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29 février 2016
Un seul espoir
— C’est grave docteur ?
— Vous savez, à votre âge, c’est irrémédiable.
Le vieil horloger de Saint-Omer n’écouta pas davantage le discours lénifiant du médecin. Tout venait de s’arrêter au mot irrémédiable. Il régla la consultation et quitta le cabinet médical sans dire un mot de plus. Il aurait dû retourner à la boutique, mais il n’avait plus le cœur à sourire aux clients derrière son comptoir. Après toutes ces années de labeur, toutes ces innovations dont il avait été le fer-de-lance, toutes ces audaces commerciales qui lui avaient permis de se hisser, marche après marche, parmi les notables départementaux, il avait l’impression de n’être plus qu’une vieille horloge comtoise, pour ne pas dire un vieux coucou dans son entreprise qui fonctionnait très bien sans lui. Sa femme tenait d’ailleurs fermement la caisse, qu’aurait-il bien pu arriver sans lui ce jour-là ? Sans trop savoir pourquoi, il eut envie d’aller voir la mer. Jacques Lecoutre monta dans sa voiture sous le crachin du Nord, enclencha les essuies glaces, regarda un moment leur va-et-vient régulier sur le pare-brise, et il prit la direction de Dunkerque.
La nuit était tombée depuis longtemps lorsque Laura Lecoutre entendit enfin le crissement familier de la voiture de son mari, sur les gravillons de l’allée du garage. Elle vit par la fenêtre qu’il n’était pas seul. La porte d’entrée de leur pavillon s’ouvrit brutalement sur un rude gaillard enjoué à la peau hâlée, qui traînait derrière lui une grosse malle. Jacques le suivait en titubant. Son teint rougeaud justifia ses explications. Le type avec lequel il avait un peu trop bu avait eu la gentillesse de le raccompagner, il allait passer la nuit chez eux et partirai le lendemain matin. Le regard de Laura dégrisa l’inconnu. Elle prit son ciré trempé en murmurant un merci réprobateur, et le conduisit à la chambre d’amis.
Le lendemain matin, enveloppée dans son peignoir, Laura émergeait à peine d’une nuit sans rêve devant son café fumant, quand elle réalisa que l’inconnu se tenait dans l’encadrement de la porte de la cuisine.
— Bonjour, lui dit-il d’un air gêné.
— Bonjour, vous n’êtes pas parti avec Jacques ?
— Non, je ne savais pas qu’il partait si tôt, je viens de me réveiller.
— Les marins se lèvent tôt d’habitude.
— Je ne suis pas marin, je suis tatoueur itinérant. Je m’appelle Ruiz.
Laura se surprit à parcourir du regard le corps de cet homme à la recherche de tatouages, en vain. Seules ses mains aux doigts fins dépassaient de son gros pull de laine. Ruiz devait avoir son âge, c’est-à-dire une bonne trentaine d’années. Ni beau, ni laid, mais le regard sombre. Laura lui désigna la chaise face à elle d’un coup de menton, et elle lui servit un café silencieusement. Elle reprit sa place et porta la tasse à ses lèvres. La fumée du café encore chaud glissait devant ses yeux clairs.
— Combien de temps ça prend, un tatouage ?
— Ça dépend. Ça vous plairait ?
— J’y pense.
Aux abords de midi, Laura décida qu’elle n’irait pas à la boutique ce jour-là. La table de la cuisine, que Ruiz et elle n’avaient pas quittée de toute la matinée, était jonchée de croquis. Laura esquissait des idées toutes faites que Ruiz couchait au stylo-bille. Il dessinait d’un trait sûr tous les rêves de marins, des roses et des sirènes, des tigres et des guitares, toutes ces choses qui n’impressionnent plus personne, ni les fils de bonne famille, ni les filles des ports. Laura opta pour le papillon. Elle l’avait vu dans un magazine.
L’après-midi venu, elle décida qu’il était temps d’offrir ses reins au virtuose du stylo bille. Quand elle entra dans la chambre d’amis, Ruiz l’attendait assis sur le lit, en marcel blanc. Elle s’était imaginé être fortement impressionnée par des bras recouverts de tatouages, mais ceux de Ruiz en étaient totalement vierges. En revanche, elle ne put réprimer un frisson à la vue des aiguilles et du dermographe métallique dans la malle du tatoueur. Conformément à sa promesse, elle abandonna son peignoir et s’étendit sur le lit, en sous-vêtements, tout en pensant très fort à son mari. Ruiz lui murmura doucement qu’il allait d’abord dessiner le papillon au stylo tout en bas du dos, pour permettre à Laura de s’assurer du motif avant le tatouage définitif.
