Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

11 décembre 2014

En compet'

Ca roule !J’ai proposé mon texte « ça roule !» pour le grand prix du très très court de shortédition, et j’ai le plaisir de le voir sélectionné. Vous pouvez le (re)lire et si ça vous plait vraiment, et pas qu’un peu, hein, sinon votez pour quelqu’un d’autre parce que n’allez surtout pas imaginer que je fais de la retape sur mon blog pour avoir des votes et aller en finale, non, non,  moi, je me la joue grand seigneur, donc si vous aimez vraiment beaucoup, et bien merci de voter pour moi !

17:59 Publié dans In vivo | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : littérature

09 février 2014

Mise au point - 1

Je m’interroge parfois sur la nature de ma liaison avec Mathilde (dont le prénom d’emprunt pourrait changer au gré de ses désirs), et cette interrogation en a dernièrement rejoint une autre relative au sous-titre de ce blog qui, à première vue, pourrait paraitre inadéquat, alors qu’il n’a probablement jamais été aussi approprié.

Faisons le point. En une quinzaine d’années d’infidélité assumée, j’ai connu bien des femmes. J’en ai évoquées quelques-unes sur ce blog: Ninon, Carole, Marianne, Nathalie, Fabienne, Céline, Coralie, Jeanne, Sarah, Catherine, Claire, Justine, Léone, Sylvie, Roxane…  liste non exhaustive par ordre vaguement chronologique où l’anecdotique côtoie les relations marquantes.  Menais-je alors une double vie ? Oui, dans une certaine mesure, mais pas une double vie accomplie. Plutôt une succession de double vies avortées. Les liaisons que j’ai citées étaient d’abord sensuelles puis amicales et/ou amoureuses. Le sexe était donc au premier plan, comme c’est souvent le cas au début d’une liaison intime. Le désir mène la danse et la danse s’arrête avec la musique, lorsque chacun reprend son rythme. Moi, je vivais dans le rythme effréné des découvertes sensuelles, tout à l’ivresse de la séduction, car je jouissais déjà à la maison du « bonheur conjugal ». Toutes mes partenaires n’avaient toutefois pas les mêmes attentes que moi : toutes n’avaient pas un conjoint, et celles qui en avaient déjà un ne souhaitaient pas forcément le garder. Il faut beaucoup d’amour pour que la musique continue malgré des aspirations désaccordées.

J’avais cité quelques paragraphes de « Double vie », de Pierre Assouline. L’auteur y fait une description dramatique de la liaison adultérine de deux amants qui prennent mille précautions pour ne pas se faire prendre :

Rémi arriva comme convenu à treize heure vingt. Quel que fût le restaurant, ils avaient pris l’habitude de décaler d’une vingtaine de minutes leur rendez-vous sur l’horaire habituel des repas afin que la plupart des clients soient déjà installés. Ainsi, entrant dans l’établissement l’un après l’autre, chacun avait le loisir de balayer la salle d’un regard panoramique pour y repérer un éventuel danger et, le cas échéant, s’en retourner aussitôt. Séparément. Car rien ne les glaçait comme la perspective d’être vus ensemble. Non qu’ils n’aient pas assez d’imagination pour échafauder un scénario cohérent. Mais quelle que fût sa pertinence, leur rencontre hors des cadres habituels de la mondanité instillerait le soupçon de part et d’autre. Le poison du doute rongerait leurs couples. Dans le meilleur des cas, cela passerait une fois, pas deux. Il ne fallait pas gâcher cette carte. Pour futile qu’elle pût paraitre, une telle préoccupation n’était pas moins vitale à leurs yeux. Elle avait suscité de nouveaux réflexes, appelés à devenir naturels par la force des choses. Ainsi, outre ce regard circulaire qui se voulait légèrement scrutateur, ils avaient l’habitude, en pénétrant dans un restaurant, de passer en revue, avec une discrétion éprouvée, les noms inscrits sur la page des réservations du grand agenda. Juste pour voir s’ils se trouvaient en terrain de connaissance. Ce que c’est de s’aimer quand on est mariés, mais pas ensemble.

Je n’ai jamais vécu l’adultère avec de telles angoisses. Ce n’est pas une vie, tout au plus une fraction, la portion congrue. Même auprès de mes anciennes amantes, j’ai bien plus profité de la vie que Rémi et Victoria n’en jouisse dans ce roman. Que dire alors de ce que je vis avec Mathilde ? En sept ans de vie parallèle commune, nous avons connu main dans la main Londres, Copenhague, Amsterdam, Rome, Istanbul, Venise, Bruxelles… liste non exhaustive par ordre vaguement chronologique où nous nous sommes tendrement aimés. Est-ce là une double vie ? Oui, certainement, plus encore qu’auparavant, une double vie accomplie avec des souvenirs qui pourraient appartenir aux petits bonheurs de la conjugalité, comme la découverte de la posada del dragon qui a enchanté nos palais à Madrid.

mathilde,Pierre Assouline, Double vie, Littérature, livre, Adultère,  posada del dragon

Toutefois, n’allez pas croire que la salade de tomate, aussi délicieuse fût-elle, soit l’épicentre de notre vie sensuelle. Disons qu’elle en fait aussi partie, tout comme les huitres à la Casanova et d’autres délices amoureux à huis clos… Entre nous, l’idylle renait toujours des cendres de nos sens embrasés.

15 août 2008

Mon plus secret conseil…

Mon plus secret conseil...    Ce titre est épatant, n’est-ce pas ? Moi en tous cas, c’est épaté que je me suis fait appâter par ce roman de Valéry Larbaud publié aux éditions folio, d’autant plus qu’il ne coûtait que deux petits euros. Le prix d’un café. Je croyais ne faire qu’une gorgée de sa centaine de pages, mais j’ai eu bien du mal à avaler cette prose décousue qui serpente au fil des pensées de Lucas Letheil, jeune héritier prétentieux jusqu’aux prétentions littéraires. Il envisage de quitter sa maîtresse colérique. Il ne sait pas que c’est imminent lorsqu’il s’éloigne de leur résidence Napolitaine au cours de sa promenade matinale, qu’il pousse jusqu’à sauter dans le premier train venu. Larbaud y embarque aussi le pauvre lecteur contraint de passer du Français à l’Italien dans cette aventure intérieure. On ne sait d’ailleurs pas trop si l’auteur parle de lui ou de son anti-héros puisqu’il utilise tantôt « je », tantôt « il » et parfois « nous ». Nous en sommes d’ailleurs là dans cet extrait plus que représentatif puisque c’est, à mon humble avis, la meilleure page :

On dira que nous sommes bien difficile ; mais c’est que, si nous sommes repu de scènes de ménage et de tempêtes domestiques, nous sommes aussi repu

Persano.

d’amour. Onze heure moins dix. On va s’arrêter partout maintenant. La ligne monte. Il n’y a plus que de petites gares jusqu’à Potenza ; pas de voyageurs de première. Et les monts de la Lucanie en vue. Des arrêts de trois secondes ; le temps de dire pronti et partenza. – Oui, repu d’amour, malgré l’insensibilité croissante. Et c’est cela qui retarde la rupture, qui nous fait espérer, contre toute espérance, que la dernière crise sera vraiment la dernière. Nous sommes fidèle, aussi. Voici une bien jolie femme ; sans doute, mais nous avons mieux, ou aussi bien à la maison. Des Challettes, lui, court toujours ; il a une liste de formules d’abordage, pour la rue, le théâtre, la plate-forme du tramway… ; a des cartes de visite, avec cette anticipation : « Avocat à la Cour », qu’il glisse, pliées en quatre, dans les mains des jeunes filles et des jeunes femmes accompagnées. J’ai fait ça, autrefois, par esprit d’imitation, quand je sortais avec… Chose… de Louis-Le-Grand. Nous avions l’air de deux agents matrimoniaux, de deux délégués à l’amour. Les premiers venus offrant leurs services aux premières venues. Quelle fatigue !... Quel ennui !... Pourtant si on m’avait demandé ce que je cherchais pendant mes promenades du matin dans Naples, une fois le contact bien établi avec les aspects intimes de la ville, j’aurais – paresse, peur de paraître compliqué – répondu : des femmes.

    Enfin, lorsque ce roman s'achève sur l’assoupissement de Lucas, on comprend que sa vocation était sans doute d’être un livre de chevet.

02 juillet 2008

La nuit démasque (6)

9d91a600ce8626eac85954223228f736.jpg
    - Je ferai avec ces hommes ce que tu me diras, lui dit-elle de sa bouche incendiaire avec un délicieux accent italien, je ferai tout ce qu’il te plaira !

    Alexandre accepta volontiers le rôle de dominateur dont il venait d’être investi. Grâce au tutoiement qu’elle venait d’utiliser – mais pourquoi cette petite garce s’était-elle ainsi adressée à lui, et en Français de surcroît ? - il imagina qu’elle n’était autre que sa femme. Mais une femme générique, sans identité véritable, légère et interchangeable. Pas Aurore. L’ombre d’un instant, l’espace d’un jeu, sa femme était devenue cette libertine excitante en diable qui s’abandonnait à plusieurs hommes à la fois. Sans même s’en rendre compte, il avait exclu Aurore du champ de sa pensée, pour pouvoir jouer au candauliste avec cette inconnue qui adoptait si bien le rôle d’épouse lubrique, et fuir lâchement ses angoisses dans l’obscénité du sexe.

Lire la suite...

12 mai 2008

La nuit démasque (5)

Masquerade par ~mythfairy sur DeviantART
 
    L’inconnue leva les yeux et tendit une main tremblante vers le nouveau venu qui se penchait vers elle. Il avait les mains jointes en avant, prêtes à accueillir celle de cette martyre avec toute la compassion que lui permettait sa lâcheté naturelle. Dans cette posture, il avait l’air patelin du prêtre qui donne les derniers sacrements au condamné. La suppliciée ne s’y trompa pas en dédaignant ce bouclier de bonne conscience. Elle esquiva les mains d’Alexandre pour l’atteindre à l’endroit qui faisait de lui un homme, un vrai. D’un geste leste, elle eut son sexe en main. Alexandre constata avec horreur qu’il bandait plus que jamais. Face à lui, l’autre homme lui adressa un sourire coquin tout en faisant coulisser la tige de la cravache dans la raie de la victime qui, dans un même mouvement, fit coulisser ses lèvres humides tout au long de la hampe d’Alexandre, de son gland arrogant jusqu’à ses couilles molles.

Lire la suite...

05 mai 2008

La nuit démasque (4)

d32a1b30f5233c4d9734a60218f7d61f.jpg 

    Instinctivement, il se massa les couilles à travers le pantalon de son costume tout en regardant une jeune coquine au corps de liane. Sur un lit de fortune, tout juste couverte par un déshabillé de dentelles rouges, elle goûtait l’imposante queue d’un hidalgo passablement excité, tandis qu’un marquis avide étanchait sa soif entre les cuisses de la jeune fille gracile. Survolté comme il l’était, on l’entendait grogner de plaisir tandis qu’il enfonçait sa langue inquisitrice.

Lire la suite...

28 avril 2008

La nuit démasque (3)

3fdeb818972dbc8c134b0a460686649f.jpg

    Alexandre ne refoule pas l’idée que Daniel touche Aurore. Sa langue glisse sur ses lèvres, intimes. Daniel la lèche plus qu’il ne l’embrasse. Sa langue coule dans la fente ruisselante aux replis de nacre pourpre. Aurore gémit, elle dit « non » tout doucement, elle dit « c’est mal », accentuant le ‘a’ trop grave pour être honnête. Alexandre la rassure, susurre des mots sirupeux : parenthèse, plaisir, ouverture. Il lui donne les excuses qu’elle attend autant que de la verge raide dans sa croupe fendue. Pousser par derrière tandis que Daniel lèche par devant, dedans et aux abords, farfouille dans toutes les encoignures, engloutis des flots de cyprine et une couille de temps en temps. Déraper dans la mollesse du cul qui s’encastre comme sur un platane. S’arrêter de pousser pour essayer de sentir les froncements de l’œillet sur le gland. Reprendre. S’enfoncer millimètre par millimètre. Enculer Aurore en lui disant combien il l’aime…

Lire la suite...

