis il s’est allongé, et des deux mains, il a déployé les petites lèvres trempées d’un jus oncteux. Longuement, il a respiré ma chatte s’enivrant de son fumet. Sa verge se dressait comme un mât de cocagne. Avec application, en gourmet, il a léché le fouillis des muqueuses brûlantes. Soûlé par les vapeurs de mes chairs, il a plongé plus profond sa bouche dans la vulve ouverte et fouillé de la langue mon vagin à la recherche de la mouille grasse qu’il adore tant déguster. »

Je ne connaissais pas John Elliott mais j’ai été tout simplement bluffé par sa nouvelle épistolaire intitulée Correspondances. Elle n’est certes pas aussi excitante que celle de Vincent Rieussec, mais elle est structurée avec une intelligence telle qu’il est parvenu à enchâsser deux correspondances et nous tenir en haleine. On retrouve une même maîtrise chez Clarissa Rivière, dont les Défis épistolaires sont, je dois l’avouer, particulièrement bandants. Il est vrai que cette situation, celle d’un homme qui séduit une femme par écrit pour l’enjoindre à coucher dans les draps ce qu’ils ont couché sur le papier, ne m’est pas inconnue. Je ne résiste pas au plaisir de vous en livrer un passage, où on reconnaîtra l’usage si particulier du verbe aimer cher à l’auteur, mais aussi l’apparition du verbe baiser. Oh ! Clarissa !

« Son maître ne l’a pas fouettée, ni frappée ce soir-là. Il a fait bien pire. Il s’est contenté de l’ignorer pendant qu’il me déshabillait, me caressait. Il m’a aimée longuement, avec feu, sans fatigue apparente. Il s’arrangeait pour me baiser tout près de Marie, qu’elle puisse voir nos sexes s’emboîter malgré ses yeux baissés, sentir l’odeur de nos désirs. Il lui a ensuite ordonné de me faire plaisir, d’un ton sans réplique, et Marie s’est aussitôt exécutée. Elle s’est mise à me lécher tendrement le clitoris tandis que je me faisais prendre vigoureusement par-derrière. Oh, le contraste entre la douceur de sa langue et les coups de boutoir dans ma chatte ! »

La correspondance se prend en queue, de Nicolas Touky, est elle aussi un petit bijou d’originalité qui me rappelle les délices du vouvoiement érotique. Imaginez mesdames, qu’un inconnu dans le métro glisse son adresse dans votre petite culotte. La correspondance qui s’en suit ne manque pas de saveur :

« Mes narines frétillent encore au parfum subtil que vous avez eu la délicieuse audace d’apposer sur ce petit papier. J’ai bandé, madame, en le humant, les yeux fermés. Je bande encore en pensant à la source originelle qui a su produire ce fumet évocateur des sous-bois fleuris de mon enfance, d’un printemps précoce, d’une rosée abondante, chauffée au soleil de mai et qui exhale les parfums enfouis d’un humus généreux. On en mangerait.»

Avec Le secret de tante Anne, Amandine Gantois nous propose, à l’instar de John Elliott, le scénario de la découverte d’une ancienne correspondance aux accents romanesques, entre une bourgeoise visiteuse de prison et un détenu gitan :

« Anne, si je vous avoue sans pudeur mes pensées, c’est pour que vous ne perdiez pas de vue qui je suis. Je vous souillerais comme une vulgaire poupée de chiffon. Je vous baiserais sans ménagement, et une fois repu, je vous laisserais là. Est-ce vraiment cela que vous voulez ? »

Raphael Boudin joue la carte d’une relation atypique entre une femme âgée et un adonis imbu de sa jeunesse dans Vous ne retrouverez jamais plus, une nouvelle aussi intelligente que cruelle :

« Vous n’êtes plus jeune. Vous n’êtes plus ni baisée ni baisable depuis des décennies. Et pourtant, vous souhaitez l’être, de tout votre corps. Vous ne pensez qu’à ça. Vous vivez dans le regret. Ce don rare, ou plutôt cette dépendance à l’amour physique qu’il vous reste, je l’aime. Car cela vous met à ma merci… »

Je n’étais pas parvenu à lire Julien Ligny dans le précédent recueil et j’ai abordé à reculons sa dernière nouvelle intitulée Le rouge de ta queue. On retrouve toujours le thème de l’homosexualité masculine qui ne m’excite pas personnellement, mais j’ai trouvé cette nouvelle aussi bien écrite que bien construite. La juxtaposition de la correspondance et des pensées du protagoniste principal est particulièrement réussie. Entre amis, de Louise Laëdec joue la carte de l’erreur de destinataire dans une correspondance subtile et excitante, pleine de sous-entendus, qui entraîne des amis vers l’adultère et la trahison :

« Chère Anna, Théo a beau être mon meilleur ami, il n’en reste pas moins que je t’apprécie énormément, et que je suis navré qu’il ne parvienne pas à te satisfaire. Votre vie sexuelle ne me regarde pas, en effet, mais quelque part, je ne peux pas m’empêcher de penser que ton erreur de destinataire est un acte manqué… En tant qu’homme, peut-être pourrais-je t’aider… »

Encore une nouvelle épistolaire avec Un seul être vous manque de Jean Darmen où une femme attend son amant et découvre… mais que découvre-t-elle au juste ? On ne le sait qu’à la fin de ce texte bien mené mais si soft qu’il n’est peut-être pas aussi excitant qu’il aurait pu l’être. On ne peut pas en dire autant du texte d’Aude Dite Orium intitulé Lettre ouverte à Colette James auteur de nouvelles érotiques, qui est ni plus ni moins que la description d’un viol collectif. Je déteste être excité par l’abject, même s’il me faut bien reconnaître ce talent à l’auteur. Ce recueil se termine par ma nouvelle préférée, Des mots de feu de Julie Derussy. L’auteure est parvenue à allier le souffle romanesque à un érotisme torride, tout en distillant des phrases remarquables que je ne citerai pas pour ne pas dévoiler l’intrigue. J’ajouterai simplement que le prénom de la principale protagoniste a été judicieusement choisi.

MensongesAuParadis.pngQuant à moi, je vous propose Mensonges au paradis, une nouvelle épistolaire perverse, à plusieurs voix, inspirée par le modèle indépassable des liaisons dangereuses, bien que son ton soit résolument moderne. Sur ces encouragements à lire cet opus, je vais me remettre à l’ouvrage car j’ai une histoire de vestiaires sur le feu…

13:57 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : écriture, erotisme

07 février 2016

Prostitution et pénalisation du client

047_protitution1.gifJ’ai lu avec intérêt l’article d’Emma sur Paris Derrière à propos la pénalisation des clients des prostituées, et je m’apprêtais à y répondre lorsque j’ai réalisé que ce que j’avais écrit était bien trop long pour un commentaire, mais bien assez long pour faire l’objet d’une note.

Emma pense que cette mesure va avant tout pénaliser les clients pauvres :

Sauf que pénaliser le client, c’est pénaliser les pauvres, les sans dents. Les riches n’ont jamais vraiment besoin de faire appel à des prostitués. Les riches, parcequ’ils sont riches, attirent forcément facilement toutes sortes de femmes. La tune, c’est les muscles d’antan. C’est la course au mal dominant. (Ce qui ne grandit pas les femmes, nous sommes d’accord et ça aussi, ce n’est pas une fatalité.) Et quand bien même les plus aisés s’offrent des prostitués, ils n’iront jamais jouer les michetons boulevard de la Villette, en prenant le risque d’une amende. Beaucoup d’hommes font aussi leur choix bien au chaud, chez eux via internet où pullulent les réseaux d’escorts. Le tout est livré à domicile ou à l’hôtel. Les filles se déplacent, ils ne prennent pas le risques. Tout se passe en vase clôt, à la merci de l’éventuelle violence du client.

Je ne suis pas tout à fait d'accord avec elle. A l'heure de la surveillance généralisée sur internet, il sera assez facile de débusquer les clients plus aisés qui passent par les sites d'escorts et se font livrer des filles à domicile ou à l’hôtel. Rien de techniquement impossible puisqu'on trouve bien les consommateurs d'images pédophiles. Le montant de l'amende pourrait aussi rentabiliser la traque du client qui paiera sans discuter ses 1500 euros plutôt que d'essuyer la honte d'un appel au tribunal, sans parler de ses éventuels déboires conjugaux. En fin de compte, la consommation de la prostitution serait réprimée comme un excès de vitesse. Le racolage est permis tout comme on vend des voitures dites "sportives", alors que la "consommation" et l’excès de vitesse sont pénalisés. Ainsi le gouvernement ponctionne un business plutôt que de l’éradiquer. Quand les caisses sont vides, la fin justifie les moyens.

On peut donc aisément imaginer que le cœur de l’activité va quitter la place publique sans pour autant disparaître. Les clients partiront à l’étranger pour ceux qui sont prêts à se taper mille bornes pour aller tirer un coup dans des maisons d'abattage à la frontière allemande ou espagnole, ou bien sur le darknet. Je n'ose imaginer quels "services" y seront proposés aux clients français en toute illégalité. Et certains iront tenter leur chance en club libertin.

