Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

04 avril 2014

L’attribut du sujet - 2

Si je suis bien le serviteur, je suis en réalité vêtu de la tête aux pieds, et non pas nu comme je l’avais imaginé dans mon récit imaginaire. En revanche, l’excitation qui s’est emparée « du personnel » à l’arrivée des invités était au-delà de ce que j’avais suggéré.

« Les premiers invités arrivent ! Tout le monde en place ! » s’était écrié C*** dans le salon. J’ai abandonné un instant mes huitres pour écarter le rideau qui occultait nos préparatifs en cuisine. Au salon, chacun ajustait son masque, prenait une pose étudiée, et retenait son souffle. La tension était aussi forte pour les complices en coulisse que pour les convives dans l’expectative. A peine avais-je eu le temps de retourner m’escrimer contre les huitres, que C*** écartait le rideau de la cuisine en brandissant une bouteille de champagne à mettre au frais. « Ils sont arrivés ! Tenez-vous prêts » nous avait-il chuchotés. Il prit une longue inspiration et entra en scène comme on se jette dans l’arène.

Entre deux divins préparatifs réalisés grâce à l’adresse diabolique d’une succube, mes pensées allaient vers Mathilde, assise incognito dans la banquette du salon, superbe dans sa petite robe noire qui offre une vue vertigineuse sur sa chute de rein, mais aussi vers G*** et M*** qui avaient accepté mon invitation, sans savoir si Mathilde et moi serions présents, ni même être en mesure de nous reconnaitre après toutes ces années. Étaient-ils arrivés ? Déjà, les trois coups avaient été donnés, les deux anges étaient tombés du ciel, il ne manquait plus que le champagne et il était temps pour moi d’entrer à mon tour en scène, avec une solennité que je n’imaginais pas dans ma parodie saugrenue.

Les tableaux s’enchainaient à un rythme qui m’apparaissait bien plus rapide qu’au cours de cette première répétition où Mathilde et moi avions assisté, admiratifs et inquiets, au ballet des plats et des corps. Cette fois-ci, à la demande de C***, ma douce Mathilde improvisait avec maestria la scénographie des huitres, alliant le charme et les bons mots, pour initier les divines dégustations dont j’étais frustré. Car je jouais moi aussi ma modeste partition, à courir en cuisine, apporter les plats, remplir les verres – mais pas trop ! – avec une apparente servilité malgré les piques de celui que j’imaginais être G***, qui sans doute me cherchait lui aussi, et m’avait peut-être déjà reconnu.  Ce fut mon sentiment alors que je remplissais son verre et qu’il regardait mon masque impassible, quand il sortit tout de go : « Je veux le même esclave à la maison !
-    On ne peut pas être à la fois esclave et choisir son apparent esclavage ! rétorqua aussitôt P*** juste à côté de moi.»

J’ai tapoté son épaule en signe d’assentiment silencieux pour sa lumineuse répartie. Quelques minutes plus tard, P*** et son apparente soumise illustraient avec maestria ces propos.

À leur côté, derrière le rideau de bougies, je présentais le plateau d’accessoires à ceux et celles qui se succédaient devant la soumise agenouillée, entièrement nue. Sous couvert de mon masque qui ne laisse apparaitre aucune émotion, je m’amusais de leur maladresse, oubliant un instant combien j’avais été impressionné quand je m’étais livré à ce rituel. Entre deux passages, je regardais Mathilde, assise entre deux belles femmes entreprenantes, dont celle qui devait être M***. Leurs mains se baladaient, leurs lèvres s’embrasaient. La volupté coulait dans les décolletés, la sensualité s’insinuait sous les cuisses. Ce spectacle qui m’excitait et m’émouvait à la fois, c’était celui du plaisir de Mathilde. Je n’en étais pas l’instigateur et je me surprenais à ne pas en être frustré ni jaloux. Son bonheur est le mien.

Raide comme la justice, je devine que celui qui s’avance maintenant, à pas félins, est sans doute mon très cher G***. La quarantaine racée, il s’approche de la femme agenouillée avec une mordante assurance, s’accroupit à son tour, et ignorant le plateau que je lui tends, il croque directement sa part aux lèvres de la soumise. « Voilà un homme qui sait improviser ! » s’exclame une comédienne estomaquée.

Au tableau du peignoir, contemplatif, je retrouve Mathilde en étroite compagnie. Par derrière, ses hanches plaquées aux fesses de ma Naïade, M*** la trousse ostensiblement. Par devant, c’est le facétieux J*** qui s’attaque au décolleté de ma belle. Il fait glisser les bretelles de sa robe tout en cueillant des baisers à la douceur de ses lèvres, où je lis les « je t’aime » silencieux qu’elle m’adresse discrètement. Elle ne porte pas de soutien-gorge et ne tarderait pas à être nue si leur manège continuait. Je m’approche, et leur chuchote en écho les paroles de la comédienne en peignoir sur un ton faussement réprobateur : « Savez-vous que Casanova a vécu ici ? Un peu de dignité ! » Ma remontrance ne reçoit pour réponse que les soupirs appuyés de M***. En m’approchant au plus près, je réalise que les mains de ma belle ne sont pas inactives : glissées entre ses fesses et le ventre de M***, elles disparaissent entre les cuisses de celle-ci qui se pâme de plus belle derrière elle. « Ne savez-vous donc pas que Casanova a vécu ici ?» dis-je à nouveau en glissant à mon tour une main entre les cuisses de Mathilde. Mon doigt inquisiteur s’immisce dans une douce moiteur, Mathilde se mort les lèvres et je maudis mon masque qui ne me permet pas de les baiser. « Vous savez bien que Casanova a vécu ici ? Un peu de tenue mesdames !
-    Justement, comment pourrions-nous mieux lui présenter nos hommages, me rétorque M*** dans un soupir alangui.
-    Dans ce cas, je lui présente mes respects au garde à vous !
-    Ne sortez pas du rang mon brave, me reproche-t-elle à peine remise de sa jouissance fugace, l’attribut du sujet n’est pas le sexe du serviteur. »

Serveur.pngElle ponctue sa remarque d’un sourire victorieux, qu’elle adoucit un peu en glissant sa petite culotte humide dans ma poche. C’est ainsi que je ne réalisai pas mon fantasme d’être le serveur au premier plan du buffet dinatoire d’Alex Szekely, bien que j’en avais le rôle, le bon casting et les  principaux attributs sous la main.

À la fin de la répétition, les masques tombent. Ceux de G*** et M*** bien sûr, après nos longs échanges épistolaires, nos invraisemblables défis érotiques, et sept ans de silence, ce qui me permet de mettre enfin des visages sur ce couple fantasmatique. Mais aussi celui de ma douce Mathilde, que je peux enfin embrasser à loisir, et qui s’est révélée bien plus coquine que beaucoup l’imaginaient. Dans l’écrin merveilleux qu’offre les répétitions de C***, elle aura pu exprimer son besoin de séduire autant par le corps que l’esprit, pulsion irrésistible que j’avais moi aussi ressentie voici quelques années comme en témoigne ce blog, avec une telle charge érotique que ma belle me séduit toujours davantage. Lire les « je t’aime » silencieux que ses lèvres m’adressaient au cœur des caresses libertines m’aura bouleversé d’amour. Le masque d’une jalouse exclusivité serait-il aussi tombé ?

31 mars 2014

L'attribut du sujet - 1

Raide comme la justice, je regarde cet inconnu dont je devine l’identité. Masqué d’un loup à l’instar des autres convives, il avance à pas félins vers la jeune soumise offerte à mes pieds. Entièrement nue, sa tête renversée en arrière, la bouche ouverte, déjà pleine, elle est agenouillée aux pieds de son maître. À deux pas de ce couple, derrière un rideau de bougies, j’attends avec mes attributs, dont un plateau d’accessoires à présenter respectueusement aux convives, et ce masque qui me recouvre entièrement le visage. J’attends avec la patience feinte du majordome dont le rôle m’a été échu.

Par un de ces hasards inaccessibles au romancier mais que la vie seule peut susciter, j’ai la fonction de serviteur comme je l’avais écrit quelques semaines auparavant dans le récit imaginaire d’une des fameuses soirées de C***, fiction inspirée des notes de CUI dont cette illustration d’Alex Szekely intitulée le buffet dinatoire :

szekely.jpg

Au premier plan de cette scène grivoise, un serveur nu est l’objet de l’attention de plusieurs femmes, sans se départir de son professionnalisme ni masquer le plaisir d’être un objet de désir, plaisir qu’on attribue traditionnellement à la gent féminine, mais auquel un homme hétérosexuel peut aussi être sensible. Les femmes intéressées par le sexe du serveur sont certes nues dans ce tableau, mais leur posture dominatrice de cliente face au serveur soumis à sa fonction, avait immédiatement réveillé mes vieux fantasmes CFNM, où la nudité de l’homme face à la femme habillée caractérise la relation de Domination/soumission. J’avais aussitôt synthétisé ces éléments en un récit aussi onirique qu’ironique à propos de ces mystérieuses soirées dont je ne savais presque rien, mais auxquelles je rêvais pourtant de participer. J’étais sur le point de publier cette fiction extravagante lorsque Mathilde et moi avions été réellement conviés à une de ces soirées, et maintenant que j’y joue le rôle d'humble serviteur, les premiers paragraphes de cette fantasmagorie me reviennent à l’esprit tel un songe quand il s’avère prémonitoire :

Qui a bien pu dire que le meilleur moment de l’amour, c’est quand on monte les escaliers ? Encore faut-il avoir le regard vissé au postérieur de la jolie femme qui nous précède, alors que moi, j’ai le cœur haletant et l’angoisse pour seule perspective. Voilà, je suis arrivé au seuil de l’aventure, devant la porte d’entrée de l’appartement bourgeois où je sonne, en essayant de me composer un visage festif pour masquer mes appréhensions.

-    Pile à l’heure, me dit C*** en ouvrant la porte.
-    Oui, assez en avance pour mettre la tenue du personnel.
-    La mettre, façon de parler, me dit C*** avec un sourire en coin. La voici, ajoute-t-il narquois en me tendant un nœud papillon.
-    Je me change où ?
-    Dans le vestiaire, première chambre à gauche dans le couloir.
-    Je suis le premier ?
-    Non, une soubrette est déjà arrivée. Tu m’excuseras, je ne peux pas t’introduire, j’ai un souci avec les huitres…

Je pousse la porte entrouverte de la première chambre de gauche. La soubrette prête à l’emploi qui ajuste sa coiffe se tourne vers moi en m’adressant un sourire gêné.  De taille moyenne, la trentaine et les joues roses, elle ne porte essentiellement qu’un tablier qui surligne sa nudité, des bas noirs soutenus par l’incontournable porte jarretelle, des escarpins vernis, et quelques colifichets, dont le plus amusant est un nœud papillon entre ses seins nus, à la croisée d’une sorte de soutien-gorge sans bonnet ni autre fonction qu’un érotisme canaille.

-    Bonjour, excusez-moi de vous déranger, je me présente: Vagant. Je vous fais la bise confraternelle…
-    Moi c’est F***, me dit-elle en rougissant de plus belle, vous faites aussi partie du… personnel ?
-    Oui…
-    Je me demande comment est votre costume ?
-    On ne peut plus simple, lui dis-je en lui montrant le nœud papillon.
-    Je vois… glousse-t-elle avec un air faussement apitoyé.
-    Pas encore, mais ça ne va pas tarder. C’est plutôt amusant, en fin de compte…
-    Oui, on peut dire ça, mais c’est tout de même très gênant, ajoute-t-elle en me regardant distraitement tandis que je me déshabille. Pour moi c’est un défi que j’ai décidé de relever. Je sais que je pourrai refuser les propositions licencieuses, qui ne manqueront pas, sans doute, enfin, j’ose l’espérer avec cette tenue ridicule…
-    Mais non, vous êtes parfaite et, pardonnez-moi cette grivoiserie, bandante, ajoutai-je sur un ton aussi neutre que possible tout en achevant de me déshabiller.
-    Oui… je vois… où en étais-je... Ah oui, je pourrai refuser les propositions licencieuses, bien que les invités se feront un devoir de m’en faire, mais mon rôle suggère qu’à priori, je devrais m’y soumettre, ce qui m’inquiète, mais… m’excite aussi terriblement !
-    A qui le dites-vous !
-    Ah, on sonne ! Sans doute les premiers invités. Je vous laisse pour aller les accueillir…

A suivre…

19 mars 2014

Tutoiement-2

«   C’est tout ? qu’elle me dit, je voulais me faire défoncer le cul et la chatte !
-    Tu veux que j’aille chercher les deux grands blacks sur le parking ? »

Sarah pose sur moi un regard interrogateur. J’embraye aussitôt : « tu n’avais pas pour fantasme de te faire un black ? Tu en auras deux pour le prix d’un ! » et j’ajoute le mot magique « Chiche ? ».  « Chiche ! » me répond-t-elle, le défi aux yeux. Je me lève, me rhabille en vitesse et sort de la chambre sans un regard pour elle. Les deux africains sont toujours là.

Je m’approche d’eux tandis qu’ils sont penchés sur le capot d'une voiture à remplir un certificat de cession. Ils palabrent en Nouchi mâtiné de Verlan du neuf trois, surtout pour le plus jeune des deux qui ne doit pas avoir trente ans. Le plus âgé porte des bracelets et des bagues en argent typiques des Sahéliens. Il a la quarantaine, peut-être. Une quarantaine usée aux mains calleuses.
-    Salut !  que je leur dis.
-    Bonjour, me répondent-ils avec un air méfiant.
-    Il fait pas chaud, hein ? J’ai pris une chambre avec ma copine, si vous voulez vous réchauffer un peu…
-    Non… Non… Ça va comme ça, me dit le plus vieux de plus en plus méfiant.
-    Vous avez peut-être vu ma copine, c’est la jolie blonde qui attendait sur le parking. Elle vous trouve mignons.

Mignon. Franchement, je me demande où j’ai été cherché cet adjectif en voyant le plus âgé écarquiller les yeux, mais je perçois dans le visage du plus jeune l'esquisse d’un sourire et un regard en coin. Si les femmes ont un radar pour détecter leurs rivales potentielles, les hommes voient le vice de leurs pairs à trois kilomètres. Je m’approche du jeune et joue mon va-tout : « elle aime les beaux blacks ». Le gars me sourit plus franchement puis s’adresse à son acolyte toujours sur la défensive. Je ne comprends pas tout, mais je saisis les grandes lignes de l’argumentaire : Primo, un coup gratuit ça ne se refuse pas, et les épouses du vieux restées au village seront bien contentes de recevoir, en plus des économies sur son maigre salaire, le prix de la passe mensuelle avec Fatoumata du foyer Sonacotra. Secundo, il passerait vraiment pour un con s’il rentrait au pays en ayant joué du marteau-piqueur sur tous les chantiers d’Île-de-France sans jamais s’être tapé une toubab. Tertio, il fait froid dêh. Le jeune se tourne vers moi : « OK, on te suit, mais papiers là, on pourra remplir ça dans la chambre ?
-    Sans aucun souci que je lui réponds » en sentant maintenant monter la pression sur mes frêles épaules.

loup.pngEn entrant dans la chambre, je suis saisi par l’atmosphère surchauffée d’effluves de baise. Sarah est sous les draps. Malgré la pénombre, je saisis une lueur d’inquiétude dans son regard en me voyant entrer suivi des deux compères. Je me demande si je n’ai pas poussé le curseur un peu trop loin, mais maintenant que le vin est tiré… Sarah se redresse d’un coup d’orgueil et lance un « salut les gars » qui m’épate de bravache. «  Moi c’est Jennifer ! » poursuit-elle en ponctuant sa présentation d’une moue suggestive qui ne lui ressemble guère. Elle a remis sa lingerie avantageuse et j’ai l’impression d’avoir à mes côté deux mimes du loup de Tex Avery. « Bonjour ma gazelle, moi c’est Boubakar, mais tu peux m’appeler Boub ! » dis le plus jeune des deux en s’approchant. » Il s’assied au chevet de Sarah et soupèse directement ses seins plantureux :  « Eh la go t’es seincère dêh !
-    Tu m’as l’air bien gréé toi aussi, mais tu ne veux pas prendre une douche pour être plus à l’aise ?
-    Tout de suite ma colombe. T’envole pas ! »

aya3.jpgEn quelques secondes, je suis passé de Tex Avery à Aya de Yopougon. Tandis que Boubakar se précipite dans le cabinet de toilette, son acolyte reste pétrifié au pied du lit, son certificat de cession toujours en main. « ça va ? lui lance Jennifer,  tu ne serais pas un peu timide ?
-    Oui…
-    Comment tu t’appelles ?
-    Dramane.
-    J’ai l’impression que je ne te plais pas !
-    Si… mais… je sais pas ô… j’ai pas trop l’habitude…
-    Crois-moi, moi non plus ! Assieds-toi, mets-toi à l’aise, on va voir si je te plais ou non, puisque tu ne sais pas… »

Éberlué à mon tour, je vois Sarah se redresser, à genoux sur le lit, prendre des poses provocantes, offrant aux yeux exorbités de Dramane une vue plongeante sur son décolleté, à quatre pattes, ses fesses rebondies entre lesquelles disparait le liseré de son string pourpre, sur le dos, ses jambes gainées de bas nylon dressées vers le ciel. Le pauvre homme, bouche bée, n’en perd pas une miette, esquissant pour seul mouvement celui de sa verge qui déforme peu à peu son pantalon. « On dirait que je te plais » annonce Jennifer en terminant son show tandis que Boubakar sort de la douche. Il est nu, avec une serviette blanche autour des reins, tendue comme une grand-voile bordée sur son phallus en bôme. Bien gréé, c’était le mot.

Boubakar ne tarde pas à rejoindre Sarah sur le lit, plonge son nez entre les seins offerts alors qu’elle découvre la mâture du bout des doigts. Elle me jette un regard ambigu tandis que je me déshabille à mon tour, et que Dramane opère un repli stratégique dans le cabinet de toilette. Je crois qu’il ne faudra pas trop compter sur lui pour faire le troisième. Boubakar est au contraire tout feu tout flammes. Sarah doit tempérer ses ardeurs pour qu’il n’escamote pas les préliminaires, mais en entrant à mon tour dans la danse, tout s’emballe : à peine a-t-elle commencé à me sucer, à quatre pattes, qu’il la prend en levrette. « T’inquiète pas ma gazelle, j’ai mis le protège tibia » lance-t-il en lui enfonçant profondément son chibre. Elle gémit, se mort les lèvres, ses yeux perdus dans les miens. Je vois poindre des larmes à la commissure de ses paupières. Des larmes de bonheur, sans doute.

À suivre…

13 février 2014

Invitation

Mon très cher G***,


    Je suis surpris de ne plus avoir de vos nouvelles. A peine avions-nous repris notre collaboration littéraire, après une interruption de sept années pour prendre le recul nécessaire sur nos aventures, que vous disparaissez à nouveau comme une fuyante Baudelairienne. Allez, je ne vous hais point malgré toutes les turpitudes auxquelles vous m’avez soumis, puisque je dois avoir un cœur bien grand et une âme bien douce, comme vous me l’écriviez alors, à moins que ce ne soit l’inverse. Au contraire, je ne veux pour vous que le meilleur, aussi je me permets de vous convier à une soirée privée. Il ne s’agit pas d’une de ces vulgaires partouzes cocaïnées à la Beigbeder, peuplées de pubarivistes et de mannequins russes, mais d’une performance artistique sur le thème de Casanova. J’y étais hier soir.

    Il y a peu d’événements dont on peut dire avec émotion « j’y étais » et plus rares encore sont ceux dont on peut aussi dire « j’y serai ». C’est pourtant le cas de cette soirée mémorable qui était en effet une répétition. Mathilde et moi y avions été invités pour 20h30 précise, tout de noir vêtus, avec pour sésame le port d’un masque vénitien. Le maître de cérémonie nous ouvrit la porte de ce spacieux atelier d’artiste niché sous les toits de Paris, dont les œuvres aussi remarquables que l’artiste qui les a produits vous auraient probablement ravi. Nous qui craignions d’être les premiers, nous étions les derniers, et les convives rassemblés à l’atelier nous jetèrent des regards de loups ; nous ne tardâmes pas à porter les nôtres. J’eus à peine le temps d’admirer Mathilde, dont le masque en dentelle de métal ajoutait du mystère à l’attrait de sa silhouette de Naïade, que les trois coups furent bientôt portés, deux anges tombèrent du ciel, et un verre de champagne en main, nous partîmes en voyage. C’est un voyage immobile sur les cinq continents des sens, tour à tour abordés entre rires et baisers, pour retrouver l’esprit de Casanova en donnant libre cours à sa lettre, pour y défier les lois de l’Amour et pour mieux s’y soumettre. Que dire de plus sans en dévoiler les surprises, sinon que ce voyage sensuel, ce dîner marin, ce festin de gourmets, cette gourmande alchimie est une véritable quête libertine.
 
