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02 février 2007

Le plaisir du désir

medium_sexNtheCity.jpgJ'ai rencontré Coralie fin 2005, à l'occasion d'un de ces dîners organisés sur un forum libertin. Il eut lieu dans un restaurant fétichiste désormais fermé, "La Cave de Justine". Il fallait effectivement être masochiste pour payer une cinquantaine d'euros pour ce qui nous a été servi, mais cela ne m'empêcha pas de passer une soirée amusante même si le trip SM n'est définitivement pas ma tasse de thé. A cette occasion, j'avais d'ailleurs pu voir les égéries de ce forum toutes de cuir dévêtues, dont une qui arborait sans conviction un collier de chien. Son maître de mari la tenait par la laisse. J'avais un peu tiré dessus, pour voir. Elle avait alors posé sur moi un regard de cocker ahuri qui m'a fait saisir la notion d'inconvenance dans le burlesque. Dans cette ambiance improbable, Coralie portait une jupe de cuir, et un gilet noir sur lequel tombait la cascade de ses cheveux bouclés, ce qui la mettait à la fois en valeur et dans le ton de la soirée. Si vous voulez vous faire une image mentale de Coralie, pensez à Carrie Bradshaw dans "sex in the city", mais en brune, et vous ne serez pas loin de la vérité, même si mon regard s'attache plus au fond qu'à la surface comme je l'ai déjà dit. Stéréotype de la célibatante à l'orée de la quarantaine flamboyante, Coralie m'a tout de suite impressionné par sa conversation mondaine et la finesse de ses remarques, en l'occurrence sur "le plaisir du désir" qui donne naissance à un enfant parenticide: "le désir de plaisir". J'ai tenté de faire bonne figure face à une femme qui côtoie Beigbeder entre autres créatifs à la mode, au point de parvenir à la séduire en lui parlant d'un défi basé sur la frustration que j'étais sur le point d'organiser. Je l'ai invitée à se détendre en ma compagnie, dès le lendemain après-midi, dans un sauna libertin.
 
Cette virée au sauna était prévue de longue date. J'avais organisé un déjeuner avec pour objectif avoué de nous rendre ensuite à l'hyppocampe, sauna parisien assez sympathique en période "couple". Ce déjeuner étant ouvert à tous, Coralie et son ami Anthony pouvaient nous y rejoindre, une aubaine. En fin de compte, nous fûmes 6 à franchir les portes du sauna: Angelina, Pascal, Coralie, Anthony, Nadine et moi. Angelina partit rapidement s'amuser avec Pascal, et nous avons donc passé un bon moment à quatre, entre hammam et sauna, tout en papotage, discrètes caresses et volupté ostentatoire. J'ai fini par proposer de prodiguer un voluptueux massage à celles qui le voudraient bien. Nadine et Coralie se sont portées aussitôt volontaires, nous avons trouvé un petit coin câlin privatif, et pour la première fois de ma vie, j'ai eu la délicate mission de masser en même temps deux femmes côte à côte.
 
Voici ce que Coralie à écrit sur le forum quelques jours plus tard...
 
Il faisait déjà frais en cette après- midi naissante. Inclinée contre son dos sans pour autant m'y appuyer, je laissais les accélérations et les ralentissements nous apporter les frôlements de l'aléatoire. Mes cuisses remontées le long des siennes auraient pu lui communiquer les évocations qui traversaient mes sens mais je choisis de lui laisser les imaginer et les attendre. En traversant le vent, de douces courbes inclinaient nos bassins de concert, un ronronnement grave et rond montait en volume, puis s'assagissait pour reprendre encore. Comme pour bien d'autres moments, qu'il est bon daller à 2 à moto !
 
L'hippocampe est un petit animal très gracieux qui change de sexe comme d'autres gardent le leur, mais aiment en connaître de nouveaux. Ce doit être un animal un peu farouche car les vitres de son bocal sont toutes noires et il est sans nul doute de nature tropical tant son habitat est fait de tiédeur. Derrière ces vitres noires est un espace tout blanc, de vapeurs et de mirages, où les silhouettes se ressemblent et les courbes s'unissent. Le temps s'y étire et les peaux s'adoucissent. L'apaisement des âmes ouvre la faim des sens. Sur l'épiderme humide glissent des gestes tendres.
 