Je me souviens avoir rencontré au Pluriel Club, voici quelques années, un trentenaire qui jouissait d’un certain succès parmi les femmes présentes. J’avais été frappé par son vocabulaire. Il n’utilisait pas le terme « club libertin » mais « bordel ». La plupart des hommes seuls qui vont en club sont là pour tirer leur coup, comme au bordel mais sans la culpabilité d’une relation tarifée avec une professionnelle. Pour un prix voisin (une entrée au Moon City coûte 150 euros à un homme seul) ils ont le petit espoir de rencontrer une sex-friend qui leur permettra d’accéder au sésame des « soirées couples ». On pouvait d’ailleurs lire sur le blog de Camille les témoignages d’hommes qui venaient aux soirées couples escortés d’une prostituée chinoise au comportement particulièrement vulgaire.

La crainte d’être pris en flagrant délit poussera sans doute certains clients des prostituées vers les clubs libertins où ils espéreront en avoir pour leur argent. Quel comportement adopteront-ils ? Celui de la séduction subtile alors qu’ils n’ont pas la gueule de l’emploi ? Ou bien l’étalage d’une richesse apparente, avec bouteille de champ ostentatoire afin d’attirer les « libertines » qui veulent « joindre l’utile à l’agréable » ? Une chose me paraît certaine, cette mesure moralement louable et justifiée, contribuera à l’amalgame entre libertinage et prostitution.

Enfin, je ne vais sans doute pas me faire des amis en mettant les pieds dans ce plat, mais quid de la pornographie ? Les professionnelles et semi-professionnelles qui s’y livrent le font elles par plaisir ? Ne nous voilons pas la face, l’immense majorité des actrices pornos subissent cela pour l’argent. Puisqu’elles se font baiser sans ménagement par des inconnus pour de l’argent, je ne pense pas être dans l’erreur en affirmant qu’elles se prostituent. Se repaître du spectacle de cette prostitution serait licite, mais s’y adonner ne le serait pas ? Les producteurs de films pornographiques français seront-ils poursuivis, comme des clients qui payent une prostituée pour avoir une relation sexuelle, fut-ce avec un autre, en l’occurrence un hardeur ? La question mérite d’être posée.

19:44 Publié dans Réflexions | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : prostitution

04 février 2016

Vagant le terrible

J’ai rencontré Carole il y a plus de quinze ans, sur le forum Aventures d’auFeminin. Je serais bien en peine de vous retracer les détails de nos conversations, mais elles ont assez rapidement dérivé sur le terrain érotique où Carole avait un talent certain. C’est avec elle que j’avais signé In Clito Veritas. Pharmacienne de son état, mariée depuis quelques années, elle était globalement heureuse dans son couple, comme on peut l’être après avoir voulu devenir mère, mais sans parvenir à redevenir femme auprès d’un mari assoupi. Ainsi avait-elle cédé au désir de prendre un amant. Le parjure consommé, elle finit par prendre goût à l’illégitimité et en prit un second. Il n’y a que le premier pas qui coûte. Quand j’ai connu Carole, elle en avait déjà trois, très différents les uns des autres. Elle décida que je serai le quatrième point cardinal nécessaire à son équilibre.

Accorder nos agendas pour une première rencontre ne fut pas le plus simple, mais je m’engageai le cœur battant dans un périple de six heures de train pour quatre heures d’amour. Je résistais encore au téléphone portable à cette époque, et lorsque je suis arrivé à la gare de notre rendez-vous, j’ai suivi le protocole que nous avions mis au point. Je l’ai appelée à partir d’une cabine téléphonique qu’elle m’avait indiquée, et j’ai attendu qu’elle m’autorise à me retourner pendant qu’elle approchait derrière moi. Nous n’avions jamais échangé la moindre photo. J’ai été surpris de voir une petite femme pétillante d’une trentaine d’années, aux cheveux roux et frisés. Très franchement, ce n’est pas le genre de femme sur lequel je me serais retourné dans la rue, d’autant que ce n’est guère mon style de me comporter de façon aussi ostentatoire. Mais lorsqu’elle m’a littéralement pris par la main en me disant « Allez, vient ! », j’ai senti aussitôt mon sexe gonfler dans mon pantalon.

Je la suis dans un hôtel de l’autre côté de la place. Avis de tempête dès notre arrivée dans la chambre. Nous nous jetons l’un sur l’autre. Je l’embrasse goulûment tandis qu’elle m’attire sur le lit. Nos vêtements volent. Mes lèvres découvrent ses petits seins aux pointes tendues alors qu’elle me griffe le dos. J’esquive son string. Sa chatte épilée ruisselle sous mes doigts. Je crois bien ne pas avoir pris le temps de lui ôter sa lingerie avant de la prendre, en urgence. J’étais un amant particulièrement fougueux à cette époque, doué d’une belle capacité à bander, éjaculer, et bander de nouveau, cinq ou six fois de suite. Intensité est le meilleur qualificatif de notre étreinte.

Vers midi, pose sandwich. Adam et Ève pique-niquent sur le lit, la pomme croquée jusqu’au trognon. Je me souviens alors du petit paquet apporté à l’intention de Carole. Je la savais gourmande, et je suis sûr de mon choix. Elle déchire l’emballage et fait la moue devant le godemichet noir. Elle avait prévu pour moi quelque code de plus délicat en m’offrant un stylo. Notre rencontre est définitivement sous l’égide de l’érotisme. Quelques minutes plus tard, en soixante-neuf, elle apprécie pourtant que je lui glisse dans la chatte ce godemichet tout en lui léchant le clitoris. « Tu es un gang-bang à toi tout seul ! » me souffle-t-elle entre deux gémissements. Les orgasmes se succèdent et je me sens pousser des ailes. Combien de temps cela pourrait-il durer ? Sa langue magique me redresse une fois de plus. Elle m’enjambe et, cuisses écartées, genoux fléchis, en équilibre sur les pieds, elle me sort « Six ans de danse classique ! » avant de s’empaler sur mon dard et remonter à la seule force des jambes. Cette fois-ci, c’est elle qui me baise, jusqu’à ce que je n’y tienne plus, que mes hanches percutent les siennes, et que nos sexes encastrés nous projettent dans notre dernier orgasme.

Seconde rencontre quelques semaines plus tard. J’entre dans la chambre d’hôtel où Carole m’a promis deux cadeaux intimes. Le premier m’attend sur la chaise, tout enrubanné de satin et de dentelles. Je me demande encore comment Carole est parvenue à s’attacher ainsi, les yeux bandés. Ce jour-là, elle m’offre son anus. Je le prends en douceur. « Qu’est-ce que c’est bon de se faire enculer », me souffle-t-elle quand j’explose en elle. C’est ma première sodomie. L’autre cadeau est plus intime encore, c’est une bouteille dont l’étiquette représente un château bordelais. Elle me montre du doigt une des fenêtres et me dit que c’était celle de sa chambre. J’ai longtemps gardé le cadavre.carole,erotisme

C’est à la fin de ce second rendez-vous que Carole a pris cette photo. Elle décida que parmi ses quatre amants, j’étais indubitablement le sud. Quelques semaines plus tard, elle ne suivait plus que ma direction, mais ça, c’est une autre histoire.

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22 janvier 2016

Un papier de soi

VagantCdE.pngVoilà, c’est fait, Carnet d’Eros m’a croqué tout nu. J’ai toujours apprécié son travail qui associe textes et peinture, et j’avais littéralement flashé sur son œuvre qui illustre la couverture de Mon chien Picchi . Je crois que c’est à ce moment-là qu’a germé l’idée des nus participatifs, où le modèle écrit un texte personnel manuscrit sur un papier qui est ensuite intégré à l’œuvre elle-même.

Compte tenu des contraintes géographiques, je n’ai pas fait le voyage à Marseille pour poser nu, mais j’avais juste envoyé une simple photo, prise par Mathilde pour cette occasion. Il m’aura fallu plus d’un an pour trouver l’inspiration et écrire un texte adapté à la pose. Curieusement, je ne suis pas le seul à avoir fait ainsi attendre notre ami, comme quoi l’exercice ne doit pas être si facile.

J’ai ensuite rencontré Carnet d’Eros à l’occasion d’un de ses voyages à Paris. Il m’avait apporté un papier à la texture bien particulière pour y écrire mon texte si personnel. Un texte sur soi sur du papier de soie. Son travail a enfin pu commencer, et je suis heureux de pouvoir vous présenter son dessin, auquel il ne manque plus que la parole.

23:08 Publié dans In vivo | Lien permanent | Commentaires (2)

13 janvier 2016

La calèche

calecheVoici bien trop longtemps que je n’ai pas publié de nouvelle érotique sur ce blog, et ce n’est pas vraiment aujourd’hui que je vais m’y remettre. D’une part parce je l'ai fait hier, et d’autre part par ce qu’elle vous attend sur le blog LELO qui me fait l’honneur de la publier.