21 avril 2008

La nuit démasque (2)

c8c7d8772c370a77fe486bdd2c4a5b84.jpg    Alexandre s’était attendu à voir un lieu de ténèbres et d’obscurité ; mais il fut surpris d’en voir un bien éclairé, d’un seul tenant et sans colonne, dont les murs peints d’une couleur blanc crème donnaient une atmosphère apaisante typique à l’esthétique palladienne. Les fenêtres en demi-lune, le long du bord du plafond, dispensaient un flot de lumière propre à flatter les tableaux qui y étaient accrochés. Les yeux d’Alexandre ne furent malheureusement pas captivés par la vue d’Aurore, mais par une toile inquiétante de Giambattista Tiepolo : le martyre de St Bartholomé, dans laquelle l’énorme couteau de l’exécuteur forme un contraste dramatique avec la pâle chair vulnérable de la victime. Alexandre courut hors de l’église avant même que de sinistres pensées ne soient parvenues à sa conscience.

Lire la suite...

14 avril 2008

La nuit démasque (1)

1ba7119075da1900ab16c67c96d29a1a.jpg    Son visage de pâtre grec encadré de boucles brunes respire la sérénité de l’atmosphère douce et feutrée. Son bras droit, replié au dessus de sa tête, se perd dans la mollesse des coussins à franges. Le gauche sort timidement de sous les draps. Il se tend lentement vers la droite dans un mouvement imperceptible. Son index qui semble glisser langoureusement entre les étoffes soyeuses évoquerait presque celui de l’Homme au plafond de la chapelle sixtine. Sauf que lui ne rencontre rien. Le vide. L’absence. Ni Dieu ni femme.

Lire la suite...

11 avril 2008

Un vague amant (7)

    Gatwick, Vendredi après midi. Londres n'intéresse plus Ninon. Faute de chambre pour abriter nos ébats, nous décidons de passer la journée à surfer dans un cyber café de l’aéroport, comme deux drogués au net. Nous finissons par dévoiler quelques secrets d’alcôve virtuelle. En vérité, je n’ai presque rien à cacher, et je ne lui montre qu’un bout de correspondance avec une relation épistolaire qui sait tout de cette escapade londonienne. Cela semble l’amuser, mais pas autant que de m’ouvrir sa messagerie, de me dévoiler son carnet d’adresse caramail en direct, histoire de me montrer ce qu’une fille décidée peut faire. À peine s’est elle connectée, qu’une cascade de fenêtres de dialogue s’ouvre à l’écran. Je suis sidéré de la voir draguer sous mes yeux, et sélectionner sans état d’âme ses camarades de jeu pour son prochain week-end.
    Entre deux dialogues, elle me demande si je ne pourrais pas lui établir une fausse facture, ce qui lui permettrait de passer ses dépenses Londoniennes en note de frais. Notre liaison vient de passer par pertes et profits. Je ne suis plus qu’une affaire classée à son passif. J’ai compris, amer mais fair play, que je n'aurai guère été que l'amant d'une soirée. Un one shot qui n’offre plus d’intérêt après l'excitation de la découverte. Elle est avide de reprendre son exploration, exploration des sens tous azimuts et des êtres en tous genres, exploration à coeur et corps perdus. Un périple où je n’aurai été qu'une escale.
    Je plaisante pour faire bonne figure et cacher mon vague à l’âme. Ce n’est certainement pas un chagrin d’amour, non, juste une blessure d’amour propre. Après tout, qu'avais-je bien osé espérer ? Je ne suis pas le grand et beau jeune libertin qu'elle recherche pour la guider dans ses errances sexuelles. Elle a d’ailleurs bien plus d’expérience que moi dans ce domaine. De l’expérience, moi, je n’ai que l’âge. Pourtant, malgré tous mes efforts pour rationaliser, j’ai un pincement au cœur, et un peu peur pour elle.

Make love, not war par ~vallanthe sur Deviant ART

 Fin

27 mars 2008

Un vague amant (1)

Big Ben par ~endraum sur Deviant ART    Gare de Waterloo, un Jeudi de l’hiver 2001 à onze heure du matin. Je regarde défiler des visages inconnus. Surtout ceux des femmes. La plupart sont fermés mais certains s’éclairent en voyant un parent, une amie, un fiancé venu les attendre à l’arrivée de l’Eurostar.
    Officiellement, je n’ai rien à faire là. Pour mon employeur je suis rentré à Paris prendre une journée de congés, et pour ma femme je suis encore en mission à Londres. En réalité, je suis dans le no man’s land du mensonge, réfugié dans l’interstice entre ma vie professionnelle et ma vie familiale. J’y éprouve la sensation grisante d’échapper à toute contrainte pendant quelques heures, à toute convention, à toute promesse. Un plaisir qui vaut bien le prix de la duplicité et de la tromperie. En voyant soudainement apparaître le visage de Ninon coiffé d’un drôle de chapeau rond, je me demande si je ne me suis pas trompé aussi.
    J’ai rencontré Ninon sur internet quelques semaines auparavant. J’ai eu l’occasion de l’inviter à déjeuner deux ou trois fois, l’occasion de retrouver le plaisir du flirt avec une jeune femme après tant d’années de conjugalité. Elle a 23 ans. Moi, j’ai une quinzaine d’années de plus, et probablement de trop. Je l’ai invitée à passer deux jours avec moi à Londres, essentiellement parce que j’ai vu en elle une complice potentielle pour mon premier adultère. Je l’embrasse sur la joue comme une bonne amie.

 À suivre…

20 mars 2008

Sex-Toy Story

Mon histoire sur Pinkeo: Sex-Toy StoryJe participe à un petit concours "littéraire" organisé par Pinkeo, dont le thème est : Une journée dans la peau d’un sex toy. J’en ai profité pour reprendre un ancien texte inédit sur ce blog, et je vous invite à lire ma note du jour ici.

Ce concours est ouvert jusqu’au 15 Avril, avec 4 godes à gagner (au total, hein, par pour la même personne parce qu’il ne faut pas être trop gourmande non plus, un peu de tempérance bon sang !) N’hésitez donc pas à y aller de votre petit délire, plus on est de fous, plus on ri !

15 mars 2008

Short story

À vendre : chaussures bébé, jamais portées.

Faut pas trop lui en vouloir, il n’avait jamais lu Hemingway. En vérité, il n’avait jamais rien lu d’autre que l’Equipe, alors il n’a pas compris pourquoi on le traitait de plagiaire quand il a publié cette annonce sur ebay. Comme si être un père indigne ne suffisait pas. C’est ce que sa femme lui avait jeté à la gueule quand il avait voulu vendre les chaussures. Ex père aurait été plus juste mais il lui avait semblé inutile d’apporter cette précision. Cela n’aurait fait qu’envenimer les choses. Il reçut tout de même une offre acceptable, payée d’avance. Il profita que sa femme était partie pleurnicher chez sa mère pour envoyer le petit paquet par la poste. La jeune maman célibataire lui envoya un gentil mot pour le remercier, avec une photo de son marmot. Cela ne lui sembla pas bien malin, et c’était d’autant plus attendrissant. Il ne révisa jamais ce jugement. L’intelligence n’était pas ce qu’il estimait le plus. Surtout chez les femmes. Six mois plus tard, tout allait beaucoup mieux, pour lui. Il publia une nouvelle annonce sur ebay :

À vendre : alliance cause double emploi.

12 mars 2008

Suggestions et stéganographie érotiques

    Le docteur Cénas jouissait d’une notoriété départementale. On peut même affirmer qu’il était une véritable célébrité communale, et à ce titre le convive le plus en vue aux dîners mondains du sous-préfet. C’était en ces mémorables occasions que le pétulant docteur Cénas donnait toute la mesure de sa Science, dont les traitements de chocs si imaginatifs étaient illustrés d’anecdotes croustillantes qui n’épargnaient que les convives présents. Tenu au secret médical, il ne révélait pas les noms de ses patients, mais il n’était pas nécessaire de s’appeler Sherlock Holmes pour deviner quelle comtesse avait été guérie de sa constipation légendaire grâce à des lavements au bicarbonate de soude. Il y avait toutefois un cas qu’il ne mentionnait jamais, bien qu’il le préoccupât constamment, celui de Madame Auber, épouse de Monsieur Auber, pharmacien à Saint-Victor-sur-Loire.

    Lorsque Monsieur Auber fit appel au docteur Cénas, c’est parce que ce médecin était assez proche pour que sa brillante réputation lui parvînt, et assez éloigné pour qu’on ne jasât pas plus qu’on ne le faisait déjà. L’affaire était délicate, et Monsieur Auber ne savait plus par quel bout la prendre : menaces, injonctions, douches glacées, bromure et narcotiques réunis, le pharmacien avait tout essayé pour tenter de guérir son épouse, rien n’y faisait, elle demeurait insatiable. S’il ne l’avait pas aimée, l’affaire aurait été vite réglée et le divorce prononcé aux torts de la nymphomane. Mais voilà, non seulement il n’avait jamais eu la preuve qu’elle l’eût trompé, et quand bien même eût il su une telle infidélité, il l’aurait bien pardonnée tant que tous ne la sussent pas. Car Monsieur Auber avait fait un mariage d’amour maquillé en mariage de raison.

    Issu de la petite bourgeoisie Stéphanoise, Monsieur Auber venait d’ouvrir une modeste officine lorsqu’on lui avait présenté Mademoiselle Clémence de St Hilaire, un parti plus beau qu’il ne pouvait en espérer. Non seulement cette fille unique était issue d’une vieille et riche famille de propriétaires terriens, mais elle avait reçu la meilleure éducation dans un strict pensionnat catholique et surtout, elle était d’une grande beauté. Lui n’était pas laid, mais il était si gourmand que l’embonpoint avait fini par déformer ses traits.
    La première fois qu’il vît Mademoiselle de St Hilaire, il fut bien sur frappé par sa carnation pâle, ses traits de porcelaine, ses cheveux de jais ramassés en un chignon délicat qui mettait en valeur la finesse de sa nuque, et toute la noblesse de son allure. Mais il fut littéralement envoûté par ses grands yeux tristes, d’un noir profond, qui brillaient néanmoins d’un éclat fascinant. Quelques semaines plus tard, les noces étaient expédiées. Il en gardait un souvenir ému, non pas pour les sobres festivités mais pour la nuit nuptiale.

    Contre toute attente, ses rares expériences préalables et tarifées lui apparurent incomparablement plus fades que les transports trépidants de sa nuit de noce, au cours de laquelle son épouse montra un goût prononcé pour les mots autant que pour la chose. L’éventail de son champ lexical était aussi large que celui des pratiques auxquelles elle se livra, ainsi que les voies pour mener à bien ses aspirations sensuelles désormais légitimes. Le moraliste arguerait sans doute qu’elles étaient bien au-delà du devoir conjugal, fût-il accompli avec tout le zèle qu’autorisent les saints sacrements du mariage, mais le jeune pharmacien n’était pas fâché que son épouse ne lui refusât rien qu’il pût imaginer. Enivré de désirs, il but le nectar de leur union au calice de son égérie, jusqu’à la lie. Six mois plus tard naquit un robuste petit garçon.