    L’esprit de Casanova est-il là ? Telle était la question rhétorique posée lors de cette performance, et à laquelle je crois pouvoir aujourd’hui répondre, mais jugez-en plutôt : La représentation terminée, la soirée se poursuivait entre chicanes et baisers. Très à son aise en une si bonne compagnie, plus bohème que bourgeoise et jamais compassée, Mathilde papillonnait de conversations endiablées en caresses effleurées, butinait les hommages et autant de baisers, et des hommes, et des femmes par son charme enivrés, pour mon plus grand plaisir de voir ainsi ma fleur épanouie. Ainsi Mathilde et moi nous trouvâmes à moitié nus, avec la délicieuse D***, son facétieux amant J*** et le jeune B***. La perspective d’ébats plus poussés s’effaça toutefois face au débat que souleva la jeune D*** qui ne voulait plus s’abandonner aux plaisirs de la chair sans Amour. Elle souffrait pourtant de l’abstinence qu’elle s’imposait d’autant plus que Cupidon ne semblait guère agréer son sacrifice, comme le souligna ma chère Mathilde en avocat du diable. Je sais Mathilde pouvoir tenir des propos plus propices à la chasteté, mais j’avais à ce moment-là mon doigt sur son clitoris, et je me sentais prêt à exhiber devant toute l’assemblée combien j’étais fier d’être son amant en la possédant sous leurs yeux.

mask.png

    Cette situation indécise était-elle indigne de l’esprit de Casanova ? Permettez-moi de citer ses mémoires :


Je tombe sur la matière de l’amour, et elle en raisonne en maîtresse.
— Si l’amour, me dit-elle, n’est pas suivi de la possession de ce qu’on aime, il ne peut être qu’un tourment, et si la possession est défendue, il faut donc se garder d’aimer.
— J’en conviens, d’autant plus que la jouissance même d’un bel objet n’est pas un vrai plaisir, si l’amour ne l’a pas précédée.
— Et s’il l’a précédée, il l’accompagne, ce n’est pas douteux ; mais on peut douter qu’il la suive.
— C’est vrai, car souvent elle le fait mourir.
— Et s’il ne reste pas mort dans l’un et dans l’autre des deux objets qui s’entraimaient, c’est pour lors un meurtre, car celui des deux dans lequel l’amour survit à la jouissance reste malheureux.
— Cela est certain, madame, et d’après ce raisonnement filé par la plus démonstrative dialectique, je dois inférer que vous condamnez les sens à une diète perpétuelle. C’est cruel.
— Dieu me garde de ce platonisme. Je condamne l’amour sans jouissance également que la jouissance sans amour. Je vous laisse maître de la conséquence.
— Aimer et jouir, jouir et aimer, tour à tour.
— Vous y êtes.
À cette conclusion elle ne put s’empêcher de rire, et le duc lui baisa la main.


    Et nos arguments n’eurent guère plus d’effet que le même rire de D***, ce qui interrompit nos ébats mais ce dont nous ne fûmes en vérité pas fâchés, tant la tension érotique atteinte était une jouissance en elle-même. L’esprit de Casanova, c’est-à-dire l’essence du libertinage, était à mon humble avis bel et bien là.

    « M*** apprécierait-elle une telle soirée ? Pourrais-je l’inviter ?» me demanda C***, le remarquable organisateur de cette cérémonie sybarite menée de main de maitre, lui qui a connu M*** dans les circonstances que nous savons. Je l’ai aussitôt encouragé à le faire par mon entremise, et à vous convier tous les deux tant je vous imagine bien dans ce cadre de « libertinage oblique », entre la chaste verticalité et la prévisible horizontalité, là où tout est possible mais rien n’est certain. Mathilde et moi assisterions-nous alors à la même répétition que vous ? Laissons aussi cela au principe d’incertitude, bien que ce cadre exceptionnel serait assurément digne de notre première rencontre.


    Bien amicalement,


    Vagant

03 février 2014

L’homme trophée 3 – le coup de grâce

Assis dans un café à côté de Judith, l’ordinateur portable posé face à eux sur la table, Thomas termine les deux premiers chapitres de cette histoire. Judith avait d’abord été contrariée que Thomas, son vieil amant, s’emparât de sa malheureuse liaison avec Victor, pour décrire une vengeance qui n’aurait jamais lieu. Elle reconnaissait dans cette fable des portions de vérité, mais enchâssées dans une trame romanesque dont elle n’aurait jamais pu tenir le premier rôle. Sa liaison avec Victor était toute fraîche, et elle n’avait pas rompu officiellement avec lui. Comment l’aurait-elle pu alors qu’elle n’était officiellement  qu’un sex friend dans le meilleur des cas. « Comment veux-tu que je sorte de ta vie, puisque  je n’y suis pas ! » lui aurait-il certainement rétorqué si elle s’était avisée de rompre en bonne et due forme. Ainsi la fable de Thomas était un succédanée de rupture qui permettait à Julie d’éviter un affront de plus, et de prendre un peu de distance vis-à-vis de cette relation nocive. Sans avoir besoin de l’écrire explicitement, Thomas s’était attribué le beau rôle de l’inconnu, et il se vengeait ainsi de son rival qu’il savait bien plus jeune et qu’il imaginait bien plus beau. En partageant ce fantasme avec Judith, il espérait ridiculiser Victor dans l’esprit de son amante afin qu’elle l’oublie définitivement.

En fin de compte, Judith finit par s’amuser de la fable de Thomas, remanie les SMS selon le style lapidaire que Victor avait institué, et rebaptise tous les intervenants : Ludivine fait bonne copine, Victor serait victorieux, et Judith évoque l’héroïne de l’Ancien Testament immortalisée par un tableau du Caravage où elle décapite Holopherne.

Judith décapitant HolopherneSelon le récit biblique, le général Holopherne, envoyé par Nabuchodonosor II pour massacrer tout le proche Orient, est arrêté à Béthulie. Il assiège la ville qui est sur le point de se rendre, quand une habitante entreprend un acte héroïque. Seule avec sa servante et des cruches de vin, elle pénètre dans le camp d’Holopherne, qui est immédiatement ensorcelé par la beauté et l’intelligence de Judith. Il organise un banquet en l’honneur de cette femme qui, une fois que les domestiques se sont retirés et qu’Holopherne est complètement ivre, le décapite sans autre forme de procès. La Judith biblique s’enfuie alors du camp avec la tête d’Holopherne pour trophée, tout comme la Judith de Thomas quitte l’Overside après avoir tué son désir pour Victor, l’homme trophée.

Ravis du fruit illégitime de leur union littéraire, Judith propose à Thomas de terminer la soirée dans un club libertin parisien, Le Mask, où ils pourront assouvir leurs désirs depuis trop longtemps frustrés. Quelques couples sont déjà là, accoudés au bar, d’autres sur les banquettes des alcôves du fond, où des tables basses permettent de poser son verre avant de s’abandonner à d’autres douceurs. Après avoir fait le tour du club, Judith et Thomas s’asseyent confortablement dans ces coins câlins de plus en plus bondés qui permettent tous les ébats. Pour eux, ce serait plutôt tous les débats, car l’ombre de Victor qui les a suivis depuis le café est toujours là.

Confortablement blottie dans les bras de Thomas, dont la petite fable a remué de douloureux souvenirs dans l’esprit de Judith, elle évoque ses doutes et ses frustrations, lui explique combien elle a eu besoin de simple tendresse, tandis qu’elle livrait son corps au sexe sans état d’âme avec Victor. Tendrement enlacée à Thomas, dont la position ne lui permet que de toucher les seins de Judith, elle revit intérieurement sa liaison délétère avec Victor, qui fut pour Thomas source de frustration et d’incompréhension puisqu’il n’en avait pas connaissance. Dégoutée du sexe  brut avec Victor, elle ne pouvait plus offrir à Thomas qu’un amour épuré de la sexualité, qu’elle  réduisait avec lui à sa plus simple expression quand elle ne fuyait pas dans le sommeil dès qu’ils étaient enlacés. Ainsi les corps alanguis qui se vautrent tout autour d’eux dans la luxure illustrent cette baise dégoûtante tandis qu’elle s’assoupit dans les bras de son tendre amant. À force de céder sur les mots, on finit par céder sur la chose. Pour ce crétin de Thomas à la verge désespérément dressée, la réalité a rejoint la fiction, sauf qu’au lieu d’être l’artisan d’une vengeance, il en est la victime face à Victor le bien nommé. Judith l’a bel et bien attiré dans un club libertin pour le frustrer dans les bras d’un vieux rival : Morphée !

La morale de cette histoire, à l’usage des machos soucieux d’arriver à leurs fins avec les femmes, c’est Kundera qui nous la donne dans Le livre du rire et de l’oubli :

Le regard de l’homme a déjà été souvent décrit. Il se pose froidement sur la femme, paraît-il, comme s’il la mesurait, la pesait, l’évaluait, la choisissait, autrement dit comme s’il la changeait en chose.

Ce qu’on sait moins, c’est que la femme n’est pas tout à fait désarmée contre ce regard. Si elle est changée en chose, elle observe donc l’homme avec le regard d’une chose. C’est comme si le marteau avait soudain des yeux et observait fixement le maçon qui s’en sert pour enfoncer un clou. Le maçon voit le regard mauvais du marteau, il perd son assurance et se donne un coup sur le pouce.

Le maçon est le maitre du marteau, pourtant c’est le marteau qui a l’avantage sur le maçon, parce que l’outil sait exactement comment il doit être manié, tandis que celui qui le manie ne peut le savoir qu’à peu près.

Le pouvoir de regarder change le marteau en être vivant, mais le brave maçon doit soutenir son regard insolent et, d’une main ferme, le changer de nouveau en chose. On dit que la femme vit ainsi un mouvement cosmique vers le haut puis vers le bas : l’essor d’une chose se muant en créature et la chute d’une créature se muant en chose.

Toute l'histoire...

27 janvier 2014

L’homme trophée 2 – l’hallali

Quelques jours plus tard, Judith et Victor entrèrent à l’Overside, club libertin parisien célèbre pour ses fameuses soirées mixtes du dimanche soir. Victor qui ne fréquentait pas ce milieu ne se sentait pas à son aise.

-    Elle arrive quand ta copine ?
-    Dans une petite heure, le temps de finir sa soirée d’au revoir. On peut manger un truc en attendant.
-    Oui, n’empêche qu’on aurait été mieux chez moi.
-    Avec ton colocataire qui écoute aux portes ?
-    Tu trouves que c’est mieux ici ? Non seulement on va nous entendre mais aussi nous mater ! T’as pas vu la haie d’honneur des mecs qui attendent pour rentrer ?
-    T’inquiète pas darling, il ne peut rien arriver à un grand garçon comme toi ! Ludivine m’a dit qu’on peut vraiment s’éclater dans cette boîte. Il paraît que tout est bien géré et que les gens sont respectueux.

Judith et Victor furent conduits par le personnel vers un somptueux buffet que des couples de tous âges butinaient. S’il n’y avait pas eu ces alcôves encore vides, disposées le long d’un couloir à l’entrée du club, ils auraient pu s’imaginer dans une simple discothèque. La musique battait déjà son plein et la piste de danse, assez grande, entourée de podiums ornés de barre de pole dance, était peu à peu prise d’assaut par des couples de fêtards hétéroclites. Du balcon qui surplombait la piste, Judith et Victor assis côte à côte terminaient leur dîner en observant la faune qui, si elle était apparemment libertine au vu des tenues outrageuses de certaines femmes et des caresses impudiques de certains couples, n’apparaissait pas particulièrement portée sur l’échangisme. D’ailleurs, aucun couple n’était venu les aborder. « On va danser ? » proposa Judith à Victor, qui la suivit rasséréné, mais toutefois impatient que la fameuse Ludivine arrive.

Ils se dandinèrent tant et si bien sur la piste, qu’ils ne virent pas qu’on enlevait le buffet pendant que des hommes seuls faisaient leur apparition ici et là. À  l’image des couples présents, certains avaient l’apparence d’hommes d’affaire propres sur eux, d’autres de clubbers avertis. Sous le feu roulant des regards masculins, Judith semblait déchainée alors que Victor apparaissait fatigué et inquiet. «  Tu peux aller au vestiaire pour voir si Ludivine a laissé un message sur mon portable ? »  lui cria-t-elle à l’oreille. Victor hésita un instant à empoigner Judith manu militari pour sortir aussitôt de ce club, mais l’espoir de culbuter deux jolies femmes était plus grand que son angoisse, et il s’éclipsa momentanément. Pour la meute des hommes seuls, c’était l’hallali. Chacun d’entre eux vint tenter sa chance tour à tour ou deux par deux, les plus audacieux n’hésitant pas à saisir Judith par les hanches, les plus timides se contentant de lui sourire ostensiblement. Sans cesser de danser, Judith repoussait les plus collants.

Elle aurait pu choisir celui ou ceux qu’elle voulait pour son bon plaisir, mais comment un homme aurait-il pu trouver grâce à ses yeux dans ce contexte ? Aucun d’entre eux ne semblait convoité, les plus mignons ayant déjà été happés par les couples d’habitués. Les regards libidineux de ces seconds couteaux ne la flattaient pas, car elle ne percevait chez ces hommes en chasse aucune admiration pour elle, mais juste un désir bestial à assouvir avec la première qui le voudrait bien. Elle aurait certes pu profiter de la situation avec ces hommes interchangeables pour les consommer à loisir, alternativement ou simultanément, et en tirer un plaisir purement sexuel, ce dont Victor ne se serait pas privé dans la situation inverse. Il aurait fallu pour cela qu’elle ait suffisamment de force en elle pour ne pas avoir besoin de se sentir valorisée par ces hommes-là qui, après l’avoir baisée, iraient certainement tenter d’en baiser une autre. Judith se laissa toutefois approcher par un des hommes présents avant que Victor ne revienne, afin qu’il ressente ce qu’elle devait endurer quand elle le trouvait au bras de la première venue.

Lorsque Victor revint bredouille du vestiaire, car il n’avait bien entendu trouvé aucun message de la fameuse Ludivine, il trouva Judith enlacée à un inconnu. Tétanisé, il s’approcha pour exiger des explications. Avant qu’il n’ait ouvert la bouche, Judith s’exclama cajoleuse « Ah  enfin !  tu me prends une coupe de champagne s’il-te-plaît, j’ai tellement chaud ! ». Elle colla aussitôt ses lèvres aux siennes comme pour le rassurer, mais elle reprit son slow avec l’inconnu. En quelques minutes, le rapport de force s’était totalement inversé. Pour Victor, la surprise était telle qu’elle bâillonnait sa colère. Entre faire un esclandre parfaitement déplacé dans ce cadre libertin, où Judith avait le comportement attendu, et aller chercher le verre de champagne, il opta pour le champagne dont il siffla un verre au bar, seul.

Overside.jpgÀ peine Victor avait-il le dos tourné que Judith entraina l’inconnu vers les coins câlins. Le couple – elle et l’inconnu formaient désormais un couple au sens premier du terme – se dirigea vers la première alcôve venue, le salon Grec, au centre duquel trônait un lit hexagonal où s’ébattait un trio. La femme, une plantureuse quinquagénaire aux seins gros comme des pastèques, y suçait son conjoint dégarni, notaire à Brie-Comte-Robert, tandis qu’un pompier musculeux la prenait en levrette. C’était un couple d’habitués qui venait régulièrement s’ébattre en trio à Paris, ce qui constituait l’essentiel de leur vie sexuelle. Le notaire, en tout point fidèle à son épouse, souffrait de quelques difficultés érectiles qu’il avait d’abord attribuées à l’âge. Titillée par l’incontournable rubrique sexe des magazines féminins dont elle s’abreuvait quotidiennement, son épouse frustrée avait fini par convaincre son mari de franchir les portes d’un club libertin, juste pour voir. Ce fut une révélation. Constatant le désir que sa femme provoquait chez les hommes présents – la bougresse savait y faire, entre œillades et moues suggestives – notre notaire ressentit, par une sorte de désir mimétique, un retour de flammes pour son épouse en femme fatale, au point que sa verge se dressa miraculeusement. Depuis, madame choisissait un modèle d’étalon différent à chacune de leur escapade, mais toujours une grosse pointure, et tous y trouvaient leur compte. Lorsque le notaire se jugea assez dur, il ordonna au pompier, d’un geste impérieux, d’échanger leurs positions respectives. Ainsi put-il se lâcher dans madame qui, dans un même mouvement, offrait à la grosse lance d’incendie du pompier la fameuse cravate de notaire. Judith et l’inconnu s’assirent sur une banquette sans se quitter des yeux, ignorant le trio burlesque au centre du salon. Ils s’embrassèrent tendrement tout en se déshabillant, comme seuls au monde au cœur de l’orgie.

Victor déambulait en vain dans la zone discothèque du club à la recherche de Judith. Lorsqu’il voulut emprunter le couloir qui mène aux coins câlins, sa coupe de champagne toujours à la main, une armoire à glace lui barra le chemin : « Vous ne pouvez pas aller dans les coins câlins avec une boisson ! » Face à lui, le videur de la boite, une sorte de Chabal au fort accent serbo-croate. Victor bu son verre cul sec et le laissa sur une table, bien décidé à retrouver Judith où qu’elle se cache. Le colosse lui barra à nouveau le chemin :

-    Vous ne pouvez pas entrer seul dans les coins câlins !
-    Mais je ne suis pas seul, je suis accompagné !
-    Je ne vois pas madame.
-    Moi non plus, je la cherche justement !
-    Les hommes seuls ne peuvent aller dans les coins câlins que s’ils sont invités par un couple.
-    Mais puisque je vous dis…
-    Vous pensiez m’avoir avec ce coup-là ? Allez donc draguer dans la discothèque ! Au boulot !
-    Mais…
-    Tu veux que je te fasse un gros câlin ? grogna le videur entre ses dents.

Fou de rage, mais pas au point d’affronter le videur, Victor décida que cette soirée catastrophique avait assez durée. Bien décidé à abandonner Judith où qu’elle fût, il demanda son manteau au vestiaire.

-    Votre prénom ?
-    Victor.
-    Je ne vois pas de Victor…
-    Je suis rentré avec Judith.
-    Elle doit sortir avec vous monsieur.
-    Comment ça ?
-    Quand on entre à deux, on sort à deux !

Déconfit, Victor s’écroula dans une banquette à côté de la piste de danse. La majorité de la faune baisait bruyamment à quelques mètres de là, seuls restaient les hommes seuls, les indésirables dont il partageait le triste sort. Plusieurs verres s’étaient écoulés dans son gosier quand Judith réapparu. « Je suis épuisée,  on s’en va ? ». En le retrouvant affalé sur une banquette parmi les loosers, Judith perdit les dernières bribes de désir qu’elle éprouvait pour lui.

Ludivine n’avait jamais existé que dans l’imagination de Victor, et sur un astucieux montage photographique présentant  Judith aux côtés d’une illustre inconnue dont elle avait pêché la photo sur le web. Grâce à ce subterfuge, Judith avait pu amener Victor dans une soirée échangiste avec des hommes seuls, afin de l’humilier dans les bras d’un autre homme, ce qui avait fonctionné au-delà de ses espérances. Elle avait organisé ce piège pour se venger de tous les affronts subis, sans réaliser qu’elle allait faire chuter le trophée de son piédestal et tuer son désir envers lui. Si elle n’avait été qu’une femme parmi d’autres sur le tableau de chasse de Victor, il ne serait plus à son tour dans l’esprit de Judith, qu’un trophée de chasse tout juste bon à prendre la poussière dans le couloir de ses souvenirs.

Victor se releva péniblement. Derrière Judith, il paya la note en maugréant et reprit son manteau sans laisser de pourboire au vestiaire. Arrivés dehors, l’air frais lui remis un peu les idées en place. Il jeta un regard sombre à Judith.

-    Faut qu’on parle Judith !
-    Pas envie… Salut ! lui lança-t-elle en marchant vers un inconnu qui attendait là, celui-là même avec lequel elle dansait avant de lui fausser compagnie.
-    Salope !  beugla-t-il derrière les amants qui partaient en riant.

A suivre

22 janvier 2014

L’homme trophée 1 – le son du cor

connard.pngJudith décrocha son téléphone et, sans utiliser le répertoire, elle composa comme un compte à rebours le numéro qu’elle connaissait par cœur. Après trois sonneries, elle tomba une fois de plus sur la boite vocale et son annonce standardisée, sans âme. Elle prit son inspiration et se jeta à l’eau. «Allô Victor, c’est Judith. J’ai quelque chose à te proposer qui t’aurait fait plaisir. Très plaisir si tu vois ce que je veux dire… Rappelle-moi si tu l’oses ! Salut !». Elle raccrocha à bout de souffle. Elle avait essayé de se montrer cajoleuse, voire racoleuse au fil de son message, mais une fois de plus, elle eut rétrospectivement l’impression d’avoir été nulle.


Accoudé au comptoir d’un bar festif, Victor n’avait pas entendu sonner son téléphone et n’avait pas décroché à temps. Il sortait d’un rendez-vous Tinder© peu concluant et il noyait sa libido en compagnie de Grégoire, un impénitent séducteur que la quarantaine auréolait d’un charme ravageur et qui s’apprêtait à retrouver une de ses nombreuses maîtresses. Le message de Judith le tira de sa morosité, et il en fit part à son compère :


-    Ah elle me relance !
-    Une de perdue, dix de retrouvées. Laquelle ?
-    Bac-plus-sept.
-    Ça rime avec prise de tête.
-    Attends, je vais la cadrer direct, pérora Victor le téléphone en main. Il composa aussitôt un SMS outrageux pour impressionner Grégoire.
-    Quel homme ! siffla Grégoire entre ses dents en lisant le message.


De Victor à Judith : Alors petit cul, tu es en manque ? Chez toi ou chez moi ?