Vous constaterez aussi, fidèle ami lecteur, que cet article n’est pas catégorisé. Est-ce donc une histoire vraie, ou bien une vraie histoire inventée de toutes pièces ? Je vous propose de donner votre avis sur twitter avec ce sondage.

 

Vous avez une journée pour le faire, et je répondrai à vos éventuelles questions ici même en commentaire.
Au plaisir de vous lire !

00:00 Publié dans Défis | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : fiona, erotisme

26 décembre 2015

La photo cache misère

Ma dernière note de l’année est consacrée à une des grandes questions que les femmes se posent à propos des hommes en ce début du XXIe siècle, rien que ça. On en parle un peu partout, en France comme à l’étranger, sur les blogs et les réseaux « sociaux » spécialisés, sans pour autant analyser les raisons profondes de ce comportement mystérieux :

Pourquoi nous envoient-ils une photo de leur bite ?

J’émets l’hypothèse que cette conduite découle directement de la consommation de films pornographiques, ce que je vais étayer par la théorie du désir mimétique : « L’homme désire toujours selon le désir de l’Autre ».

Dans Mensonge romantique et vérité romanesque, René Girard a appliqué cette thèse à l’analyse des grandes œuvres romanesques, dont on ne faisait auparavant qu’une lecture romantique, en imaginant la naissance spontanée du désir du sujet pour son objet. Le premier exemple est Don Quichotte qui désire une vie chevaleresque. Cette aspiration n’est pas née ex nihilo dans un esprit malade, mais s’est installée après une consommation effrénée de romans de chevalerie, dont le héros est Amadis. Dans ce triangle du désir, Don Quichotte est le sujet désirant, fasciné par le médiateur Amadis, héros des romans de chevalerie qui désigne l’existence chevaleresque comme unique objet de désir. Le désir n’est pas un simple lien entre le sujet et l’objet du désir, mais s’inscrit dans un désir triangulaire schématisé de la façon suivante :

MediationExterne.png

Amadis étant un personnage imaginaire, issu de la littérature médiévale, le médiateur est dit externe. Il influence le sujet et éclaire l’objet, mais il ne peut pas entrer en concurrence avec Don Quichotte. Girard observe le même phénomène avec Emma Bovary qui désire à travers les héroïnes romantiques dont elle a l’imagination remplie. Chez Stendhal, Julien Sorel essaie d’imiter Napoléon, et emprunte aux confessions de Rousseau la prétention de manger à la table des maîtres plutôt qu’à celle des valets. Toutes ces vanités sont empruntées à autrui. On retrouve une telle vanité au début de Le Rouge et le Noir lorsque M de Renal s’imagine que M. Valenod, pourrait lui enlever le futur précepteur de ses enfants. Pour qu’un vaniteux désire un objet, il suffit de le convaincre que cet objet est déjà désiré par un tiers auquel s’attache un certain prestige. Le médiateur est alors un rival que la vanité a suscité avant d’en exiger la défaite. Une telle médiation est appelée médiation interne. Le désir triangulaire est toujours là, mais la distance entre le sujet et son médiateur s’amenuise au point qu’ils peuvent entrer en concurrence. En fin de compte, le sujet désire être le médiateur, ce qui s’exprime par la rivalité pour accéder au même objet, comme René Girard le montre chez Proust et Dostoïevski.

MediationInterne.png

Le désir mimétique n’est pas restreint au roman. On le retrouve au cinéma, appliqué au film Eyes Wide Shut sur le site Traversée des apparences. La publicité Nespresso en donne aussi un merveilleux exemple avec Georges Clooney qui désire plus que tout une tasse de café. Les femmes fascinées par Georges Clooney désirent donc la tasse de café (médiation externe). Toutefois, elles peuvent entrer en compétition avec lui puisqu’il n’est plus une star inaccessible, mais un homme croisé au hasard (médiation interne). What else ? Le désir mimétique mis en scène dans la pub nespresso est conçu pour fonctionner avec le téléspectateur qui désire ressembler à Georges Clooney (médiation externe), ou tout au moins avoir le même succès auprès des femmes, et désire donc lui aussi cette fameuse tasse de café. Ô vertige du marketing !

C’est à cause de ce même désir mimétique que des enfants vont avoir tendance à se battre pour un même jouet devant la profusion de l’arbre de Noël, chacun s’imaginant que celui de l’autre est supérieur au sien. C’est aussi le désir mimétique qui explique qu’une volée de pigeons va lutter pour le même croûton de pain, alors qu’il y en a assez pour chacun.

Cherchons maintenant les triangles du désir mimétique dans un film pornographique de base, le gonzo hétéro en accès libre et au scénario étriqué. Que voit-on ?

  • Le corps de la femme sous à peu près tous les angles, avec de gros plans sur ses orifices et son visage.
  • Peu de choses du corps de l’homme, essentiellement son sexe en érection, jamais au repos.
  • La femme hurle de plaisir durant la pénétration. Le fait que ce soit simulé ou pas est anecdotique. Ce qui est présenté est le spectacle du plaisir féminin.
  • L’homme vocalise peu son plaisir. Lorsqu’il parle, c’est le plus souvent pour donner des ordres et proférer des insultes.
  • L’éjaculation est le point d’orgue du film. C’est presque toujours une éjaculation externe (l’éjaculation interne étant la « spécialité » cream-pie) sur les fesses, les seins ou le visage de la femme. L’éjaculation tient lieu de spectacle du plaisir masculin.

Le spectateur d’un tel film est le sujet désirant, fasciné par le médiateur externe constitué par le hardeur qui désigne l’éjaculation comme ultime objet de désir. Il en va de même pour la spectatrice fascinée par l’actrice qui semble attendre impatiemment l’éjaculation finale qu’elle accueille victorieusement.

DesirMimetiquePorno.png


Avec l’apparition des films amateurs, le médiateur se rapproche du sujet, puisque n’importe qui peut se retrouver devant l’objectif. La médiation qui était externe au cinéma classique devient interne avec la pornographie amateur. Le sujet désire donc être le médiateur, selon la théorie du désir mimétique, et il adopte ainsi le comportement mis en valeur par la pornographie. Pour un spectateur de sexe masculin, s’identifier au hardeur dont on ne voit quasiment que le sexe en érection, signifie se réduire à une verge.

Il n’apparaît donc plus aussi étonnant qu’un homme, dont la culture érotique est essentiellement les gonzos, communique son désir sexuel à une femme en lui envoyant la photo de son sexe, comme on peut le dire avec une rose rouge dans le langage suranné des fleurs. Tel est l’héritage de la porn-culture. La femme qui s’y complaît pourra répondre avec un certain à-propos « give it to me ». Celle qui a une autre acception de l’érotisme comprendra les références de son interlocuteur et jugera de la suite à donner en connaissance de cause.

Cette thèse du mimétisme de la pornographie permet aussi d’expliquer le développement de produits « dopants », en particulier ceux destinés à augmenter le volume de l’éjaculation, recommandés par certains organisateurs de gang-bangs et bukkake. Il est évident que ces éjaculations n’ont pas vocation à être internes, ni à remplir un préservatif, ni à intensifier le plaisir physique de l’homme qui est totalement indépendant du volume éjaculé. Ces éjaculations volumineuses satisfont le désir de l’amatrice qui s’identifie à l’actrice porno, au même titre que l’amateur de pornographie s’identifie au phallus du hardeur.

Si vous êtes convaincue par mon explication, ne vous offusquez donc plus de recevoir de telles photos [ édition du 29/12: Attention, second degré ! il est parfaitement normal que vous vous sentiez agressée par un tel acte d'exhibitionnisme non sollicité. Que les explications ci-dessus vous persuadent que vous n'en êtes pas la cause, mais la victime, afin d'agir en connaissance de cause et sans état d’âme ] . Considérez simplement que c’est un moyen de gagner du temps, qui permet à l’un comme à l’autre d’anticiper le comportement sexuel de l’interlocuteur. À vous de mettre cela à profit selon vos attentes.

13 décembre 2015

De Proust au candaulisme

Je lis actuellement avec ravissement Mensonge romantique et vérité romanesque, de René Girard. Je ne développerai pas la théorie du désir mimétique sur ce blog, ni la démonstration magistrale qu'en fait René Girard dans l’art du Roman, mais en donnerai un avant-goût avec La Prisonnière de Marcel Proust :

la-prisonnière1.jpgIl arriverait, si nous savions mieux analyser nos amours, de voir que souvent les femmes ne nous plaisent qu’à cause du contrepoids d’hommes à qui nous avons à les disputer, bien que nous souffrions jusqu’à mourir d’avoir à les leur disputer ; le contrepoids supprimé, le charme de la femme tombe. On en a un exemple douloureux et préventif dans cette prédilection des hommes pour les femmes qui, avant de les connaître, ont commis des fautes, pour ces femmes qu’ils sentent enlisées dans le danger et qu’il leur faut, pendant toute la durée de leur amour, reconquérir ; un exemple postérieur au contraire, et nullement dramatique celui-là, dans l’homme qui, sentant s’affaiblir son goût pour la femme qu’il aime, applique spontanément les règles qu’il a dégagées, et pour être sûr qu’il ne cesse pas d’aimer la femme, la met dans un milieu dangereux où il lui faut la protéger chaque jour. (Le contraire des hommes qui exigent qu’une femme renonce au théâtre, bien que, d’ailleurs, ce soit parce qu’elle avait été au théâtre qu’ils l’ont aimée.)