    En pénétrant dans la pénombre de la chambre à coucher des Auber, dont les volets étaient clos et la porte fermée à clef, le docteur Cénas s’attendait à trouver une jeune mère neurasthénique. Madame Auber gisait dans son lit, à peine recouverte d’une chemise de nuit défaite qui s’ouvrait sur sa gorge haletante. Le drap repoussé dévoilait ses jambes jusqu’aux cuisses frémissantes, dont la peau glabre semblait luire d’une mauvaise fièvre.
    Lorsqu’il s’assit au chevet de la malheureuse, celle-ci tourna vers lui un visage si pâle, aux yeux charbonneux si luisants, un visage si touchant en vérité que le docteur en fut tout ému. D’une main fébrile mais étonnement forte, elle saisit le poignet du docteur en le suppliant de la soulager du feu qui la consumait de l’intérieur, qui n’avait de cesse de la tourmenter, elle et son brave époux épuisé, et tout en disant cela, elle attirait vers elle le bon docteur pour qu’il l’examinât en profondeur. Il interrogea du regard le pharmacien abattu au pied du lit, fit mettre un peu de lumière et il palpa tant et si bien sa patiente gémissante qu’elle se répandit en chaleureuses effusions.
    Malheureusement, son soulagement fut de courte durée, et le docteur s’était à peine rhabillé que la pauvre femme était prise de nouveaux tremblements sous le regard accablé de son mari. Le docteur Cénas tenta alors de masquer son impuissance à combler de telles attentes avec un lieu commun énoncé sur un ton docte : « Il faut combattre le mal par le mal ». « Oui, le mâle ! » renchérit Madame Auber avec un tel accent de sincérité que le docteur Cénas ne trouva pas l’idée si mauvaise. Il s’en félicita même, tandis qu’un nom lui venait à l’esprit : Paul Duboeuf, dit Paulo le Boucher.
    « Il va falloir être courageux » dit le docteur Cénas plein de compassion envers le pharmacien amaigri par les soucis et les efforts déjà fournis.

    Les doigts des bouchers ont parfois une certaine ressemblance avec les saucisses qu’ils manipulent. Cylindriques, les phalanges à peine marquées, les ongles engoncés dans une chair exubérante, chacun des doigts de Paul Duboeuf ressemblait déjà à une saucisse de Francfort. Mais Paulo le Boucher poussait le zèle jusqu’à incarner tout son fond de commerce : des cuisses épaisses comme des jambons de Bayonne, un poitrail de bœuf, une encolure de taureau, et une tête de veau où roulaient ses gros yeux humides au regard bovin. S'il eût pu inscrire sa colossale carcasse au concours agricole, il aurait remporté le premier prix dans toutes les catégories.
    Le docteur Cénas avait rencontré ce phénomène au début de sa carrière, quand il faisait ses premières armes en tant que médecin militaire. Le colosse avait été mis au trou pour avoir littéralement démonté toutes les filles à soldat qui avaient eu le malheur de croiser sa route. L’expertise médicale du docteur Cénas avait été déterminante pour sortir Paulo de ce mauvais pas : non seulement le pauvre garçon soufrait de priapisme, mais la nature facétieuse l’avait pourvu d’un organe calibré comme un saucisson à l’ail, dont le fougueux jeune homme ne savait tempérer les ardeurs.
    Afin de s’amender lorsqu’il eut repris la boucherie de son père à Besançon, Paulo s’était lancé dans la fabrication des préservatifs en boyau d’ovins au profit de la maison close locale. Il avait fini par en épouser la tenancière, une veuve qui en avait vu d’autres, et qui avait aussi vu l’intérêt qu’elle pouvait tirer de cette union : elle organisait de célèbres bacchanales estivales dans le jardin de son établissement, dont Paulo pouvait assurer l’approvisionnement.
    Fidèle en amitié, Paul Duboeuf se sentait encore redevable envers le docteur Cénas. Ce n’est pourtant pas la seule raison qui poussa les Duboeuf à accepter sa curieuse proposition.

recto...    Quelques jours plus tard, les Auber étaient plongés en pleine cure de chair : pendant que Madame était livrée aux mains du boucher, Monsieur était aux bons soins de la tenancière. Bienheureuse de ne pas avoir à endurer quotidiennement son char d’assaut de mari, Madame Duboeuf avait tout le loisir de s’adonner sans retenue à son péché mignon : la cuisine. Attablé du matin au soir en attendant les rares apparitions de son épouse, le pharmacien devait affronter les extravagances culinaires de son hôtesse.

    Rien que le petit déjeuner aurait rassasié un ogre: de la chiffonnade de jambon, des dentelles de gruyère, du lait frais à peine jaillit de la mamelle, l’orange aussitôt pressée, du rocamadour moulé à pleines mains ainsi que les miches de pain encore chaudes. Cela ne marquait que le début des hostilités, car pendant qu’il croquait tout cela avec un certain plaisir, surtout pour le croissant, elle lui préparait des œufs qu’elle saisissait à feux vif, ou plus délicatement : ses fameux œufs mollets aux lardons, avec lesquels il pouvait faire une mouillette à la confiture en attendant que la saucisse soit cuite à point. Car à peine avait-il terminé qu’elle préparait déjà la table pour midi. Lorsqu’elle était bien dressée, elle retournait en cuisine tandis qu’il se suçait encore le bout des doigts, salivant malgré lui pendant qu’elle chantonnait à la simple évocation du plaisir qu’elle allait prendre à tout lui faire engouffrer !

    Dès qu’il était midi, le déjeuner était prêt, et il était temps de passer aux choses sérieuses : après les petites bouchées financières et autres mignardises, crevettes au beurre, turbot sauce mousseline… peu à peu, Auber sentait qu’il s’enfonçait lentement, entre les cuisses de cailles à l’orange et les huîtres ouvertes, comme dans une douce béatitude, en remplissant la béance de son gosier extatique. Cela n’était pourtant que le coup d’envoi de va-et-vient effrénés entre la salle à manger et la cuisine, véritable marathon gastronomique qui se poursuivait tout au long de l’après-midi. Il ne cessait que pour dilater son estomac à l’occasion d’un petit trou normand, dans le seul but de mieux le lui remplir par la suite.

    Le soir venu, les filles sortaient de leur tanière avec l’arrivée des clients réguliers, ou d’autres hommes. Madame Duboeuf, même si elle était abondamment sollicitée, ne délaissait pas sa cuisine pour autant: pintade sautée au fenouil sur canapé, truite saumonée arrosée de chablis, consommé de crème d’asperge entre autres plats jaillissaient de ses fourneaux, sans qu’elle ne ressente rien d’autre qu’une folle allégresse à faire la cuisine comme son époux à faire l’amour. Auber, en revanche, était au bord du renvoi tant il l’avait avalée, cette cuisine  pantagruélique, de la poularde fourrée jusqu’à la crème de marron à la moelle. Parfois, une des filles venait lui tenir compagnie tandis qu’il s’attaquait aux desserts, Saraudin de fraises glacées ou pièce montée mousseline bourguignonne, et qui l’achevait d’une langue de chat.

verso    Après trois semaines de ce régime, les Auber prirent congé, définitivement guéris de leur penchant : ils avaient atteint l’indigestion escomptée.

 

 

 

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Cette nouvelle est ma réponse au défi lancé par le Cartophile : écrire une nouvelle inspirée par la carte postale qui illustre cette note. Je m’en suis imposé un autre : écrire un texte dont l’érotisme n’est que suggéré, voire même caché.

Je vous invite à lire les autres histoires à partir de là…

Toutes les histoires de la carte 22


 

09 mars 2008

Votez pour moi !

En ce jour d’élections municipales, je vais vous révéler pour qui j’ai voté ! Mais auparavant, je vais vous raconter une méchante histoire.

~~~~~~~~~~~~~~~

    Germaine Dupré promenait son caniche chaque matin, tout au moins jusqu’à ce que je l’assassine dans l’escalier de son immeuble. Or ce que je ne vous avais pas dit, c’est que jusqu’à ce jour maudit, Germaine Dupré était aux prise avec des injonctions partisanes : « Votez pour moi ! Votez pour moi !» Elle ne pouvait même pas faire un pas dans la rue dans l’espoir d’échapper à cet enfer électoral. Rendez-vous compte, même le maire s’y était mis. Lui avec lequel il était impossible d’obtenir le moindre rendez-vous, s’agitait désormais à chaque coin de rue, secouant les mains à tour de bras, et gare à celui qui aurait l’outrecuidance de refuser qu’on lui ébranle le bout du membre. Il faut dire qu’on était en pleine période électorale, il fallait voter, voter pour qui on voulait mais voter.

23996126ac216afdd79c1305f3ccd126.jpg    Épuisée par tant de sollicitations, Germaine Dupré ne parvenait même pas à trouver le repos. Même son sommeil était agité par un cauchemar récurrent : le jour des élections, dans l’école primaire qui servait de bureau de vote, Germaine Dupré trônait à la place de l’urne entre le président du bureau et son suppléant, nue sur une table de cantine et cul par-dessus tête. Lorsque quelqu’un venait, il pénétrait dans l’isoloir où il n’y avait qu’un lavabo afin de se laver les mains, et il en sortait aussitôt pour présenter ses papiers au président du bureau qui vérifiait que le votant était bien majeur. Le votant approchait alors sa main de la fente de Germaine Dupré toute tremblante d’émotion, il y agitait ses doigts un bref instant jusqu’à ce que le président dise d’une voix forte « A voté ! », et il s’en allait son devoir accompli. Mais les votants étaient bien trop rares pour satisfaire Germaine Dupré qui finissait toujours par se mettre les doigts au fond de la fente. Immanquablement, le président criait à la fraude électorale et Germaine Dupré se réveillait en sursaut, prise la main dans le sac, toute humide et pas que d’angoisse.

    Car Germaine Dupré était en manque. Mariée depuis plus de vingt ans, elle n’était plus soumise au devoir conjugal depuis que son époux agonisait d’un cancer interminable. Elle allait le voir chaque jour à l’hôpital et retournait toujours s’enfermer dans une lourde solitude. Bien sûr, elle disait à qui voulait bien l’entendre qu’elle attendait avec impatience le retour de son mari, mais en son for intérieur, elle attendait surtout qu’il la libère d’un mariage qui ne lui apportait plus que le pire. Au fil des mois, ses visites se faisaient de plus en plus courtes et même ses sorties en ville s’espaçaient. Elle passait le plus clair de son temps à s’évader enfermée chez elle. Conformément au cliché de la bonne ménagère, elle avait commencé par des romans à la couverture rose, sirupeux de bonnes intentions matrimoniales. Mais à force de lire des histoires de bellâtres bronzés, elle s’était surprise à les imaginer dans des situations plus salées. Incapable de soutenir le regard torve de son libraire libidineux, elle avait dû acheter les romans roses tant convoités sur internet, et elle avait fini par découvrir, à plus de cinquante ans, cet eldorado relationnel et érotique.

    Malheureusement, elle réalisa rapidement qu’elle était loin du cœur de cible. Elle essaya bien de faire quelques annonces humoristiques du genre « Echangerait un homme de soixante ans contre deux de trente » mais l’humour n’était guère de mise sur meetic. Elle décida donc d’écouler ses fantasmes érotiques sur un blog illustré de donzelles déshabillées, ce qui lui permettait d’attraper quelques mâles en manque de tendresse, au point d’avoir auprès d’eux un succès encore plus grand que dans sa jeunesse. C’est ainsi que Germaine Dupré engrangea les conquêtes virtuelles, de mails en chats msn, allumant plus de feux qu’un mois d’Août dans la garigue. Elle n’était pas devenue une nymphomane mais une véritable pyromane qui, grisée par ses conquêtes cérébrales, poussa l’audace jusqu’à s’inscrire au concours du festival de Romans ! Une audace de trop sans doute. Car elle réalisa rapidement qu’elle ne pouvait compter sur la seule bonne volonté de son lectorat, essentiellement masculin en provenance de sites pornographiques où elle était référencée. « Votez pour moi ! » avait beau clignoter sur son blog, les votes ne décollaient pas.

    Pendant ce temps là, Monsieur le maire caracolait en tête des sondages municipaux. Impossible d’échapper à ses tracts sur le marché dominical ni à ses promesses à la radio locale. Germaine Dupré l’entendit même donner des leçons de marketing politique à ses malheureux concurrents : « Pour une élection locale, il faut une campagne de proximité ». La même nuit, elle eut une révélation. Elle faisait son cauchemar habituel, le visage entre les genoux et le cul nu par-dessus tête, lorsque le maire en personne s’approcha d’elle à petits pas dédaigneux. Alors il lui dit sur un ton sentencieux : « Pour une érection locale, il faut faire une campagne de promiscuité ». Elle se réveilla en sursaut, plus humide que jamais et forte d’une résolution nouvelle : Elle aussi allait ébranler tous les bouts de membre qui se tendrait vers elle.

    En quelques jours, elle réunit son staff de campagne dans une réunion virtuelle ultra secrète. Malgré la jalousie féminine congénitale, Germaine Dupré était parvenue à se faire trois copines du même acabit auxquelles elle concédait parfois quelques vers érotiques afin d’améliorer leur ordinaire de beaufs en rut. Il était temps de passer de la théorie à la pratique, leur dit-elle en introduction, de se mouiller un peu, de prendre les choses en main. Une pour toutes, toutes pour une ! scanda-t-elle en guise de slogan avant de le leur annoncer son plan audacieux. Il fallait frapper fort, une nouvelle déclinaison de « demain on rase gratis », rien de moins. Trois jours plus tard, Germaine Dupré avait reçu des douzaines de votes en sa faveur. Autant d’accusés de réception l’attendaient sur sa messagerie, envoyés par chaque votant comme preuve irréfutable de sa bonne action. À elle de tenir ses engagements.

    C’est ainsi qu’une belle après midi de Mars, Germaine Dupré et ses trois acolytes virent défiler devant elles plus d’hommes nus qu’elles n’en avaient jamais vus. Sabre au clair et les yeux bandés, chacun imaginait son chibre aux mains des jeunes donzelles affolées qu’elle leur avait fait miroiter, toutes rivalisant d’obscénités pour satisfaire une promesse électorale qui, comme chacun sait, n’a jamais engagé que ceux qui y croient.