Ce SMS bouleversa Judith d’une triste joie. Victor lui avait répondu bien vite, pour une fois, mais il fallait beaucoup d’imagination pour déceler de la tendresse derrière la muflerie de ce message lapidaire. Judith n’allait donc pas pouvoir faire sa proposition indécente de vive voix, ce qui n’était finalement pas plus mal. Elle aurait ainsi le temps de la réflexion, pour faire le point sur leur liaison et se donner le courage d’aller jusqu’au bout. Elle se remémora leur rencontre, dont les prémices auguraient déjà la suite de leur relation. Une soirée, un dragueur, un verre de trop. Une banquette salvatrice quand les jambes se dérobent et la tête tourne. Tandis qu’elle pouvait encore papoter avec les uns et les autres, non seulement son dragueur ne l’avait pas lâchée, mais il avait poussé l’audace jusqu’à dénuder son épaule pour y déposer des baisers enivrés, tout en faisant glisser la bretelle de son soutien-gorge. Elle l’avait repoussé une première fois plutôt maladroitement, mais assez fermement pour qu’il cesse cette approche grossière. C’était sans compter avec la ténacité de ce dragueur invétéré qui était revenu à la charge et lui avait joué la sérénade tant et si bien qu’elle s’était sentie succomber à cet homme qui, du regard et des lèvres, lui disait combien il la trouvait belle. Pourtant elle avait sa dignité et n’était pas du genre à tomber comme ça dans les bras du premier venu, fût-il beau et sûr de lui, surtout devant ses copines, ou bien n’était-elle tout simplement pas assez ivre. Quand elle avait décidé qu’il était temps de rentrer, il lui avait emboité le pas tout à l’ivresse de pouvoir « dormir avec elle ». Au pied de l’immeuble, il lui avait proposée de la raccompagner, plus personne pour la juger pas même sa conscience et ils avaient fini la nuit ensemble. Rétrospectivement, cette première nuit avait été la meilleure, non seulement parce qu’ils avaient fait l’amour, ou plutôt baisé toute la nuit rectifia Judith intérieurement mais il l’avait tenu enlacée contre lui toute la nuit si bien qu’elle espérait alors avoir fait La Rencontre. Après cette première nuit, il avait mis trois semaines à lui donner signe de vie. La rencontre de l’une était le plan cul de l’autre. Puisqu’il voulait du sexe, il allait en avoir pensa Judith le téléphone en main, tout en escomptant bien attiser ses ardeurs, comme dans les bonnes vieilles leçons d’Aubade©.


Aubade99.jpgDe Judith à Victor : Toujours tenté par un plan à 3 ?


Un trio… après l’avoir baisée dans tous les sens, Victor n’avait pas cherché à connaitre autre chose d’elle qu’un plan à trois avec une fille d’un soir, songea Judith. Elle ne demandait pourtant pas la lune, n’exigeait pas de déclarations sirupeuses ni de sermensonges. Seulement partager un peu plus qu’une paire de draps de temps en temps, une sortie au restaurant, un tour au cinéma, apprendre à se connaitre. Les ballades la main dans la main, Judith  s’interdisait d’y penser.


De Victor à Judith : Pourquoi ?


Accoudé au bar, Léonard n’en croyait pas ses yeux. Son grand fantasme allait-il enfin se réaliser ? Judith allait-elle enfin céder et accéder à ses désirs ? Il en fit part à Grégoire qui regardait son jeune compagnon avec l’affection du maître pour l’apprenti, une bonne douzaine d’années séparant les deux compères, mais aussi une pointe de jalousie. Léonard avait ses plus belles années devant lui, et il était bien parti pour les croquer à pleines dents, alors que pour un célibataire endurci comme Grégoire se profilait le spectre du déclin et de la solitude, lorsque son charme naturel ne lui permettrait plus d’accéder aux jeunes femmes, toujours aussi jeunes et donc toujours plus jeunes que lui.


De Judith à Victor : Ne répond pas à une question par une question !


Qu’est-ce qu’elle peut être chiante quand elle s’y met ! s’exclama Léonard, on ne peut rien dire sans qu’elle ne plombe l’ambiance avec ses remarques acerbes. On ne sait jamais où on met les pieds avec ses questions existentielles. Je n’ai pas envie de tomber encore dans un de ses pièges qui va se refermer en crise de jalousie où chacun voudra avoir le dernier mot ! Pas question de jouer encore au chat et à la souris avec elle.


De Victor à Judith : So what ?


Encore une question en guise de réponse, ragea Judith. Il se moque vraiment de moi ! Les messages de Victor, essentiellement interrogatifs, excédaient rarement plus de trois ou quatre mots, et Judith en avait assez d’en extrapoler des phrases dignes de ce nom pour imaginer ses intentions. Depuis qu’elle avait rencontré Victor, que savait-elle de lui au juste ? Pas grand-chose en vérité, hormis un tableau de chasse qu’il exposait avec ostentation. Avec lui, impossible d’aller au fond des choses, de connaître ses aspirations profondes, de savoir, car c’était là la véritable question de Judith, s’il était prêt à se fixer, c’est-à-dire se fixer un moment à ses côtés pour vivre quelque chose avec elle. Judith savait bien qu’elle ne pouvait pas poser une telle question ouvertement, car elle pressentait, à juste titre, que Victor prendrait immédiatement la tangente.


De Judith à Victor : J’en ai parlé à une pote, ça pourrait s’arranger…


Les hommes d’aujourd’hui sont immatures, ils ne pensent qu’à leur plaisir immédiat, ressassait-elle  tandis qu’elle recevait immédiatement la réponse de Victor en confirmation de sa thèse favorite.


De Victor à Judith : Cool ! T’as une photo ?

Le physique, il n’y avait que ça qui comptait pour lui. Combien de fois Judith avait-elle dû affronter les photos des ex ou des futures ex de Victor, qu’il lui montrait ostensiblement avec autant de commentaires élogieux, leçons du corps à la Aubade qui renvoyaient Judith à plus d’angoisses féminines que tous les magazines de mode réunis. « Tu es belle Judith », lui avait-il dit un jour après quelques galipettes, « mais je suis plus beau que  toi ! » avait-il aussitôt ajouté. Elle s’était gardée de lui rétorquer qu’il avait un peu d’esprit, mais pas assez pour comprendre le second degré de ses messages. Il l’aurait sans doute jugée « chiante » alors qu’elle s’efforçait de lui présenter un heureux caractère par peur de le perdre. Quand Judith se regardait dans la glace, elle ignorait l’harmonie de ses traits, la ligne de sa nuque, la fraîcheur de sa silhouette, la profondeur de son regard. Elle ne percevait rien de tout ce qui lui conférait un charme fou, obnubilée par le moindre défaut apparent selon les critères normatifs martelés par les magazines féminins. Ainsi chaque photo de rivale brandie par Victor était une occasion de complexe, car elle y trouvait toujours une supposée qualité physique dont  elle aurait été dépourvue, qui justifiât qu’il la néglige. Paradoxalement, plus elle découvrait ces femmes, pour ainsi dire ses rivales photographiques que Victor avait pourtant quittées, mais qu’elle jugeait d’autant plus belles qu’elle était complexée, plus elle s’attachait à son amant. « Les femmes ne recherchent pas le bel homme. Les femmes recherchent l’homme qui a eu de belles femmes », tel est le grand secret de la vie selon Kundera, et Victor avait toujours été très aimé.


De Judith à Victor : Voilà Ludivine, une copine rencontrée en soirée.


Comme tous les hommes, songea Judith, il lui en fallait toujours plus, c’est-à-dire plus de femmes. Dans cette réflexion ruminée jusqu’à devenir un lieu commun, Judith ne réalisait pas qu’elle excluait de «  tous les hommes » ceux qu’elle ignorait, ou tout au moins ceux qu’elle n’envisageait pas sur un plan intime, et son observation était exacte puisqu’elle s’intéressait essentiellement aux hommes convoités. Ce qui excitait sa convoitise et celle de ses pairs, ce n’était pas simplement une question de beauté plastique, car l’attrait d’un homme ne se résumait pas à une jolie figure, mais était pour elle une question d’esprit, de prestance, d’audace, d’assurance, résultaient de tout un ensemble de qualités comportementales plus qu’intrinsèques, qui confèrent à l’homme son charme social et faisait rêver Judith. Pour juger de toutes ces qualités, rien de tel qu’un palmarès. La rencontre tant attendue, qu’on imagine être celle de deux individus sous l’auspice de la providence comme dans les romances, résultait d’une compétition d’autant plus ardue que Judith et Victor vivaient dans un microcosme citadin hyper connecté. Avec les réseaux sociaux pour vecteur de la réputation, la plupart des regards étaient braqués sur les même personnes, celles qui apparaissaient à tort ou à raison être les plus brillantes. À ce jeu, Victor faisait partie des gagnants, et Judith était flattée qu’un tel homme s’intéressât à elle.  Avoir Victor pour petit ami officiel constituait un véritable trophée pour lequel elle pouvait tout sacrifier. Pour elle qui était si complexée, supplanter toutes ses rivales photographiques aurait constitué une revalorisation narcissique telle qu’elle était prête à pardonner tous les affronts de ce séducteur, alors que pour Victor installé dans la spirale du succès, Judith n’était qu’une femelle de son cheptel pour laquelle il n’avait aucun égard particulier. Pourquoi donc aurait-il dû s’attacher à une seule femme, à l’exclusion de toutes les autres, alors qu’il pouvait jouir d’elles toutes alternativement ? Pour lui, l’étape suivante de la marche du plaisir consistait à jouir d’elles simultanément.


À peine eût-il reçu la photo de Judith et Ludivine que Victor la brandit sous le nez de Grégoire :


-    Elles sont bonnes, hein ?
-    Joli petit lot, c’est le cas de le dire, les deux font la paire. C’est laquelle bac-plus-sept ?
-    Judith, c’est celle de gauche. Dans tous les sens du terme.
-   Eh bien, tu ne vas pas t’embêter ! ajouta Grégoire narquois, un trio avec des féministes gauchistes, je ne sais pas si tu vas en sortir vivant !
-   Ça me changera des pétasses Sarkozistes. Une fille avec un beau cul mais sans esprit ni conversation, ça va bien pour une nuit, mais c’est à mourir d’ennui après deux semaines de vacances. Avoir Judith dans mon lit me donne l’impression d’être intelligent. Je me dis que si j’ai pu la séduire, c’est que je ne dois pas être trop con. Elle au moins, elle peut parler philo ou politique entre deux rounds sous les draps.
-    Tant que ça tourne pas au pugilat, persifla Grégoire.


Victor sentit une pointe d’admiration derrière les remarques de Grégoire. Ce dernier s’était pourtant vanté d’avoir vécu de mirifiques trios avec quelques-unes de ses maîtresses, ce qui avait titillé les désirs plus classiques de Victor, au point que cela devienne une idée fixe et qu’il fasse part de cette lubie à toutes ses amantes, sans aucun succès jusqu’alors. Victor enviait donc Grégoire pour les trios dont il parlait, et Grégoire enviait Victor pour le trio qu’il allait vivre, ainsi que pour son amante intellectuelle dont il se moquait. Le glorieux méprise ce qu’il ne peut avoir.


De Victor à Judith : Au moins tu as bon goût, elle est bonne. Dans quel lit ?


Judith fut une fois de plus blessée par son message, tout particulièrement par ce « Au moins » qui lui déniait les atouts dont elle se croyait déjà dépourvue, alors que c’était un compliment dans l’esprit de Victor qui aurait dû écrire « Toi au moins, tu as bon goût ». Un seul mot vous manque et le sens tout entier peut changer. Cette dévalorisation ressentie par Judith n’était pourtant rien comparativement à la dernière humiliation qu’il lui avait infligée. Tandis qu’il répondait rarement aux appels de Judith, tant il était occupé par ailleurs, il ne se gênait pas pour lui demander de le rejoindre à toute heure de la nuit, et elle courait se faire baiser comme une junkie en manque cherche sa dose, avec le fol espoir de conquérir le cœur de son amant. Ainsi était-elle venue chez lui  à l’heure où les derniers métros dorment depuis longtemps. Il l’avait accueillie avec l’empressement du désir qu’il voulait assouvir. Judith avait un peu temporisé en s’échappant vers la salle de bain pour mieux se préparer aux étreintes de son amant. Là, elle avait découvert des sous-vêtements féminins. « Pourquoi faut-il toujours que tu sois si chiante ! » lui avait-il répondu quand elle osa le questionner sur cette lingerie, « c’est à une cousine de passage, elle ne sera pas là ce soir. Viens ! J’ai envie de toi ! ». Une heure plus tard, repus de sexe, Judith se préparait à passer le reste de la nuit tendrement enlacée à son bourru d’amant, quand il lui avait dit à l’autre bout du lit « Et maintenant tu dégages ! ». « Tu ne comprends pas que je suis un salaud ? Dégage ! »  Avait-il ajouté encore un ton plus haut. Judith avait claqué la porte après l’avoir copieusement insulté, et s’était retrouvée en larmes sur le trottoir, contrainte de prendre un taxi pour rentrer seule chez elle. Il suffisait qu’elle se remémorât ce pathétique épisode pour avoir le courage de continuer.


De Judith à Victor : Aucun, on a trouvé un club où on peut baiser et danser. C’est dimanche ou c’est mort. Après, elle part au Japon.

LouisVuitton.pngLe matin même, Judith avait croisé une troupe de Japonais sur les Champs-Elysées. Ils ressortaient de la boutique Louis Vuitton, et toutes les femmes portaient le même sac à main. Elle s’était demandée pourquoi toutes ces femmes désiraient le même modèle, sans se demander pourquoi elle désirait Victor sur la base du désir qu’il inspirait aux autres femmes. Il y avait effectivement une grande différence entre avoir à son bras Victor, l’homme trophée de l’amour, et un de ces icônes de la mode. Chaque sac, produit à des milliers d’exemplaires, appartenait à une seule femme, ce qui n’était pas le cas de Victor pour lequel elle luttait dans l’espoir d’en accaparer l’unique exemplaire. Elle n’était pas pour autant dans une logique consumériste : un seul Victor lui suffisait amplement, aussi ne voulait-elle pas le voir à d’autres bras, mais savoir qu’il avait été aux bras de belles femmes justifiait son désir.


On peut d’ailleurs se demander si la concentration humaine en milieu urbain ne favorise pas un certain mimétisme social, dont le mimétisme du désir, ce qui atteindrait son paroxysme au Japon où l’individu s’efface au profit du groupe.  Ainsi « Je vous aime » est traduit par « 大好きです»  ce qui signifie littéralement « vous êtes très aimé ». Le « Je », qui nous parait paraît primordial dans l’expression d’un sentiment aussi subjectif que l’amour, est éludé au profit d’un groupe impersonnel : Vous êtes très aimé (par tous dont moi (et peut-être ne vous aimerais-je pas si les autres ne vous aimaient pas autant))

A suivre...

20 octobre 2007

Du mariage et du libertinage

MME DIDEROT. Tu fais ce que tu veux mais je ne veux plus que tu me trompes autant. Nous sommes mariés ! L’oublies-tu ?

DIDEROT. Le mariage n’est qu’une monstruosité dans l’ordre de la nature.

MME DIDEROT. Oh !

DIDEROT. Le mariage se prétend un engagement indissoluble. Or l’homme sage frémit à l’idée d’un seul engagement indissoluble. Rien ne me paraît plus insensé qu’un précepte qui interdit le changement qui est en nous. Ah, je les vois les jeunes mariés qu’on conduit devant l’autel : j’ai l’impression de contempler une couple de bœufs que l’on conduit à l’abattoir ! Pauvres enfants ! On va leur faire promettre une fidélité qui borne la plus capricieuse des jouissances à un même individu, leur faire promettre de tuer leur désir en l’étranglant dans les chaînes de la fidélité !

MME DIDEROT. Je ne t’écoute plus.

DIDEROT. Ah, les promesses de l’amour ! Je le revois, le premier serment que se firent deux êtres de chair, devant un torrent qui s’écoule, sous un ciel qui change, au bas d’une roche qui tombe en poudre, au pied d’un arbre qui se gerce, sur une pierre qui s’émousse. Tous passait en eux et autour d’eux et ils se faisaient des promesses éternelles, ils croyaient leurs cœurs affranchis des vicissitudes. Ô enfants, toujours enfants…

MME DIDEROT. Que c’est laid ce que tu dis !

DIDEROT. Les désirs me traversent, les femmes me croisent, je ne suis qu’un carrefour de forces qui me dépassent et qui me constituent.

MME DIDEROT. De bien belles phrases pour dire que tu es un cochon !

DIDEROT. Je suis ce que je suis. Pas autre. Tout ce qui est ne peut être ni contre nature, ni hors nature.

MME DIDEROT. On te traite partout de libertin.

DIDEROT. Le libertinage est la faculté de dissocier le sexe et l’amour, le couple et l’accouplement, bref, le libertinage relève simplement du sens de la nuance et de l’exactitude.

MME DIDEROT. Tu n’as pas de morale !

DIDEROT. Mais si ! Seulement, je tiens que la morale n’est rien d’autre que l’art d’être heureux. Tiens, regarde, c’est d’ailleurs ce que j’étais en train d’écrire pour l’article « Morale » de l’Encyclopédie :  « Chacun cherche son bonheur. Il n’y a qu’une seule passion, celle d’être heureux ; il n’y a qu’un devoir, celui d’être heureux. La morale est la science qui fait découler les devoirs et les lois justes de l’idée du vrai bonheur. »

MME DIDEROT. Oui, mais enfin, monsieur le penseur, ce qui te rend heureux ne me rend pas toujours heureuse, moi !

DIDEROT. Comment peux-tu croire que le même bonheur est fait pour tous ! « La plus plupart des traités de morale ne sont d’ailleurs que l’histoire du bonheur de ceux qui les ont écrits. »

 

_______________________________


0f9705141db163f94f23f10e88929d00.jpgCe délicieux dialogue est issu d’une pièce de théâtre d’Eric Emmanuel Schmitt : « Le libertin ». Je l’ai lue, que dis-je lue, je l’ai dévorée en quelques heures avec une délectation telle que je n’ai pas pu résister au plaisir de vous en faire partager quelques extraits. Car l’auteur a eu le génie d’aborder la problématique philosophique du libertinage avec la légèreté supposée caractériser cette « pratique », et de synthétiser dans un même ouvrage la philosophie et la sensualité qui la fondent : Les mot et la chose enfin réconciliés dans le fond et sur la forme…
Je n’en dirai pas plus sur ce livre pour l’instant, mais j’aimerais réfléchir avec vous sur le thème de ce dialogue de la scène 8 entre le philosophe et sa femme : Le bonheur peut-il être au détriment d’autrui ? Est-ce une problématique exclusivement personnelle comme semble l’affirmer Françoise Simpère dans son excellente note intitulée « Y A PAS QUE NICOLAS ET CECILIA » ?

13 juillet 2007

La Bambouseraie (3)

C’est un labyrinthe au sol dallé qui serpente entre des parois de bambous, souples, impénétrables. Elles bruissent au moindre souffle, et sont par endroit si hautes qu’elles semblent s’effondrer sur nous. Malheur à celui qui s’en approcherait de trop près. Les feuilles sont coupantes. Au détour d’un chemin, une voix, ou plutôt un gémissement nous confirme que la bambouseraie est dédiée aux jeux de l’amour et du hasard. Tout excités, nous pressons le pas, main dans la main, et nous finissons par tomber nez à nez - façon de parler - sur un couple très expressif. Ici, les parois de bambous forment une sorte d’alcôve, avec un profond hamac pour tout mobilier. Une petite rousse y est étendue, sur le dos, les cuisses repliées sur son ventre pour mieux offrir sa vulve aux lèvres gourmandes de son compagnon, un grand brun dégarni aux épaules puissantes. Accroupi sous le hamac, la queue dressée prête à l’attaque, sa tête traverse littéralement le filet astucieusement fendu à l’endroit stratégique. La femme nous sourit, nous constatons que la chaîne signifiant « occupé », pendouille à l’entrée de ce « coin câlin » au lieu d’en barrer l’accès. Le code est explicite. Nous pourions nous approcher, participer peut-être à leur jeu... J’échange un regard avec Mathilde, nous rendons un sourire complice à la femme alanguie, et nous continuons notre exploration.

Les tours et détours du labyrinthe se succèdent sans nous donner le moindre repère, jusqu’à nous mener à une nouvelle attraction qui n’attendait plus que nous. C’est une balançoire malicieuse dont l’assise est une sorte de bouée. Lorsque Mathilde s’y installe en riant, ses fesses s’y enfoncent et toute son intimité s’en trouve largement ouverte. De la voir ainsi offerte à mes poussées, j’ai le ferme désir d’en profiter, dans tous les sens du terme. Je me place derrière elle pour impulser quelques va et vient. À chaque oscillation, mon sexe érigé frôle sa croupe tendue, comme le battant d’une cloche qui sonnerait le tocsin de notre union imminente...

La suite n’appartient qu’à nous et n’a pas grand chose à voir avec les prestations de cet hôtel, hormis le dîner correct sans plus. Toujours est-il qu’après une nuit riche en émotions, je remets les clefs au réceptionniste.
- Que pensez-vous de notre vidéo interne ? S’enquiert-il en me donnant la facture ?
- Je ne sais pas ? Qu’est-ce que c’est ?
- C’est un système que nous avons acheté au Japon, me répond-il fièrement. Là bas, ça fait fureur dans les Love-Hotels. On l’a installé ici la semaine dernière. Toutes les chambres en sont équipées, et les images prises dans les chambres sont diffusées dans les autres chambres de l’hôtel. Vous n’avez pas remarqué la petite caméra au pied de votre lit ?
- ...
so sorry...- Ne vous inquiétez pas ! Aucune image n’a été prise à votre insu ! Cette vidéo interne permet aux couples libertins de s’exhiber, et de prendre contact avec un autre couple de l’hôtel. C’est bien fait. Pour voir, il faut montrer. Et pour pouvoir contacter un autre couple avec la ligne téléphonique interne de l’hôtel, il faut qu’il y ait intérêt mutuel. C’est basé sur un système d’options... Mais j’espère que vous reviendrez pour essayer !
- Oui... peut être... je vais déjà regarder sur le net, il doit probablement y avoir un descriptif technique. Comment s’appelle ce système ?
- Surprise sur prise.