Au contact des doigts de Ruiz sur son corps, Laura se retint de se relever et de tout arrêter. Dans quelle folie s’était-elle donc engagée ? Elle clôt ses paupières pour sceller son serment, et elle tendit les mains vers ses hanches. Tout en sentant la pointe du stylo courir sur ses reins, elle fit imperceptiblement glisser son slip vers le bas, dévoilant peu à peu sa croupe au regard du tatoueur. Quand elle ouvrit de nouveau les yeux, elle vit son impudeur dans le reflet de l’armoire à glace. Ruiz avait du mal à poursuivre son ouvrage. Sa langue humectait régulièrement ses lèvres sous l’effet du désir plus que l’effort de dessiner. Lorsque l’élastique du slip parvint enfin au sillon fessier, Ruiz y laissa choir son stylo. Laura se cambra légèrement et l’homme oublia totalement son œuvre pour baiser le cul somptueux qui s’ouvrait sous ses yeux. Il avait perdu toute réserve. Tout en se déshabillant hâtivement, il fit glisser le slip tout au long des jambes nues, avec les dents. Sans plus faire dans la dentelle, il plongea son nez au méridien de ses désirs pour y lécher l’équateur. Il y trouva la mousson.
Laura se cambrait d’instinct sans quitter l’armoire des yeux. Depuis combien d’années n’avait-elle pas été baisée ainsi ? Jacques aurait bien pu lui faire cela, mais voilà, son mari n’envisageait pas d’entamer un voyage sans parvenir à son terme. Elle continua d’observer le tatoueur dans le reflet du miroir tout en se laissant gagner par le plaisir. Les bras noueux de cet homme, pour lequel elle n’éprouvait qu’un brutal désir charnel, lui enserraient les flancs. Elle sentit ses mains, si délicates à manier le stylo, lui empoigner les seins pour triturer ses mamelons. Elle apprécia cette virilité dont elle avait oublié la ferveur animale. Ruiz la lapait comme un chien. Entre son ventre plat et ses jambes fléchies, son sexe dressé était prêt à la saillie. Sur sa hanche était tatouée une ancre de marine, parée au mouillage.
Laura replia ses cuisses sous son ventre. Il lui avait fallu des années pour s’y faire, mais elle était prête maintenant. L’homme derrière elle se redressa et la couvrit. Elle sentit la verge dure l’envahir lentement, lui ouvrir les chairs si longtemps restées vierges de toute virilité. Il commença son va-et-vient avec la régularité d’un balancier d’horloge, ponctué par le claquement caractéristique de chaque coup de reins contre ses fesses. Laura observa attentivement son propre reflet dans la glace de l’armoire, les traits de son visage vrillés par l’éclosion du plaisir. « Je t’aime » sembla-t-elle se dire à elle-même tandis qu’on lui faisait l’amour. Alors la porte de l’armoire s’ouvrit lentement et Jacques en sortit silencieusement. Tout entier à sa besogne, Ruiz n’entendit pas le mari approcher, mais il sursauta quand Jacques lui posa amicalement la main sur l’épaule. Le tatoueur regarda le vieil horloger lui adresser un triste sourire, et puis s’asseoir au chevet de sa jeune épouse.
Jacques caressa amoureusement les cheveux de Laura, haletante sous les coups de boutoir de son amant. Elle aurait pu prendre le sexe de Jacques en bouche, mais il avait toujours considéré la fellation comme une forme de réanimation. Désormais, ce ne serait plus qu’une pathétique tentative de résurrection. Son cas était irrémédiable. Sur le point de jouir, elle prit la main de Jacques pour la serrer entre ses doigts. Elle vit alors, pour la première fois, tatouée à l’aine de son époux, une ancre de marine identique à celle que portait Ruiz. Une petite ancre fine, à la verge verticale. Ce serait désormais la seule verge raide qu’il n’aurait jamais sur le ventre.
Jacques regarda le magnifique dessin qu’avait réalisé Ruiz sur les reins de son épouse. C’était un voilier en pleine tourmente. Il songea alors qu’il ne faut pas lier une vie à un seul espoir ni un navire à une seule ancre.