Le candauliste utilise-t-il ce ressort de la jalousie pour raviver sa passion ? La question mérite d’être posée.

20:41 Publié dans Livre, Réflexions | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : candaulisme

23 novembre 2015

Osez 20 histoires de sexe et de pouvoir

Osez20HistoiresDeSexeEtDePouvoir.jpgLa semaine dernière, j’étais si pressé de lire ce recueil que j’ai téléphoné deux fois à La Musardine pour savoir s’il était disponible à la librairie. Il l’était vendredi, je l’ai aussitôt acheté et je l’ai dévoré en un week-end. Pour ne pas risquer de vous lasser, je n’évoquerai pas dans cette note toutes les nouvelles de ce recueil, mais je vais en donner un large aperçu, en commençant par le début.

Dans Pour quelques pages de plus, Auguste Boson décrit les scrupules d’un directeur de thèse qui manigance un odieux chantage pour profiter d’une étudiante. J’ai été particulièrement sensible à la description des tourments psychologiques du corrupteur, dans un style agréable illustré d’images originales :

« Il glissa sa main dans sa culotte. Le sexe de Graciu était doux et fortement humecté dans l’entrebâillement de ses lèvres. Il n’osa pas enfoncer un doigt tout de suite. Il prit plaisir à patauger avec son index dans ce petit ruisseau de la vallée, comme un chien en liberté au-dessus d’une flaque. »

Viviane Faure signe une nouvelle touchante et subtile sur une relation homosexuelle entre un quadragénaire marié et un jeune marginal, intitulée Vendredi, ce qui est à la fois le jour où les amants se retrouvent et une référence au roman de Michel Tournier, Vendredi ou les limbes du pacifiques. Comme dans le roman de Tournier, la relation de pouvoir est ambivalente entre les deux hommes.

Côté efficacité, Juliette Di Cen atteint son but avec À vos ordres, mon colonel, une histoire de militaires dont la simplicité est compensée par une bonne dose d’humour :

« J’ai l’impression de travailler sous les ordres du diable en personne, sauf que le mien s’habille en treillis ».

Pour la perversité du scénario, on se régalera avec Les sœurs du sacrifice, de Léon de Griffes qui nous embarque dans un complot qui dépasse sa théorie.

J’ai apprécié grandement, au sens propre comme au figuré, Vice & Versa de Lizzie Hopkins, dont la plume distille une habile pornographie au vocabulaire choisi sans jamais sombrer dans la vulgarité, qui nous décrit comment un hypnotiseur sans scrupule abuse de sa cliente :

« Son index trouva sans peine le clitoris durci. Il continua à la doigter énergiquement tout en baissant la tête. De la langue, il taquina les salières de Vénus, ces adorables fossettes qu’elle arborait au-dessus des fesses, descendit le long de la crête sacrée, s’immisça dans la fente, se posa enfin sur la petite fleur mauve. Anne-Laure tressauta, mais il ne la lâcha pas. L’idée de sa laideur cramponnée à ce cul superbe pendant qu’il la fouillait à son aise lui procurait une sensation de puissance incroyable. »

Je regrette toutefois la description des souvenirs homosexuels dans l’esprit du thérapeute, mais tout est affaire de goûts. Ainsi n’ai-je pas pu lire Le prix du cul de Julien Ligny. Chacun son truc.

Toujours est-il qu’avec Le journal d’une stagiaire, de Nicolas Toukky, la tension sexuelle repart de plus belle, tout particulièrement avec une scène d’onanisme qui ne manque pas de... Seltz :

« Je me mets en tailleur sur la table, jambes ouvertes, je dévisse délicatement le bouchon, j’écarte mieux les jambes et je m’enfile aussitôt le goulot sans perdre une goutte d’eau gazeuse. Ma chatte est si mouillée que ça rentre très facilement, et même plus profondément que je croyais. Je suis surprise par un plaisir qui s’annonce intense. Mon idée est de secouer la bouteille si fort en va-et-vient que l’eau gazeuse va jaillir en moi à grands flots finement pétillants et créer une pression qui va faire gonfler mon vagin. Ce sera comme si Alban se vidait en moi en un geyser de foutre, mais frais et en fines bulles. »

L’autre histoire de stagiaire, signée Vespertille, qui est particulièrement bien construite, allie érotisme et suspens dans une succession de scènes vicieuses à souhait. Une stagiaire aux archives s’étale sur sept jours d'une semaine capiteuse et autant de péchés capitaux. On regrettera toutefois l’absence de la gourmandise.

Héloïse Lesage nous dresse, que dis-je, nous érige le portrait d’une bonne famille versaillaise dont la mère est prête à tous les sacrifices pour inscrire son rejeton dans une pension catholique courue. Ainsi Marie-Charlotte allie l’humour à l’érotisme avec un remarquable style propre à toutes les suggestions :

« M. Barthélémy se leva et s’assit sur le siège près duquel était installée Marie-Charlotte. Le cœur de celle-ci se remit à battre fort et vite, le sang qu’il éjaculait dans ses artères alimentait directement son sexe, son clitoris tambourinait aussi fort que son myocarde. »

J’avais déjà remarqué le talent de Vincent Rieussec dans Osez 20 histoires de punitions sexuelles. Avec l’année du Bac, il enchaîne d’un style alerte les scènes les plus débridées où une jeune lesbienne se déchaîne :

« Ma main part au-delà des bas. Pas de barrière pour les caresses les plus profondes ! Mes doigts s’enlisent dans le mucus qui trahit son excitation. Appuyée au dossier, passive, les cuisses ouvertes, elle se laisse faire. Vaincue d’avance, elle tente une dernière dénégation :
- Je t’en prie, arrête… j’ai honte, tu es si jeune… Tu pourrais être ma fille…
- Chut… Ne dis rien… Viens explorer le con de la petite salope qui a dû hanter tes nuits d’insomnie. »

Le recueil se termine sur une main de maîtresse, avec Maîtresse d’Ornella Caldi, récit aussi excitant que bien mené, qui laisse au non-dit le soin de suggérer le plus graveleux :

« Je ne sais pas ce qui me trahit alors, la fragrance caractéristique qui s’échappait déjà de ma jupe chaque fois que je décroisais les jambes, ou le fait justement que j’avais choisi de porter cette jupe, irrévérencieuse au possible, le jour où je décidai de commettre ma première erreur professionnelle. Quoi qu’il en soit, M. Verdier, en son statut d’homme très occupé, ne prit pas de détours. J’étais assise depuis à peine cinq minutes qu’il me demanda soudain si je préférais expier ma faute par sa main ou par sa verge. En bonne repentante, je lui répondit que c’était lui le mieux placé pour juger de la justesse de mon blâme. Une réponse qui sembla le ravir puisque je profitai, ce jour-là, de ma première pénétration anale, accoudée contre le bureau, exactement comme j’avais imaginé qu’il prenait mes prédécesseurs. C’est ainsi, le cul encore dilaté et la bouche imprégnée d’une amère sanction, que je retournai à mon travail, bien décidée à tout mettre en œuvre pour susciter à nouveau les foudres de mon supérieur ».

Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais pour moi, c’est du grand art.

YouCanLeaveYourHatOnVagant.pngIl est temps d’évoquer ma nouvelle You can leave your hat on dont je ne vous ferai pas l’article, d’autant que les plus fidèles de mes lecteurs pourraient reconnaître… je n’en dis pas plus. Toujours est-il que trouver son texte imprimé dans un vrai bouquin est un plaisir bien égoïste, au sens étymologique du terme.

Je terminerai avec la nouvelle la plus étonnante d’entre toutes, Wonder Croupe contre les hommes d’Aude Alisque. C’est tout simplement surréaliste, et dans cet adjectif il y a le mot réaliste, tel le regard de la trentenaire libérée sur ses plans Tinder :

« Je l’y rejoins. J’enchaîne les bières. Je sais que la boisson n’est pas réputée pour représenter le top de la féminité, mais j’ai envie d’avoir l’air de cette fille parfaite, à la fois ton pote et ta pute. Ça marche assez moyennement, voire pas du tout. Je me suis faite à l’idée que ces hommes rencontrés sur Internet ne cherchent pas en moi la femme qu’ils pourront aimer. Je ne suis que le vaisseau de leur plaisir d’un soir, et je prends le mien au passage. Ces hommes ne cherchent plus l’amour, ils picorent, prennent peur, et se rassurent dans le confort de leur solitude, sans prise de risque, jamais. »

Qui a dit qu’on ne pouvait pas écrire avec ses tripes dans un appel à textes ?