 

11 juillet 2007

La Bambouseraie (2)

Nous traversons un grand salon, avec bar rutilant et billard américain, ouvert sur le reste du jardin, au centre duquel trône une piscine, pulpeuse tant ses formes sont arrondies. Autour du bassin, 3 couples étendus, entièrement nus, lézardent au soleil. L’un d’eux, la quarantaine affirmée, se lève et disparaît dans ce qui semble être une bambouseraie. « Toute cette zone est naturiste, nous dit le réceptionniste très content de lui. Elle est exclusivement réservée aux clients de l’hôtel. Vous pouvez en profiter à discrétion. Nous servons des repas légers au bar et autour de la piscine entre 20h et 23h. Vous voyez, il y a un labyrinthe végétal derrière la piscine. C’est la bambouseraie. Je vous conseille d’aller vous y promener. » Nous remontons immédiatement dans notre chambre pour nous déshabiller intégralement, nous résistons héroïquement à l’appel luxurieux des coussins, nous enfilons nos peignoirs à l’effigie de l’hôtel, et nous filons dans le jardin.

Il n’y a plus qu’un couple étendu au bord de la piscine. Ils nous regardent passer avec des regards appuyés. Nos peignoirs glissent le long de nos peaux qui ne demandent qu’à bronzer. J’aventure un orteil dans la piscine et je comprends pourquoi personne ne s’y baigne. Un peu tôt dans la saison peut être. Nous nous allongeons à notre tour dans des chaises longues, côte à côte, et j’éprouve le plaisir d’offrir toute l’étendue de mon corps au soleil couchant sans que le moindre textile s’oppose à ses rayons. J’ai envie d’en profiter pleinement : « Un petit massage, Mathilde ? J’ai emporté un peu d’ambre solaire…
- Ah oui, je ne dis pas non ! »

c0076fb2a276275ab0549fdbe3cc9c3f.jpgAllongée sur le ventre, je sème sur sa peau nue quelques gouttes du liquide onctueux, de sa nuque frémissante au creux de ses reins. Mes doigts suivent le même chemin, tel un petit poucet pour ne pas se perdre dans les bosquets du désir qui va éclore bien plus vite que la bambouseraie qui nous entoure. Mes mains glissent sur le dos de Mathilde, en massent chaque vertèbre, étreignent sa peau, ses muscles, ses os, de plus en plus bas. Immobile, les paupières closes. Immobile, les paupières closes, elle ne peut réprimer quelques soupirs impudiques, ni le flot de désir qui coule déjà entre ses cuisses. Mes mains poursuivent leur chemin, toujours plus bas, massent ses lombaires au creux des reins, remontent vers sa croupe. Rien n’arrêtera mon zèle, certainement pas son fragile coccyx. Ses fesses nues, vibrantes de désir, sont soumises à mes mains. Je les étreins, je les malaxe, je les écarte avec force et sensualité, exhibant toute son intimité sans pour autant la toucher. Je sens que Mathilde n'en peut plus. Les sens chauffés à blanc par tant de chatteries, ses soupirs sont autant de prières au désir exaucé, à une caresse intime, enfin, ne serait-ce qu'un frôlement.

Alors que mes cuisses enserrent maintenant ses flancs, mes mains étreignent ses cuisses, les écartent pour en masser l’intérieur, et remontent, remontent pour atteindre finalement son intimité. Les vœux de Mathilde sont exaucés au delà de ses espérances. Ma main puissante est à nouveau légère comme une plume. Mon doigt effleure le contour de sa vulve luisante de rosée, en écarte les pétales pour atteindre le fruit de son désir et masse enfin son clitoris palpitant. Le massage intime se fait plus pressant, son petit bouton d'or roule entre mes doigts, pressé, malaxé, jamais malmené, jusqu’à ce que sa jouissance inonde mes doigts aventureux. Allongé à ses côtés, je la laisse reprendre son souffle. Sous la douce chaleur du soleil couchant, pour un peu je somnolerais, si le bruit des voix qui proviennent de la bambouseraie ne venait aiguillonner notre curiosité, et Mathilde me propose d’aller jouer les Indiana Jones dans la bambouseraie enchantée.

À suivre…

09 juillet 2007

La Bambouseraie (1)

9099a1d86628cc6d0d2df9ece726e1cc.jpgJ’ai un peu hésité à révéler publiquement une adresse qui ne s’échange actuellement que de bouches à oreilles, mais moi qui suis toujours friand de bonnes adresses « non-conformistes », j’ai décidé de vous révéler un scoop. Car s’il est un endroit non conformiste dans un libertinage codifié, cet hôtel atypique en mérite vraiment le titre.

C’était un jeudi après midi, je n’avais pas vu Mathilde depuis de trop longues semaines, et j’avais décidé de lui offrir une soirée mémorable. De cet hôtel choisi pour abriter nos ébats, je ne savais pas grand chose à part ce qu’on avait bien voulu m’en révéler: « Un hôtel de charme à trente kilomètres de Paris. Un charmant parc clos arboré. Une petite piscine entourée d’un jardin particulièrement attrayant. Chambres à thèmes, louables à la demi-journée. Exclusivement réservé aux adultes. Discret, tout récent, succès fulgurant. » Je pris donc le risque d’y inviter Mathilde au vu du sourire radieux de celle qui m’avait donné cette adresse, même si la réponse à mes questions était invariablement « vas-y, tu ne seras pas déçu ».

Nous arrivons en fin d’après midi devant le portail du mystérieux hôtel la Bambouseraie, ouvert sur un son parc clôturé par un haut mur de pierres. Au centre, une maison bourgeoise style 19ème s’élève sur deux étages. Je gare la voiture sur le petit parking aménagé sur le côté, nous prenons nos bagages avant de monter les quelques marches du perron, et je sonne, le coeur battant. J’avoue que j’étais un peu angoissé à l’idée de devoir trouver un autre hôtel en catastrophe après avoir rebroussé chemin devant une chambre calamiteuse. La porte s’ouvre. Un charmant majordome moustachu nous fait entrer dans un hall cosy, style art déco, aux antipodes du lupanar dans lequel je craignais de tomber. Après avoir vérifié notre réservation, il nous donne le choix entre trois chambres : La chambre "Sherazade", déco orientaliste style mille et une nuit ; La chambre "Excalibur", médiévale avec (fausses) pierres apparentes et lit à baldaquin ; Enfin la chambre "Proust", style 19ème cosy avec bibliothèque de classiques érotiques. Les quatre autres chambres thématiques "Louis XV", "Titanic" (cabine de paquebot style art-déco), "Peplum" (style antique, toges fournies), la suite "Poséidon" (luxueuse chambre pour quatre personnes avec Jacuzzi privatif) ainsi que les trois chambres standards sont déjà prises. Nous optons pour Sherazade (145 euros la nuit, de midi à midi, mais il est aussi possible de la louer pour 75 euros de 12h à 17h, ou 115 euros de 18h à midi !) et nous suivons le réceptionniste qui emporte galamment nos valises vers notre nid douillet.

Murs ocres, tentures rouges, arabesques décoratives, lampes en cuir et léger parfum d’encens, la chambre chaleureusement accueillante offre un lit irrésistible recouvert de coussins qui appelle nos galipettes. « Je vous laisse défaire vos bagages et je vous invite à me retrouver dans le hall lorsque vous souhaiterez visiter toutes les installations à votre disposition », nous dit-il avec un large sourire. Avec ce début de canicule, nous optons pour une bonne douche dans la large salle de bain joliment décorée avec sa robinetterie en cuivre. Enfin, vous vous doutez bien qu’à ce moment là je n’étais guère attentif à la plomberie. Les fesses pleines de mousse de Mathilde se frottaient par inadvertance contre mon sexe turgescent, à moins que ce soit l’inverse. Bientôt, ses hanches cambrées vinrent percuter mon phallus dressé au gland rougeoyant, avec la régularité des vagues qui s’écrasent contre un phare juste avant la tempête, nos reins ceints de mousse et d’écume et nos baisers en embrun. Et d’un ras de marée Mathilde à fini par engloutir l’orgueilleux feu de mon désir. Nous ne descendons dans le hall qu’une heure plus tard, nos sens exaucés mais encore taraudés par la curiosité.

Nous y trouvons le réceptionniste en compagnie d’un jeune couple qui vient visiblement d’arriver, une jolie blondinette et un grand frisé, la petite trentaine. Nous attendons qu’il termine avec eux. « ... toute heure commencée est due. Vous pouvez donc rester une heure, ou deux heures car il faudra absolument libérer le cabinet de gynécologie avant 20h. Il est réservé pour 21h. Vous comprenez, le temps de désinfecter les accessoires... ». J’avoue avoir du mal à masquer mon étonnement devant cette conversation surréaliste, et je regarde stupéfait le couple qui s’éloigne dans le couloir en pouffant de rire. Ravi de son effet, le réceptionniste se tourne vers nous et nous explique la nature des fameuses installations à notre disposition: « La Bambouseraie offre des prestations uniques. Vous pouvez louer des coins câlins thématiques, à l’heure, et jouir de leurs installations en toute intimité. Nous disposons d’un salon gynécologique, avec table d’examen, blouse blanche, spéculum et autres gadgets paramédicaux. Un bureau avec fauteuil en cuir à bascule et photocopieuse, idéal pour un entretien de débauche. Un donjon SM avec liens, chaînes et martinets. Et enfin deux Jacuzzis, un petit et un grand pouvant accueillir six personnes! ». Nous qui rêvions de faire l’amour dans l’eau ! Mathilde a visiblement la même idée que moi et nous sommes sur le point d’opter pour le petit Jacuzzi (30 euros la première heure puis 8 euros l’heure supplémentaire) mais le gérant nous répond que nous ne pourrions en profiter qu’une demi-heure car il est déjà réservé. « Avec ce beau temps, il serait dommage de ne pas profiter de notre piscine découverte naturiste, ajoute-t-il. Suivez-moi ! »

À suivre…

17 juin 2007

Descente aux chandelles (1)

medium_Lola.2.jpgAvril 2004, un Jeudi soir vers 22h30. Jeanne et moi étions sur le trottoir, à la porte de la Mecque des nuits libertines parisiennes : Les chandelles.

Ce n'était pas ma première sortie en club libertin, j'avais déjà eu quelques expériences à l'Overside, expériences plus exhibitionnistes qu'échangistes, et je m'attendais à vivre plus ou moins la même chose dans cette soirée exclusivement réservée aux couples, voire un peu de mélangisme, sans pour autant exclure la pénétration hors couple même si je ne l’envisageais pas vraiment. Car Jeanne était vierge de toute expérience de pluralité sexuelle et c’était aussi la première fois qu’elle mettait les pieds dans un club libertin. Elle n’avait exprimé qu’une inquiétude : être refusée à l’entrée. Elle aurait pris ça comme un déni de son charme, une insulte à sa féminité, alors elle avait mis toutes les chances de son côté. La veille, allongé sur le lit de la chambre d’hôtel qui abritait notre dernière escapade clandestine, nu, le sexe déjà dressé dans l’attente de son corps lové tout contre le mien, je l’avais regardée essayer sa nouvelle petite robe noire, à demi transparente, ses escarpins aux talons pointus, et son tailleur vintage qui soulignait si bien ses courbes féminines.

Quand nous entrâmes dans le sas d’entrée du club, il y avait déjà un autre couple qui commençait à s’impatienter. La femme vêtue d’un long manteau semblait assez jeune, apparemment maghrébine et plutôt jolie bien que trop maquillée à mon goût. Quant à l’homme, il était grand et de belle prestance. La seconde porte du sas s’ouvrit enfin sur un videur revêche qui leur reprocha aussitôt de venir pour la première fois, auquel cas les premiers jours de la semaine étaient plus indiqués que le Jeudi soir. Je commençais à jeter vers Jeanne des regards dépités lorsque le videur nous pria d’entrer, me confirmant ainsi qu’il y avait bien deux poids et deux mesures.

Après le vestiaire nous descendîmes un escalier qui menait vers le club en sous-sol, et puis nous traversâmes une véritable muraille de rubans roses suspendus au plafond, comme pour symboliser un passage vers un autre mode, une parenthèse aux conventions ordinaires, et nous arrivâmes dans la salle principale du club aménagé dans d’anciennes caves voûtées en pierre de taille. Cette salle qui abritait le bar et la piste de danse déserte, avait une déco résolument kitch : intégralement capitonnée de similicuir bleu foncé, jusqu’au plafond littéralement recouvert de lustres en cristal rococo. Côté faune, de très jolies filles vêtues de peu, des hommes bien sapés, mais sans doute pas à la hauteur de leurs cavalières dont nous soupçonnions certaines d’être des escort-girls permettant aux hommes seuls mais aisés de pénétrer dans le club, dans tous les sens du terme. Quant à la musique, elle aurait certainement fait fuir les clubbers avertis, mais étions-nous là pour nous trémousser que sur la piste de danse ?

Nous nous assîmes dans un coin trop tranquille avec deux gin-tonics, avant d’explorer le reste du club, dont ces fameux « salons câlins ». Nous vîmes le premier au travers des barreaux d’une fenêtre creusée à même la roche. C’était une grande pièce sombre dont les cotés étaient bordés de larges banquettes susceptibles d’accueillir une famille très nombreuse. Un couple s’y ébattait tranquillement. Le pantalon à mi-cuisses et les fesses nues, l’homme était juché entre les jambes de sa partenaire dont on ne voyait que les mollets qui battaient l’air. Dans un coin, une alcôve devant laquelle se pressaient des curieux, et plus loin une autre pièce qui semblait aussi bondée qu’un hall de gare un jour de grève, ce qui ne nous invita pas à pousser davantage nos investigations. C’était reculer pour mieux sauter, si j’ose dire.

 A suivre...

29 avril 2007

Êtes-vous doué de vos mains ? (2)

Voici quelques semaines, une de mes notes était passée inaperçue, ou presque. Sa catégorie inhabituelle, "In Vivo", n'avait pas semblé surprendre mon lectorat distrait, ni même la précision de la date mentionnée: le 25 avril, c'est à dire mercredi dernier. Je ne vous dirai donc pas ce qui s'est passé, je ne vous raconterai pas l'émotion de Gonzague, les yeux bandés entre les mains de deux femmes, concentré sur le désir fugace qu'elles faisaient naître en lui. Mais comme je suis bon prince, je vous révélerai le témoignage d'une d'entre elles:

Enfermées toutes les deux dans le noir, des pas lents s'approchent; Des clefs, lumière d'ouverture de porte; des pas qui tournent; On cherche, on regarde, on trouve...medium_modelage1.jpg
Nous sortons doucement de notre cachette pour découvrir notre homme assis sagement dans le fauteuil en osier, les yeux bandés. Son cœur résonne sur sa poitrine. Un sourire se dessine lorsque nous commençons doucement par le déchausser. Puis, debout, la danse commence entre nos mains: l'eau, la terre, nos bouches, nos dents, nos langues...
Qu'il est beau les mains perdues dans la terre rouge avec sa chemise déchirée ! J'ai envie de lui. D'elle aussi. Il se passe quelque chose de fort: émotions, tremblements, coups d'ivresse. Qui envoûte qui? Peut importe finalement.
Il a réussi à ne pas nous toucher, à poursuivre jusqu'au bout son défi même s'il fut troublé par deux inconnues qui ne lui voulaient que du bien.

Gonzague devait donc modeler son propre désir, et il a su faire preuve d'une créativité étonnante. Voici son "oeuvre":

medium_modelage3.jpg

Ami lecteur, j'ai l'honneur de vous apprendre que vous avez été promu jury du grand concours international de modelage érotique ! Je vous prie donc de laisser un commentaire à propos de cette oeuvre originale, avec une note comprise entre 0 et 10. Vous prendrez en compte les conditions délicates de sa réalisation, et vous imaginerez ce que cela peut bien représenter...

medium_modelage2.jpg

17 avril 2007

Les charmes de l'Orient (1)

medium_BenWa.jpgMai 2005. Après avoir lu quelques-uns uns de mes textes érotiques, une inconnue m'avait contacté. Elle me fit part de son désir de toucher les seins d'une autre femme, pour une raison que je comprendrai plus tard, et nous échangeâmes bientôt une correspondance dont vous pouvez imaginer l'érotisme. Je ne savais presque rien d'elle, hormis sa grande taille (1m72), son jeune age (25 ans), le timbre grave de sa voix suave (je lui avais demandé de me laisser un message sur une boite vocale pour m'assurer que j'avais bien affaire à une femme), et son ingénuité en matière de libertinage lorsque je lui écrivis ceci:

"Il était une fois une belle princesse qui ne souhaitait pas rencontrer de prince charmant. Elle s'appelait Roxane, elle était grande, elle était belle, de ces beautés ténébreuses qu'on attribue souvent aux hommes. Sa voix grave, suave, qui faisait pourtant battre bien des cœurs, dressait aussi quelques velléités libidinales qu'elle devinait derrière les braguettes magiques, ce qui la fascinait au plus au point. Peu à peu elle caressa, entre autres douceurs, le souhait d'explorer le vaste monde de la volupté, jusqu'à devenir une fée libertine. Ainsi s'en était-elle acheté les attributs: une baguette magique vibrante dernier cri avec laquelle elle s'ensorcelait elle-même, et des boules de cristal miniatures qui lui promettaient de bien belles excitations, ce en quoi elles n'avaient jamais tort. Mais malgré toute sa bonne volonté, elle se rendit compte qu'elle ne pourrait aller plus loin toute seule. Elle devait rencontrer le magicien qui l'initierait aux arcanes du stupre et de la luxure. Bien des fois, elle crut l'avoir trouvé sous les traits de preux chevaliers, mais ils se révélèrent être des apprentis sorciers de faible envergure dont la magie ne dépassait pas la chambre à coucher.

Un jour, Roxane tomba par hasard sur la prose malicieuse d'un supposé magicien de l'école libertine, et elle prit son courage à deux mains pour lui dévoiler son voluptueux projet. Le moins que l'on puisse dire est qu'il ne sauta pas sur l'occasion de la connaître au sens biblique du terme. Bien au contraire, il éprouva son désir par mille et une circonvolutions, avant de lui donner sa première leçon. Au programme, désir, plaisir, et frustration. C'est ainsi qu'il lui demanda de se rendre au 118 Avenue des Champs Elysées, juste à l'entrée du métro Georges V, à 22 heures exactement, le 11 Mai de l'an de grâce 2006. Il avait bien insisté pour qu'elle arrive exactement à l'heure, ni avant, ni après, au risque de rompre le sortilège qu'il avait préparé. Elle devait porter le pantalon noir seyant qu'elle garde pour ces magiques occasions, des chaussures confortables ni trop fragiles, ainsi que ses boules de cristal au cœur de son intimité. Elle avait beau y avoir plongé son regard avant de les glisser entre ses lèvres humides, elle n'avait pas la moindre idée de ce qui l'attendait au cours de cette soirée.

Enfin, Roxane arriva au lieu de rendez-vous, pile à l'heure. Il faisait beau en ce mois de mai, le soleil primesautier avait laissé place à la lune ensorcelante. Elle balaya du regard la foule des manants en goguettes, et elle reconnut immédiatement le chevalier noir. Il l'attendait, son heaume sur la tête, assis sur son fidèle destrier. Elle s'approcha du chevalier impassible. A travers sa visière baissée, elle crut percevoir un sourire au coin de ses yeux bleus pétillants. Sans dire un mot, il lui tendit un casque. Elle le mit tout aussi silencieusement, et elle s'assit derrière lui sur la selle, comme convenu. C'est ainsi que le chevalier noir emporta la princesse Roxane sur les chemins lumineux et aventureux, jusqu'au palais de la tentation."

Ce 11 Mai 2006 à 22 heures, à la sortie du métro Georges V, Roxane a vu arriver vers elle une moto qui lui a fait un appel de phare comme on fait un clin d'œil. Roxane a reconnu le chevalier noir qu'elle a pris pour moi, et elle est montée derrière Guillaume sans se poser plus de questions. On n'imagine pas les folies dont sont capables les femmes pour assouvir leurs fantasmes. Cette ballade en moto, Guillaume la raconte ici.

À suivre...

07 avril 2007

Êtes-vous doué de vos mains ? (1)

"Suis-je doué de mes mains ?". Telle est la question que Gonzague se pose en composant le code de l'entrée de l'immeuble inconnu dans lequel il s'apprête à pénétrer. Il se pose cette question depuis quelques jours déjà. En vérité, il n'a pas été le premier à la poser. Tout a commencé lorsqu'il a reçu un "mystérieux" billet:

Très cher Gonzague,

Je sais que vous vous posez bien des questions sur votre évolution au sein du monde qui nous entoure, et aussi combien vous-êtes capable de vous remettre en question. Je crois que vous êtes un homme qu'on pourrait qualifier de cérébral, et je ne crois pas me tromper en affirmant que pour vous, l'acte de chair est souvent l'aboutissement d'un processus intellectuel, où la séduction se conjugue au plus que parfait et où l'adjectif se révèle déterminant. Mais de vos mains, mon cher Gonzague, êtes-vous aussi habile de vos mains que vous l'êtes à manier le verbe ?
[...]

Gonzague entre dans le hall ombrageux et s'engage dans les escaliers en colimaçon. Six étages à monter à pied, l'ascenseur est en panne.