~~~~~~~~~~~~~~

Maintenant, ami lecteur, je vais vous faire un aveux : Infidèle jusqu’au bout des ongles, j’ai trouvé le moyen de voter pour plus d’un candidat ! Si vous ne savez pas à qui donner vos voix, je vous invite à faire comme moi :

5dc8ab33e92749e7444059c299a2221a.jpgDans la catégorie Bande Dessinée, vous pouvez donner un coup de pouce a Kalumis parce qu’elle illustrera une famille de mon jeu des 7 familles libertines ! (enfin, si elle ne me laisse pas tomber)

 

 

 

69c959a800ff0a8b7a9c2568a998cefa.jpgDans la catégorie Blog de Vie, je vous conseille le Troisième Wagon parce que ça me fait bien rigoler.

 

 

 

Dans la catégorie Littérature, mon cœur balance.

4bf778b7380cda2252cab277cf6c988a.jpgBien entendu, j’ai voté pour JICSVB. Non seulement j’aime beaucoup ce qu’écrit Dudek, mais j’y ai aussi pondu une petite nouvelle.

 

 


2ee27143a322306e89211803881e5bf6.jpgMais j’ai aussi voté pour Autrui parce que je trouve ça plutôt bon.

 

 

 


3a33d82c45a40c157e51e49abbe969db.jpgEt puis pour le Cartophile  d’autant plus que je vais essayer d’écrire une histoire pour sa carte spéciale numéro 22.

 

 


5ee4e117f32c054e9fc74dfcc330572f.jpgSans oublier Tranches 2 vie dont la qualité et la productivité m’ont toujours épaté.

 

 

 

 

aca9c6b4f72a7b1e0af360877bc303e6.jpgEnfin, dans la catégorie Nouvelles érotiques, en plus d’un vote masturbatoire pour moi-même, j’ai voté pour Impudique Magazine, non pas parce qu’elle m’a interviewé il y a quelques temps ni parce qu'elle avait publié une de mes histoires, mais parce que ce site le mérite.

Cela dit, cette liste n'est pas exhaustive, j'ai voté pour d'autres blogs, dont Petits papiers, papiers collés...

Sur ce, oubliez de ne pas voter pour moi !

03 mars 2008

Sans vain cœur ni vain cul (chapitre 23)


site de l'auteur du tableau    Sarah regarda le foulard qui lui évoqua la muleta que le torero agite devant le taureau pour l’attirer dans un piège en trompe l’oeil, et planter sur son dos une banderille traîtresse sous les vivats du public ravi. Bien qu’elle tînt encore le tissu écarlate en main, Sarah n’était pas dupe quant à la distribution des rôles. Elle savait bien qui serait le matador, qui serait le taureau, et surtout à qui on offrirait ma queue au dépend du cadavre de son amour propre.

Sans vain coeur ni vain cul - p. 99

Lire la suite...

28 février 2008

J’avoue tout !

    Chaque matin, je me lève à 5:55. J’aime ouvrir les yeux sur une belle symétrie, même si je déplore les deux points entre les deux premiers chiffres sur mon réveil matin. On pourrait sans doute me reprocher de ne pas le programmer pour 6 heures pile, mais un peu de fantaisie ne nuit pas n’est-ce pas ? Je commence par me laver les mains avant d’aller aux toilettes à 5:56. J’en sors à 5:59. Après m’être lavé les mains, je rentre dans la cuisine à 6:00, heure à laquelle le second radio réveil déclenche le flot des informations.

    Je n’ai qu’à tourner le bouton de ma gazinière pour chauffer la casserole de 35 cl d’eau minérale. Elle est assez chaude à 6:02. Après m’être lavé les mains, je n’ai qu’à la verser dans ma tasse pour dissoudre le sucre et la cuillérée de café instantané, puisque tout a été préparé la veille.

    Une double angoisse m’étreint au moment de beurrer mes biscottes. D’une part, je ne suis jamais certain que les biscottes vont toutes résister à la pression du couteau, même si j’ai toujours pris soin de sortir le beurrier du frigo depuis la veille. D’autre part, le nombre de victimes du dernier attentat en Irak pourrait être impair, ce qui est un mauvais présage. J’ai remarqué qu’une biscotte sur quatre se brise inopinément malgré tous mes efforts. Puisque j’en mange quatre, la probabilité qu’aucune ne se brise n’est que de 81/256 exactement, à multiplier par celle d’un nombre de victime pair qui est légèrement supérieure à ½ car il n’y a pas d’attentat en Irak tous les jours, de sorte que je suis angoissé environ 5 jours sur 6. Mes collègues ne me pardonnent pas ce léger manque de précision. Ils en profitent pour dire que je suis lunatique, que mon humeur dépend du pied avec lequel je me suis levé. Vous comprenez que ces allégations sont fausses et que mes craintes sont parfaitement fondées : Le temps de me laver les mains, de nettoyer ma tasse et mon couteau, de ranger la casserole et le beurre, traquer les miettes des biscottes me fait perdre de précieuses secondes, ce qui pourrait me faire entrer dans la salle de bain après 6:10.

    Car à partir de là, je n’ai plus une seconde à perdre, tout est chronométré : je fais couler l’eau de la douche préréglée à la bonne température tandis que je me rince la bouche avec une solution antiseptique; je me lave la tête avec du shampoing antipelliculaire ; je me savonne scrupuleusement le corps avec un savon surgras tandis que le shampoing fait effet ; je me rince les cheveux ; je me sèche avant de sortir de la douche ; je rince la douche ; j’étale la crème à raser sur mon visage légèrement humide ; je me rase précautionneusement ; je me lave les mains ; j’applique un baume après rasage sans alcool ; je me taille les poils des narines avec une tondeuse spécialement conçue à cet effet ; je m’épile les oreilles à la pince; je me lave les dents à la brosse électrique ; je me lave les mains ; je me sèche les cheveux au séchoir avec une brosse à brushing ; je passe l’aspirateur et je me lave les mains. Je dois être sorti de la salle de bain à 7:00 dernier carat.

    Je suis maintenant dans la dernière ligne droite : Il me reste à faire mon lit au carré – sans doute une manie contractée durant mon service militaire. Et puis mettre ma chemise blanche repassée la veille : elle m’attend au garde à vous sur son cintre ainsi que mon costume. Alors arrive l’instant le plus délicat: nouer ma cravate.

410ed32280fdef85f4711e436edaa162.jpg    J’ai la marotte des cravates à motifs, de préférence géométriques, très souvent à rayures, et je dois donc ajuster le raccord au niveau du nœud. Un peu comme les raccords de papier peint, si vous voyez ce que je veux dire. Bien sûr, je pourrais tricher, serrer plus ou moins au niveau du cou de sorte que les rayures du nœud s’ajustent parfaitement aux rayures de la cravate. Mais alors la cravate flotterait autour du col de ma chemise, ce qui est inacceptable. Il me faut au contraire jouer sur la longueur de la cravate, au millimètre près, pour que tout soit parfaitement ajusté, et donc tout recommencer en cas d’échec. Chaque matin, j’ai droit à trois essais. Si je n’y parviens pas, je dois me résoudre à porter ma cravate grise unie, la cravate des très mauvais jours car avec l’entraînement et certains repères qu’il serait trop long de vous expliquer, je réussis souvent premier coup. Je sais bien que mon nœud ne va pas cesser de se relâcher au cours de la journée, mais je pourrai réajuster le raccord de ma cravate devant le lavabo des toilettes de ma société à chaque fois que je me laverai les mains.

    Je me lave les mains, j’enfile mes gants de cuir, j’attrape mon fidèle attaché case qui m’attend devant la porte et je la claque à 7:15. Je dévale la première volée de marches qui mènent à l’ascenseur, et je les remonte aussitôt quatre à quatre. Je dois bien sûr vérifier que toutes les serrures de la porte ont bien été fermées à double tour, ce qui m’oblige à ouvrir à nouveau la porte. J’en profite pour me déchausser, pour aller jusqu’à la cuisine afin de vérifier que le gaz a bien été fermé, et parcourir de fond en comble mon studio où je vis seul depuis que ma femme m’a quitté pour être tout à fait certain qu’aucune lampe n’est restée allumée. Tout cela demande une très grande concentration, car je dois être vraiment sûr que tout est bien contrôlé. Autrement je serais bien obligé de tout recommencer. Par conséquent, il me faut aussi contrôler ma concentration tout au long du processus qui doit me mener de chez moi jusqu’au pied de l’immeuble. Heureusement, j’ai trouvé une méthode infaillible : dès que je suis à nouveau sur le pallier, à 7:20 au plus tard, je descends chaque marche des escaliers en les comptant à voix basse. J’habite au troisième, il y a deux volées de 9 marches à chaque étage, ce qui nous donne 55 marches en comptant celle au pied de l’immeuble.

    Ce matin, tout allait de travers : 37 morts en Irak, 2 biscottes cassées et je portais ma cravate grise. J’ai croisé madame Dupré à 7:21 à la trente septième marche. Un signe du destin ; elle venait de sortir son caniche qui m’a reniflé le bas du pantalon en remuant la queue ; je ne me souviens plus très bien de ce qu’elle m’a dit, elle pleurnichait en s’excusant du dérangement à cause des obsèques de son mari, mais moi j’étais déjà en retard, je l’ai un peu bousculée pour passer mais je me suis pris les pieds dans la laisse du chien et j’ai perdu l’équilibre et le compte des marches il fallait tout recommencer tout et j’allais être en retard à mon poste pour la première fois en vingt ans de carrière c’est pour ça que je l’ai tuée monsieur le commissaire il faut que je me lave les mains je vous en prie !