De l'intérêt de ne pas être ambidextre : se demander, mue seulement par l'inspiration, le plaisir ou le désir, quelle main sera la plus habile ? La plus entraînée, aguerrie de techniques, d'habitudes et de réflexes acquis, opérationnelle par des millions de gestes répétés, ou celle qui a le moins l'occasion de s'exprimer, et, faisant fi de la maîtrise ira à l'intuitif, se délecter de gestes à elle plus rares ?
 
Nous étions 2 femmes à nous prêter à l'expérience, en 3 l'huile qui est peut être la mieux lotie, au contact de 2 épidermes qui l'épandent en 4, et à lui tout seul, notre dit-non ambidextre à qui nous confiions nos corps allongés côte à côte, et coté pile. Mais c'est sans doute à 3 que nous devrions établir le verdict (laissant à l'huile ses secrets dont nous sommes tant friands), bien moins pour en faire émaner une hiérarchie que pour témoigner d'un unisson rêveur que chacune des mains et leur auteur, prenaient par l'une ce qu'ils donnaient par l'autre, puis revenaient à l'inverse autant qu'en symétrie, nous faire ressentir l'ardeur comme la douceur, la fermeté et la tendresse, le geste sûr autant qu'un autre plus aventureux, le tout naviguant entre réel et à peine rêvé.
 
Un grand merci à un certain extravagant et ses sujets pour cette initiative d'après-midi, après laquelle il faisait si doux.


Ce à quoi j'ai répondu...
 

Lorsque l'apaisement des âmes ouvre la faim des sens, ce peut être une fin en soi, une faim sans fin sur laquelle on jouit de rester: le plaisir du désir. Ce plaisir là se nourrit du manque. La frustration est son viatique. Il est à l'amour ce que la cuisine nouvelle est à la gastronomie: de l'inconsistance sublimée. Le plaisir du désir n'est pas pour les affamés. S'il y a consommation, elle est pour le moins frugale, et elle exacerbe les sens au lieu de les rassasier.
 
Après ce plaisir étiré comme l'huile sur la peau, ce corps à corps en accords sans à-coups, tout en langueurs, tel qu'il pourrait se prolonger au point d'oublier l'heure, pourquoi donc un verdict qui claquerait comme un point final ? S'il devait y en avoir un, il tiendrait en un seul mot: encore...

 
Vous l'aurez compris, ce massage fût presque chaste. La belle Coralie était pressée par le temps, Anthony devait la raccompagner en moto, et je suis donc resté seul avec Nadine où nous nous sommes livrés à des activités moins vertueuses: Le plaisir du désir à ses limites, et le plaisir tout court avait repris ses droits.

01 février 2007

Le pouvoir du plaisir

Une tendre amie, volontiers féministe à ses heures, fait une claire distinction entre l'excitation psychologique et l'excitation physiologique, en fonction de la position prise par deux amants. Lorsqu'elle regarde les autres, en club libertin par exemple, elle trouve excitant de voir une femme chevaucher son amant, car cette position féminine dominante prouve le libre arbitre de la femme. Paradoxalement, son plaisir est bien plus vif lorsqu'elle se trouve sous les coups de boutoir de son amant, que lorsqu'elle le chevauche. J'ai moi-même pu en faire l'expérience lorsque j'ai été dans un sauna libertin avec cette jeune femme si sensible à la position des uns et des autres.