15:59 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (12)

15 novembre 2015

Osez 20 histoires d’amour multiculturelles

Pas le goût d’écrire. Mon esprit dérive entre tristesse, colère et angoisse. Tristesse parce que la grande majorité d’entre nous sommes tous à moins de quatre connexions relationnelles d’une des victimes de vendredi. Colère parce que je ne peux m’empêcher de penser que si nous en sommes là, c’est parce que nos gouvernements successifs poursuivent une politique étrangère irresponsable, sinon criminelle, mais d’autres le diront bien mieux que moi. Angoisse parce que c’est bien beau de clamer « tous unis ! » ou « Not Afraid », il est bien clair que Daech a les moyens de frapper à nouveau dès demain comme nous le rappelle Marc Trevidic. Et je ressens à la fois colère, tristesse et angoisse en lisant que les « ratonnades » ont commencé.

Quel succès du terrorisme qui n’a d’autre but que d’instiller la peur et la haine dans nos cœurs ! Il est bien évident que si les terroristes ont frappé le Paris festif, jeune, cosmopolite, c’est bien par esprit communautariste et détestation de tout ce qui ressemble au modèle d’assimilation français. Ce qu’ils veulent c’est la défiance des quartiers, les zones de non droit sous le joug de leurs dealers, le racisme et la xénophobie qui fournit son lot de désespérés en quête d’idéal, c’est-à-dire de chair à canon. Ce qu’ils détestent, c’est l’ouverture d’esprit, l’acceptation des différences, l’harmonie dans la diversité. Non seulement islamistes et islamophobes s'instrumentalisent les uns les autres, mais ils partagent quelques points communs, qu’on peut résumer à la haine, la haine qui s’oppose naturellement à l’amour.

Osez20HistoiresDeSexeMulticulturel.pngA notre petit niveau, que peut-on faire pour s’opposer à cette haine, nous autres auteurs plus ou moins amateurs spécialisés dans un genre bien frivole, sinon exalter l’amour et le sexe entre diverses cultures ? Osez 20 histoires d’amour multiculturelles est un fake, tout au moins pour l’instant. J’espère que la Musardine ne m’en voudra pas trop d’avoir imaginé un titre de leur fameuse collection, où deux de mes nouvelles seront d’ailleurs bientôt éditées. Cela est aussi un appel à texte informel pour un érotisme éthique, un érotisme de combat. Comme nous le rappelle Jean Zaganiaris "La littérature érotique est un genre socialement construit diront les sociologues. C’est aussi une formidable machine de guerre" .

Osons donc écrire des histoires érotiques dont les protagonistes sont de cultures différentes!

Osons prendre à revers les clichés et les préjugés raciaux!

Osons opposer aux obscurantistes de tous poils un éros solaire qui traversera leurs frontières iniques!

Ainsi demeurerons-nous fidèles aux Lumières dont les libertins devraient toujours se réclamer.

 

Edit du 18/11 : Je viens de découvrir cet entretien d'Eric-Emmanuel Schmitt qui exprime exactement la même idée :

"Les terroristes veulent nous diviser, que les Français non musulmans se mettent à haïr ou à suspecter les Français musulmans, ils veulent nous désolidariser, nous communiquer leur haine. Monsieur Ibrahim raconte l'inverse. C'est une histoire de tolérance, d'entente, d'amour. Je ne savais pas que parler d'amour, c'était faire de la résistance, mais samedi soir, je l'ai appris. Pour moi, le but de la littérature est d'abolir la distance entre soi et l'autre. Quand vous lisez un roman japonais, vous devenez Japonais. Mon objectif est que mon lointain soit mon prochain. Maintenant, aucun livre ne peut changer le monde, dit-il, mais un livre peut changer un individu complètement."

02 novembre 2015

Pour un érotisme éthique

Samedi soir dernier j’ai relevé un défi littéraire: écrire un texte érotico-fantastique dont le personnage principal serait une femme dotée d’une queue. Afin de me compliquer la tâche, je ne devais pas utiliser les mots suivants : « sexe, seins, membre, bouche, langue, désir, peau, caresse ».

PlugQueue.png

Cet exercice de style m’a semblé adapté à la fête d’Halloween, et je me suis inspiré d’un gadget mentionné sur le blog de Comme une image. Je n’en savais guère plus en commençant l’écriture. Au lieu de tout planifier à l’avance, j’ai laissé vivre mes personnages selon ce que m’inspiraient les lieux, notamment le trajet de la ligne C, le passage par Chaville, la proximité du bois de Meudon. J’ai ainsi fait tout le trajet de Camille vers l’Allée Noire sur Google Map en mode StreetView, j’ai découvert l’Étang des écrevisses, la proximité du cimetière. Je me doutais bien que l’homme-chien allait finir par rattraper la femme-chat puisqu’il me fallait aboutir à la scène sexuelle, mais je ne savais pas vraiment comment les choses allaient tourner avant de les écrire.

Compte tenu de la nature hybride de mes personnages, j’ai voulu éviter l’écueil zoophile en leur faisant retrouver leur humanité. C’est à ce moment-là que j’ai eu l’idée du geste de Camille qui tente de réveiller en douceur la sexualité humaine du monstre pour ne pas se faire dévorer. J’ai terminé mon histoire par une pirouette onirique et j’ai mis en ligne Terreur à Chaville sans me poser plus de questions.

C’est le lendemain que j’ai réalisé la portée de cette courte nouvelle et sa dimension malsaine. Si on considère ce conte comme une allégorie, la réalité sous-jacente est celle du viol : une jeune femme est poursuivie par un prédateur sexuel qui finit par l’attraper, et pour éviter la violence elle préfère négocier une fellation ce qui transforme l’abominable agresseur en gentil amant au cours d’une étreinte au plaisir partagé. Cette « morale » est purement et simplement abjecte. Elle est d’autant plus abjecte qu’elle est sournoise puisque le conte insinue, suggère la « bonne » attitude à adopter pour la jeune femme, justement celle attendue par le violeur qui estimera toujours que sa victime «l’a bien cherché».

J’aurais pu effacer mon texte mais il m’a semblé intéressant de le laisser pour démonter son fonctionnement et souligner sa perversité, afin d’encourager l’esprit critique du lecteur, potentiellement un jeune adulte. Je crois que l’esprit critique doit être encouragé, y compris dans le domaine de l’érotisme qui stimule la sexualité. Il aurait été irresponsable de ma part de laisser ce texte sans souligner son propos sournois, tout comme il aurait été dommage de ne pas en profiter pour poser la question de la responsabilité de l’auteur érotique vis-à-vis de ses écrits. Il ne s’agit pas d’encourager un retour à l’ordre moral à grands renforts de censure et de législations, mais je me demande si le bon sens ne devrait pas conduire les auteurs à un érotisme éthique, ce qui peut être paradoxal si on considère que l’érotisme doit être transgressif. Je me souviens m’être élevé contre le dernier roman d’Alain Robbe-Grillet et les jusqu’au-boutistes de la liberté d’expression, peut-être à tort puisque le romancier est censé avoir tous les droits dans les limites circonscrites par le Droit, même si je trouve dommage d’abandonner le bon sens à la légifération. Cette question demeure pour moi totalement ouverte, et je vous invite, ami lecteur, à partager votre opinion.

La question subsidiaire qui me taraude maintenant, c’est pourquoi Camille, mon personnage issu de ma seule imagination, a agi ainsi ? Je crois que cela signifie que mon inconscient a tout simplement intégré le modèle de la soumission féminine à la domination masculine, même si j’abhorre le viol et les rapports non consentis. Je n’ai tout simplement pas été capable d’imaginer la rébellion de Camille, ou encore qu’une chasseuse de passage dézingue le clébard pour libérer sa victime, l’accueillir dans son lit et lui faire retrouver forme humaine de la plus tendre des manières conformément aux tendances LGBT du moment.

 

31 octobre 2015

Terreur à Chaville

Lorsque Camille monta à Brétigny dans le RER en direction de Paris, elle se sentait déjà épuisée. La perspective de retrouver Jérôme la réjouissait, mais faire tout le trajet en portant au plus intime un plug anal qui se terminait en queue de renard ne l’enchantait guère. Elle avait eu beau essayer d’en enrouler la queue, son extrémité poilue arrivait tout de même à la limite de sa courte jupe. Un regard aguerri aurait pu remarquer quelques poils roux entre ses jambes, suscitant autant d’interrogations quant à cette nouvelle mode vestimentaire. Mais après tout, un soir d’Halloween, tous les délires étaient permis. Elle essaya de s’asseoir tant bien que mal sur une banquette tout en pestant intérieurement contre son amant qui lui avait imposé pareil gage. Elle parvint à se caler contre la cloison, se laissa bercer par le roulis du train de banlieue, et pour tenter de se reposer un peu avant une longue nuit festive, elle ferma un instant les yeux.