____________________________________

    J’ai inventé de toutes pièces cette petite histoire en réponse à la requête de Bric à Brac pour me faire avouer 5 manies. La voilà bien servie, tout comme je m’étais inventé des péchés de jeunesse lorsqu’on m’avait demandé 7 aveux inavouables. Et il faudrait en plus que je recopie les règles de ce courrier en chaîne en désignant d’autres victimes ? Sachez, ami tagueur, que toute requête de ce type ne sera pour moi qu’un sujet de fiction.

21 février 2008

Copenhague

0b8cabed2a61d20d4c8da30d0b13c2fd.jpgNon, je ne vais pas vous ennuyer avec une note touristique sur cette ville ennuyeuse qui ne peut faire rêver que ceux qui n’y sont jamais allés ( si vous  tenez vraiment à partir dans le coin, traversez le pont et visitez Malmö  qui est tout aussi bien et beaucoup moins cher ), mais avec une note sur une nouvelle intitulée Copenhague  publiée aux éditions filaplomb.

Après avoir sciemment massacré le petit suspens que j’escomptais vous servir aujourd’hui, je n’insisterai pas trop sur mon étonnement lorsque j’ai reçu dans ma boite au lettre en fer et qui couine, une enveloppe manuscrite à la vraie main et à mon nom bien réel. Il faut dire que pour le monde commun et trivial, je ne suis qu’un patronyme imprimé à la chaîne pour le compte d’une banque, d’une assurance ou d’une caisse de retraite, et les seules enveloppes manuscrites qu’il m’arrive d’ouvrir contiennent des faire part de mariage ( de moins en moins) de naissance ( le pic est passé aussi )  et plus rarement de décès ( mais c’est en croissance ), c’est-à-dire le lot commun de la boite aux lettres du cadre moyen déjà plus tout jeune…

Bref, il y a quelques semaines, je reçois une enveloppe manuscrite que ma femme n’a pas osée ouvrir. « Tu es sur que ce n’est pas une lettre piégée » qu’elle me dit sans rire. « Mais qui pourrait bien m’en vouloir ? » que je réponds en décachetant l’enveloppe sans penser aux quelques cocus qui pourraient me trucider s’ils retrouvaient ma trace. Et là, qu’est-ce que je trouve ? Vous le savez déjà : Copenhague suivi de Un couple idéal d’Arnaud Dudek, un recueil de deux nouvelles de 10 pages chacune au format 10 x 15. Le papier - recyclé avec des encres végétales sans solvant - est de bonne qualité ainsi que l’impression et la mise en page, même si on aurait apprécié une couverture un petit peu plus épaisse. Mais pour 4,20 € frais de port compris - le prix d’un café sur une terrasse parisienne - je n’ai pas boudé le quart d’heure de plaisir que la lecture de ces nouvelles m’a procuré. Je connaissais déjà Dudek pour son excellent blog littéraire, mais le lire allongé dans son lit, c’est tout de même mieux qu’assis devant un écran.

Cela suffit pour la forme, venons en au fond : deux nouvelles sur les solitudes qui s’ajoutent pour composer un couple. J’ai toujours pensé qu’un texte devait se défendre tout seul, alors je vous en livre un petit extrait :

    Il aimerait découvrir l’Europe du Nord, il ne connaît pas. Copenhague, pourquoi pas ? Ce sera difficile d’imposer cette idée. Sylvia voudra de la chaleur. Siroter des cocktails à base de jus d’ananas en regardant des bellâtres transpirer autour d’un filet de volley-ball. Allongée sur une serviette de plage à fleurs, vêtue d’un maillot de bain une pièce assez terne, à compléter les cases d’un Sudoku.
    Au poignet, un bout de plastique jaune digne des meilleurs Clubs Mickey indiquera son rattachement à un club de vacances situé à Hammamet.
    Son visage outrageusement bronzé fera pâlir les collègues de jalousie lors du premier café de septembre, celui où l’on montre des vestiges de coups de soleil soignés à la Biafine comme autant de blessures de guerre.
    Copenhague, ça risque de la mettre en rogne.

J’espère vous avoir donné envie de découvrir Arnaud Dudek auquel je souhaite le succès qu’il mérite. Quant à son éditeur, je lui souhaite d’attraper une bonne crampe à écrire les noms des lecteurs auxquels il envoie un peu de bonheur.

12 février 2008

Ça roule !

6572b89ea305e409a14af777fbcb1378.jpg    Aujourd’hui, ça roule chez Dudek qui accueille ma dernière fiction sur JICSVB. Alors les filles, si vous aimez danser entre les bras musclés de vigoureux pompiers, cette histoire est pour vous…

04 février 2008

Mission libertine - XII

    Trop facile. Il est trop facile de justifier ses désirs par ses frustrations, comme si le désir était défini par le manque, ou les manquements des autres. Le désir est intrinsèque à la nature humaine, il s’impose même aux rassasiés, pensai-je en sortant de la station de métro. Faut-il donc qu’il y ait une quête secrète, un vide intérieur pour que Don Juan se cogne de femmes en femmes, ou bien n’est-il que la bienheureuse victime d’un excès d’appétit ? Tout en marchant sur les trottoirs déserts d’un quartier résidentiel, je ne pus que songer à cet échange de lettres avec Sarah qui avait déclenché l’épopée sensuelle dont nous allions vivre un nouvel épisode. Après une rupture de quelques mois, notre liaison épistolaire avait repris au tout début du mois de Juillet.

    Cher Christophe,
 
    Je peux vous assurer qu'entretenir cette relation épistolaire avec vous ces derniers mois n’a pas été pour moi une perte de temps. Même si un jeu de séduction était bel et bien le but de nos premiers écrits, je ne le considère pas stérile, loin de là. Il a été pour moi fort attrayant et si votre esprit n'avait pas déjà succombé aux charmes indéniables de votre sublime maîtresse, je peux vous avouer qu'en plus de me réjouir de vos écrits, j'en serais peut-être (certainement ?) venue à partager un peu plus que des mots avec vous.
    Ceci dit, dès le départ vous m’aviez annoncé la couleur, ce qui ne m'a pas empêché d'entrer dans ce jeu au charme captivant sans vouloir pour autant faire de l'ombre à Jeanne, votre princesse. Connaissant mon goût pour les femmes - ou tout au moins ma curiosité pour les relations saphiques qui, à ce jour, demeurent encore inconnues – vous avez essayé de nous présenter l’une à l’autre dans l’espoir d’en tirer, si j’ose dire, un plaisir charnel personnel… Cette approche s’est soldée par un échec, un peu par votre faute, beaucoup par la mienne, au point que la correspondance artificielle que vous avez essayé d’initier entre elle et moi aura sonné le glas de la nôtre… mais n’en parlons plus je vous prie, et réjouissons-nous de nous écrire de nouveau !
    Au chapitre de mes soirées parisiennes avec mon amant, puisque vous me posez la question, elles n'avaient rien de si extravagant. Nous avons plutôt plongé dans l'assurément romantique qui n'impose pas d'être vécu forcément à Paris. Mise à part ce dîner croisière sur la Seine, le reste aurait très bien pu se passer à Metz, Los Angeles, ou Argelès…Des moments forts en émotions diverses et variées qui ne sont pas prêts de s'échapper de ma mémoire. Au fait, je viens d’apprendre à ma grande surprise que mon compagnon illégitime a entrepris de me chercher une partenaire féminine, lui aussi. Un cadeau qu'il tente de m’offrir, rien que pour moi. Il ne serait qu'un intermédiaire pour combler sa maîtresse. Il y a indubitablement des attentions qui touchent profondément.
    Vous vous demandez si je suis une professionnelle de l’écriture ? Je crois que ce serait de notoriété publique, même si je me souviens vous avoir effectivement tenu quelques propos du genre que vous avancez, mais peut-être ai-je trop sous-entendu certaines idées qui auront émoustillé votre imaginaire débordant. Vous interprétez encore très rapidement certains de mes propos et les considérez ensuite comme fait établit.  Qui vous dit par exemple que les autres expériences fabuleuses que je vous avouais avoir vécues étaient d’ordre sexuelles ? J'aurais très bien pu faire allusion à une partie de pêche au gros au milieu de l'Atlantique, un tour de manège qui m'aurait retournée dans tous les sens du terme, une nouvelle recette de la confection d'une tarte aux pommes ! Mais bien sûr, cher Christophe, en plus d'être rapide vous êtes perspicace et ces évènements formidables étaient bien entendu libidineux. Ceci dit, ils ont été rares et n'ont jamais été dans le but d'entraver ma relation avec mon délicieux amant (pour reprendre votre terme et parce qu'il me plaît) qui demeure ma priorité.
    J'ai ainsi passé une nuit d'amour avec un homme que je ne connaissais que très peu finalement. Plusieurs échanges de mails, deux rencontres avant de mettre en pratique la théorie, car je ne pensais pas pouvoir un jour m'abandonner corps et âme aux côtés d'un individu qui m'était presque inconnu. Une nuit de plaisir et rien de plus était notre « contrat moral », si tant est qu’on puisse évoquer la moralité compte tenu de notre statut matrimonial : mariés lui et moi mais pas avec les même personnes. Nous partagions cependant l'envie de nous offrir une nuit complète, de nous donner l'un à l'autre sans à priori, sans jugement, et sans plus rien après. Bien qu’intense, nous nous sommes peu investit dans ce contacts charnel, car nous savons que la véritable communion des corps passe aussi par l'esprit. Cependant, un certain feeling nous a permis de vivre presque sans arrêt -  je sous-estimais considérablement mon endurance en la matière - des ébats torrides et sensuels du soir au matin. Un baiser en guise d'adieu sur le parking de l'hôtel, - on se reverra ?- oui bien entendu, alors que nous pensions tous les deux l'inverse : Il nous fallait garder ce souvenir impérissable et le réitérer aurait sans nul doute brisé la magie qui nous a accompagnée plusieurs heures durant. Nous ne souhaitions, ni l'un ni l'autre, revivre ces instants charnels. Les suivants n'auraient pu être aussi bons, puissants, envoûtants, fascinants que le premier. Oui j'ai été gourmande dans ce cas précis, mais ce devait être un soir de pleine lune dirons-nous…
    Enfin je terminerai par répondre à votre invitation à vous rejoindre vous et votre amante mercredi prochain au cours de cette soirée libertine, en tout bien tout honneur bien sûr… Je reconnais que l'idée m'avait effleuré mais je suis cependant au regret de décliner votre sollicitation.
    Et oui, mercredi je fais mon repassage et pas un autre jour, je ne serais pas épilée, mon rendez-vous chez le coiffeur est prévu dans 15 jours, il faut que je change l'eau du bocal de mon poisson rouge, je dois téléphoner à ma soeur, j'ai un bouton sur le nez, ce n'est pas mon jour de sortie, je suis chiante comme la mort, il faut que je plante mes salades au fond de mon jardin…
    Ca c'est pour les excuses bidons. Par contre les deux vraies raisons sont que j'ai prévu une nuit avec mon amant cette même date, et que j'ai une peur bleue de vous rencontrer. Que peut bien faire une pauvre femme au foyer avec des libertins cultivés et intellectuels de surcroît ?
    Cette question n'attend pas non plus de réponse mais la pression de notre société vis à vis de ces femmes qui ont décidé de rester dans leurs quatre murs pour voir s'épanouir leurs progénitures est très pesante : nous ne sommes que des bonnes à rien si ce n'est à lire les derniers potins de Voilà en regardant les "feux de l'amour" et en faisant le ménage du matin au soir. Je me demande si cette image n’est pas justifiée lorsque je vais chercher mes loulous à l'école, en voyant le tableau pitoyable de ces mamans qui s'habillent comme des sacs et qui n'ont d'autres conversations que les promos à Carrefour, la dent de leur dernier qui vient de tomber, sans oublier les commérages sur les "pétasses bourgeoises et hautaines" de mon espèce qui osent venir en talons hauts à la sortie de l'école et qui n'adressent la parole à personne de peur d'être contaminées par leurs tristes distractions. Je préfère me laisser vilipender, continuer à lire les essais de Montaigne si ça me chante, et oser faire attention à mon apparence puisque je ne veux pas me résoudre à ressembler au stéréotype de la ménagère de moins de cinquante ans !
 