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Si vous avez participé au Prix de la Nouvelle Érotique, vous avez sans doute reconnu la double contrainte du 25 Octobre dernier. Vous avez aussi compris que je ne fais pas partie des 30 heureux élus mais des 212 malheureux déçus. Libre de faire ce que bon me semble de ce texte, je le publie tout simplement sur mon blog.
Et vous, ami auteur qui partagez mon sort, qu’allez-vous faire de votre nouvelle qui vous aura coûté, à vous aussi, une nuit de sommeil ? Si vous décidez de la publier sur votre blog ou toute page en libre accès, n’hésitez surtout pas à me l’indiquer en commentaire et je me ferai un plaisir d’établir un lien vers votre nouvelle ici-même:
- Délicieux jeu de piste, de Léon de Griffes
- Passer du rêve à la réalité, de Pallilogienyc
Ainsi célébrons-nous virtuellement notre passion commune pour l’écriture, que nous avons ressentie au cours de ce combat personnel au souvenir prégnant toute la nuit du 24 octobre 2015, où nous aurons donné le meilleur de nous-même pour atteindre ainsi une certaine vision de l’élite, fut-elle modeste.
21:48 | Lien permanent | Commentaires (14)
21 février 2016
Réflexions capillaires
« Les golfes se creusent de plus en plus. »
Face au miroir je ne peux que constater les ravages du temps sur mon crâne. Le coiffeur, pas un de ces minets barbus qui vous vendent le dernier shampoing, que dis-je, le dernier soin à la mode, mon coiffeur donc, un de ces vieux coiffeurs pour hommes dans son salon de banlieue sans prétention, me répond avec son sourire narquois vissé au visage : « Que voulez-vous, c’est notre croix à nous, les hommes. »
Debout derrière moi, il continue de m’essuyer la tête où la calvitie avance ses pions, tout en me regardant bien en face dans le miroir. « Remarquez, vous n’avez pas à vous plaindre, vous en avez encore là ! » ajoute-t-il en désignant d’un coup de menton l’arrière de mon crâne. J’acquiesce tandis qu’il ajuste la collerette. « Je préfère ça. Au moins je peux regarder le problème en face » dis-je pas mécontent de ma répartie face à mon coiffeur madré. Il rigole un coup, et puis il se retourne en me désignant, dans le reflet du miroir, la tonsure qui règne au sommet de son crâne : « Moi, on me fait des réflexions ».
22:43 | Lien permanent | Commentaires (2)
11 février 2016
Osez 20 histoires de correspondance érotique
Cette fois-ci, j’ai impatiemment attendu de recevoir mon exemplaire du dernier recueil de la collection Osez 20 histoires dans ma boîte à lettres, avant de me jeter dessus comme la petite vérole sur le bas clergé. J’ai été agréablement surpris par la diversité du traitement du thème. La correspondance apparaît parfois dans la forme épistolaire de la nouvelle, que ce soit à une voix, deux voix, voire plus si affinités. Mais elle en est parfois l’objet, voire à la fois la forme et le fond, comme dans cette remarquable Correspondances de John Elliott. Je vais, à la différence de ma dernière chronique, vous donner un aperçu plus exhaustif de cet opus, parce ce que c’est selon moi un grand cru. Je vous prie donc de me pardonner la taille excessive de cette note. En la matière, plus c’est bon, plus c’est long.