Dès la réception de ce billet, Gonzague s'était imaginé devoir donner le plaisir suprême à une inconnue, à l'aide de ses seules mains. Il s'y voyait déjà, dans la luxurieuse chambre où l'attendrait l'inconnue, à demi nue étendue sur le lit. Elle est couchée sur le ventre, il ne voit pas son visage, juste sa silhouette qui tranche sur les draps blancs. Elle a une peau noire satinée parée de dentelle corail. Il s'approche, sans dire un mot. Il sait qu'aucun mot ne doit être échangé. Ses pas s'enfoncent dans l'obscurité, au creux de la moquette onctueuse, s'arrêtent à la tête de lit, où il trouve un flacon d'huile. Il jette sa veste sur le fauteuil qui lui tend les accoudoirs, suivie par son pantalon et sa chemise. Il tient à être à son aise. Face à lui, la femme semble assoupie. Il prend la bouteille d'huile de massage et il verse quelques gouttes du liquide ambré dans la paume de ses mains qui coule entre ses doigts, goutte sur ses avants bras, et son parfum suave s'étend dans toute la pièce. Avec une infinie précaution, ses mains se posent sur les douces épaules de l'inconnue aux bras relevés, entre lesquels ses tresses noires étendues recouvrent son visage de mystère. À peine perçoit-il un tressaillement sous ses doigts, un soupçon de frisson. Gonzague laisse glisser ses mains langoureuses sur les omoplates de la belle alanguie, qui abandonnent derrière elles une traînée moirée. Au premier passage, ses doigts sautent la ligne de dentelle rouge qui barre le dos offert à la douceur de ses mains. Au second, ils effacent cette frontière inutile, et ses mains remontent librement tout au long de ses flancs jusqu'à l'orée de ses seins. Inlassables elles parcourent le chemin des pèlerins voluptueux, toujours plus bas, toujours plus suaves. Délicatement, Gonzague écarte les cuisses de la belle épicurienne et il s'agenouille entre elles, verge dressée comme un serviteur zélé au service de sa maîtresse. Devant lui, cambrée, la croupe à peine voilée de pourpre et de corail. Dieu qu'il aurait envie de mordre dans ce cul magnifique, et que ces mains étreignent maintenant sans vergogne. Le massage n'est plus qu'un alibi pour palper ces fesses rondes et fermes où s'enfoncent ses doigts fiévreux. Il les malaxe, il les écarte, il en fait éclore l'œillet froncé après avoir esquivé la dentelle agaçante en un tournemain. Plus bas, la motte onctueuse réclame son dû. Impossible d'imaginer que la belle lascive est toujours assoupie. Cambrée au maximum, son bassin tendu vers Gonzague ne touche plus le matelas, mais ondule sous ses yeux exhorbités au rythme d'un mapuka ralenti. Gonzague écarte définitivement la dentelle trempée. Démasquée la vulve fait la moue. Ses lèvres sombres, luisantes de mouille, s'ouvrent sur un calice violacé, et se rejoignent, plus bas, en un bouton turgescent. Des gouttes de sève y perlent. Il aimerait les laper, mais il cueille cette rosée du bout des doigts avant de la porter à sa bouche. Ça sent la mer et la cannelle, et il aime ça. Alors il insiste d'une main, alors que de l'autre, il plonge au cœur du lagon. Il y enfonce deux doigts prudents qui écartent les muqueuses écarlates. Il creuse la chair parcheminée, toute irriguée d'envies indomptables, il la creuse comme le sable d'une plage battue par les vagues. Elle tangue, houleuse au plaisir, donne de la voix comme le feulement rauque du vent sur les voiles au grand largue, et elle passe le Cap Horn en marée d'équinoxe. Trop facile !

Oui, définitivement trop facile pour Gonzague qui gravit les escaliers de ce petit immeuble parisien jusqu'au sixième étage. Il s'arrête devant une porte close, plus essoufflé par la crainte de l'inconnu que par la pénible ascension. Il ne sonne pas. Inutile. Sous le paillasson l'attend une clef. Il la tourne dans la serrure de la porte qui s'ouvre sur un petit studio sous les toits. Cela ressemble à un atelier d'artiste. Le soleil s'y engouffre par la fenêtre entrebâillée. D'ailleurs, sur une table contre le mur, il y a de la terre glaise fraîche prête à l'emploi. Gonzague rabat la porte en prenant soin de ne pas la refermer conformément aux instructions qu'il découvre avec vous en lisant cette note, ami lecteur. Il retire sa veste pour ne porter que des vêtements peu fragiles, il dépose la clef sur la table, il s'assied dans un fauteuil en osier - le même modèle que celui du célèbre film érotique Emmanuel - avant de se bander les yeux avec le foulard de soie qui l'attendait sur ce siège. Gonzague n'a pas à patienter très longtemps avant que la porte du studio ne s'ouvre. Il entend des pas sur le parquet, et la porte refermée à clef. Combien de personnes sont là ? Il ne saurait le dire. Pas un mot n'est prononcé, pas un murmure n'est soufflé, juste le bruissement d'étoffes froissées qu'il imagine féminines, et surtout des fragrances qu'il cherche à identifier. On s'approche enfin, jusqu'à lui toucher la main. Une main frêle à la peau douce, une main de femme, assurément. On le tire doucement jusqu'à ce qu'il se lève, et on l'invite ainsi à avancer dans la pièce, à tâtons, au point de se retrouver tout contre la table. Derrière lui, une femme vient plaquer son corps dans son dos. Il en a senti la douce, étreinte en aucun cas virile. Malgré l'injonction formelle qui lui est faite de se laisser faire, Gonzague ne peut s'empêcher de lancer ses mains derrière lui dans l'espoir de saisir celle plaquée contre lui. Mais elle lui attrape les poignets au vol, et les guide fermement vers la terre glaise devant lui. Le contact est froid, désagréable de prime abord, et Gonzague ne sait pas comment s'y prendre pour y modeler... son désir !

Comment donc représenter, matérialiser le désir, les yeux bandés de surcroît, se demande Gonzague tout en pétrissant la terre qui se réchauffe peu à peu sous ses doigts ? Il en est encore à cette interrogation lorsqu'il sent quelqu'un, sous la table, toucher son entre-cuisse. Devrait-il modeler des lèvres pulpeuses, se demande-t-il alors qu'on fait glisser la fermeture éclair de son jean, qu'on glisse des doigts - féminins, il en est certain - dans sa braguette, qu'on en extrait sa verge encore molle, mais qui prend rapidement de la vigueur sous l'effet de baisers brûlants ? On ne désire que ce qu'on n'a pas; Désirer ce qu'on a est contre nature. Cette affirmation péremptoire de Beigbeder s'est imposée à lui contre toute attente. Ne devrait-il donc pas sculpter sa propre érection, plutôt que la bouche ardente qui le suce goulûment ? Comment pourrait-il mieux matérialiser son désir qu'en modelant sa propre verge, son phallus dressé, son dard pompé avec tant d'assiduité ? Il ne peut mieux représenter le désir du plaisir que par la puissance masculine, puissance d'autant plus éphémère - et donc désirable - que la fellation est efficace, diablement efficace. "Vite, pas de temps à perdre mon vieux Gonzague, marmonne-t-il pour lui-même, concentre-toi et dresse cette motte de terre en majestueux obélisque, sans oublier une magistrale paire de couilles à sa base, avant que tout cela ne dégonfle comme une baudruche". Oui mais voilà, entre ses cuisses, la gourmande est insatiable. Non contente de posséder la virilité désirée entre ses dents, elle n'hésite pas à faire choir aux pieds de sa victime, son  pantalon et son slip pour avoir le plaisir de malaxer ses fesses nues. Pire, pour échapper à l'éjaculation prématurée avant la fin de son oeuvre, voici notre ami Gonzague contraint de reculer au point qu'il se retrouve rapidement penché en avant, les bras tendus vers sa sculpture avec laquelle il doit garder le contact sous peine de risquer de la renverser. Alors revient brusquement à son esprit la seconde partie du billet que son mystérieux correspondant lui avait envoyé...

Le défi que je vous lance pour ce 25 avril va mettre à l'épreuve votre habilité, votre capacité de concentration ainsi que votre sens tactile. Vous en découvrirez les détails dans une note publiée sur mon blog le 7 avril. Ce défi va aussi requérir votre participation passive au niveau de sa préparation. Je vous demande en effet de prévenir vos partenaires de la publication de cette note sur http://extravagances.blogspirit.com, afin qu'elles me contactent directement sur ma messagerie (vagant75@yahoo.fr) dans le but de participer à ce défi. Bien entendu, elles ne vous préviendront pas, et vous ne les presserez pas de questions pour en savoir plus.

À vous lire,

Vagant

Gonzague réalise alors qu'il connaît les femmes qui se jouent de lui. Mais peut-il les reconnaître aux murmures échappés, aux subtiles fragrances, au touché de leurs mains ? Leurs mains, leurs doigts fins aux ongles nacrés, polis ou vernissés, celles qui guident les siennes sur l'argile humide, celles qui flattent ses hanches, palpent ses couilles, malaxent ses fesses, audacieuses d'insinuations.

Malgré les jeux pervers de ses amantes, Gonzague doit se concentrer. Il doit se concentrer sur tout et rien à la fois, sur son désir à contrôler, sur la représentation de ce désir - qui sera soumise à votre jugement dans une prochaine note, ami lecteur - et sur les femmes qui l'entourent afin de les identifier. Y parviendra-t-il ?

A suivre...

05 avril 2007

Les hyènes

medium_hyene.jpgC'était un jeudi soir, j'avais donné rendez-vous à Justine dans un restaurant aux alentours du Moon-City avec le projet immédiat de poursuivre agréablement la soirée dans les vapeurs d'un hammam. Le serveur était stressé, nous abrégeâmes le repas léger, et nous nous dirigeâmes vers ce complexe libertin grandiloquent.

Il y avait peu de monde à l'heure où nous arrivâmes, une petite dizaine de personnes tout au plus, essentiellement des hommes seuls et un couple d'apparence peu attractive. Nous optâmes d'abord pour le hammam. A peine y étions-nous entrés qu'une demi-douzaine d'hommes seuls nous y suivit. Notre masseuse et moi ne faisions pourtant qu'évoquer sagement nos connaissances communes, sans le moindre geste équivoque, la meute d'hommes seuls  rodaient autour de nous comme des hyènes autour de leur proie fatiguée en attendant qu'elle se couche. Un homme s'est assis face à nous. Dans son cocktail, de faux glaçons lumineux projetaient sur le bas de son visage un halo rougeâtre qui éclairait ses crocs. Il semblait retrousser les babines en émettant un ricanement sinistre à chacune de nos répliques, avide de s'immiscer dans notre conversation avant de s'introduire ailleurs. Nous ne parvenions plus à parler naturellement.

Nous quittâmes cet endroit étouffant pour aller prendre une douche. Enfin seuls. Nous nous savonnâmes mutuellement. Derrière la porte de la douche, les hyènes s'étaient rassemblées, ricanantes. Justine s'agenouilla devant ma verge dressée sous la douche tiède comme un orage tropical. Les hyènes poussaient sans cesse la porte de la douche que je rabattais aussitôt. Je finis par maintenir la porte d'une main pendant que je caressais la nuque de ma fellatrice de l'autre. Nous battîmes en retraite au bar où les hyènes ne nous suivirent pas: Elles n'y avaient aucune chance de se repaître d'une carcasse alanguie.

Il y a quelques jours, j'ai retrouvé Claire sur msn, avec laquelle je n'avais pas eu l'occasion de clavarder depuis des mois. Elle m'a expliqué avoir vécu une situation similaire au Moon-City, et elle m'a affirmé qu'il y a quelques années, les hommes seuls auraient été beaucoup plus respectueux qu'aujourd'hui. Est-ce bien vrai ? Cette ambiance - que je trouve pour ma part détestable - est-elle le seul fait de ces hommes seuls qui rodent en quête de curée, ou est-elle inhérente à une situation de facto déséquilibrée ? Je me souviens qu'un peu plus tard dans la soirée, j'évoquai brièvement ma première virée dans un sauna libertin, en tant qu'homme seul, justement. L'adjectif s'y était révélé déterminant: seul, seul contre tous, contre les couples qu'on dérange par sa simple présence, et les autres hommes seuls concurrents. Alangui au sauna, j'expliquai à Justine combien cette soirée là avait été pour moi déprimante, ce qui fit déguerpir un homme seul installé non loin d'elle. Je me suis mis un instant à la place de cet homme échoué là dans l'espoir de tirer un peu de plaisir d'une rencontre éphémère, d'y soigner un mal de vivre ou de noyer un chagrin d'amour dans la luxure.

Quel était le dénominateur commun entre cet homme là, et nous qui n'étions venus que pour un moment de détente et de plaisir à deux. Qui n'était pas à sa place ? Le comportement des hyènes était-il illégitime, ou bien était-ce notre présence dans cette jungle résolument mixte ? Y-a-t'il de la place pour les touristes au royaume des bêtes sauvages ?

15 mars 2007

Le seigneur des anneaux

Hiver 2001. J’avais fait la connaissance de Marianne sur le forum Aventures d'auFeminin. Nous y avions échangé quelques messages, sur le ton d'une badinerie érotique qui devint rapidement d'une sensualité si affolante que je sautai dans un TGV, afin de rencontrer ma muse à la terrasse d’un restaurant lyonnais. L'objectif avoué était de réaliser son fantasme, flirter au cinéma, ce qui avait alors pour moi valeur de défi, avant que je ne fasse la connaissance de Sarah. Marianne était le stéréotype de la beauté méditérannéenne: Des yeux noirs charbonneux, une peau mate, et des formes féminines qu'elle savait mettre en valeur. Je ne garde pas de ce repas le souvenir de la fameuse gastronomie lyonnaise, mais la perspective de son décolleté plongeant, auréolé d'une bouche particulièrement sensuelle dont les lèvres couleur carmin semblaient me susurrer "luxure". Après le repas, il nous fallut un bon moment avant de trouver le fameux cinéma qui abriterait notre première étreinte, et pressés par le temps, nous dûmes opter pour le seul film dont la séance venait de commencer : « Le seigneur des anneaux ».

medium_theatrical_poster.jpgInutile de dire que la salle était bondée. Cupidon doit cependant être un libidineux, il sourit même aux aventuriers déguisés en cinéphiles. Nous trouvâmes quatre sièges libres au tout dernier rang, juste assez pour nous asseoir, et poser nos manteaux sur les sièges de part et d’autre afin de délimiter un semblant de territoire. A peine étions nous assis que les hostilités commencèrent: Une bande de nains était poursuivie par des chevaliers ténébreux; Nos baisers affectueux l’étaient de plus en plus; Les nains escaladaient une colline; Mes doigts caressants s’étaient aventurés sur ses flancs, s’attardèrent sur l’affolant surplomb côté 95C, dégrafèrent toutes les sécurités et sautèrent sans élastique dans la faille de son irrésistible décolleté. C’était chaud, moelleux, divin. Taquin, je poussai l’audace jusqu’à sortir un sein de son écrin de dentelle. Dans la salle obscure, l’écran trépidant jetait un éclairage crépusculaire sur son mamelon dressé.

Mon aventurière n’était cependant pas femme à se contenter d’émotions impressionnistes. Elle avait déjà posé sa main sur mon entrejambe pour tâter de mon piolet. Je glissai mon autre main sous sa courte jupe. Mes doigts parvinrent rapidement à la lisière de ses bas, là où le satin laisse place à la peau nue. Ils musardèrent un moment tout en haut de ses cuisses jusqu’à l’ultime frontière de dentelle déjà bien humide. De deux doigts j’en tâtai les rondeurs, avant de l’écarter pour pénétrer sa touffeur. Je crois bien que nous arrivâmes ex æquo au terme de cette course haletante, car à ce moment là, elle avait déjà découvert mon pic dressé qu’elle tenait d’une main à la fois ferme et branlante. Dans un sursaut de pudeur, nous nous couvrîmes de nos longs manteaux pour mieux nous tripoter par en dessous, au cas où un des spectateurs hypnotisés par le film vint à détourner son regard vers nous. Mais non, rien ne les distrayait des trolls et autres monstres qui s'étripaient à l’écran.

Je pus donc poursuivre mon exploration en toute quiétude. Je glissai deux, puis trois doigts dans son intimité ardente. Elle était gorgée de sucs capiteux. J’en fis un tour exhaustif, de mouvements circulaires en lents va et viens, en insistant tout particulièrement sur les muqueuses parcheminées, ce qui lui arrachait à chaque fois un râle étouffé, avant de ressortir mes doigts trempés pour mieux les faire glisser autour de son bourgeon tuméfié. Inexorablement, son souffle se faisait plus court, son bassin se rapprochait du bord du fauteuil, sa jupe remontait le long de ses cuisses qui s’ouvraient toujours d’avantage à mes doigts capricieux. Soudain son corps se contracta et elle expira sa jouissance en un soupir irrépressible. D’horribles trolls qui chevauchaient des hyènes se faisaient décapiter à coups de hache dans un vacarme assourdissant. Personne n’entendait rien de nos ébats. Nous partageâmes le goût du pêché, comme deux garnements dégustent sur leurs doigts la crème chantilly chapardée au fond de la cuisine.

Si vous croyez que la belle était de celles qui se satisfont d’un orgasme furtif sous des doigts inquisiteurs, vous vous trompez lourdement. Lorsque Marianne se pencha vers moi après avoir repris son souffle, elle ne se contenta pas de me voler un baiser carnassier. Elle écarta prestement mon manteau qui cachait mon phallus qu’elle n’avait pas lâché, et elle l’engloutit entre ses lèvres pulpeuses. Sa position ne lui aurait pas permis d’avoir le bénéfice du doute face à un enquêteur de la  police des mœurs, et elle mit en œuvre tout son art pour m’achever au plus vite. Sous l’effet conjugué de ses lèvres qui coulissaient sur mon membre, et de ses doigts qui dessinaient des arabesques sur mes testicules, je ne tardai pas à me répandre dans sa bouche. L’hémoglobine arrosait l’écran. La coquine avala mon nectar. Je surpris le regard éberlué d’une spectatrice assise à quelques sièges de moi. Nous n’attendîmes pas la fin du film pour fuir la salle en pouffant de rire.

J’ai perdu tout contact avec Marianne pendant des années. Je la gardais bien au chaud au fond de mes souvenirs, en me disant qu'après le sucre, l’adultère avait parfois un arrière goût amer. Et puis elle m'a recontacté l'été dernier.

14 mars 2007

Le supplice de l'esthéticienne

chez camille...Je suivais Sarah le coeur battant. Je venais de la retrouver sur les marches d'une église où nous nous étions donné rendez-vous pour le défi qu'elle m'avait lancé: la suivre comme une escort-girl qui fait visiter le Paris underground au gagnant d'un concours improbable. Il pleuvait, nous étions réfugiés sous son parapluie, et nous marchions d'un pas alerte. Elle tenait bien son rôle, faisant preuve d'une retenue à la hauteur des débordements sensuels dont elle me gratifiait dans l'intimité. Seuls ses yeux bleus pétillants et son sourire en coin trahissaient une excitation contenue. Elle s'arrêta d'un seul coup à l'entrée d'un salon de beauté, et elle me tendit une enveloppe artisanale réalisée avec une page de magazine patiemment découpée et pliée, qui représentait un couple mixte enlacé. Sarah  était une femme de détails. L'enveloppe était cachetée avec un autocollant numéroté: le chiffre 1. J'ouvris l'enveloppe pour découvrir la première épreuve de la journée: "Avant de sortir de l'institut de beauté, remercier chaleureusement votre esthéticienne en l'embrassant"

J'ai tout de suite compris ce qui m'attendait. Sarah entra victorieusement dans la boutique, et je la suivis, hagard comme un condamné son bourreau. J'allais subir une épilation des testicules à la cire chaude, et je n'étais pas fier d’être livré tel un cobaye à une spécialiste des interrogatoires raffinés, fût-elle déguisée en jeune esthéticienne au profond décolleté pigeonnant. La porte claqua derrière moi, je fus entraîné dans les tréfonds du salon par la jeune beauté ricanante, pendant que Sarah montait la garde dans la salle d’attente. Fait comme un rat !

La libido masculine est certainement plus ambiguë qu'on veut bien le croire: j'ai été incapable de maîtriser une incontrôlable érection en me déshabillant face à ma future tortionnaire qui en avait certainement vu d’autres. L'esthéticienne me proposa alors un cache sexe bleu qui ne cachait pas grand chose mais donnait une touche cocasse à ma tragique situation. Le dialogue qui suivit s'inscrit d'ailleurs dans le grand comique avec répliques à la Audiard telles que : "Pouvez-vous soulever ces testicules s’il vous plait ?".
Un poil douillet, l’épilation acheva de me faire débander, en particulier les derniers poils arrachés à la pince à épiler. L’esthéticienne alla ensuite chercher Sarah comme un tortionnaire zélé va chercher l’officier lorsque sa victime semble prête à tout avouer. Sarah entra, impassible. Elle jeta sur mon corps nu et mutilé de sa pilosité un regard satisfait. L’ombre d’un instant, j'eus l’étrange impression d’être un homme objet, réduit à un sexe apprêté par une femme pour le plaisir d’une autre, comme s’il ne m'appartenait plus. J'étais dépossédé de ma virilité velue, les couilles aussi lisses que la peau d'une volaille déplumée, prête à cuir. En l'occurrence, c'était plutôt du prêt à jouir.