    Je vous souhaite un agréable week-end.
    Au plaisir de vous lire encore.

Sarah

____________________________________

    Chère Sarah,

    J’ai la conviction que bon nombre de professionnels de l’écriture n’ont pas la notoriété que vous feignez d’imaginer. En matière de lettres, le talent ne paie plus, pas même en nature, vous savez, ces fruits amers que sont glorioles et célébrité, si prompts à griser, surtout les tempes. Alors je m’étais imaginé qu’entre un amant et une sortie d’école, vous endossiez le costume de l’obscur(e) nègre(sse) payée aux pages et pour se taire. C’est y pas bête d’être si romanesque ! Vu votre goût pour la précision et les explications de texte, je me demande d’ailleurs si en fin de compte, vous n’avez pas été prof de lettre dans une vie professionnelle antérieure.
3765f5e23a17542046633022af696db1.jpg    Ah, le fantasme du bel inconnu, celui que l’on ne verra qu’une fois. Au risque de vous surprendre, je ne l’ai jamais conjugué au féminin. J’ai certes connu des femmes que je n’ai pas revues, de mon fait ou du leur, mais ce ne fut jamais prémédité. Dans une logique épicurienne cherchant à maximiser les plaisirs et minimiser les déplaisirs, j’ai toujours considéré ces rencontres éphémères comme des erreurs de parcours. Car soit le plaisir n’était pas au rendez-vous, soit la belle a pris ses jambes à son cou et mon ego en a pris un coup. Bref, dans tous les cas l’abstinence aurait été préférable. Apparemment votre expérience d’un véritable contrat hédoniste à durée déterminée vous aura apporté les vifs plaisirs annoncés sans les frustrations redoutées, et je devrais songer à mettre en pratique mes lectures philosophiques actuelles. Je viens de découvrir Michel Onfray par sa « Théorie du corps amoureux », sorte de traité du libertinage dans la lignée d’un épicurisme hédoniste, et je me suis surpris à faire un raid à la fnac avec pour objectif Ovide et son « art d’aimer », les œuvres complètes d’Horace, tout en me laissant malgré tout aller à quelques romans érotisants… A propos de pratique philosophique, j’ai récemment lu « aimer plusieurs hommes » de Francoise Simpère, y reconnaissant presque trait pour trait mon amante Jeanne, à juste titre comme elle me l’a confirmé, et que vous ayez encore quelques remords ou pas, je vous conseille aussi cet essai qui fait l’apologie des fidélités contre l’exclusivité.10d0430e7ddd479aff55a50b6fa64fa6.jpg
    Je suis heureux de vous savoir en de bonnes mains libertines, car seul un homme avisé prendra soin de vous trouver une partenaire de jeux saphiques, dont il pourrait aussi goûter ultérieurement les faveurs. Vous vous en doutez sans doute car je vous sais perspicace. Ce qui me surprend davantage chez vous, c’est la légèreté avec laquelle vous abordez votre liaison avec votre amant, sans vous encombrer des sentimentaleries d’usage, avec cette juste distance qui vous permet d’aborder les douceurs romantiques avec lui et des escapades romanesques avec d’autres, sans le vain cœur du jeu de qui-perd-gagne auquel excellent les sentimenteurs. Je ne peux donc que vous féliciter sur votre lucidité, qui parfois me manque.
    Jeanne a regretté votre absence Mercredi dernier, dont les débats auraient assurément bénéficié de votre contribution, et elle fut particulièrement surprise par la raison que vous avez invoquée. Elle me connaît assez pour m’avoir démystifié, et à la réflexion, il ne me déplait pas de garder auprès de vous cette aura virtuelle qui risquerait fort de disparaître dès notre première rencontre réelle. Comment aborder la chair sans rompre le charme épistolaire ? Voilà un sujet de dissertation autrement plus excitant qu’une explication de texte et à laquelle je vous invite…

    Au plaisir assuré de vous lire,

    Christophe

À suivre…

24 janvier 2008

La nuit de Valognes

9ac601355bf7540fdb159ef04e2d30a7.jpgDans un château perdu de Normandie, plusieurs femmes attendent un homme. Elles l'ont aimé ; elles le haïssent. Il les a trahies, elles vont le punir. Cet homme, c'est Don Juan... Mais grand sera leur étonnement lorsque le séducteur arrivera au rendez-vous. Pourront-elles lui pardonner de ne plus être celui qu'elles ont tant aimé ?

Après Le bal des mots dits et Le libertin réconcilié, voici mon analyse de « La nuit de Valognes » d’Eric-Emmanuel Schmitt, et c’est chez Ysé

PS: Je viens de découvrir une note brillante sur le Don Juan de Molière, qui éclaire le mythe sous un jour bien moins agnostique que ne le font les analyses habituelles... décapant !

03 janvier 2008

La voie lactée (1)

Pour ma première note de l'année, jouez les étoiles et filez chez Ysé : la voie lactée vous y attend !

967e65305f4d289b7f0078332ba86c26.jpg
Au fait, meilleurs voeux etc...

24 décembre 2007

Mission libertine - VIII

    J’entrai chez Chochotte sans savoir si Sarah y était déjà, et j’allai me renseigner au guichet.

- Bonjour monsieur. J’étais venu il y a quelques temps à propos d’un défi que je comptais lancer à une de mes amies, vous vous souvenez ?
- Oui, oui je me souviens.
- Normalement, elle devrait être arrivée.
- Une femme blonde est descendue il y a quelques minutes. Je la vois dans la vidéo de surveillance. Tout se passe bien. Très bien même.

    Je me tordis le coup dans l’espoir de la voir dans la salle sur les écrans de surveillance, sans succès.

- C’est parfait. Pourriez-vous lui remettre cette enveloppe quand elle ressortira ?
- Qu’est-ce que c’est ? Demanda-t-il quelque peu soupçonneux.
- Une simple lettre, vous voyez, l’enveloppe n’est même pas cachetée.
- Aucun problème, répondit-il un peu gêné par la méfiance qu’il venait de me témoigner.
- Vous permettez que je reste quelques instants dans l’entrée ?
- Si vous voulez, me dit-il sans me poser plus de question.

    J’actionnai discrètement la télécommande du papillon en espérant qu’elle fonctionne à cette distance, tout en laissant mon esprit vagabonder au gré de la correspondance que nous avions échangée les jours derniers.


    Ma très chère Sarah,

    Sachez que le portrait de votre folle passion ne m’importune pas le moins du monde, car je partage en tous points une passion similaire. Une passion charnelle et cérébrale pour une femme qui m’a prodigué ses mots raffinés, qui m’a offert son corps torride, et dont je ne connais toujours pas ce qu’elle offre au moindre passant : la vue de son visage. Je l’ai certes deviné dans la pénombre, mais je redoute de le voir devant moi dans un cadre social classique. Non, je ne crains pas de m’évanouir face à un quasimodo au féminin, je crains seulement que le mystère que nous entretenons ne s’évanouisse, et que notre liaison si particulière sombre dans la trivialité des relations illégitimes.
    J’ai joué de maladresse dans ma préparation d’un nouveau défi avec Yann, qui brûle d’être le skipper plutôt que de se contenter du rôle d’équipier. Après vous avoir contacté en privé, je sais que ce séducteur impénitent aura tout fait pour vous faire tomber dans son escarcelle autrement plus profonde que la mienne, même si j’avais d’autres projets… Si vous souhaitez vous offrir un moment de plaisir avec lui sans plus attendre, je ne peux vous en empêcher, et cela ne devrait pas nuire à notre relation. Soyez tout de même bien consciente de son inconstance, au point qu’après avoir eu une aventure avec vous, il pourrait ne plus envisager les combinaisons sensuelles dont je lui avais fait part. J’espère donc que vous continuerez à m’accorder votre confiance pour nous mener au terme des plaisirs que j’escomptais. Je suis bien conscient que vous ne pourrez pas maintenir éternellement ce feu follet en veilleuse, et je ne vous demande que quelques mois pour mener mystérieux projet à son terme. Oui, j’ai conscience que ce délai est bien long, mais songez que sa ferveur sera probablement proportionnelle à l’attente que vous lui imposerez. Je vous laisserai ensuite jouir de ses atouts comme il vous plaira. Aussi, vous pouvez considérer la chasteté que je vous demande envers lui comme un nouveau défi. […]

2ac816edd6b5c9d4f7be3343dae3264c.jpg    J’avais rencontré Yann quelques mois plus tôt. Dès que je l’avais vu arriver dans le café où nous nous étions donnés rendez-vous, j’avais reconnu le séducteur impénitent : Casque à la main, combinaison de cuir et gueule d'amour, il avait une allure tout à fait conforme à son incroyable tableau de chasse. Jeune trentenaire, journaliste, récemment divorcé, il était alors en pleine tourmente sexuelle et existentielle. Adepte de tantrisme et de rencontres éphémères, il jouissait d'un certain succès auprès des femmes et j'avais flairé en lui le partenaire de débauche idéal : nous comblâmes ensemble une amatrice d’émotions fortes ce qui nous lia aussi d’amitié. C’est ainsi que j’appris qu’il était entré en contact avec Sarah. Elle ne s’était pas montrée insensible à sa cour assidue, contre laquelle je l’avais mise en garde tout en demandant à Yann de réfréner ses ardeurs, sans trop y croire : autant demander à un lion de ne pas croquer la gazelle qui gambade sous ses yeux. C’était bien le cas de le dire.
   