Avec La reine des abeilles, Axelle F. nous sert l’histoire fort agréable de la seule serveuse d’un grand restaurant qui reçoit des avances rédigées sur le bloc de commande. Je regrette la position du narrateur omniscient alors que l’auteur décrit uniquement le point de vue de la serveuse, mais le rythme est relevé par l’échange épistolaire pétillant aux réparties audacieuses :
« Petite garce. Tu veux me rendre fou. Et puis ce sillage, ton parfum mêlé à ta transpiration. Ça m’a mis la bite en feu, ça. Au bar, j’étais comme un lion en cage. Peux-tu t’imaginer ce que c’est pour un mâle en rut d’avoir le désir qui piétine ? Je te regardais virevolter en salle, les nichons expressifs dans ton décolleté. Il m’a fallu tirer plusieurs fois sur ma tige pour la remettre en place. »
Mélanie et Geek82 d’Anne-Charlotte Tunroc nous plonge dans les pensées d’une jeune thésarde qui se soumet aux ordres pervers d’un inconnu d’internet :
« C’était absurde car j’aurais pu répondre oui sans le faire. Mais je le fis car j’aimais sa manière de me donner des ordres. J’étais fatiguée, mais ma curiosité était éveillée, et j’aimais cette demi-passivité où j’étais plongée. Ça me plaisait d’être sa marionnette. Je laissais ma nuisette tomber sur mon ventre. Je regardais mes seins et je constatais qu’ils pointaient. »
J’aime beaucoup Vincent Rieussec. Avec L’été de l’hirondelle, il nous propose une délicieuse nouvelle épistolaire du seul point de vue d’une femme adultère, qui écrit ses aveux complaisants à son mari cocu. Les hésitations du premier rendez-vous sont décrites avec autant de finesse que sa pornographie délicate :
« Jason a contemplé un instant ma vulve entrouverte nappée de sécrétions poisseuses. Puis il s’est allongé, et des deux mains, il a déployé les petites lèvres trempées d’un jus oncteux. Longuement, il a respiré ma chatte s’enivrant de son fumet. Sa verge se dressait comme un mât de cocagne. Avec application, en gourmet, il a léché le fouillis des muqueuses brûlantes. Soûlé par les vapeurs de mes chairs, il a plongé plus profond sa bouche dans la vulve ouverte et fouillé de la langue mon vagin à la recherche de la mouille grasse qu’il adore tant déguster. »
Je ne connaissais pas John Elliott mais j’ai été tout simplement bluffé par sa nouvelle épistolaire intitulée Correspondances. Elle n’est certes pas aussi excitante que celle de Vincent Rieussec, mais elle est structurée avec une intelligence telle qu’il est parvenu à enchâsser deux correspondances et nous tenir en haleine. On retrouve une même maîtrise chez Clarissa Rivière, dont les Défis épistolaires sont, je dois l’avouer, particulièrement bandants. Il est vrai que cette situation, celle d’un homme qui séduit une femme par écrit pour l’enjoindre à coucher dans les draps ce qu’ils ont couché sur le papier, ne m’est pas inconnue. Je ne résiste pas au plaisir de vous en livrer un passage, où on reconnaîtra l’usage si particulier du verbe aimer cher à l’auteur, mais aussi l’apparition du verbe baiser. Oh ! Clarissa !
« Son maître ne l’a pas fouettée, ni frappée ce soir-là. Il a fait bien pire. Il s’est contenté de l’ignorer pendant qu’il me déshabillait, me caressait. Il m’a aimée longuement, avec feu, sans fatigue apparente. Il s’arrangeait pour me baiser tout près de Marie, qu’elle puisse voir nos sexes s’emboîter malgré ses yeux baissés, sentir l’odeur de nos désirs. Il lui a ensuite ordonné de me faire plaisir, d’un ton sans réplique, et Marie s’est aussitôt exécutée. Elle s’est mise à me lécher tendrement le clitoris tandis que je me faisais prendre vigoureusement par-derrière. Oh, le contraste entre la douceur de sa langue et les coups de boutoir dans ma chatte ! »
La correspondance se prend en queue, de Nicolas Touky, est elle aussi un petit bijou d’originalité qui me rappelle les délices du vouvoiement érotique. Imaginez mesdames, qu’un inconnu dans le métro glisse son adresse dans votre petite culotte. La correspondance qui s’en suit ne manque pas de saveur :
« Mes narines frétillent encore au parfum subtil que vous avez eu la délicieuse audace d’apposer sur ce petit papier. J’ai bandé, madame, en le humant, les yeux fermés. Je bande encore en pensant à la source originelle qui a su produire ce fumet évocateur des sous-bois fleuris de mon enfance, d’un printemps précoce, d’une rosée abondante, chauffée au soleil de mai et qui exhale les parfums enfouis d’un humus généreux. On en mangerait.»