Sous le coup de l'émotion - et taraudé par une angoissante question: "Qu'est-ce que je vais bien pouvoir raconter à ma femme pour expliquer mon sexe déplumé" - je suis me suis rhabillé rapidement, et je suis sorti un peu honteux de la boutique. Sarah s'est alors tournée vers moi et m'a signifié l'échec de ma première épreuve: Qu'importe ma "bravoure" - celle-ci était naturellement due - j'avais oublié d'embrasser l'esthéticienne !

 ___________________________________

Tous mes remerciements à Camille pour avoir illustré cette note par un des ses sulfureux croquis.

09 mars 2007

Un peu de physique (1)

Cliquez ici pour agrandir le schéma !Soient deux vases, Madeleine et Georges, reliés ensemble par un tuyau conjugal libre et flexible.
Madeleine et Georges ont chacun une certaine contenance mesurée en frustrations. En première approximation, nous supposerons que la contenance de Georges est égale à la contenance de Madeleine, soit X frustrations.

Soit un escabeau permettant d'accéder au plaisir. Au début de l'expérience, Madeleine et Georges sont tous les deux sur la même marche de cet escabeau, au même échelon de l'échelle du plaisir. On remplit alors Madeleine et Georges de quotidien et autres obligations correspondant à Y frustrations.

Question 1: En supposant négligeable la contenance du tuyau conjugal, quel est alors le niveau de frustration de Georges et Madeleine ? Quelle est la limite supérieure de Y avant que Georges ou Madeleine ne déborde ?

On monte simultanément Georges et Madeleine d'un échelon sur l'échelle du plaisir.

Question 2: Le niveau de frustration de Georges et Madeleine a t'il changé ?

On redescend Georges d'un échelon sur l'échelle du plaisir.

Question 3: Le niveau de frustration de Georges et Madeleine reste t'il le même ? Qui, de Madeleine ou de Georges risque de déborder ?

On place maintenant Madeleine et Georges sur le même échelon de l'échelle du plaisir, et on bouche hermétiquement le tuyau conjugal avec du mensonge et de la cachotterie. On monte Georges de trois échelons sur l'échelle du plaisir.

Questions 4: Madeleine risque t'elle de déborder ?

Je ramasse les copies dans une semaine !

23 février 2007

Le gage (1)

Lorsqu'elle est entrée dans la chambre d'hôtel où je lui avais donné rendez-vous, Sylvie n'avait plus tout à fait son aplomb habituel. Sa démarche était certes assurée, son port toujours aussi altier, mais je pouvais lire dans ses yeux l'ombre d'une appréhension, le timbre du doute dans sa voix volontaire. Ce trouble était sans doute dû à la tenue que je lui avais demandée. Elle laissait présager du pire. Sylvie portait un long manteau sur pas grand chose: des bottes de cuir qui accentuaient sa cambrure, une minijupe qui masquait tout juste le galbe de ses délicieuses rondeurs, une lingerie chic et choc qui mettait en relief ses petits seins pointus sous la cascade de ses mèches blondes. C'était aux antipodes de son costume habituel de working girl. Lorsqu'elle m'a vu prendre des clefs de voiture et me diriger vers la porte de la chambre, elle a compris que je ne serais pas le seul à profiter de son impudeur. Les règles du jeu étaient simples. Quand Sylvie gagnait une de nos joutes amoureuses, elle pouvait m'imposer le gage de son choix. Quand elle perdait, elle s'exposait à mon vice. Lors de notre dernier jeu, elle avait perdu.
 
medium_voiture-nuit.jpgNous sommes montés dans la voiture sans dire un mot. A peine installés, je n'ai pas pu m'empêcher de déposer un tendre baiser sur ses lèvres. Ma main entre ses cuisses crissait contre ses bas. Je l'ai sentie se détendre un peu. Mon regard planté dans le sien, je lui ai alors annoncé le programme de la soirée, le gage auquel elle devait se soumettre sous peine de me décevoir. Sous le trait appuyé de ses sourcils noirs, ses yeux irisés d'émeraude n'ont pas cillé, immobiles comme deux taches sur les ailes d'un papillon cloué dans une vitrine. "D'accord" a été sa seule réponse, aussi tranquille que si je lui avais proposé le choix d'un restaurant. La voiture a traversé Paris tambour battant, le long d'un chemin que j'avais appris par coeur, et qui nous rapprochait à chaque instant, du lieu. Une tension presque palpable montait dans la voiture au fur et à mesure que nous avancions. Une tension mâtinée de désir, qui monterait au rythme des passages dans la rue. J'ai bien cru que nos coeurs s'étaient arrêtés de battre lorsque nous nous y sommes engagés.
 
La première passe a été un round d'observation. Il y avait du monde ce soir là et donc du choix. Des visages dissimulés dans la pénombre, qui apparaissaient entre les véhicules en stationnement lorsque des voitures passaient au ralenti. Des hommes. Seulement des hommes sur des centaines de mètres. Des dizaines d'hommes face à quelques couples en voiture, dans une relation en miroir de mateurs et de matés, où le spectacle des uns est les spectateurs des autres. Sylvie semblait plus détendue après ce premier tour d'horizon. Ces hommes n'étaient pas si laids, certains plutôt mignons, et être le point de mire de tous ces regards envieux, bien à l'abri dans une voiture, semblait l'exciter un peu. Je lui ai proposé de poursuivre le jeu.

- On fait un deuxième tour ?
- Oui, j'en ai vu un ou deux assez mignons. Clean. Il y en a un qui m'a envoyé un bisou avec sa main lorsque nous sommes passés à son niveau, tu ne l'as pas vu ?
- Non, je ne l'ai pas remarqué. Tu veux qu'on s'arrête pour lui parler ?
- Oui, pourquoi pas !


Sylvie avait maintenant les yeux brillants, et j'ai perçu toute la provocation de sa remarque malicieuse. Si mon gage était de nature à la déstabiliser, elle pouvait me prendre à mon propre jeu. Nous avons entamé le deuxième tour, beaucoup plus lentement, pour bien contempler la longue file des mateurs. Il y avait de tout. Des jeunes boutonneux, des vieux décatis, des cadres hagards, des manoeuvres rougeauds, tout un échantillon de misère sexuelle, avec, au milieu, quelques profils qui sortaient du lot. Nombreux se masturbaient à notre approche, ils jouaient des coudes et du poignet pour exhiber une érection présentable, la queue dressée comme un oisillon qui attend la béquée. Sylvie, si cérébrale, regardait la vulgarité du geste avec un dédain affiché, mais je sentais chez elle autre chose de plus profond, un mélange de peur et d'excitation.

- Regarde le jeune là bas, en tenue de motard, au carrefour. C'est lui qui m'envoyait des baisers !
- Tu veux qu'on s'arrête ?
- Non, on fera un autre passage plus tard, je veux d'abord voir les autres.
- Tu en veux combien ? Deux ? Trois ? Plus ?
- Je ne sais pas... deux, ça me plairait bien... Sur les deux, il y en aura au moins un qui m'excitera vraiment. Tu es sûr qu'on ne risque rien ?
- Deux mecs, ça devrait être gérable.

À la fin du second tour, Sylvie les avait choisi: Le jeune motard qui lui envoyait des baisers, bottes et blouson de cuir, gueule d'amour et sûr de lui, il avait lancé un "vous êtes magnifique mademoiselle" lorsque la voiture était passée à son niveau; Et puis un autre, la trentaine, mince, visage anguleux, costume anthracite impeccable, lunettes intello, très discret. Le second n'avait rien d'un exhibitionniste. Pour un peu, nous aurions pu croire qu'il était un simple passant. Mais non, il attendait lui aussi, comme les autres. Nous avons entamé le dernier tour. Dans la voiture la tension avait définitivement fait place à l'excitation. Si le regard de Sylvie s'éparpillait toujours dans la rue, il luisait la luxure, et elle a eu du mal à encore jouer les indifférentes lorsque ma main s'est égarée sur sa cuisse. Elle a fini par tourner vers moi son visage souligné par un sourire carnassier, et sa main est venue directement palper la bosse qui déformait mon pantalon.

16 février 2007

Première soirée à l'Overside

Avril 2002. Nous arrivâmes à 23h30 dans un club déjà bondé. Mon accompagnatrice et moi nous faufilâmes entre les couples scellés par un slow sur la piste de danse, à la recherche de deux places confortables pour ne trouver que deux poufs au fond du podium. La faune locale était essentiellement composée de couples trentenaires BCBG, mais "particulièrement ouverts" comme se plaisait à répéter Nathalie devant le spectacle des bas résilles et des mains baladeuses. Quant à moi, c'était plutôt le fait de voir quelques couples de noirs qui me faisait opiner du chef, et pas que du chef d'ailleurs.

Nathalie était mon accompagnatrice, celle qui m'avait fait l'immense honneur d'accepter mon invitation en ce lieu de perdition. Je ne sais pas quel autre mot choisir. Amie est un peu exagéré vu que je ne la connaissais de visu que depuis quelques heures, même si nous entretenions une correspondance décousue depuis plusieurs mois. Et puis, amie avec un 'e', cela insinue une certaine intimité dans la bouche ou sous la plume d'un homme, un peu comme partenaire, alors que Nathalie n'était venue que pour voir, tout comme moi officiellement.

A propos d'ouverture, nous fîmes rapidement connaissance avec nos voisins de table, un couple disparate composé de Sandrine, une jolie grue aux cheveux courts, et d'un frisé dont la maturité n'était que physique. Nathalie exprima un vif intérêt pour le piercing que Sandrine affichait au nombril, et la jeune femme ravie écarta aussitôt les cuisses et son string pour dévoiler fièrement celui qu'elle arborait au clitoris. Le ton était donné. Je ne pus m'empêcher de songer à un distrayant concours de blessures de guerre lorsque Sandrine, Nathalie et son mari exhibèrent leurs tatouages, un papillon sur l'épaule pour l'un, un dragon à la cheville ou un petit serpent sur l'épaule pour l'autre. Dieu merci, le vieux frisé nous épargna son anneau au prépuce. A l'autre bout de la piste un transsexuel opéré exhibait ses petits seins siliconés. Nous étions à l'Overside, club libertin parisien.

medium_overside.jpgLa musique battait son plein et nous nous dandinions sur le podium sous l'emprise de la voix d'Aretha Franklin qui chantait "Freedom" transformé en gospel hédoniste. Nathalie qui n'était venue que pour voir, mais qui avait perdu quelques pudeurs, enlaçait Sandrine avec un plaisir affiché. Un couple de gogos danseurs fit son apparition avec des masques de scream, halloween oblige. Les masques et les capes tombèrent pour dévoiler une strip-teaseuse petit format et un chippendale body-buildé. Nathalie avait envie de tâter de la bête, je suggérai à Sandrine de l'aider un peu à surmonter les vestiges de sa timidité, et leurs mains s'égarèrent de concert sur le fessier convoité. Peut être est-ce cela qui poussa le musculeux viking, vêtu de chaînes et d'un micro string, à sortir de la cage où il jouait de tout ce que la nature lui permettait de gonfler, à s'approcher du couple saphique, et en caresser les rondeurs émouvantes. Aux regards alanguis de la gent féminine, je vis bien que le viking plaisait beaucoup. Avec sa barbe de quelques jours, il incarnait la virilité sauvage, le mâle brut de fonderie sur lequel les femmes fantasment, celui qui les change des dandys publicitairement corrects, rasés de près et bronzés aux UV, ou encore des cadres sous lexomil qu'elles se résignent à épouser. Peut être que la mode va revenir aux poils ? Derrière Nathalie, je n'en étais pas à ses réflexions sur le consumérisme sexuel mais je profitais honteusement de ce cafouillis de caresses pour y glisser les miennes, lorsque soudain un corps se plaqua sur mon dos pour s'en prendre aux boutons de ma chemise.

Ne pouvant voir l'auteur de cette délicieuse agression, et ne voulant me retourner par peur d'en rompre le charme, j'avoue qu'en cet instant je me mis à scruter la salle à la recherche du transsexuel de peur qu'il soit derrière moi. Mais déjà ma chemise était ouverte sur mon torse nu, je remerciais le ciel ou plutôt les enfers de ne pas avoir mis un marcel, et la petite gogo-danseuse en bikini intervertit les positions, plantant sa cambrure sur la bosse outrageuse de mon pantalon. Elle plaqua mes mains sur ses cuisses et ses reins aux miens, leur imprima un air de samba ensorcelant, et je la suivis comme un bateau ivre épouse la mer déchaînée, le mat dressé et toutes voiles abattues. Mes mains se mirent à glisser sur sa peau, ses cuisses, son ventre, sa nuque et ses seins lorsqu'elle eut dégrafé son soutien-gorge et que j'en eus fait glisser les bretelles sur ses épaules. Malgré mon esprit chauffé à blanc, j'avais immédiatement senti les limites du jeu, de cette exhibition qui n'avait d'autres buts que d'échauffer les esprits des clients. Je ne caressai pas ce corps ô combien désirable comme je l'aurais fait pour donner du plaisir à une vraie partenaire sexuelle, mais pour le mettre en valeur tel un acteur de série Z érotique façon M6. J'étais le gogo qui prenait son rôle de faire valoir à bras le corps, et je lui en donnais pour son argent puisqu'en fin de compte c'est elle qui serait payée. En attendant, je mimais une bonne levrette et ça me plaisait, car comme disait Hegel, le vrai est un moment du faux.

C'est ainsi que je me donnai de longues minutes en spectacle sur le podium d'un club échangiste, y trouvant un plaisir plus cérébral que charnel, sans craindre les remarques assassines de mon accompagnatrice qui suffoquait prise en sandwich entre les pectoraux du viking et du gogo danseur. Je ne vous raconterai pas la suite, les fameux salons câlins à la faune aussi dense que sur la piste de danse bien qu'encore moins habillée, leurs soupirs extatiques au lieu des rythmes synthétiques, les lumières rouges qui conféraient aux lieux un air de lupanar, éclairant faiblement les couples entrelacés qui s'accouplaient à la vue des autres, échangeant davantage les regards que les caresses...

Je ne vous raconterai pas la suite parce que je n'y ai pas participé. Cette première soirée en club libertin fut néanmoins une des meilleures que je n'ai jamais vécue, la pire ayant été paradoxalement la plus chaude.
Sexe débridé n'est pas forcément synonyme de bonheur accompli.

15 février 2007

Du libertinage à Londres

Figurez-vous que j'ai l'insigne honneur d'être le 491ème membre du fameux club échangiste londonien "OurPlace4Fun". Après avoir lu des commentaires plus élogieux les uns que les autres sur le web, après envoyé ma photo et avoir été sélectionné, après avoir téléphoné pour obtenir le mot de passe qui me permettrait d'entrer au "sein des seins", je me suis rendu à ce club il y a quelques mois, tout seul comme un grand, en soirée mixte. Par curiosité d'une part, mais aussi pour me soigner d'un petit coup de blues. Mauvaise idée la soirée mixte et sa surpopulation masculine me direz-vous. Certes, mais j'avais reçu la confirmation que le club ne recevait pas plus de 2.5 hommes seuls par couple. 2 adultes et un nabot en somme.

Je suis arrivé à 21h pétante au fond d'une ruelle sordide au nord de Londres, un "mew" qui n'avait en commun que le nom avec les "mews" classieux de South-Kensington. La charmante gérante que j'avais eue au téléphone m'avait conseillé d'arriver tôt pour ne pas louper la "naughty lady" qui ne manquerait pas de venir ce soir là, et je ne fus pas mécontent d'être arrivé avant la tombée de la nuit. Après quelques allées et venues au fond de la ruelle, un homme avec une tête de gérant de sex shop m'ouvre la porte d'un bâtiment indéfinissable. C'est nous que vous cherchez, me demande-t-il ? Oui, je crois, lui dis-je en guise de mot de passe. Et il me fait entrer dans ce qui semble être un petit night club genre Feelings club dans le 6ème, en un peu moins grand et un peu moins chic. Evidemment, je suis le premier client.

medium_ourplace.jpgJe m'assoie au bar face à la charmante gérante, quinquagénaire siliconée comme je peux aisément m'en rendre compte vu le peu de dentelle qu'elle porte sur elle, et elle me sert un nescafé avant de me faire visiter l'établissement, c'est à dire les 5 ou 6 coins câlins plutôt bien agencés avec tout de même une particularité: Les zones à haut risque, c'est à dire les matelas, sont entourées d'une ligne blanche peinte sur le sol !
C'est la limite pour les hommes seuls, m'explique-t-elle, ils ne peuvent pas franchir les lignes blanches sans être explicitement invités par les couples qui s'ébattent. Vous comprenez nous avons notre réputation à tenir, ajoute-t-elle, nous sommes le club le plus sympathique de la capitale, reconnu pour le bon comportement de ses membres, et nos règles assurent de maintenir une ambiance respectueuse! Enfin, c'est énoncé avec tant de gentillesse que ça passe, et accoudé au bar, je bavarde une bonne heure avec les gérants avant qu'un premier client n'arrive.

C'est un imposant sexagénaire habitué des lieux qui est venu avec sa propre bouteille de jus de fruit. Je ne savais pas que le "bring your own bottle" s'étendait aux boissons non alcoolisées, mais à 1 GBP le verre de coca servi dans un gobelet en plastique, je me dis que ce n'était visiblement pas une mauvaise idée. Ensuite vient un nabot aux cheveux blancs, la demi-portion, il ne manque donc plus que le couple, et bingo, le voici qui arrive sous la forme d'un homme mûr, énorme, accompagné d'une quadragénaire en mini jupe. Vient ensuite un autre sémillant sexagénaire suivi d'un nouveau couple, un quinquagénaire en short accompagné d'une femme en robe à laquelle j'ai bien du mal à donner un âge, ce qui illustre bien le fait que la laideur est supérieure à la beauté, parce que la laideur, elle dure. Arrive ensuite une brochette d'hommes seuls du même acabit histoire d'exploser les quotas, avec une mention spéciale pour un vieil anglais de 76 ans, costume de tweed et moustaches en guidon de vélo, qui ne manque pas une occasion de tripoter la gérante pour la plus grande joie des clients hilares. Il pourrait bien être son père mais qui s'en offusque, ce n'est pas la différence des ages qui choque mais leur disproportion.

Alors que je venais de me lancer dans une improbable conversation à propos d'Ovide avec la gérante, là voilà qui me demande de la suivre dans les coins câlins, en particulier un petit couloir sans ligne blanche mais avec "glory holes", et elle me montre le second couple s'y est "isolé", entouré de mâles en rut. Ca se tripote, ça se suçouille, ca se pelote, ça gargouille, c'est un enchevêtrement indéfinissable qui n'a vraiment rien, mais rien d'érotique sans pour autant être déplaisant à regarder. J'ai l'impression d'être un entomologiste indiscret devant une fourmilière et sa reine mère au centre de mille et une attentions tactiles, et après quelques minutes de ce spectacle je retourne au bar. "Oh, my tvgirl !" dit la patronne en accueillant une étrange créature, un travelo à perruque blonde d'au moins 1m90, la trentaine d'année, pre-op comme je pourrai le constater un peu plus tard dans la soirée. Le travlo branche le couple qui revenait du couloir de la mort, et les voilà reparti dans une autre pièce suivis d'une nuée d'hommes frétillants qui se remuent déjà la queue. C'est la fête ! J'assisterai aux ébats délirants sans la moindre envie de m'y fourvoyer. Pour terminer, un dernier couple arrive en fin de soirée, dont une jeune noire américaine avec des épaules à faire pâlir Schwartzy, et une invraisemblable paire de seins, naturels comme j'aurai l'occasion de le vérifier.

En conclusion, des scènes dantesques, une palpation mammaire et quelques discussions sympathiques dans une ambiance bon enfant. Si vous voulez du dépaysement libertin, traversez simplement la Manche et suivez le guide ! Orgasme improbable mais rigolade assurée !

11 février 2007

L'enfer (2)

Catherine dut se battre bec et ongles pour conserver la place libre à côté d'elle. Mais la salle se remplissait inéluctablement, et de guère lasse, elle dut laisser la place à un jeune homme. La séance venait juste de commencer et dans la soudaine obscurité, elle ne pouvait pas bien distinguer ses traits. Il retira son manteau, et posa un sac entre ses jambes. Lorsque les pupilles de Catherine se furent accommodés à l'obscurité, elle jeta un timide coup d'oeil à son voisin. Il lui sembla moins jeune qu'elle l'avait pensé au départ. Une petite trentaine, tout au plus. Et si c'était lui ? Sentit-il la pression du regard de Catherine, ou attendait-il de tourner furtivement ses yeux vers elle, toujours est-il que leurs regards ne se croisèrent pas mais s'accrochèrent comme deux voitures à un carrefour. Ils esquissèrent un sourire gêné avant que leurs yeux ne s'échappent dans la contemplation d'une publicité insipide. "Et si c'était lui ?" se répétait Catherine qui n'osait plus tourner la tête. Elle ne s'était pas imaginé que Vagant put être plus timide qu'elle, à moins qu'il la mette à l'épreuve du premier pas, à moins que ce jeune homme ne soit pas lui, à moins qu'il pense qu'elle n'était pas elle, à moins qu'elle ne lui plaise pas...

Le film commença sans elle. Elle ne percevait que des tâches de lumières qui dansaient sur l'écran et qui se reflétaient sur le visage impassible de son charmant voisin qu'elle regardait maintenant à la dérobée. Il lui aurait bien plu, lui. Et si c'était Vagant ? Il fallait qu'elle en ait le coeur net. Elle finit par opter pour la stratégie du paresseux. Elle allait entamer un langoureux mouvement du genou qui sortirait de sa zone pour empiéter ostensiblement sur celle de son voisin, jusqu'à, suprême audace, le toucher, lorsque le seul rebondissement du film fit tressaillir toute la salle, sursaut qui fit soudainement bouger les jambes du fameux voisin jusqu'à percuter le sournois genou féminin en embuscade. "Excusez-moi" marmonna l'homme tout penaud. "Ce n'est rien" répondit Catherine avec son plus beau sourire sans perdre contact avec la jambe de l'homme en léger repli. Elle crut voir passer un voile devant les yeux de cet homme, et l'esquisse d'un sourire gourmand sur ses lèvres. Il était temps. L'homme finit de se dévoiler par une éloquente pression accentuée de son mollet contre celui de Catherine. En sentant sa chaleur à travers le tissu, Catherine eut l'intime conviction que c'était bien lui.