    Très cher Vagant,

    Une fois de plus, je pense être sortie victorieuse du défi de chasteté que vous m’aviez lancé, et sans ceinture s’il vous plait. Ce n’est pas à vous que j’apprendrai qu’« À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire », ni que j’aime vivre dangereusement. J’ai donc accepté l’invitation à déjeuner de votre ami Yann, en tout bien tout honneur avait-il insisté, mais dans un contexte dont je n’avais pas mesuré la dangerosité pour ma vertu avant de me retrouver comme une gazelle face au lion dans la savane : rien qu’à suivre son regard, il était facile de comprendre que ses appétits ne se réduisaient pas à mon petit pot de rillettes. Vous l’avez compris, j’ai accepté une invitation à pique-niquer en sa très charmante compagnie hier midi, au bois de Vincennes, étendus côte à côte sur une couverture à même le sol.
    Heureusement, j’avais mon sac à malice. Je suppose que vous vous souvenez de ce lourd sac que j’avais péniblement traîné dans la chambre d’hôtel ce soir où vous vous étiez offert à mes vices et sévices ? Et bien je l’avais avec moi hier, non pas pour transporter un fouet afin de dompter le fauve, ni même des menottes pour lui attacher les poignets derrière le dos et transformer le lion en oisillon auquel donner la becquée, non, je n’avais que quelques provisions et un ruban rose.
    Avant même de m’étendre sur la couverture, j’y ai déroulé le ruban dans la longueur afin de  la partager en deux zones égales : À chacun la sienne, comme les pupitres à l’école primaire ! Avec interdiction formelle de traverser la ligne rose en aucune manière. Nous avons installé nos sandwichs, salades, quiches et autres victuailles tout au long du ruban, comme des postes de douane sur la frontière, et j’ai pu prendre mes aises en toute quiétude. Il faisait très beau hier, particulièrement chaud pour la saison, et vous avouerez avec moi qu’il aurait été dommage de ne pas dévoiler ma peau aux premiers rayons d’un soleil primesautier. Je portais donc une jupe assez courte, et un simple chemisier après avoir retiré mon pull. Devant son échancrure, je peux vous avouer que votre ami Yann a bien tenté quelques incursions en territoire ennemi, mais je lui opposais une défense de fer. Jusqu’au moment où il s’est dressé face à moi, juste à la limite du ruban ! Il a avancé sa main… qui s’est heurtée contre une vitre invisible à l’aplomb du ruban rose ! Il semblait en chercher les contours, un passage à tâtons. Alors je l’ai aidé à chercher la faille, et nous avons entrepris un vrai numéro de mime marceau, simultanément et chacun de notre côté du ruban. Nous nous sommes frôlés pendant quelques minutes, mais sans nous toucher, sa main à un centimètre de mon sein, la mienne aussi près de ses hanches, nos lèvres proches au point que nos souffles se mélangent…
    Et rien de plus.
    Comme je vous l'ai maintes fois répété, j'ai une confiance aveugle en vous Vagant, c'est pourquoi cet entracte burlesque s’est arrêté là, et je m'en remets à vos moindres désirs. Votre ami Yann, aussi séduisant soit-il, ne m'attire quand même pas autant que vous, il est loin de déployer autant d’efforts pour moi - et pour lesquels je ne sais toujours pas comment vous remercier - et je n'ai pour l'heure pas trouvé un autre amant que vous qui recherchait ce que moi-même espérais vivre en secret, et qui me fait chavirer. Je lui laisse donc cette place d'équipier et ne vous démets nullement de vos fonctions de skipper car je souhaiterais vous garder comme un précieux trésor que je possèderais au creux de la main...
Je le tiendrai donc en haleine le temps qu'il faudra, et je ne lui soufflerai mot de ce que je sais […]

 

    Je jetai un coup d’œil à ma montre. 14h30. Il était grand temps de quitter la boite de strip-tease avant que Sarah n’en sorte, et je me précipitai vers le métro. Mais auparavant, il me fallait encore donner un coup de téléphone.

À suivre…

13 décembre 2007

Le bal des mots dits... (par Ysé)

    Tout commence par un coup de foudre. Un coup de foudre, ça s'abat sur des coeurs prompts à aimer aussi violemment que ça libère les relents de vengeance et de haine. Mais il n'y a pas que le ciel qui déchaîne son courroux...
    Cinq femmes se retrouvent une nuit dans le manoir de la duchesse de Vaubricourt. Un lourd secret, une question de vie ou de mort, voilà ce qui pouvait les réunir.
    Qu'ont en commun une châtelaine rancunière, une comtesse frivole, une religieuse gentiment sotte, une intello revêche se piquant d'écrire des bluettes et une jeune mariée ? Rien, si ce n'est que jadis, elles ont été séduites et abandonnées par Don Juan. Mais ces victimes n'ont rien à voir avec les mille e tre espagnoles que le "vil séducteur" connut au sens biblique du terme. Ces femmes-là ont résisté, et ont ainsi offert à Don Juan ses plus éclatantes conquêtes, tout au moins à en croire le carnet tenu par Sganarelle oscillant entre le livre de comptes et le récit des amours de son maître.
    Bien vite, les victimes, vêtues de blanc et non de candeur, vont troquer leur tunique de martyr contre la robe de juge, et elles sortiront si besoin est, la hâche du bourreau. Ce soir, elles vont sceller le destin du séducteur qui devra épouser et être fidèle à sa dernière conquête en date, Angélique, qui n'est autre que la nièce de la comtesse. S'il refuse, c'est une affaire de duel qui mènera le plus célèbre des sentimenteurs en prison. Lui qui croyait se rendre à un bal, ne sera pas le seul à mener la danse.
2fde15bf9bf98cf551981d34b99efe5c.jpg    On rit, jaune parfois, on se laisse toucher par les escarmouches et l'on se laisse prendre par ce qui est représenté sur scène. Le spectateur ne peut demeurer passif tant la première pièce d'Eric-Emmanuel Schmitt regorge de joutes verbales et autres stichomythies enlevées. Bref, cette pièce nous interpelle, bouscule valeurs moralistes et idées préconçues tandis qu'elle pose les questions les plus audacieuses avec un cynisme résolument provocant. Si le public ne fait pas de catharsis, du moins voit-il les passions, qu'il s'efforce de museler,  se déchaîner : amour égoïste propre aux enfants, vengeance, trahison, jalousie, tout y est ! Chacun détient une part de vérité, nul n'a entièrement tort. Qui pourrait se vanter de ne s'être jamais trompé ? Don Juan lui-même, n'a pas su reconnaître l'amour véritable qui ne saute pas toujours aux yeux quand il prend une forme inattendue.
    La mise en scène de Régis Santon est magistrale de simplicité et d'efficacité. Le procès de Don Juan se tient à huit clos entre les murs étouffants du château de la duchesse de Vaubricourt. A n'en pas douter, l'auteur de la pièce n'aurait pas renié la scénographie, ni même la musique accompagnant la perte de Don Juan ; car qui mieux que Mozart et son Requiem aurait pu illustrer la force de ce destin ?
    Quant aux acteurs, ils ont campé avec conviction des personnages pouvant paraître, à première vue, caricaturaux. Mais derrière les masques, restent égratignures et plaies loin d'être refermées.
    Le Don Juan d'Eric-Emmanuel Schmitt, tout en étant caustique, toujours aussi libre envers Dieu et les choses de l'amour, accepte son destin, et en cela, il est radicalement différent de celui de Molière qui toisait la statue du Commandeur, avec une effronterie presque puérile. Ici, Don Juan a gagné en sagesse et il lève enfin le voile sur le mystère de sa vie : qu'est-ce qui faisait courir Don Juan ? Fuyait-il ou cherchait-il quelque chose ? Vous aurez la réponse en lisant la pièce ou en allant voir la représentation au théâtre Silvia Monfort, ce que je vous recommande.
    Tout a une fin et le malheur des uns fait le bonheur des autres, et ce n'est pas Sganarelle qui démentirait, lui qui perçoit enfin ses gages !


Ysé

_________________________________________

note :  Une stichomythie est une partie de dialogue d'une pièce de théâtre versifiée où se succèdent de courtes répliques, de longueur à peu près égale, n'excédant pas un vers, produisant un effet de rapidité, qui contribue au rythme du dialogue.

30 novembre 2007

La marche du monde

FEMME 1 : Je n'ai pas mis les bonnes chaussures ce matin. Avec ces grèves, ce que j’ai mal aux pieds !

FEMME 2 : Moi, j’ai fait l’impasse sur l’élégance au boulot. Avec mes tennis, je peux même  courir. Regarde !

FEMME 1 : Attention !

La seconde femme trébuche sur Diogène assis par terre, avant que toutes deux ne prennent la fuite devant ses furieuses invectives.

DIOGENE : Pouvez pas regarder où vous mettez les pieds, non ? C’est incroyable ça ! Qu’est-ce que les gens ont à toujours cavaler ! Ils ne savent même pas où ils vont, mais ils y courent. Et ceux qui ont peur de se perdre, ils courent sur place sur des tapis roulant dans leur salle de gym ! Avant, c’était autre chose. Ce qui comptait, c’était l’être, qu’il soit individuel ou collectif.  Soit on était de naissance, comme Louis XIV le disait : « L’état, c’est moi ! ». Soit on naissait pas grand-chose et il suffisait d’y penser comme Descartes : « Je pense, donc je suis. ». C’est le capitalisme qui a tout bouleversé avec l’avoir. Pour être il n'est capital que d’avoir du capital, au point de ne même plus avoir besoin d’exister pour être une « personne morale ». Mais maintenant, il ne suffit plus d’avoir : on est passé à l’âge du faire. Faire croire qu’on fait ce qu’on a dit, et dire ce qu’on va faire croire. Faut s’agiter, se montrer partout, s’oublier dans l’action quand on ne se supporte plus ; paraître ce qu’on ne parvient pas à être. Tout ça pour réaliser, en fin de compte, qu’on s’est fait avoir. Le bougisme, voilà le mal du siècle ! Moi je vous le dis : Il est urgent de ne rien faire ! Il faut réapprendre les vertus de la méditation pour contempler la marche du monde. Qui peut observer la danse des  rayons du soleil levant dans la brume, la lumière dans le prisme du givre qui fond lentement, et qui s’écoule en rosée délicate ? Qui sait s’oublier dans le souffle de l’être suprême, virevolter en esprit et en vérité, comme une poussière parmi les poussières…

Une autre femme approche à pas vifs.

DIOGENE : À votre bon cœur m’dame ! Ayez pitié d’un cul-de-jatte philosophe !

16 novembre 2007

Infidélité

Tante Babette prit une profonde inspiration, et elle m’entraîna dans la foule, loin de l’étal de bonbons multicolores. Ballotté entre les gabardines mouillées, je parvenais à peine à voir le sommet du sucre d’orge vers lequel je gardais les yeux rivés comme sur un phare à bonheur, lorsqu’elle jeta l’ancre sur un rivage de tristes coquillages.

- Cela fait combien d’années, Elisabeth ? 15 ans ? Plus ?
- 17 ans Jacques.

Je décidai de le détester aussitôt. C’était à cause de lui que j’étais maintenu dans ce brouhaha, à au moins dix longues Barbapapa du paradis des pommes d’Api !

- Dire qu’il m’a fallu tout ce temps pour oser revenir… il fallait que je parte Elisabeth…
- Je crois qu’il ne s’est pas passé un jour sans que je ne pense à toi, Jacques. Si tu savais comme tu… tes douceurs m’ont manquée. Je n’ai jamais été voir ailleurs.
- Oui… enfin… ton mari a toujours une sacrée réputation dans ce domaine…
- Tu sais, avec lui, je n’ai jamais fait que mon devoir.

Une dame vint coller son gros ventre contre mon nez. Non seulement elle sentait la chouquette pas fraîche, mais je ne voyais plus mon sucre d’orge !

- Tu n’as pas changé Elisabeth ! Toujours la même bouche gourmande.
- Arrêtes, tu vas me faire rougir.
- Viens ! Viens par ici, je vais te montrer quelque chose, tu sais bien… ta préférée !
- Oh non, Jacques, ce n’est pas raisonnable !
- Tu crois que ça pèse lourd, une petite folie devant 17 ans d’abstinence ?
- Toi non plus tu n’as pas changé. Tu sais toujours parler aux femmes.

« Ô tante Babette, mais où va-t-on encore ? Tu m’avais promis le sucre d’orge ! » Ai-je pensé très fort.

- Tu sais que je l’ai préparée exprès pour toi ?
- Hummm… elle a l’air bien grosse. J’en ai l’eau à la …
- Prends là Elisabeth, c’est cadeau, pour mon retour. Vas-y, goûte !

Tante Babette se baissa et, d’une main tremblante, elle ouvrit le gros paquet du monsieur. Elle engloutit son biscuit à peine sorti de sa boite ! En plein marché ! Sans attendre l’heure du thé !
« Je le dirai à oncle René, que tu es infidèle à ses spéculos industriels ! »

________________________________________________________

Bonsoir Vagant 

Après concertation avec l'équipe, j'ai décidé de ne pas publier ton texte
C'est un texte scabreux dans l'utilisation systématique du double sens
Je conçois que cela t'amuse, mais
PP n'est pas le lieu pour accueillir des textes de ce type
Si tu publies ce texte sur ton blog, je te demande de ne pas utiliser
ma photo. Merci

Coumarine

Si j’ai décidé de publier ce message de Coumarine, ce n’est pas pour la fustiger – elle est bien libre de faire ce qu'elle veut sur son blog - mais pour introduire le débat sur la ghettoïsation de l’érotisme, même lorsque celui-ci est assez discret alors que la télévision nous submerge de sexe à longueur de campagnes publicitaires. Plus généralement, j’ai l’impression que le monde des blogs est profondément segmenté, comme s’il était impossible au sein d’un même espace d’écrire sur des sujets variés - dont l’érotisme - ce qui nous pousserait presque à la schizophrénie virtuelle, à la multiplication des blogs et des identités selon des sujets spécialisés dont on ne pourrait pas sortir. Qu’en pensez-vous ?