C'était à l'hyppocampe l'été dernier, un vendredi après-midi exclusivement réservé aux couples, et l'ambiance sensuelle était propice au langoureux massage que je lui ai prodigué. Je l'ai faite jouir avec mes doigts, et j'ai maintenu son état d'excitation en poursuivant mes caresses tout en lui léchant l'anus. Ma position, à priori dominée, pour ne pas dire servile, était pourtant bien celle du dominateur car j'étais le pourvoyeur de plaisir. Elle voulait que je la prenne, elle me le demandait timidement, et je lui refusais ma queue tant qu'elle ne me supplierait pas crûment. Bien plus réservée dans ses paroles que dans ses actes, Sylvie se montra bien incapable de crier le "baise moi !" que je voulais entendre, surtout dans un lieu ou d'autres couples allaient et venaient, dans tous les sens du terme.

Bon prince, j'ai fini par glisser mon mandrin dans son ventre chaud, sans me départir de ma douce cruauté. J'ai utilisé la prise dite "du marteau". Je l'apprécie beaucoup pour la maîtrise qu'elle me donne, et les vives sensations qu'elle procure à ma partenaire. Ses jambes tendues tout au long de mon torse, je la maintenais fermement, avec mes mains sur ses cuisses, mortaisée sur mon tenon, qui coulissait dans sa fente bien ajustée avec une lenteur calculée. Chacun de mes mouvements nous maintenait l'un et l'autre à la limite de l'orgasme, sans en franchir le seuil irrémédiable. C'est moi qui en contrôlais l'accès et qui la dominais encore tant au niveau symbolique que physiologique,  aux antipodes de l'assouvissement égoïste que la plupart des femmes fustigent. Etait-ce pour autant de l'altruisme de ma part ? Certainement pas ! Je reviendrai plus tard sur ce point.

De temps à autre je desserrais ma prise, laissant ma compagne extatique entourer mes hanches avec ses cuisses ouvertes, ce qui me permettait de me pencher sur elle pour lui susurrer, non pas des mots doux mielleux, mais les mots que mon phallus mimait:

- Je te prends
- ...
- Je te possède
- ...
- Je t'envahis, j'assaille ton ventre avec ma queue brûlante
- Oui...
- Ca te plait que je te domine comme ça n'est-ce pas ?
- Oui !
- Et maintenant, tu rêves que je te défonce, que je me lâche ?
- Oh oui !

Croyez-vous, ami lecteur, que j'ai joint le geste à la parole ? Certainement pas ! J'ai continué à lui déverser mes obscénités tout en plantant mon regard dans ses yeux hagards, pour mieux jouir de l'ivresse que je lui procurais. Autour de nous, quelques couples arrêtés, nous regardaient. Mais à force de jouer avec le feu, on finit par se brûler. N'y tenant plus, Sylvie posa ses pieds à plat sur le matelas, pour imposer son rythme. Elle prenait le pouvoir. Elle allait me faire jouir. Tu me baises, que je lui dis ! Et aussitôt, j'accompagnais son mouvement pour nous catapulter dans l'orgasme. Ivre de plaisir après avoir été ivre de pouvoir, j'ai surfé sur la jouissance avec elle, arrimée à mon sexe qui ne voulait pas débander. Sans changer de position, je l'ai prise plusieurs fois, coup sur coup, avec râge, celle du désespoir qui précède la fin, le déclin ennemi.

Dans sa nouvelle intitulée "question de goût", Françoise Rey ne dit pas autre chose en expliquant son dégoût pour la fellation, qu'elle a pourtant pratiqué, pour ne pas passer pour une gourde d'une part, et d'autre part pour l'ivresse du pouvoir:

medium_metamorphoses.jpg"J'ai retrouvé plus tard, chez des hommes, des hommes faits, mûrs déjà, imbus de leur rôle de dispensateur de plaisir, la même joie passionnée du don, le même orgueil narcissique, la même fausse générosité. Régner sur le plaisir de l'autre, c'est se voir magnifique dans son regard chaviré, magnifique et redoutable, car c'est aussi, quelque part, le dominer et le réduire. Il y a sans doute la même ivresse à prodiguer la volupté que la douleur, et il n'est pas hasardeux que parfois les deux se rejoignent sous le fouet d'un bourreau raffiné.
Oui, à genoux devant mes amants, ou courbée sur leurs trésors palpitants, j'étais un mec, celui qui décide, qui donne, qui reprend pour donner encore, et leurs vertiges m'étaient chers qui consacraient mon pouvoir..."