Quand elle les ouvrit de nouveau, l’esprit encore embrumé de sommeil, elle sentit une certaine gêne entre les cuisses. Elle n’avait jamais ressenti cette queue de renard avec autant d’acuité. Les poils lui semblaient plus drus contre ses fesses, sans doute irritées par le contact prolongé avec cette matière synthétiques. Toutefois, elle ne ressentait aucune gêne au niveau anal. Mais ce qui la dérangeait le plus, c’était surtout le regard étrange de ce jeune homme assis face à elle dans la rame curieusement déserte. Le moins que l’on puisse dire, c’est que son maquillage était particulièrement réussi. Ses oreilles pointues et velues paraissaient si naturelles qu’elles semblaient être des oreilles de berger allemand greffées à la place d’oreilles humaines. Aurait-il poussé le macabre jusqu’à se coller des oreilles de chien naturalisées, se demanda-t-elle en détournant les yeux, tant les fausses dents jaunes qui venaient d’apparaître dans son sourire carnassier lui inspiraient un profond dégoût. Elle  regarda par la fenêtre pour ne voir qu’une obscurité insondable. Le train semblait traverser des bois alors qu’il était censé arriver à Paris. Il ralentit en arrivant dans une station en plein air, éclairée par les lueurs blafardes de quelques lampadaires. Elle lut le nom avec incrédulité « Chaville – Vélizy »

Sans prendre plus de temps pour réfléchir, elle se précipita sur le quai. Elle dégaina aussitôt son portable de sa poche pour prévenir Jérôme qu’elle s’était endormie dans le train, qu’elle n’était pas descendue comme prévu à Saint-Michel, mais qu’elle avait traversé tout Paris en ronflant pour ne se réveiller que dans une lointaine banlieue à l’autre bout de la ligne. Peine perdue. Même pas de réseau dans cette station du bout du monde. Les portes du train se refermaient tandis qu’un voyageur s’en extirpait pour atterrir sur le quai après un saut de cascadeur. « Mademoiselle ! Mademoiselle ! » entendit-elle brailler derrière elle. Camille accéléra le pas pour échapper à la voix grave et pâteuse du dragueur de banlieue. A l’autre bout du quai, deux ombres claudicantes d’assez petite taille se dirigeaient vers elle. Elle allait passer en feignant de les ignorer mais ils lui barrèrent le chemin. « Alors ma petite chatte, on vient fêter Halloween avec les vrais gars ? » 

Camille ne voyait pas les visages des deux jeunes sous leur capuche. Elle ne distinguait que la lueur jaune de leur regard mauvais. Elle essaya de se composer une voix menaçante tout en réalisant vaguement le ridicule consommé de sa queue qui battait entre ses jambes, étrangement chaude dans la fraîcheur de cette nuit brumeuse.

—Je ne suis pas votre petite chatte et je n’ai rien à faire avec vous !

—Tu l’entends Marco, elle nous dit qu’elle n’est pas notre petite chatte avec ses petites oreilles pointues et ses yeux en amande.

Mue par un réflexe idiot elle porta une de ses mains à son oreille tandis que les deux jeunes faisaient tomber leur capuche. À ce moment-là, elle ne sut ce qui la pétrifiait le plus. Les deux jeunes n’avaient pas un visage humain. Ils avaient sur les épaules une tête de bouledogue noirâtre au museau écrasé et aux babines ruisselantes, qui semblaient lui adresser un mauvais rictus. Ces têtes de chien étaient si vivantes, d’apparence si peu artificielle que cela aurait été fascinant si ces deux gnomes n’avaient pas été aussi effrayants, ni menaçants. Mais ce qui la pétrifia véritablement, c’est ce qu’elle sentit sous ses propres doigts.

« Mademoiselle, vous avez oublié votre sac ! ». La voix qu’elle entendit derrière elle était si grave qu’elle n’avait plus grand-chose d’humain. Elle se retourna et dut lever la tête pour reconnaître le jeune homme du train. Elle ne lui arrivait qu’à l’épaule. Elle reprit son sac d’une main tremblante tandis que le jeune homme fixait les deux bouledogues avec un étrange rictus, tout en émettant un grognement guttural. Les deux gnomes s’écartèrent en renfrognant le museau. Camille avança à pas comptés avec le jeune homme dans son dos, à peine plus rassurée d’avoir échappé à ces deux loubards si incroyablement maquillés que d’être auprès de son inquiétant sauveur. Elle réalisa avec effroi qu’ils ne s’étaient écartés que lorsque le colosse, qui l’escortait maintenant d’un peu trop près, leur avait montré les crocs. Ils descendirent les escaliers de la station et elle s’apprêtait à les remonter pour prendre la direction opposée quand le jeune homme lui barra à son tour la route. « Alors ma petite chatte, on ne remercie pas son sauveur ? »

C’est à ce moment-là qu’elle vit clairement ce que ses yeux avaient évité depuis son réveil dans le train, ou qu’elle avait refoulé par un étrange mécanisme de déni, mais qui lui avait littéralement hérissé le poil dès qu’elle avait été en présence de cet homme maintenant menaçant. Mais était-ce seulement un homme puisqu’il n’avait pas des jambes humaines, mais des pattes de chien au pelage luisant qui disparaissaient sous son imperméable. Camille fit un saut en arrière et dévala les marches avec une rapidité inédite, poursuivie par l’homme-chien qui avançait sur elle en gloussant. Elle sortit de la station et s’enfonça dans la nuit en courant. Elle fila sur le parking de la gare, passa sous le pont, remonta totalement la rue de Jouy entre les tristes pavillons de banlieue avec l’homme-chien toujours à ses trousses, qui aboyait régulièrement des « Mademoiselle !» inhumains. Curieusement, elle voyait tout comme en plein jour malgré la distance entre les réverbères et la profondeur de la nuit. Camille savait qu’elle ne parviendrait pas à distancer l’homme-chien à la course, mais pressentait instinctivement qu’elle pouvait le semer dans l’obscurité. Lorsqu’elle vit le panneau indiquant l’Allée Noire qui traverse la forêt domaniale de Meudon, elle s’y précipita sans plus réfléchir. L’homme-chien l’avait déjà presque rattrapée.

AlleeNoire.pngElle se jeta dans un chemin de terre sur la droite, se faufila entre les arbres, choisissant les passages les plus étroits susceptibles de gêner la grande carcasse de son poursuivant. Petit à petit, elle regagnait du terrain. Quand elle passa à côté de l’étang des écrevisses, plongé dans la plus totale obscurité mais où il lui semblait pouvoir distinguer les grenouilles au bord de l’eau, elle s’arrêta un instant pour reprendre son souffle. Sa queue qui continuait de battre entre ses jambes commençait sérieusement à l’agacer. Elle la saisit d’une main et tira dessus d’un coup. Elle ne put réprimer un miaulement de douleur. Elle porta sa main à la base de la queue. Son cul était libre. Cette queue épaisse, dont elle ne pouvait maîtriser les mouvements, comme si elle avait une vie propre, était plantée dans son corps dans le prolongement de sa colonne vertébrale, en lieu et place du coccyx. Elle se mordit les lèvres jusqu’au sang pour ne pas pousser un autre cri, mais un cri d’horreur cette fois. Camille venait d’entendre un grand plouf suivi d’un aboiement rageur. Comme elle l’avait deviné, l’homme-chien y voyait moins bien qu’elle et il venait de tomber à l’eau. Elle sentit sur ses tempes s’agiter ses oreilles aux aguets. Elle n’eut pas besoin d’y porter la main pour savoir qu’elles n’étaient plus celles d’une femme.

Elle s’enfonça de nouveau dans les bois, mais dans l’autre direction cette fois, profitant de la débâcle de son poursuivant pour le semer complètement. Elle finit par tomber sur un grand carrefour au croisement d'une sombre départementale et de l’avenue de Vélizy, où passaient encore quelques rares voitures à cette heure tardive. Consciente qu’elle pouvait effrayer les automobilistes avec ses oreilles pointues qui s’orientaient en tous sens au moindre bruit, Camille s’enfonça un bonnet sur le crâne pour les masquer au mieux. Elle ne se projetait pas plus loin que le bout de la nuit, aspirant seulement à rentrer entière chez elle au plus vite. Demain serait un autre jour. Il lui vint tout de même à l’esprit l’idée saugrenue qu’elle pourrait faire fortune dans le porno avec l’appendice velu qu’elle avait désormais sur le cul. Etait-elle jolie avec des yeux en amande, ou plus précisément les pupilles verticales ? Elle abandonna ces considérations esthétiques en voyant arriver un poids lourd. Pas question de faire du stop poliment, elle se mit carrément en travers de la route, les bras en croix, pour forcer le camion à s’arrêter, ce qu’il fit dans un crissement de freins. La porte de la cabine s’ouvrit, mais ce qu’il en sortit était une telle abomination que Camille s’enfuit à toutes jambes et sauta par-dessus le premier portail venu.