Avec Le secret de tante Anne, Amandine Gantois nous propose, à l’instar de John Elliott, le scénario de la découverte d’une ancienne correspondance aux accents romanesques, entre une bourgeoise visiteuse de prison et un détenu gitan :
« Anne, si je vous avoue sans pudeur mes pensées, c’est pour que vous ne perdiez pas de vue qui je suis. Je vous souillerais comme une vulgaire poupée de chiffon. Je vous baiserais sans ménagement, et une fois repu, je vous laisserais là. Est-ce vraiment cela que vous voulez ? »
Raphael Boudin joue la carte d’une relation atypique entre une femme âgée et un adonis imbu de sa jeunesse dans Vous ne retrouverez jamais plus, une nouvelle aussi intelligente que cruelle :
« Vous n’êtes plus jeune. Vous n’êtes plus ni baisée ni baisable depuis des décennies. Et pourtant, vous souhaitez l’être, de tout votre corps. Vous ne pensez qu’à ça. Vous vivez dans le regret. Ce don rare, ou plutôt cette dépendance à l’amour physique qu’il vous reste, je l’aime. Car cela vous met à ma merci… »
Je n’étais pas parvenu à lire Julien Ligny dans le précédent recueil et j’ai abordé à reculons sa dernière nouvelle intitulée Le rouge de ta queue. On retrouve toujours le thème de l’homosexualité masculine qui ne m’excite pas personnellement, mais j’ai trouvé cette nouvelle aussi bien écrite que bien construite. La juxtaposition de la correspondance et des pensées du protagoniste principal est particulièrement réussie. Entre amis, de Louise Laëdec joue la carte de l’erreur de destinataire dans une correspondance subtile et excitante, pleine de sous-entendus, qui entraîne des amis vers l’adultère et la trahison :
« Chère Anna, Théo a beau être mon meilleur ami, il n’en reste pas moins que je t’apprécie énormément, et que je suis navré qu’il ne parvienne pas à te satisfaire. Votre vie sexuelle ne me regarde pas, en effet, mais quelque part, je ne peux pas m’empêcher de penser que ton erreur de destinataire est un acte manqué… En tant qu’homme, peut-être pourrais-je t’aider… »
Encore une nouvelle épistolaire avec Un seul être vous manque de Jean Darmen où une femme attend son amant et découvre… mais que découvre-t-elle au juste ? On ne le sait qu’à la fin de ce texte bien mené mais si soft qu’il n’est peut-être pas aussi excitant qu’il aurait pu l’être. On ne peut pas en dire autant du texte d’Aude Dite Orium intitulé Lettre ouverte à Colette James auteur de nouvelles érotiques, qui est ni plus ni moins que la description d’un viol collectif. Je déteste être excité par l’abject, même s’il me faut bien reconnaître ce talent à l’auteur. Ce recueil se termine par ma nouvelle préférée, Des mots de feu de Julie Derussy. L’auteure est parvenue à allier le souffle romanesque à un érotisme torride, tout en distillant des phrases remarquables que je ne citerai pas pour ne pas dévoiler l’intrigue. J’ajouterai simplement que le prénom de la principale protagoniste a été judicieusement choisi.
Quant à moi, je vous propose Mensonges au paradis, une nouvelle épistolaire perverse, à plusieurs voix, inspirée par le modèle indépassable des liaisons dangereuses, bien que son ton soit résolument moderne. Sur ces encouragements à lire cet opus, je vais me remettre à l’ouvrage car j’ai une histoire de vestiaires sur le feu…
13:57 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : écriture, erotisme
07 février 2016
Prostitution et pénalisation du client
J’ai lu avec intérêt l’article d’Emma sur Paris Derrière à propos la pénalisation des clients des prostituées, et je m’apprêtais à y répondre lorsque j’ai réalisé que ce que j’avais écrit était bien trop long pour un commentaire, mais bien assez long pour faire l’objet d’une note.
Emma pense que cette mesure va avant tout pénaliser les clients pauvres :
Sauf que pénaliser le client, c’est pénaliser les pauvres, les sans dents. Les riches n’ont jamais vraiment besoin de faire appel à des prostitués. Les riches, parcequ’ils sont riches, attirent forcément facilement toutes sortes de femmes. La tune, c’est les muscles d’antan. C’est la course au mal dominant. (Ce qui ne grandit pas les femmes, nous sommes d’accord et ça aussi, ce n’est pas une fatalité.) Et quand bien même les plus aisés s’offrent des prostitués, ils n’iront jamais jouer les michetons boulevard de la Villette, en prenant le risque d’une amende. Beaucoup d’hommes font aussi leur choix bien au chaud, chez eux via internet où pullulent les réseaux d’escorts. Le tout est livré à domicile ou à l’hôtel. Les filles se déplacent, ils ne prennent pas le risques. Tout se passe en vase clôt, à la merci de l’éventuelle violence du client.