24 janvier 2007

Nuit d'ivresse

Décembre 2003. J'avais décidé d'écourter mes vacances familiales pour réveillonner avec Elsa, ma jeune maîtresse, la femme de ma vie du moment, une splendide mythomane qui s'était inventé une activité d'escort girl pour mieux me séduire, et dont j'étais tombé follement amoureux. J'avais renoncé à trouver un gros mensonge conjugal pour justifier mon départ anticipé et rentrer seul en France. Ma femme, princière, avait décidé de fermer les yeux sur la seule frasque que je ne lui ai jamais avouée. Elsa n'est jamais venue à notre rendez-vous gare du Nord. C'est triste, un quai désespérément vide, qu'on scrute, les yeux au bord du gouffre, et qui s'attachent à la moindre silhouette qui pourrait être elle. Pourtant, je savais à quoi m'attendre, elle m'avait prévenue que c'était une folie, qu'elle devait rester avec son mec. Allez savoir pourquoi je m'étais imaginé que les horloges de la gare contempleraient une fois de plus nos étreintes forcenées.

medium_shortBus.jpgDans une réaction de revanche convenue, je décidai sur-le-champ de noyer cette rupture dans l'ivresse. Petit bémol, je n'aime pas l'alcool. Qu'à cela ne tienne, je trouvai une soûlerie à ma mesure. Le soir même, j'aurai sombré corps et âme dans la luxure. Je me serai vautré dans une partouze pour oublier mes états d'âme, je me serai abreuvé de chattes ruisselantes, j'aurai arrosé des lèvres accueillantes, elles. Un seul problème, j'étais seul. Après une ridicule tentative désespérée sur MSN pour me trouver une charmante compagnie à l'impromptu, je me résignai à opter pour un club échangiste qui accueillait les hommes seuls. Ce serait l'hyppocampe de St Maur, un sauna, faute de mieux.

J'eu du mal à trouver la ruelle nichée dans une banlieue morose, puis une place pour me garer, et je me pointai enfin à l'entrée du dispensaire aux alentours de 23h. Une myope m'ouvrit et son sourire se mua en un rictus rébarbatif lorsqu'elle constata que j'étais seul. "Je ne peux pas vous accueillir. Il n'y a pas assez de couples ce soir !", me dit-elle sèchement. Ce n'était certainement pas ce cerbère à lunettes qui allait m'interdire l'accès à mon orgie infernale! Je lui annonçai que je reviendrai plus tard, et j'allai me poster dans ma voiture, aux aguets, prêt à emboîter le pas au premier couple venu. Je n'eus pas trop longtemps à attendre, une petite brune pimpante et un colosse passèrent le sas avec les honneurs. Je sonnai à nouveau. Cette fois, l'accueil fut franchement meilleur, d'autant plus qu'un autre couple que je n'avais pas vu arriver m'emboîtait le pas. Je me retrouvai ainsi dans le couloir qui servait de vestiaire, avec une blonde joviale et un ténébreux tristounet. Un peu gêné par la promiscuité, je n'osai pas croiser leur regard. Je me déshabillai rapidement, je m'attachai maladroitement une serviette autour des reins, l'uniforme des hommes seuls qui n'avaient pas droit au peignoir - attribut distinctif du couple - et j'atterris dans la zone bar du sauna.