Là, tout semblait calme, mais guère plus rassurant. Elle venait d’atterrir à pieds joints dans le cimetière de Viroflay. Elle se faufila entre les tombes, s’attendant à tout moment à voir surgir un monstre devant elle. Mais c’est une main qui se posa sur son épaule. Elle fit volte-face pour se retrouver devant l’homme-chien qui lui barrait le chemin. Encore tout dégoulinant, il émanait de son corps fumant une odeur répugnante de sueur humaine et de chien mouillé. Son imperméable était ouvert sur son corps nu monstrueux, à peu près humain jusqu’à la taille mais canin plus bas, là où les yeux de Camille refusaient de s’aventurer. Elle recula lentement jusqu’à se retrouver dos à un mausolée.

L’homme-chien se jeta sur elle. Il lui bloqua les poignets en tenailles entre ses doigts et lui planta les crocs dans le cou sans toutefois la blesser, bien qu’il pût aisément l’égorger. Voulait-il jouer avec sa victime avant de la mettre à mort comme le font souvent les prédateurs ? Camille n’eut guère le temps de se poser la question. L’homme-chien lui déchiquetait maintenant ses vêtements en remuant la tête frénétiquement, lui égratignant l’épiderme à chaque coup de dent. Qu’allait faire le chien qui régnait en lui devant une faible chatte, une fois qu’il sentirait le goût du sang ? Camille connaissait la réponse. Son seul salut était de réveiller ce qui restait d’humain dans ce monstre. Tandis que les crocs lui déchiraient son chemisier, arrachant au passage la dentelle de sa lingerie fine, elle essaya de tendre sa jambe entre les pattes de la bête, non pas pour la frapper au plus sensible, ce qui aurait pu lui faire gagner quelques minutes avant que ce monstre ne la dévore pour de bon, mais pour tenter d’exciter les instincts les plus primaires de son humanité, s’il en subsistait encore une part.

Le monstre recula et tira violemment Camille sur une stèle. Il plaqua le dos nu de sa victime sur le marbre froid et, ses pattes arrière de part et d’autre du visage de Camille, il lui arracha la jupe d’un coup de mâchoire. Elle avait sous ses yeux, juste au-dessus d’elle, l’anatomie de la bête dans toute son aberration. La taille humaine, les cuisses d’un chien et entre les deux, des organes qui tenaient à la fois des deux espèces. Elle surmonta son dégoût pour le toucher là, juste au milieu, très doucement, comme une douce flatterie. L’homme-chien émit un grondement qu’elle interpréta comme un grognement de plaisir. Il lui découpa son slip d’un coup de dent et fourra sa gueule entre les cuisses de Camille, femme-chat dont la queue battait l’air comme prise de panique. Elle retint son souffle, approcha son visage de l’aine du monstre et lui donna un petit coup de langue sur le fourreau. La bête ne tarda pas à réagir. Comme son pénis s’érigeait sous les yeux de Camille, il semblait peu à peu prendre forme humaine. Cela l’encouragea et elle commença à le sucer plus franchement. Quand l’érection de la bête fut totale, c’était un fier phallus qu’elle avait en bouche.

Le comportement du monstre s’adoucissait peu à peu. Il ne lui mordillait plus les chaires au point de la blesser, mais la léchait en profondeur, semblant prendre plaisir à boire sa mouille à la source. L’excitation avait fini par s’emparer de la jeune femme. Elle attrapa les fesses de l’homme-chien pour les trouver glabre sous ses doigts. En descendant ses mains assez lentement le long des jambes du monstre, elle sentait les pattes devenir des cuisses. C’est au bord de l’extase, car les lècheries de la bête devenue son amant s’avéraient redoutablement efficaces, c’est au bord de l’orgasme donc, lorsque ses mains atteignirent les genoux au lieu des jarrets qu’elle toucha par hasard ses oreilles. Elles n’étaient plus pointues ni velues, mais avait repris forme humaine. Le plaisir la submergea, et elle ne sentit plus sa propre queue battre entre ses cuisses. Quand son amant se répandit enfin, la seule queue dont il était encore question était dans sa bouche. Elle s’endormit en le tétant et s’est ainsi qu’elle se réveilla, entre les cuisses de son amant. Elle reconnut la voix de Jérôme qui lui dit qu’elle avait eu une nuit agitée, et qu’il avait dû donner quelque chose à sucer à son bébé d’amour. Pour la peine, elle aurait un gage, ce soir, pour Halloween.

 

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Edit du 2 Novembre: Cette courte nouvelle erotico-fantastique que je vous venez de lire est profondément malsaine. Vous en êtes-vous rendu compte ? L’explication de texte est ici…

21:55 Publié dans Fictions | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : halloween

25 octobre 2015

Le jour d’après

Je n’ai pas dormi la nuit dernière, ou si peu. Se coucher à 23h et se lever en sursaut cinquante minutes plus tard ne peut pas être décemment appelé une nuit de sommeil. Lorsque je suis arrivé sur mon ordinateur, la nouvelle venait de tomber et j’ai tout de suite su que je ne dormirai plus :

Suite au tirage au sort réalisé en présence Marie Barbusse de l'étude SCP ROUGE BLONDEAU, huissier de justice à Nîmes, nous vous prions de bien vouloir trouver ci-après la DOUBLE CONTRAINTE qui doit encadrer la rédaction de votre nouvelle inédite concourant au 1er PRIX DE LA NOUVELLE ÉROTIQUE. 

CONTRAINTE DE SITUATION :

JAMAIS SANS TOI, PEUT-ÊTRE AVEC UN AUTRE…

MOT FINAL :

ANCRE

Nous vous rappelons que vous devez envoyer votre nouvelle inédite au plus tard avant 7h00 du matin, ce dimanche 25 octobre 2015 (cachet du mail faisant foi)

PrixNouvelleErotique.jpgJ’allais passer ma nuit seul avec ces contraintes, et 8h pour rendre ma copie. Ça me laissait un peu de temps pour ne pas me précipiter tout de suite sur l’écriture. La contrainte de situation a immédiatement évoqué pour moi... la passion ! Quant au mot final, j’ai commencé par chercher ses synonymes. J’ai ainsi découvert le principe de l’ancre en horlogerie, tout à fait dans le contexte de cette nuit sous l’égide de Chronos, redécouvert l’ancre de marine, avec sa verge et son mouillage, et bien entendu l’encre homonyme de la nuit à la fois noire et blanche. Allez savoir par quelle alchimie tout ça m’a donné d’étranges personnages… mais mieux vaut ne pas en dire plus pour ne pas mettre en péril l’anonymat requis par le jury.

Je me suis lancé dans l’histoire avec mes personnages sans trop savoir où j’allais en venir. Retors, ils résistaient à l’épreuve. Je ne jetais que des sucres dans ma tasse de café noir. L’encre et l’ancre demeuraient sèches. De temps en temps j’allais voir sur twitter où en étaient d’autres concurrents devenus camarades d’infortune dans la même galère littéraire. Les quelques photos qu’évoquaient le sujet confirmaient mon manque d’originalité. Mais à force d’avancer péniblement, sans trop d’inspiration, le dénouement a fini par se dessiner et j’ai su, à peu près vers cinq heures, que j’allais aboutir à temps. Ce ne serait sans doute pas mon meilleur cru, mais quelque chose d'assez décent, enfin je crois car je n’ai pas encore osé me relire. Au moment de l’envoyer ne subsistait plus que l’exaltation d’avoir relevé le défi et surmonté mes doutes.

Nous étions hier 338, nous sommes 242 aujourd’hui. Maintenant commence la longue attente avant les résultats. D’ici là, ne serait-il pas dommage de ne pas exploiter tout cet enthousiasme, toute cette synergie ? Et je me prends à rêver d’une soirée littéraire érotique avec des lectures publiques qui se termineraient toutes par le mot ancre.

 

22 octobre 2015

La couleur des sentiments

Cette note n’est pas une critique de plus du merveilleux film éponyme relatif à la ségrégation raciale aux États-Unis. Je vais effectivement vous parler de la couleur des sentiments, au sens chromatique du terme.

Tout est parti d’une question philosophique : Comment définir l’amour ? Une réponse possible consiste à dire que l’amour est un mélange de désir sexuel et d’affection pour autrui. L’amour filial n’est composé que d’affection. L’amour pour son conjoint sera composé à la fois de désir sexuel et d’affection, dans des proportions variables tout au long de la vie du couple. Je me suis risqué un peu plus loin en imaginant qu’on puisse décomposer tous les sentiments que nous nourrissons envers autrui, jusqu’à vous proposer une modélisation relationnelle.

Supposons que nos sentiments soient la conjugaison de quatre composantes primaires : le désir sexuel, l’affection, la haine et l’indifférence. Ces composantes seraient à la subtilité des sentiments ce que les couleurs primaires sont aux nuances du spectre colorimétrique. Il y aurait ainsi une correspondance univoque entre les proportions relatives de ces quatre composantes et tout l’éventail des sentiments qui nous relient aux autres. Afin de concrétiser mon modèle, affectons une couleur primaire arbitraire à chaque composante sentimentale : Le rouge pour le désir sexuel, le vert pour l’affection et le bleu pour la haine. Quant à l’indifférence, il agit comme l’inverse de la chromaticité.