Il n'y a que le premier pas qui coûte. Il ne s'était pas passé une minute après ce premier contact que leurs mains s'étaient invitées à la fête balbutiante. Celle de Catherine, d'abord, s'était posée sur le genou de son voisin. Elle sentait sous le jean la chaleur de cet homme, ses tressaillements quand ses doigts timides se perdirent entre ces jambes inconnues. Lui, il avait posé sa main sur la cuisse de Catherine, à la lisière de sa jupe. Pas une main conquérante, lourde de velléités libidinales, mais une main timide, une main comme par hasard, une main prête à s'excuser, une main incertaine jusqu'à l'improbable, une main l'air de rien, une main coupable. L'alliance à son doigt brillait comme le réquisitoire d'un procureur. Il osait cependant; de plus en plus même. Il faut dire qu'elle l'encourageait, Catherine, avec ses yeux mi-clos, son souffle court et surtout ses doigts qui s'encanaillaient peu à peu. Après l'avoir effleurée, elle avait finit par lui tâter la bosse, comme on jauge un fruit mûr; et mûr il l'était, tendu, gorgé de jus, plein de sucs qu'il lui tardait de déguster. Leurs regards s'emboîtèrent, brillants, humides, et leurs lèvres s'agrafèrent dans un baiser mordant. La messe était dite. Catherine eu juste le temps de cacher leur étreinte sous son manteau, que les mains de son charmant voisin troussaient sa jupe sans vergogne. Elles s'aventurèrent dans la touffeur de son entre cuisse, au-delà du nylon de ses bas, sur la chair frissonnante déjà, comme prise d'une fièvre tropicale. Là, tout n'était que langueur, furie de volupté. Toute cette envie impérieuse difficilement contenue par un triangle de soie, il la toucha du bout du doigt. A peine avait-il frôlé son bouton qu'un flux de plaisir secoua Catherine en un spasme incontrôlable. Elle échappa à cette main de peur de ne pouvoir retenir ses râles, et elle se pencha sur la braguette qu'elle venait d'ouvrir. Elle y trouva un sexe dur, épais, noueux comme un bâton de berger, dont elle caressa les contours à travers un caleçon aux motifs hawaïens. L'ombre d'un doute s'insinua dans son esprit. "Tu n'as pas mis le boxer de la photo ?" s'interrogea t'elle la bite au poing. "Quelle photo ?" répondit l'ingénu.medium_hawai.jpg

- C'est complet.
- Je vous demande pardon ?
- Je vous dis que la séance est complète !
- Mais comment vais-je faire ? J'ai rendez-vous avec une amie à l'intérieur.

Le guichetier me répondit d'un haussement d'épaule qui me laissa pantois à l'entrée du cinéma. J'eus beau plaider ma cause auprès de l'ouvreur, rien n'y fit, je n'avais plus qu'à espérer que la mystérieuse Catherine n'était pas entrée dans la salle, ou à l'attendre à la sortie. Je pris mon courage à deux mains pour aborder une improbable Catherine en lui disant que j'avais rendez-vous avec une inconnue, ce à quoi elle répondit en riant que ce n'était pas elle. Je finis par me résoudre à improviser une pancarte sur laquelle j'écrivis "CATHERINE" comme d'autres écrivent "j'ai faim". Le cri du bas ventre au lieu du cri du ventre, dirons les mauvaises langues. Si ma triste situation n'attira aucun apitoiement de la part de mes congénères de sexe masculin, ma petite pancarte attira l'attention de quelques femmes qui me soutinrent d'un sourire, voire même de quelques mots d'encouragement pour ma démarche courageusement désespérée. Quelques minutes avant la fin de la séance, je décidai d'attendre Catherine à quelques mètres de là, juste à la sortie de cette maudite salle obscure. Avec ma nouvelle position stratégique, aucun spectateur ébloui ne pouvait me louper. Je scrutais le visage de toutes les femmes qui sortaient, et toutes lisaient ma pancarte avec un air amusé.

Toutes sauf une. Les yeux brillants et les joues rouges, elle marqua un temps d'arrêt, à peine perceptible, juste assez pour me jeter un regard apitoyé. L'homme qui l'accompagnait glissa entre les cheveux de la jeune femme un baiser qui atterrit juste sous le lobe de son oreille. Un baiser irrésistible. Elle rit en posant sur lui un regard brillant. Un jeune couple, sans aucun doute.

A suivre...

10 février 2007

L'enfer (1)

medium_hell.jpgPrintemps 2006. Catherine était ravie. Depuis le temps qu'elle voulait rencontrer "Ze (in)famous Vagant", elle tenait son rendez-vous, et quel rendez-vous ! Jusqu'alors, elle n'avait aperçu de lui que des bouts de corps, certes prometteurs, sans pour autant porter l'estocade à ses désirs puisqu'elle n'avait ni les oreilles, ni la queue. Il lui avait ainsi lancé le défi de le reconnaître à son supposé regard pétillant dans la file d'attente d'un cinéma, ce dont elle se sentait déjà incapable. De plus, elle devrait oser le toucher sans autre forme de procès, jusqu'à le déshabiller dans la salle pour le reconnaître à son boxer noir avant d'avoir échangé un seul mot, ce qui était une véritable épreuve pour sa timidité naturelle. Même si, portée par le courant des mots qu'ils échangeaient sur messenger, elle avait été jusqu'à lui suggérer qu'elle pourrait lui faire une fellation dans cette salle de cinéma, le soir venu, elle n'en menait pas large. La sourde inquiétude qu'elle sentait au creux de l'estomac n'égalait pourtant pas les troubles sensuels qu'elle faisait naître, et la perspective de ce rendez-vous nourrissait les masturbations nocturnes dont elle ne se privait pas, entre autres récits d'expériences érotiques extravagantes que son correspondant distillait savamment.

Les jours passèrent, l'angoisse montait mais l'excitation plus encore. Mercredi finit par arriver et Catherine se précipita dans son kiosque habituel pour acheter l'officiel des spectacles. Plusieurs séances semblaient convenir au fameux rendez-vous, dont une histoire de geisha vaguement érotique qui ferait bien l'affaire. Elle envoya un mail à Vagant pour lui faire part de sa trouvaille, mais il proposa un autre film, un navet interdit au moins de 12 ans, qui ne drainerait probablement pas les foules. Catherine qui avait lu le roman avait bien envie d'en voir l'adaptation cinématographique. Ca tombait bien. Le rendez-vous fût donc pris au cinéma du forum des halls, 20h35 pour le film Hell.

Catherine prit soin d'arriver bien avant le début de la séance afin d'avoir le temps d'observer tous les hommes seuls de la file d'attente. Ils étaient peu nombreux. La plupart des hommes étaient accompagnés, et les rares solitaires qui se présentaient à la caisse faisaient d'improbables Vagant. Même si certains auraient pu le faire, comme on dit, ils ne la regardaient pas ostensiblement, et si leur regard croisait celui de Catherine, ils posaient sur elle celui de tout homme sur une jolie femme, pas celui d'un Vagant qui s'apprête à trousser vos jupes. Et puis des indices les trahissaient: le portable à la sonnerie intempestive alors que Vagant n'en avait pas, l'absence d'alliance alors que Vagant était marié mais pas trop, ou une queue de cheval dont elle aurait probablement entendu parler si Vagant en avait eu une. Il faut dire que Catherine avait un peu triché. Elle n'avait pas loupé une occasion de demander aux copines du forum à quoi il pouvait bien  ressembler, ce Vagant, mais elle recevait toujours la même réponse: un mec sympa, normal, sans autre précision utile. Elle était bien avancée avec ça. A 20h25 elle décida d'entrer dans la salle déjà pleine aux trois quarts. Elle ne voulait pas changer de place pour aller s'asseoir à côté de lui. Elle préférait qu'il vienne à elle. Autant qu'elle lui réserve une place aussi discrète que possible.

Ce jeudi là, mon Eurostar arriva gare du Nord avec 35 minutes de retard. La porte du train fut à peine ouverte que j'en jaillis comme la semence d'un éjaculateur précoce. Je me mis aussitôt à courir dans la foule comme un spermatozoïde en pleine compétition spermatique. Je dévalai les escaliers du métro, je me ruai sur le quai du RER qui s'apprêtait à partir. J'échappai de justesse au couperet des portes qui claquèrent derrière moi. Arrivé à Châtelet, avec mon sac sur le dos, je repris ma course effrénée dans les couloirs et les escalators, je traversai le forum des halles comme une balle perdue et j'arrivai à bout de souffle devant le cinéma. Comme je m'y étais attendu, mon coeur battait la chamade, mais je n'avais pas imaginé que ce fût déjà pour des raisons sportives. La séance allait commencer dans quelques minutes et je pris aussitôt place dans la file d'attente, en accrochant un sourire à mes lèvres au cas où Catherine serait dans les parages. Je repensais aux indices que nous avions évoqués afin de nous reconnaître, de ces regards croisés et décroisés qui trahissaient toujours les éventuels futurs amants, et j'essayais d'en gratifier ostensiblement la population féminine aux alentours. Je ne reçu en retour que quelques regards mornes. Il y avait très peu de jeunes femmes temporairement seules. Arrivé au guichet, je demandai ma place pour l'enfer.

A suivre...

 

07 février 2007

Comment je suis devenu pédophile

Ca s'est passé à l'Overside, un dimanche soir, il y a quelques semaines. J'étais seul, la débauche battait son plein, toutefois j'étais seul comme un bateau ivre dans la tempête. Il faut aussi dire que j'avais un peu bu, mais c'était alors mon seul péché, à part la concupiscence peut être.

Bref, je titube jusqu'au bar pour commander mon 5ème whisky coca et, d'un coup de coude maladroit, je renverse la coupe déjà vide d'une bimbo platinée qui repoussait mollement les avances d'un basketteur norvégien en chemise hawaïenne. La fille me jette un regard furieux et je me répands en plates excuses inutiles, pour finir par lui offrir une nouvelle coupe de champ qu'elle avale cul sec. La stratégie s'avère payante, et la bombe ambulante se détourne ostensiblement du grand blond musculeux pour couler sur moi un regard aguicheur étudié, mais pas vraiment désintéressé. En plein brouillard éthylique, je me sens à la fois bêtement flatté et dans mes petits chaussons. Pas envie d'être juge et partie d'une scène conjugale où je ne ferais pas le poids. Naïvement, je me réjouis de voir le grand nordique jeter son dévolu sur une autre fille, et d'apprendre qu'Eva la bimbo est venue avec son manager, une sorte de grosse limace qui se prélasse dans le carré VIP entouré de nymphettes alanguies. "Je suis model", me dit-elle avec un fort accent slave en engloutissant sa troisième coupe à mon portefeuille défendant, ce qui a pour effet de me faire dégriser rapidement. "on danse ?", lui dis-je pour épargner ma carte de crédit moribonde.

Dès qu'elle pose le pied sur la piste tout bascule. Elle marche, non, elle ondule comme un funambule, et elle me jette sans préambule des oeillades crapules. C'est la canicule ! Je la regarde incrédule. Mais pas besoin de conciliabules quand tous ses gestes me hurlent "on copule ?". Que voulez-vous, je capitule.

C'est ainsi que je me retrouve dans un coin câlin avec ma bimbo sur les genoux, sous les regards baveux des mâles frustrés à deux doigts de l'onanisme. Ses petits seins ronds font le bonheur de mes lèvres ardentes, mon dard non moins brûlant s'insinue entre ses cuisses graciles, quand tout à coup, je doute.
- Dis moi Eva, tu as quel âge ?
- 16 ans pourquoi ?

medium_code_penal.jpgAaaaargh! Je suis devenu pédophile ! Débandade instantanée. Dans quelques secondes, la police des mœurs va fracasser la porte d'entrée du club. Je vais me faire appréhender la main au panier. Détournement de mineur. Au moins 20 ans à me faire défoncer le troufion par des taulards sidéens. Je suis mort. D'ailleurs je n'entends plus la house music stridente mais les sirènes des flics qui viennent de piler rue du cherche midi. Plus de râles extatiques mais des cris rageurs: "Oui ! Oui! Là! Là!". Je les sens se rapprocher. Inutile de chercher à fuir. Je suis pétrifié. Mais pourquoi donc me collent-ils une chemise hawaïenne sous les yeux avant de me passer les menottes ?

Lorsque je redescends sur terre, Eva s'étouffe avec la bite monumentale du grand norvégien. Il me regarde d'un air rigolard et il me dit: "Hé Papy, la majorité sexuelle en France c'est 15 ans, pas 18 ans ! Faut vivre avec son temps mon vieux !"


Vous l'aurez compris, ami lecteur, cette histoire franchement provocatrice n'est que de la pure fiction. J'espère ne jamais faire ce genre de mauvais trip, d'ailleurs théoriquement impossible aujourd'hui car si la majorité sexuelle est bien de 15 ans en France, il est interdit à un mineur de moins de 18 ans d'entrer dans un club échangiste. Je l'ai appris en regardant Campus de Guillaume Durand l'année dernière. On y présentait entre autre un "Antimanuel d'éducation sexuelle". L'auteur avançait que la libération sexuelle n'avait pas eu lieu sous prétexte que les mineurs entre 15 et 18 ans ne peuvent toujours pas aller en club échangiste. Et vous, ami lecteur, vous en pensez quoi ?

Pour plus de précisions, voir l'article 227-27 du code pénal

30 janvier 2007

Ma soirée CFNM

Août 2006. Je n'avais pas imaginé que cette soirée finirait ainsi. Tout avait commencé dans un bar trendy. J'étais là le premier, avec dix bonnes minutes d'avance, une fois n'est pas coutume. Catherine est arrivée avec une bonne demie-heure de retard, suivie en ordre dispersé par les quelques amis qu'elle avait conviés pour son anniversaire improvisé: Alexandre, Nathalie, et puis Marie. Même le propriétaire du bar était de la partie. Il faut dire que Catherine y avait ses habitudes. Nous nous sommes installés dans un recoin douillet. Nous n'étions venus que pour boire un verre, mais nous y étions si bien qu'on y a passé toute la soirée, à papoter, manger et boire. Surtout boire. Alexandre est parti le premier, et nous nous sommes donc retrouvés à quatre: trois charmantes jeunes femmes et moi.

Catherine a quelque chose de spécial. Elle attire la sympathie, et dans le milieu libertin, la sympathie se manifeste bien souvent par de voluptueuses caresses. Nous ne nous en sommes pas privés, Nathalie et moi. Catherine était assise sur une banquette, entre nous deux qui rivalisions de taquineries: Un bisou dans le cou par-ci; une main sur la nuque par-là; le zip d'une robe qui glisse, aussitôt suivi de doigts taquins qui laissent des frissons partout... Catherine était entre de si bonnes mains que nous la sentions défaillir, pour se reprendre aussitôt. Il faut dire que nous n'étions pas dans un club libertin privé qui autorise toutes les privautés, et même si cela avait été le cas, Catherine ne pouvait pas aller beaucoup plus loin pour des raisons féminines bien connues.

Le bar a fermé aux alentours de minuit et nous sommes allés prendre un dernier verre chez Catherine qui habite à deux pas. Là, notre petit jeu a repris de plus belle sous les yeux complices de Marie qui avait décidé de rester chaste. Entre Nathalie et moi, la résistance de Catherine était d'autant plus héroïque que ses abandons étaient manifestes. Je prenais un malin plaisir à l'embrasser, à l'embraser, à repousser les oripeaux de sa pudeur dont les sursauts se perdaient en timides caresses sur ma peau. Elle ne tarda pas à se retrouver en lingerie, et moi dans le plus simple appareil pour lui montrer la voie à suivre, vautré sur son tapis, mes lèvres soudées aux siennes et sa main sur ma queue raide. Et d'un seul coup, dans un ultime élan de pudeur, elle a décidé de se soustraire à nos caresses et elle a remit sa robe en moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire! C'est ainsi que je me suis retrouvé nu comme un vers et la bite au garde à vous, parmi trois femmes qui papotaient comme si de rien était. Elles m'invitèrent à ne pas me rhabiller et à m'asseoir sagement sur la banquette à coté de Marie, pour prendre part à la conversation. Cette situation surréaliste m'excitait profondément. Je n'en débandais pas. De temps en temps, une des filles posait sur moi un regard circonspect, et devisait avec ses amies de l'intérêt décoratif d'avoir un homme nu dans son salon. J'étais devenu un homme objet, et le pire, c'est que ça me plaisait.

Tout sur CFNMSi vous ne l'aviez pas encore deviné, CFNM est l'acronyme de "Clothed Female Nude Male", c'est à dire "Femmes habillées et Hommes nus", et c'est ainsi que je me suis retrouvé dans une soirée CFNM improvisée. Je pensais que les choses en resteraient là, qu'au lieu de jouer à l'étalon de canapé j'allais faire le bibelot de salon jusqu'au petit matin, et je devisais à mon tour sur la fragilité du désir masculin en contemplant ma virilité qui perdait peu à peu de sa fierté, lorsque Catherine, par compassion sans doute, mais certainement par plaisir aussi, a entrepris de me redonner vigueur. Il faut dire que Nathalie avait repris ses chatouillis et Catherine n'en pouvait vraiment plus. La situation a rapidement été torride. Assis sur la banquette, j'avais les cuisses ouvertes sur la généreuse poitrine de Catherine qui me masturbait en gémissant de plaisir sous les caresses d'une Nathalie survoltée. Catherine me gratifiait d'une merveilleuse fellation, lorsque Nathalie lui a chuchoté quelques mots à l'oreille. Catherine a acquiescé, et j'ai bientôt eu quatre mains sur mon sexe, et deux bouches qui s'y rejoignaient en un langoureux baiser. A un tel régime, je ne pouvais tenir longtemps, et j'ai répandu ma sève sur mon ventre et les seins de la belle Catherine, dont le visage était ravagé par le plaisir qu'elle prenait à m'en donner autant.

Sans doute Catherine a-t-elle joui du pouvoir qu'elle a eu sur moi à travers mon plaisir  - elle me tenait littéralement par les couilles - jouissance cérébrale plus typiquement féminine que masculine. La situation CFNM en est symbolique si on considère que le vêtement (le propre de l'Homme, et notamment ce qui caractérisait ces trois femmes) domine la nudité (le propre de la bête, en l'occurence moi). Cette situation est l'inverse de celle du bordel du 19ème siècle avec ses femmes dénudées parmi des hommes très habillés: dans ce cas phallocratique, l'homme client jouit du plaisir sexuel que lui procure la femme prostituée mais aussi de son pouvoir apparent sur elle, alors que la prostituée tente de rétablir l'équilibre des pouvoirs dans le marchandage de sa prestation et en ne s'abandonnant pas au plaisir avec son client pour garder le contrôle de la situation. Dans ce nouveau cas "gynécratique" - y a t'il un autre mot ou ai-je bien fait d'en inventer un ? - non seulement la femme peut jouir du plaisir que lui procurera cet homme objet, jouir du plaisir de son pouvoir sur lui (il est visiblement désirant et elle a le choix), jusqu'à jouir du contrôle qu'elle a sur lui jusqu'au bout de l'orgasme qui se soldera, inéluctablement, par une débandade. Qui est le sexe faible ?

25 janvier 2007

Le bonheur était dans le pré

Septembre 2002. J'étais arrivé vers midi à l'aéroport de Genève où j'avais rendez-vous avec Jeanne, pour la toute première fois. Nous nous étions dit que nous jouerions à l'auto-stoppeur, mais Jeanne n'a jamais respecté mes scenarii. Il faut dire qu'à l'époque, ils étaient moins précis. Elle m'a retrouvé dans le hall de l'aéroport où nous nous sommes enlacés. Pour me souvenir de ses bras autours de moi ce jour là, je n'ai qu'à fermer les yeux. Nous sommes montés dans sa voiture et nous sommes partis dans la montagne, du côté d'Annecy. Elle y avait repéré un pré qui surplombait une petite route peu fréquentée, et qui lui semblait idéal pour un pique-nique éventuellement coquin. En moins d'une heure de route, sage, avec virages, mais sans dérapages, nous y étions. Je n'étais pas son premier amant, mais c'était là sa première rencontre internet, et elle était un peu intimidée, ce qui, comme le rire, s'avéra communicatif. Elle étala une couverture sur l'herbe verte, et nous nous y étendîmes. A partir de là, mes souvenirs sont plus flous. Impossible de savoir si nous avons échangé un premier baiser avant, pendant, ou après la première bouchée. Tout ce dont je me souviens, c'est de l'avoir déshabillée au milieu des victuailles. Je l'ai croquée comme un fruit mûr. Les tétons de ses seins blancs brillaient de ma salive sous le soleil radieux. Moi aussi je me suis retrouvé tout nu. Entre ses cuisses, je me suis mis à l'abri des rayons du soleil, et j'ai léché son miel alors qu'elle engouffrait mon dard. Elle pompait assidûment ma queue dressée, gorgée de sève, lorsque nous avons entendu un bruit, en provenance de la route, à quelques mètres en contrebas. Deux cyclistes montaient péniblement la côte:


- Ah qu'est-ce qu'elle est dure, s'exclama le premier !medium_crw_0023_1_.jpg
- Dure, et puis longue aussi rétorqua le deuxième !