medium_hyppocampe.2.jpgJe commandai tout de suite un coca que j'avalai d'un trait d'une main tremblante. A côté, un homme sûr de lui me regarda en souriant. Je n'étais pas fier et ça se voyait. L'instant de panique passé, j'évaluai l'étendue des dégâts d'un coup d'œil navré. Une douzaine d'hommes seuls traînaient ça et là, du sauna au hammam avec entre les jambes le poids d'un ennui palpable. Un couple de quinquagénaires en surcharge pondérale était assis devant le porno qui trônait près dur bar. L'homme affichait un sourire épais. Sous la douche, je vis la petite brune pimpante avec son partenaire taillé comme un gorille. Au hammam, un jeune homme seul se lamentait sur son triste sort. "Misère! Misère!" Psalmodiait-il en vain après chaque nouveau râteau. Les autres ne pipaient pas mot. En procession silencieuse, ils suivaient les rares couples à la trace comme des badauds suivent les obsèques d'une célébrité sans en avoir l'air. Il y avait autant d'ambiance que dans le métro à 8 heures du matin, avant la compétition quotidienne. Ce soir là, la compétition serai autrement plus tendue, sans mauvais jeu de mot. Il était clair qu'il n'y en aurait pas pour tout le monde. Les autres hommes étaient des concurrents, des adversaires. Moi, j'étais hors jeu.

De retour du hammam, j'allai m'asseoir sur un matelas, seul. Je n'étais pas dans une partouze échevelée, mais dans un groupe éphémère de mammifères dont les mâles dominants accepteraient ou non de partager leur femelle attitrée. Tout cela reflétait plus des instincts grégaires qu'un hédonisme libéré. Un nabot grisonnant vint s'asseoir non loin de moi. Si je ne me faisais guère d'illusion quant à tirer la moindre satisfaction sexuelle de cette compétition, le pauvre vieux semblait vaincu d'avance avec ses petites moustaches et ses lunettes en cul de bouteille. Pour passer le temps, j'allai me faire suer au Sauna. A mon retour, la petite brune pimpante et le grand brun simiesque avaient pris ma place. Le vieux nabot avait réussi à se placer auprès du couple. C'était un habitué des lieux, il avait la tchatche tout en observant une position obséquieuse face au mâle dominant. Ce n'est pas à un vieux singe qu'on apprend à faire des grimaces. Ils se levèrent tous les trois, bras-dessus bras-dessous, le nabot au milieu. C'était cocasse. Il tenait la petite brune par la taille, et avait le bras tendu en l'air pour atteindre l'épaule du colosse. Plus tard, je les vis tous les trois dans un coin câlin. Elle était 4 pattes, la tête du nabot entre ses cuisses écartées. Elle suçait son mec qui semblait avoir plus de mal à gonfler l'organe décisif que ses biscotos agressifs.

medium_vivres.jpgUn peu plus loin le gros des troupes était au garde à vous devant un grand matelas où oeuvraient deux hommes sur la blonde joviale. Je regardais les hommes seuls qui jouaient des coudes et du poignet pour être au premier rang au meilleur de leur forme, au cas où le trio tournerait au gang-bang. Je n'avais rien à faire parmi ces morts de faim qui brandissaient leur quéquette comme des réfugiés brandissent leur marmot affamé devant un convoi humanitaire. Une fois les deux acteurs achevés, la femme signifia la fin de la scène aux figurants déçus qui débandèrent dans tous les sens du terme. J'optai pour une retraite définitive vers les vestiaires. Je rendis ma serviette au gérant qui me demanda ingénument si j'avais apprécié la soirée et si je reviendrais. "Non, je crois que ce n'est pas mon truc", répondis-je franchement. Je n'ai pas pris de douche quand je suis rentré chez moi. Inutile. J'aurai dû me décaper l'intérieur au Karcher.

09 janvier 2007

Le mot magique

Certains couples libertins utilisent un "mot magique" pour indiquer discrètement à leur conjoint qu'ils ne s'imaginent plus avoir des relations horizontales avec le couple chez lesquels ils ont été invités à passer une soirée potentiellement coquine. Il s'agit d'un code définit à l'avance, un mot anodin mais néanmoins improbable, comme "crocodile" ou "hippopotame", qui est subrepticement glissé dans la conversation pour dire à son conjoint "sauve qui peut !" sans vexer ses hôtes. Dès que le mot magique a été prononcé, le couple doit prendre la tangente, en simulant par exemple l'appel affolé de la nounou due à la varicelle éclair du petit dernier. Toutes ces techniques sont éprouvées, mais à l'inverse, comment peut-on au sein d'un couple, signifier discrètement à son partenaire le désir qu'on éprouve pour un tiers alors que de simples regards équivoques ont été échangés ? Peut-on aussi employer un mot magique ?