Je ne suis pas tout à fait d'accord avec elle. A l'heure de la surveillance généralisée sur internet, il sera assez facile de débusquer les clients plus aisés qui passent par les sites d'escorts et se font livrer des filles à domicile ou à l’hôtel. Rien de techniquement impossible puisqu'on trouve bien les consommateurs d'images pédophiles. Le montant de l'amende pourrait aussi rentabiliser la traque du client qui paiera sans discuter ses 1500 euros plutôt que d'essuyer la honte d'un appel au tribunal, sans parler de ses éventuels déboires conjugaux. En fin de compte, la consommation de la prostitution serait réprimée comme un excès de vitesse. Le racolage est permis tout comme on vend des voitures dites "sportives", alors que la "consommation" et l’excès de vitesse sont pénalisés. Ainsi le gouvernement ponctionne un business plutôt que de l’éradiquer. Quand les caisses sont vides, la fin justifie les moyens.
On peut donc aisément imaginer que le cœur de l’activité va quitter la place publique sans pour autant disparaître. Les clients partiront à l’étranger pour ceux qui sont prêts à se taper mille bornes pour aller tirer un coup dans des maisons d'abattage à la frontière allemande ou espagnole, ou bien sur le darknet. Je n'ose imaginer quels "services" y seront proposés aux clients français en toute illégalité. Et certains iront tenter leur chance en club libertin.
Je me souviens avoir rencontré au Pluriel Club, voici quelques années, un trentenaire qui jouissait d’un certain succès parmi les femmes présentes. J’avais été frappé par son vocabulaire. Il n’utilisait pas le terme « club libertin » mais « bordel ». La plupart des hommes seuls qui vont en club sont là pour tirer leur coup, comme au bordel mais sans la culpabilité d’une relation tarifée avec une professionnelle. Pour un prix voisin (une entrée au Moon City coûte 150 euros à un homme seul) ils ont le petit espoir de rencontrer une sex-friend qui leur permettra d’accéder au sésame des « soirées couples ». On pouvait d’ailleurs lire sur le blog de Camille les témoignages d’hommes qui venaient aux soirées couples escortés d’une prostituée chinoise au comportement particulièrement vulgaire.
La crainte d’être pris en flagrant délit poussera sans doute certains clients des prostituées vers les clubs libertins où ils espéreront en avoir pour leur argent. Quel comportement adopteront-ils ? Celui de la séduction subtile alors qu’ils n’ont pas la gueule de l’emploi ? Ou bien l’étalage d’une richesse apparente, avec bouteille de champ ostentatoire afin d’attirer les « libertines » qui veulent « joindre l’utile à l’agréable » ? Une chose me paraît certaine, cette mesure moralement louable et justifiée, contribuera à l’amalgame entre libertinage et prostitution.
Enfin, je ne vais sans doute pas me faire des amis en mettant les pieds dans ce plat, mais quid de la pornographie ? Les professionnelles et semi-professionnelles qui s’y livrent le font elles par plaisir ? Ne nous voilons pas la face, l’immense majorité des actrices pornos subissent cela pour l’argent. Puisqu’elles se font baiser sans ménagement par des inconnus pour de l’argent, je ne pense pas être dans l’erreur en affirmant qu’elles se prostituent. Se repaître du spectacle de cette prostitution serait licite, mais s’y adonner ne le serait pas ? Les producteurs de films pornographiques français seront-ils poursuivis, comme des clients qui payent une prostituée pour avoir une relation sexuelle, fut-ce avec un autre, en l’occurrence un hardeur ? La question mérite d’être posée.
19:44 Publié dans Réflexions | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : prostitution
04 février 2016
Vagant le terrible
J’ai rencontré Carole il y a plus de quinze ans, sur le forum Aventures d’auFeminin. Je serais bien en peine de vous retracer les détails de nos conversations, mais elles ont assez rapidement dérivé sur le terrain érotique où Carole avait un talent certain. C’est avec elle que j’avais signé In Clito Veritas. Pharmacienne de son état, mariée depuis quelques années, elle était globalement heureuse dans son couple, comme on peut l’être après avoir voulu devenir mère, mais sans parvenir à redevenir femme auprès d’un mari assoupi. Ainsi avait-elle cédé au désir de prendre un amant. Le parjure consommé, elle finit par prendre goût à l’illégitimité et en prit un second. Il n’y a que le premier pas qui coûte. Quand j’ai connu Carole, elle en avait déjà trois, très différents les uns des autres. Elle décida que je serai le quatrième point cardinal nécessaire à son équilibre.