Je ne sais pas trop comment nous sommes parvenus à ne pas éclater de rire. La peur d'être surpris, sans doute. Les cyclistes sont passés péniblement et nous avons repris nos ébats. Nous les avons repris maintes et maintes fois en différentes occasions. La dernière fois, c'était en Août dans une bête chambre d'hôtel. Ce n'est plus comme avant. La vie l'a changée. Pas moi. Et puis la passion, ce n'est pas fait pour durer. Selon Beigbeder, l'amour même ne dure que 3 ans.

24 janvier 2007

Nuit d'ivresse

Décembre 2003. J'avais décidé d'écourter mes vacances familiales pour réveillonner avec Elsa, ma jeune maîtresse, la femme de ma vie du moment, une splendide mythomane qui s'était inventé une activité d'escort girl pour mieux me séduire, et dont j'étais tombé follement amoureux. J'avais renoncé à trouver un gros mensonge conjugal pour justifier mon départ anticipé et rentrer seul en France. Ma femme, princière, avait décidé de fermer les yeux sur la seule frasque que je ne lui ai jamais avouée. Elsa n'est jamais venue à notre rendez-vous gare du Nord. C'est triste, un quai désespérément vide, qu'on scrute, les yeux au bord du gouffre, et qui s'attachent à la moindre silhouette qui pourrait être elle. Pourtant, je savais à quoi m'attendre, elle m'avait prévenue que c'était une folie, qu'elle devait rester avec son mec. Allez savoir pourquoi je m'étais imaginé que les horloges de la gare contempleraient une fois de plus nos étreintes forcenées.

medium_shortBus.jpgDans une réaction de revanche convenue, je décidai sur-le-champ de noyer cette rupture dans l'ivresse. Petit bémol, je n'aime pas l'alcool. Qu'à cela ne tienne, je trouvai une soûlerie à ma mesure. Le soir même, j'aurai sombré corps et âme dans la luxure. Je me serai vautré dans une partouze pour oublier mes états d'âme, je me serai abreuvé de chattes ruisselantes, j'aurai arrosé des lèvres accueillantes, elles. Un seul problème, j'étais seul. Après une ridicule tentative désespérée sur MSN pour me trouver une charmante compagnie à l'impromptu, je me résignai à opter pour un club échangiste qui accueillait les hommes seuls. Ce serait l'hyppocampe de St Maur, un sauna, faute de mieux.

J'eu du mal à trouver la ruelle nichée dans une banlieue morose, puis une place pour me garer, et je me pointai enfin à l'entrée du dispensaire aux alentours de 23h. Une myope m'ouvrit et son sourire se mua en un rictus rébarbatif lorsqu'elle constata que j'étais seul. "Je ne peux pas vous accueillir. Il n'y a pas assez de couples ce soir !", me dit-elle sèchement. Ce n'était certainement pas ce cerbère à lunettes qui allait m'interdire l'accès à mon orgie infernale! Je lui annonçai que je reviendrai plus tard, et j'allai me poster dans ma voiture, aux aguets, prêt à emboîter le pas au premier couple venu. Je n'eus pas trop longtemps à attendre, une petite brune pimpante et un colosse passèrent le sas avec les honneurs. Je sonnai à nouveau. Cette fois, l'accueil fut franchement meilleur, d'autant plus qu'un autre couple que je n'avais pas vu arriver m'emboîtait le pas. Je me retrouvai ainsi dans le couloir qui servait de vestiaire, avec une blonde joviale et un ténébreux tristounet. Un peu gêné par la promiscuité, je n'osai pas croiser leur regard. Je me déshabillai rapidement, je m'attachai maladroitement une serviette autour des reins, l'uniforme des hommes seuls qui n'avaient pas droit au peignoir - attribut distinctif du couple - et j'atterris dans la zone bar du sauna.

medium_hyppocampe.2.jpgJe commandai tout de suite un coca que j'avalai d'un trait d'une main tremblante. A côté, un homme sûr de lui me regarda en souriant. Je n'étais pas fier et ça se voyait. L'instant de panique passé, j'évaluai l'étendue des dégâts d'un coup d'œil navré. Une douzaine d'hommes seuls traînaient ça et là, du sauna au hammam avec entre les jambes le poids d'un ennui palpable. Un couple de quinquagénaires en surcharge pondérale était assis devant le porno qui trônait près dur bar. L'homme affichait un sourire épais. Sous la douche, je vis la petite brune pimpante avec son partenaire taillé comme un gorille. Au hammam, un jeune homme seul se lamentait sur son triste sort. "Misère! Misère!" Psalmodiait-il en vain après chaque nouveau râteau. Les autres ne pipaient pas mot. En procession silencieuse, ils suivaient les rares couples à la trace comme des badauds suivent les obsèques d'une célébrité sans en avoir l'air. Il y avait autant d'ambiance que dans le métro à 8 heures du matin, avant la compétition quotidienne. Ce soir là, la compétition serai autrement plus tendue, sans mauvais jeu de mot. Il était clair qu'il n'y en aurait pas pour tout le monde. Les autres hommes étaient des concurrents, des adversaires. Moi, j'étais hors jeu.

De retour du hammam, j'allai m'asseoir sur un matelas, seul. Je n'étais pas dans une partouze échevelée, mais dans un groupe éphémère de mammifères dont les mâles dominants accepteraient ou non de partager leur femelle attitrée. Tout cela reflétait plus des instincts grégaires qu'un hédonisme libéré. Un nabot grisonnant vint s'asseoir non loin de moi. Si je ne me faisais guère d'illusion quant à tirer la moindre satisfaction sexuelle de cette compétition, le pauvre vieux semblait vaincu d'avance avec ses petites moustaches et ses lunettes en cul de bouteille. Pour passer le temps, j'allai me faire suer au Sauna. A mon retour, la petite brune pimpante et le grand brun simiesque avaient pris ma place. Le vieux nabot avait réussi à se placer auprès du couple. C'était un habitué des lieux, il avait la tchatche tout en observant une position obséquieuse face au mâle dominant. Ce n'est pas à un vieux singe qu'on apprend à faire des grimaces. Ils se levèrent tous les trois, bras-dessus bras-dessous, le nabot au milieu. C'était cocasse. Il tenait la petite brune par la taille, et avait le bras tendu en l'air pour atteindre l'épaule du colosse. Plus tard, je les vis tous les trois dans un coin câlin. Elle était 4 pattes, la tête du nabot entre ses cuisses écartées. Elle suçait son mec qui semblait avoir plus de mal à gonfler l'organe décisif que ses biscotos agressifs.

medium_vivres.jpgUn peu plus loin le gros des troupes était au garde à vous devant un grand matelas où oeuvraient deux hommes sur la blonde joviale. Je regardais les hommes seuls qui jouaient des coudes et du poignet pour être au premier rang au meilleur de leur forme, au cas où le trio tournerait au gang-bang. Je n'avais rien à faire parmi ces morts de faim qui brandissaient leur quéquette comme des réfugiés brandissent leur marmot affamé devant un convoi humanitaire. Une fois les deux acteurs achevés, la femme signifia la fin de la scène aux figurants déçus qui débandèrent dans tous les sens du terme. J'optai pour une retraite définitive vers les vestiaires. Je rendis ma serviette au gérant qui me demanda ingénument si j'avais apprécié la soirée et si je reviendrais. "Non, je crois que ce n'est pas mon truc", répondis-je franchement. Je n'ai pas pris de douche quand je suis rentré chez moi. Inutile. J'aurai dû me décaper l'intérieur au Karcher.

23 janvier 2007

Rendez-vous au Moon City

medium_mooncity.jpgVendredi dernier, j'ai profité d'un trou (pas de mauvais jeux de mot s'il vous plait) inattendu dans mon emploi du temps pour explorer le nouveau sauna parisien qui fait tant parler de lui: le Moon City. Je savais que quelques libertin(e)s devaient y passer, dont Georges et Madeleine, et je suis arrivé sur les lieux dans la soirée, aux alentours de 22h30.

 

L'entrée est impressionnante et l'accueil chaleureux. Moyennant 38 euros plus 2 euros de caution pour les clefs du vestiaire, l'homme tout de blanc vêtu à l'entrée m'a remis une serviette, un paréo, un ticket pour une boisson et des claquettes. J'ai été me déshabiller au vestiaire (unique pour les hommes et les femmes actuellement), et en avant pour la grande aventure. En faisant un premier tour, je me suis cru dans un conte entre "sherazade" et "Ali baba et les 40 voleurs" mis en scène par un décorateur de chez Disney Land: Au rez-de-chaussée, une accueillante et fort jolie barmaid - spécialiste mondiale du Mojito - m'a accueilli dans un vaste salon aux tables basses et aux banquetes confortables. J'ai monté des escaliers - Les fameux escalators recyclés décrits par Georges - pour arriver au premier étage où j'ai trouvé un sauna (pas très chaud, pour une dizaine de personnes au maximum), un hammam (plus chaud mais malheureusement assez petit) avec des douches individuelles, et une dizaine de coins câlins privatifs. Sur les murs, des écrans diffusaient des clips glamours ce qui,  avec la décoration d'inspiration orientale, conférait aux lieux une ambiance plutôt select. Je suis redescendu au rez-de-chaussée pour découvrir le grand jacuzzi, et un autre salon avec un grand écran qui diffusait un film d'aventures. J'ai alors donné à la barmaid ce qui restait de mon ticket pour la boisson après le passage sous la douche du hammam, et j'ai retrouvé Mr et Mme Vintage qui descendaient du vestiaire. Nous avons passé le reste de la soirée ensemble, à papoter sagement, comme tout le monde je crois.

 

Si vous vous attendiez, ami lecteur, à lire le récit d'ébats de haute voltige, vous pouvez vous arrêter là. Il ne s'est rien passé ce soir là, tout au moins en ma présence. La seule coquinerie a consisté à deviner qui étaient Georges & Madeleine. Peu de personnes pouvaient répondre au signalement: une dizaine d'hommes seuls et une demi-douzaine de couples étaient perdus dans un club pouvant accueillir 150 personnes dont 20 dans le jacuzzi. Lorsque la femme que je soupçonnais être Madeleine vint s'asseoir à côté de moi dans le sauna, j'ai commencé à deviser sur la question avec M. Vintage:

 

- Si c'était Madeleine elle devrait réagir, dis-je assez fort pour être entendu par cette jolie femme.
- La Madeleine de Georges, répondit-il sur le même ton ?
- Ce n'est pas plutôt la Madeleine de Proust ?
- Oui c'est ça, Georges Sand et Madeleine Proust !

 

Sur ce, la jeune femme en question s'est levée et elle a rejoint son partenaire qui l'attendait à l'extérieur du sauna. Vintage et moi en avons déduit qu'elle ne s'appelait pas Madeleine. L'hypothèse qu'elle ait fui des gens aussi spirituels ne m'est pas venue à l'esprit. Quoique...

21 janvier 2007

Libertinage et volage font-ils bon ménage ?

A la lecture des annonces de couples mariés qui ne veulent rencontrer que des couples mariés, et au vu des débats houleux entre couples libertins légitimes et singletons volages, ces deux volants du libertinage apparaissent bien incompatibles, et un couple exemplaire comme Georges & Madeleine semble être l'exception qui confirme la règle.

Je conçois le mépris que peut inspirer la personne volage au couple légitime qui a décidé de tout partager, jusqu’aux désirs que peuvent leur inspirer les autres, et les plaisirs charnels qu’ils peuvent en tirer: mépris pour l’infidélité du cœur (le couple libertin n’ayant renoncé qu’à la fidélité du corps), mépris pour la tromperie et pour les mensonges auxquels ils ont échappé, et peut être un peu de mépris pour l’échec matrimonial que la personne volage représente. Car un comportement volage est l’échec fondamental pour cette conception symbiotique du couple, où il est impensable qu’un de ses membres consomme sa liberté individuelle jusqu’au lit.

Face à ce fonctionnement apparemment aussi bien huilé qu’une morale judéo-chrétienne, le libertin individuel est cependant en droit de se poser quelques questions: la racine étymologique de « libertinage » n’est-elle pas « libertin », caractérisé par la liberté de corps et d’esprit ? Comment peut-on se proclamer libertin et dénier à son conjoint sa liberté individuelle de jouir de son propre corps comme il l’entend ? Le libertinage serait-il un échange de liberté stipulé par le contrat tacite: « Tu peux jouir d’un autre corps si je peux jouir d’un autre corps », et qui donne tout son sens au terme « échangisme », une sorte de liberté surveillée, voire une liberté sous caution lorsqu’elle est assortie d’interdits tels que la pénétration hors couple ?

medium_erotique_solaire.jpgSelon Michel Onfray et sa définition du libertin dans sa « théorie du corps amoureux », un vrai libertin doit être célibataire. Cela ne signifie pas qu’il est condamné à papillonner de corps en corps sans échanger plus que quelques étreintes. Cela veut simplement dire que le libertin affranchit ses relations amoureuses du prosaïque quotidien, qu’il noue des liens tout en gardant ses distances vitales, qu’il ne sacrifie pas sa liberté sur l’autel d’une vie commune avec un tiers. La parabole du hérisson exprime bien l’épineux problème de la juste distance : Comment des hérissons peuvent être assez proches pour se réchauffer en hiver, sans pour autant se piquer.

Il est amusant de constater que ces deux positions bien tranchées sont appelées à se confronter sur l’oreiller du fait d’un comportement sexuel partagé. Si vous êtes un couple libertin pur et dur, quel est votre degré de tolérance pour faire l’amour et pas la guerre ? Demandez-vous le statut matrimonial de l’éphèbe musculeux rencontré au détour d’un coin câlin ? Vous souciez-vous d’un éventuel conjoint abandonné lorsque vous jouissez enfin de la jolie jeune femme accueillie dans votre lit conjugal ? Vilipendez-vous systématiquement les couples illégitimes qui ont le malheur de s’intéresser au votre ?

09 janvier 2007

Le mot magique

Certains couples libertins utilisent un "mot magique" pour indiquer discrètement à leur conjoint qu'ils ne s'imaginent plus avoir des relations horizontales avec le couple chez lesquels ils ont été invités à passer une soirée potentiellement coquine. Il s'agit d'un code définit à l'avance, un mot anodin mais néanmoins improbable, comme "crocodile" ou "hippopotame", qui est subrepticement glissé dans la conversation pour dire à son conjoint "sauve qui peut !" sans vexer ses hôtes. Dès que le mot magique a été prononcé, le couple doit prendre la tangente, en simulant par exemple l'appel affolé de la nounou due à la varicelle éclair du petit dernier. Toutes ces techniques sont éprouvées, mais à l'inverse, comment peut-on au sein d'un couple, signifier discrètement à son partenaire le désir qu'on éprouve pour un tiers alors que de simples regards équivoques ont été échangés ? Peut-on aussi employer un mot magique ?

medium_massage.2.jpgLe sauna/hammam l'hyppocampe peut être propice à la détente. Exclusivement réservé aux couples le vendredi après midi, j'ai eu l'occasion de m'y rendre plusieurs fois, dont une avec Béatrice, une jeune célibertine qui souhaitait néanmoins que je m'occupe exclusivement d'elle. Il y avait peu de monde ce jour là, trois ou quatre couples tout au plus. Après la douche et le hammam, nous avons dérivé vers les coins câlins, et nous avons jeté l'ancre auprès d'une sorte de podium, surplombé par une mezzanine. Béatrice s'est étendue sur le grand matelas qui recouvrait cette estrade, j'ai fait couler sur son dos d'odalisque quelques gouttes de la bouteille d'huile que j'avais pris soin d'amener avec moi, et j'ai commencé à lui prodiguer un doux et voluptueux massage. Béatrice a une beauté raphaélique: une peau laiteuse, des seins petits et fermes, des hanches larges dont le galbe féminin se prolonge jusqu'aux cuisses, avec entre les deux une croupe somptueuse: ronde, ample, ferme, un délice à caresser et auquel nous prenions d'ailleurs un vif plaisir partagé, lorsqu'une femme apparemment seule est entrée dans la pièce.

La trentaine, noire, son buste pulpeux recouvert d'un paréo, elle s'est avancée d'un pas hésitant, voire timide. Béatrice, les paupières closes, n'a pas vu venir cette femme que j'observais en souriant: elle s'est aventurée dans les escaliers pour jeter un coup d'œil à la mezzanine, vide, et elle est redescendue pour s'approcher un peu plus près de nous. Moi, je ne savais plus où poser les yeux. Sous mes doigts, deux demi-sphères à la blancheur lunaire, entre lesquelles palpitait un oeillet pourpre qui ne demandait qu'à s'épanouir sous mes baisers fiévreux. A côté, presque au point de s'asseoir, une charmante jeune femme visiblement attirée par le spectacle nous offrions, je dis bien nous, car intégralement nu entre les cuisses de Béatrice, j'y bandais comme un cerf. J'avais beau gratifier la placide jeune femme de mes plus charmants sourires, je ne parvenais pas à savoir qui de nous deux pouvait éventuellement l'intéresser. Béatrice a ouvert les yeux lorsque l'inconnue s'est assise sur le podium, à quelques centimètres de nous, à quelques centimètres d'un trio que je n'osais espérer. Aucun d'entre nous n'a amorcé le geste qui l'aurait esquissé. L'inconnue s'est levée et elle a quitté la pièce.

Quelques semaines plus tard, j'ai évoqué ce souvenir avec Béatrice. Après lui avoir rappelé ses souhaits du moment, souhaits que j'avais scrupuleusement respectés, je lui ai demandé si elle aurait aimé que je propose à cette inconnue un massage à quatre mains, les siennes et les miennes s'aventurant sur sa peau tabac, nos corps électrisés par le désir sur son corps alangui, nos baisers voluptueux sous son regard ténébreux... Et bien figurez-vous qu'elle aurait adoré ! Si seulement je le lui avais proposé à ce moment là au lieu de rester empêtré dans des désirs muets ! Mais comment le dire sans rompre le charme du moment ? Notre drame était sans doute de ne pas avoir convenu d'un mot magique, pour dire secrètement que le désir pourrait bien évoluer, sans entrer dans un conciliabule rédhibitoire. La prochaine fois, s'il y en a une, nous opterons pour le mot "biscotte". C'est discret, original, et pas si difficile à placer: "Ah que j'aimerais étaler de l'huile sur la peau dorée de cette femme, comme du beurre sur une biscotte !"

08 janvier 2007

Du Candaulisme

Vous connaissez sans doute la définition du candaulisme qui consiste à aimer regarder son/sa partenaire avoir des relations sexuelles avec une autre personne, sans toutefois y participer. Un débat avait fait rage sur mon forum préféré, afin de savoir quelle pouvait être la motivation du candauliste. Je soupçonnais d'ailleurs l'auteur de ce topic d'avoir à la fois des désirs candaulistes et d'être en même temps sujet à une certaine jalousie. Il faut dire, détail piquant, que nous partagions bon gré mal gré la même maîtresse.

J'ai ainsi écrit, non sans vice, que le candaulisme est à mon avis une forme de pseudoaltruisme, et que cela exprime une sublimation du besoin de contrôle. Le candauliste souffre de savoir sa partenaire prendre du plaisir avec un autre en son absence, alors qu'en sa présence c'est lui qui offre du plaisir à sa partenaire à travers un autre homme. Dans le premier cas, l'autre homme est une menace car il montre au candauliste que ce dernier n'est pas le seul à détenir le pouvoir du plaisir de la partenaire. Dans le second cas, l'autre homme n'est qu'un relais, un objet soumis au désir du candauliste et de sa partenaire. Le fait que le roi Candaule qui est à l'origine de ce mot utilisait des valets pour satisfaire ses pulsions n'est pas anodin: il avait tout pouvoir sur eux.

Je me suis un jour retrouvé dans la position du valet: J'avais pour rôle de sodomiser une très belle femme aux yeux bandés dans une chambre d'hôtel sous les yeux du candauliste. Auparavant, cet homme avait pris soin de me dire l'étendue de son pouvoir: Il était riche et puissant, membre du conseil d'administration d'une société dont j'aurais pu être l'employé, avec la certitude de me tenir par le désir que sa partenaire allait m'inspirer. Lorsque je suis entré dans la chambre, la télé diffusait les jeux olympiques. J'ai salué la jeune femme étendue sur le lit - une très belle fille métisse - conformément au scénario qu'il avait défini, mais il m'a coupé lorsque j'ai entrepris l'embryon d'une conversation avec elle. Il s'est alors assis dans un fauteuil et il a regardé les séries de course de 100m alors que je prodiguais un cunnilingus à la jeune femme. J'ai éprouvé de la haine pour cet homme dont l'irrespect impuni manifestait son pouvoir sur moi et sur elle, et de la pitié pour cette femme qui s'y soumettait aveuglément au sens propre comme au figuré. Le candauliste a interrompu mes préliminaires entre deux courses pour me demander de passer à l'étape suivante. La jeune femme n'était visiblement pas prête à cet acte, et je l'ai prise en levrette sous les encouragements du commentateur sportif qui braillait à la télé. Ni elle ni moi n'avons éprouvé de plaisir. Lorsque ce fut terminé, le candauliste m'a prié de sortir et je ne les ai jamais revus.

Cette triste histoire m'a inspiré un profond dégoût pour une telle situation dont j'avais été le complice servile, et dès lors, j'ai décidé que je ne serai plus jamais le valet. Et pourtant, quelques années plus tard, je me suis retrouvé en quelque sorte dans la situation inverse malgré moi ...