medium_massage.2.jpgLe sauna/hammam l'hyppocampe peut être propice à la détente. Exclusivement réservé aux couples le vendredi après midi, j'ai eu l'occasion de m'y rendre plusieurs fois, dont une avec Béatrice, une jeune célibertine qui souhaitait néanmoins que je m'occupe exclusivement d'elle. Il y avait peu de monde ce jour là, trois ou quatre couples tout au plus. Après la douche et le hammam, nous avons dérivé vers les coins câlins, et nous avons jeté l'ancre auprès d'une sorte de podium, surplombé par une mezzanine. Béatrice s'est étendue sur le grand matelas qui recouvrait cette estrade, j'ai fait couler sur son dos d'odalisque quelques gouttes de la bouteille d'huile que j'avais pris soin d'amener avec moi, et j'ai commencé à lui prodiguer un doux et voluptueux massage. Béatrice a une beauté raphaélique: une peau laiteuse, des seins petits et fermes, des hanches larges dont le galbe féminin se prolonge jusqu'aux cuisses, avec entre les deux une croupe somptueuse: ronde, ample, ferme, un délice à caresser et auquel nous prenions d'ailleurs un vif plaisir partagé, lorsqu'une femme apparemment seule est entrée dans la pièce.

La trentaine, noire, son buste pulpeux recouvert d'un paréo, elle s'est avancée d'un pas hésitant, voire timide. Béatrice, les paupières closes, n'a pas vu venir cette femme que j'observais en souriant: elle s'est aventurée dans les escaliers pour jeter un coup d'œil à la mezzanine, vide, et elle est redescendue pour s'approcher un peu plus près de nous. Moi, je ne savais plus où poser les yeux. Sous mes doigts, deux demi-sphères à la blancheur lunaire, entre lesquelles palpitait un oeillet pourpre qui ne demandait qu'à s'épanouir sous mes baisers fiévreux. A côté, presque au point de s'asseoir, une charmante jeune femme visiblement attirée par le spectacle nous offrions, je dis bien nous, car intégralement nu entre les cuisses de Béatrice, j'y bandais comme un cerf. J'avais beau gratifier la placide jeune femme de mes plus charmants sourires, je ne parvenais pas à savoir qui de nous deux pouvait éventuellement l'intéresser. Béatrice a ouvert les yeux lorsque l'inconnue s'est assise sur le podium, à quelques centimètres de nous, à quelques centimètres d'un trio que je n'osais espérer. Aucun d'entre nous n'a amorcé le geste qui l'aurait esquissé. L'inconnue s'est levée et elle a quitté la pièce.

Quelques semaines plus tard, j'ai évoqué ce souvenir avec Béatrice. Après lui avoir rappelé ses souhaits du moment, souhaits que j'avais scrupuleusement respectés, je lui ai demandé si elle aurait aimé que je propose à cette inconnue un massage à quatre mains, les siennes et les miennes s'aventurant sur sa peau tabac, nos corps électrisés par le désir sur son corps alangui, nos baisers voluptueux sous son regard ténébreux... Et bien figurez-vous qu'elle aurait adoré ! Si seulement je le lui avais proposé à ce moment là au lieu de rester empêtré dans des désirs muets ! Mais comment le dire sans rompre le charme du moment ? Notre drame était sans doute de ne pas avoir convenu d'un mot magique, pour dire secrètement que le désir pourrait bien évoluer, sans entrer dans un conciliabule rédhibitoire. La prochaine fois, s'il y en a une, nous opterons pour le mot "biscotte". C'est discret, original, et pas si difficile à placer: "Ah que j'aimerais étaler de l'huile sur la peau dorée de cette femme, comme du beurre sur une biscotte !"