Accorder nos agendas pour une première rencontre ne fut pas le plus simple, mais je m’engageai le cœur battant dans un périple de six heures de train pour quatre heures d’amour. Je résistais encore au téléphone portable à cette époque, et lorsque je suis arrivé à la gare de notre rendez-vous, j’ai suivi le protocole que nous avions mis au point. Je l’ai appelée à partir d’une cabine téléphonique qu’elle m’avait indiquée, et j’ai attendu qu’elle m’autorise à me retourner pendant qu’elle approchait derrière moi. Nous n’avions jamais échangé la moindre photo. J’ai été surpris de voir une petite femme pétillante d’une trentaine d’années, aux cheveux roux et frisés. Très franchement, ce n’est pas le genre de femme sur lequel je me serais retourné dans la rue, d’autant que ce n’est guère mon style de me comporter de façon aussi ostentatoire. Mais lorsqu’elle m’a littéralement pris par la main en me disant « Allez, vient ! », j’ai senti aussitôt mon sexe gonfler dans mon pantalon.
Je la suis dans un hôtel de l’autre côté de la place. Avis de tempête dès notre arrivée dans la chambre. Nous nous jetons l’un sur l’autre. Je l’embrasse goulûment tandis qu’elle m’attire sur le lit. Nos vêtements volent. Mes lèvres découvrent ses petits seins aux pointes tendues alors qu’elle me griffe le dos. J’esquive son string. Sa chatte épilée ruisselle sous mes doigts. Je crois bien ne pas avoir pris le temps de lui ôter sa lingerie avant de la prendre, en urgence. J’étais un amant particulièrement fougueux à cette époque, doué d’une belle capacité à bander, éjaculer, et bander de nouveau, cinq ou six fois de suite. Intensité est le meilleur qualificatif de notre étreinte.
Vers midi, pose sandwich. Adam et Ève pique-niquent sur le lit, la pomme croquée jusqu’au trognon. Je me souviens alors du petit paquet apporté à l’intention de Carole. Je la savais gourmande, et je suis sûr de mon choix. Elle déchire l’emballage et fait la moue devant le godemichet noir. Elle avait prévu pour moi quelque code de plus délicat en m’offrant un stylo. Notre rencontre est définitivement sous l’égide de l’érotisme. Quelques minutes plus tard, en soixante-neuf, elle apprécie pourtant que je lui glisse dans la chatte ce godemichet tout en lui léchant le clitoris. « Tu es un gang-bang à toi tout seul ! » me souffle-t-elle entre deux gémissements. Les orgasmes se succèdent et je me sens pousser des ailes. Combien de temps cela pourrait-il durer ? Sa langue magique me redresse une fois de plus. Elle m’enjambe et, cuisses écartées, genoux fléchis, en équilibre sur les pieds, elle me sort « Six ans de danse classique ! » avant de s’empaler sur mon dard et remonter à la seule force des jambes. Cette fois-ci, c’est elle qui me baise, jusqu’à ce que je n’y tienne plus, que mes hanches percutent les siennes, et que nos sexes encastrés nous projettent dans notre dernier orgasme.
Seconde rencontre quelques semaines plus tard. J’entre dans la chambre d’hôtel où Carole m’a promis deux cadeaux intimes. Le premier m’attend sur la chaise, tout enrubanné de satin et de dentelles. Je me demande encore comment Carole est parvenue à s’attacher ainsi, les yeux bandés. Ce jour-là, elle m’offre son anus. Je le prends en douceur. « Qu’est-ce que c’est bon de se faire enculer », me souffle-t-elle quand j’explose en elle. C’est ma première sodomie. L’autre cadeau est plus intime encore, c’est une bouteille dont l’étiquette représente un château bordelais. Elle me montre du doigt une des fenêtres et me dit que c’était celle de sa chambre. J’ai longtemps gardé le cadavre.
C’est à la fin de ce second rendez-vous que Carole a pris cette photo. Elle décida que parmi ses quatre amants, j’étais indubitablement le sud. Quelques semaines plus tard, elle ne suivait plus que ma direction, mais ça, c’est une autre histoire.
00:08 Publié dans Défis | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : carole, erotisme