Laissez-moi prendre quelques exemples pour illustrer mon propos.

Noir. Quel sentiment nous inspire un illustre inconnu, à l’autre bout de la planète, dont nous ne savons absolument rien ? Pas grand-chose, tout au plus une vague sympathie mais probablement pas de haine ni de désir sexuel à moins d’avoir de sérieux problèmes psychologiques, ou d’être en guerre. Nous aurons donc 1% d’affection et 99% d’indifférence, soit un vert extrêmement foncé indissociable du noir.

Sang de bœuf. Supposons maintenant que nous croisions cette personne dans la rue, et que nous la trouvions séduisante. Nous n’avons guère plus d’affection qu’auparavant, mettons 2% parce que l’inconnu est devenu notre prochain, que nous serions sensé aimer comme nous même si nous escomptions devenir des disciples du Christ. Toujours pas de haine à moins d’être raciste, sexiste, ou victime de je ne sais quelle pathologie haineuse. Quant au désir sexuel, il monte en flèche ! On ne connait rien de cette personne mais on éprouve envers elle 20% de désir sexuel. Les 78% restant demeurent de l’indifférence. 

Brun profond. Voilà que cette personne nous aborde sous un quelconque prétexte. Vous faites connaissance, vous sentez bien qu’il y a des atomes crochus, et cette personne vous apparait de plus en plus séduisante. L’affection qui augmente avec la sympathie passe à 10%, ainsi que le désir sexuel qui passe à 30%. L’indifférence décroit donc à 60%.

Écrevisse. Vous sortez avec cette personne qui exerce immédiatement sur vous un irrésistible attrait. Le désir sexuel qui explose dès qu’elle vous enlace passe à 80% tandis que l’affection monte à 20%. L’indifférence a complètement disparu au cœur de l’étreinte.

Blet. Le lendemain, vous êtes sur un petit nuage. Le désir sexuel enfin satisfait est retombé à 30%, l’affection a continué de croître à 30% et l’indifférence est donc à 40% pour ce béguin qui n’est pas encore l’amour fou.

Gris taupe. Trois jours plus tard, l’élu(e) de votre cœur vous fait comprendre que ce n’était qu’un plan cul. Quel salaud/salope ! La haine surgit à 30%, l’affection demeure à 30% car vous ne parvenez pas à tirer un trait sur cette histoire d’autant que le désir sexuel demeure à 30%. L’indifférence est à 10% dans cet état passionnel. 

On pourrait ainsi trouver les couleurs du divorce (entre le bleu marine et le vert foncé), celles du crime passionnel (variations du gris), du viol (violet !)… Voici une illustration de ma théorie sans la composante « haine » :

couleurs, sentiments, amour, haine, sexe, affection, schmitt

J’y ai représenté une parabole, au sens propre comme au figuré, d’Eric-Emmanuel Schmitt : « L’amour vient par la chair puis l’écarte » qui est une évolution classique des sentiments au sein du couple. Tout va pour le mieux tant que les membres de couple suivent la même trajectoire dans le plan sexe / affection sans s’aventurer dans la dimension haineuse. Toutefois, les hommes et les femmes ont-ils tendance à évoluer de la même manière sur ce plan ? C’est là qu’intervient une note publiée sur les fesses de la crémière qui explique que le désir féminin baisserait plus vite que le désir masculin. La femme évoluerait donc plus vite que l’homme sur cette trajectoire sentimentale vers l’affection désexualisée verdâtre, tandis que l’homme aurait tendance à vouloir demeurer dans le territoire sexuel rougeoyant.

De là à penser que c’est la raison pour laquelle les hommes auraient plus tendance que les femmes à tenter de satisfaire leur libido en dehors du couple, il y a un pas que je franchirais volontiers.

N’hésitez pas à me donner votre opinion sur ma théorie farfelue, les commentaires sont là pour ça.

 

10 octobre 2015

Punchline

Me sentant d’humeur primesautière, j’ai été franchement amusé par ces deux notes de Frère Heyjack. Ceci explique cette petite selfie:

Aubed.png

Si d’autres blogueurs avaient envie de poursuivre cette charmante série masculine, qui ferait la part belle à l’esprit autant qu’aux corps, je mettrais volontiers en lien la leçon n°4… 

05 octobre 2015

Marguerite

Allez, je vais me dévoiler un peu et avouer des choses très personnelles. Chaque dimanche matin, je me lève relativement tôt pour faire mon marché. C’est un marché, comment dire, bobio, avec autant de touristes japonais et américains que de clients français. Et quels clients ! Il y a quelques semaines, mon boucher habituel étant comme toujours dévalisé - il n’a de toutes façons jamais de veau – j’ai été chez l’autre bouchère normande m’acheter de quoi faire une blanquette. Elle est sympathique cette femme, très nature, sans chichi, avec son fils qui l’aide à couper la barbaque et sa fille qui vend les pêches du jardin. Bref, elle s’occupait de moi et devinez qui je vois derrière moi dans la file ?

Ah, mais je dois vous raconter autre chose auparavant. Je viens de voir Marguerite. Marguerite Dumont, une femme fortunée qui, au cours des années 20, a dédié toute sa vie à l’art lyrique. Elle donne des récitals dans son petit château provincial auprès d’un public choisi, dont les applaudissements hypocrites couvrent les rires étouffés. Car Marguerite chante faux. Une vraie casserole. La comédie vire au drame quand deux jeunes journalistes sans scrupules publient un article ambigu à son sujet.

Je n’en dis pas plus et je vous invite à aller voir ce film remarquablement juste avec ses fausses notes bien orchestrées. Un seul bémol peut-être, la médiocre voix de la chanteuse qui double Christa Theret, est présentée comme le contrepoint « juste » des fausses notes de Marguerite. A contrario, la formidable voix du ténor qui double Michel Fau est présentée comme celle d’un cabot. Était-il nécessaire de perdre à ce point le spectateur ? Quoiqu’il en soit, Catherine Frot joue parfaitement bien un rôle sur mesure.

J’en reviens à ma bouchère et ma file d’attente. Je me retourne et qui vois-je ? Catherine Frot justement, qui commande deux biftecks. Ma bouchère les découpe avec sa bonhomie coutumière et lui lance : « et avec ça ma p’tite dame, qu’est-ce que je vous mets ? » 

 

23 septembre 2015

Mon Chien Picchi

Certains romans ne laissent pas indemne. On le dit tant et si mal que cela finit par devenir un lieu commun. Celui qui m’a profondément marqué, et a probablement orienté ma vie sentimentale, c’est Un Amour de Dino Buzzati. Je l’ai lu alors que j’étais encore un jeune homme mais déjà un client. C’est l’histoire d’Antonio, quinquagénaire timide et sans charme particulier, qui tombe follement amoureux de Laïde, une jeune prostituée occasionnelle d’une vingtaine d’années. Il tente alors de l’entretenir pour bénéficier d’une relation exclusive. Il n’y trouvera que rage, humiliations et jalousie.

Je crois me souvenir que je n’avais alors pas pu terminer ce roman. Je m’étais arrêté à la scène au cours de laquelle Antonio garde Picchi, le petit chien de Laïde, tout en se persuadant que l'autre homme avec lequel Laïde passe toute la journée est bien son cousin. J’avais trouvé Antonio si pathétique, et en même temps si proche, que je m’étais juré de ne jamais devenir cet homme-là. Quant à Laïde, elle demeure mystérieuse puisque ce roman de Buzzati est sans doute autobiographique.

Plus tard, beaucoup plus tard, j’ai découvert Kundera. Kundera et ses digressions. Kundera et ses fascinantes analyses psychologiques qui lui permettent de décortiquer, lui qui est le narrateur on ne peut plus omniscient, les pensées les plus intimes de tous ses personnages. En la matière, sa nouvelle intitulée le jeu de l’auto-stop publiée dans Risibles Amours est un véritable chef d’œuvre. Dans cette nouvelle un jeune couple se découvre sous un jour nouveau dans le cadre d'un jeu érotique, sans les réserves communes à la vie courante, et leurs actes s’enchainent jusqu’à l’inéluctable.

« Dans le jeu on n'est pas libre, pour le joueur le jeu est un piège » M. Kundera


Qu’aurait-il pu se passer si Antonio et Laïde s’était retrouvés face à face dans le cadre d’un jeu érotique ? Quelles pensées contradictoires auraient-elles pu les conduire, et jusqu’où ? Je vous propose de le découvrir dans Mon chien Picchi publié aux éditions Dominique Leroy.

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Si certains actes ont des motivations profondes, tous sont produits par un élément déclencheur. Sans doute n'aurais-je jamais écrit cette nouvelle si je n’étais pas tombé sur ce merveilleux dessin de Gier partiellement reproduit sur la couverture.