01 novembre 2007

De la morale et de la liberté (1)

MME THERBOUCHE. Ne vous compromettez pas. N’écrivez pas sur la morale. Tout le monde attend de vous que vous affirmiez le règne de la liberté, que vous nous libériez de la tutelle des prêtres, des censeurs, des puissants, on attend de vous des lumières, pas des dogmes. Surtout, n’écrivez pas sur la morale.

DIDEROT. Mais si, il le faut.

MME THERBOUCHE. Non, s’il vous plaît. Au nom de la liberté.

DIDEROT. C’est que je ne sais pas si j’y crois, moi, à la liberté ! Je me demande si nous ne sommes pas simplement des automates réglés par la nature. Regardez tout à l’heure : je croyais venir ici me livrer à une séance de peinture, mais je suis un homme, vous êtes une femme, la nudité s’en est mêlée, et voilà que nos mécanismes ont eu un irrésistible besoin de se joindre.

MME THERBOUCHE. Ainsi, vous prétendez que tout serait mécanique entre nous ?

DIDEROT. En quelque sorte. Suis-je libre ? Mon orgueil répond oui mais ce que j’appelle volonté, n’est-ce pas simplement le dernier de mes désirs ? Et ce désir, d’où vient-il ? De ma machine, de la vôtre, de la situation créée par la présence trop rapprochée de nos deux machines. Je ne suis donc pas libre.

MME THERBOUCHE. C’est vrai.

DIDEROT. Donc je ne suis pas moral.

MME THERBOUCHE. C’est encore plus vrai.

DIDEROT. Car pour être moral, il faudrait être libre, oui, il faudrait pouvoir choisir, décider de faire ceci plutôt que cela… La responsabilité suppose que l’on aurait pu faire autrement. Va-t-on reprocher à une tuile de tomber ? Va-t-on estimer l’eau coupable du verglas ? Bref, je ne peux être que moi. Et, en étant moi et seulement moi, puis-je faire autrement que moi ?

MME THERBOUCHE.  Que la plupart des hommes soient ainsi, je vous l’accorde. Vous êtes persuadés de vous gouverner par le cerveau alors que c’est votre queue qui vous mène. Mais nous, les femmes, nous sommes beaucoup plus complexes, raffinées.

DIDEROT. Je parle des hommes et des femmes.

MME THERBOUCHE.  Ce n’est pas possible.

DIDEROT. Mais si.

MME THERBOUCHE.  Vous ne connaissez rien aux femmes.

DIDEROT. Vous êtes des animaux comme les autres. Un peu plus charmants que les autres, je vous l’accorde, mais animaux quand même.

MME THERBOUCHE. Quelle sottise ! Savez-vous seulement ce qu’une femme éprouve pendant l’amour ?

DIDEROT. Oui. Euh… non. Mais qu’importe ?

MME THERBOUCHE. Savez-vous ce qu’une femme ressent lorsqu’elle s’approche d’un homme ? Ainsi, par exemple, moi, en ce moment, qu’est-ce que je peux sentir ? Oui, et si moi, en ce moment, je feignais…

DIDEROT. Pardon ?

MME THERBOUCHE. Si je n’avais pas de désir pour vous ? Si je mimais la tentation ? Si je tombais dans vos bras avec tout autre intention que celle que vous imaginez ?

DIDEROT. Et laquelle, s’il vous plaît ?

MME THERBOUCHE. Hypothèse d’école, nous discutons. Supposons que je n’aie pas de désir pour vous mais que j’essaie simplement d’obtenir quelque chose de vous.

DIDEROT. Et quoi donc ?

MME THERBOUCHE. Hypothèse, vous dis-je. Imaginez que je sois perverse. Il faut bien être libre pour se montrer pervers. Le vice ne serait-il pas la démonstration de notre liberté ?

DIDEROT. Non, car vous seriez une machine perverse, naturellement, physiologiquement perverse, mais une machine.

MME THERBOUCHE. Passionnant. Et tellement judicieux.

DIDEROT. Bref, votre objection ne change absolument rien à ma théorie. S’il n’y a point de liberté, il n’y a point d’action qui mérite la louange ou le blâme. Il n’y a ni vice ni vertu, rien dont il faille récompenser ou punir.

MME THERBOUCHE. Bravo ! Mais alors, comment édifier une morale ? Je me demande bien ce que vous allez pouvoir écrire.

_____________________________________


deb3e19783cdde4299b14de18c415473.jpgCette note clôt ma série sur Diderot selon Eric Emmanuel Schmitt dans « Le libertin », et introduit la question de la morale sexuelle. C’est un sujet qui m’a longtemps travaillé, et qui est même au cœur de mon existence puisqu’il stigmatise mon pêché « mignon » : la luxure ! Je l’avais esquissé avec une note humoristique il y a près d’un an, mais il me va bien falloir l’aborder de front d’autant plus que l’actualité littéraire s’y prête merveilleusement bien !

27 octobre 2007

De la débauche et de la volupté

Moi : la Débauche / Elle : la Volupté

Devinez qui a gagné ? La volupté bien sûr !

09 octobre 2007

Échangisme belge

    D’un sourire engageant, Marion invita Jean à entrer dans sa chambre à coucher. Les murs étaient couverts des photos de Mathieu, son mari, surtout des natures mortes où la rouille disputait l’automne aux arbres dégarnis. Au diapason des photos paisibles, Marion parlait d’une voix grave, voilée d’un léger feulement qui lui conférait une sensualité irrésistible. « La fenêtre donne sur le jardin, c’est très calme ici, dit-elle sur un ton de confidence. On pourrait crier tant qu’on veut, personne n’en saurait jamais rien. » Il s’approcha tout près d’elle. Depuis l’étage, la vue s’étendait sur les champs jusqu’à l’horizon brumeux, jusqu’à sa perte. Il l’embrassa et ferma les yeux.
8246995b2be17a475288278b8e67edab.jpg    Le parfum capiteux de la jeune femme embaumait la pièce, et Jean ressentit autant de gène que d’excitation à pénétrer ainsi son intimité. Au rez-de-chaussée, sa femme était avec Mathieu, dans la chambre d’amis ou au salon, mais c’est sur une photo juste devant lui, au dessus de la tête de lit, qu’il focalisa son attention : un quai à l’abandon, au fond duquel ne coulait plus qu’un flot d’herbes folles. Une invitation à embarquer sur une chimère, une invitation au voyage impossible. Oui, impossible. Aller voir ailleurs, les transports trépidants, non, ce n’était pas pour lui. Marion était pourtant là, suspendue à ses lèvres, mais Jean ne pouvait détacher son regard du défaut sournois tout en bas de la photo : deux ombres roses. Les doigts de Mathieu s’étaient égarés sur l’objectif. Jean ne voyait plus qu’eux, ces gros doigts moroses qui allaient se perdre sur Bijou, la toucher, partout, à l’intérieur... La symétrie de la situation ne changeait rien à l’affaire dont sa femme était d’ailleurs l’instigatrice. Même s’il avait été excité par les annonces, abandonner là son Bijou entre leurs mains le révulsa.
    Mais pour le plaisir de sa femme Julie, il se tourna vers Marion, accepta d’échanger ce pavillon flamand contre son Bijou pour les vacances, et il lui donna solennellement les clefs de la maison…

______________________________

Oui, je l’avoue, j’abuse : cette note est presque un plagiat, celui de Lassitude par Madeleine sur NOLDA. Presque car le traitement est tout de même légèrement différent, et je plaide les circonstances atténuantes : j’ai agi sous la contrainte de Coumarine qui m’a obligé à parler de maison. Je n’étais certes pas obligé d’évoquer l’échangisme non plus, mais il me fallait aussi vous satisfaire, ami lecteur, pour pouvoir mieux vous frustrer ! À ce niveau là, je crois que ça va suffire pour l’instant, ma prochaine histoire sera du vécu, du vrai cul !

05 octobre 2007

La cliente

    Une jeune femme m’ouvre la porte d’entrée aux cuivres lustrés. La sévérité de ses atours souligne la chaleur de ses atouts : bas satinés sur peau ambrée, tenue rigoureuse sur gorge pulpeuse, blondeur angélique sur mascara diabolique. Elle m’offre le large sourire réservé à la plus « fidèle » clientèle - si tant est qu’on puisse parler de fidélité dans notre milieu - ponctué par un accueil déférent digne de mon dédain: « bonjour madame Carolyn ». C’est ainsi que je me fais appeler dans cette maison, même si personne n’est dupe. Tous savent qui je suis. 
    Une musique voluptueuse berce la salle dont la décoration bourgeoise affiche un luxe ostentatoire. Sur les murs capitonnés de cuir pourpre souligné de boiseries en loupe d’orme, des toiles originales encadrées de dorures sont éclairées à la bougie des lustres en cristal surannés. Mes talons pointus s’enfoncent dans la moquette onctueuse, tandis qu’on m’accompagne vers mon fauteuil club qui me tend ses bras accueillants. Les regards jaloux des clientes glissent sur mon arrogance. Ceux des garçons se prosternent à mes pieds. Je constate avec plaisir que Marquet a pris soin de me réserver ma place sans avoir eu besoin de le lui rappeler. La dernière fois, elle était prise par la pimbêche du JT en cuissardes de mauvais goût. Marquet sait trop bien ce qu’il lui en a coûté. Je m’assieds en prenant soin de faire crisser mes bottes tout en affichant une moue dédaigneuse. Il est encore tôt dans la soirée : autour de moi ne bruisse que le doux babillage des confidences luxurieuses, des corruptions vénales et des intrigues byzantines. Pour les rires cinglants et les sanglots étouffés, il faudra attendre encore un peu.

    Il s’en est d’ailleurs fallu de peu pour que j'aie dû attendre ma coupe de Veuve Cliquot millésimé, mais je dois avouer que Marquet ne s’est pas moqué de moi : ce jeune garçon est très à mon goût. Grand, les épaules larges et la taille fine, il porte divinement bien son costume Smalto, sobre comme je les aime, dont les reflets moirés mettent en valeur son teint halé et ses boucles noires. Il s’avance vers moi, droit comme un matador dans l’arène, avec aux lèvres le sourire conquérant qui joue à l’obséquieux, trahi par un regard ténébreux où semblent encore brûler les vestiges d’une antique noblesse castillane. C’est ainsi qu’ils me plaisent, qu’ils m’excitent, qu’ils m’agacent avec leur jeunesse insolente : encore âpres, presque rugueux, fiers comme des purs-sangs à dompter. Quelques années plus tard, repassé par les exigences de la clientèle, ce ne sera plus qu’une carpette insipide sans la moindre aspérité à gommer. Je peux déjà lire tout cela dans ses yeux sombres, les illusions passées à jamais perdues dans l’inéluctable déchéance à venir, tandis que je sirote mon champagne et que je savoure mon présent, ce délicieux moment qui précède l’énoncé de mes desiderata auxquels il se pliera avec la fausse connivence qui permet de supporter la servilité. Mais pour l’instant, je le fais attendre, debout devant moi qui le toise sans sourciller, en ne lui adressant qu’un sourire narquois à peine esquissé. Tous les garçons savent ce dont je suis capable, ils lui auront appris mes célèbres extravagances, les humiliations que je leur ai parfois fait subir, les larmes hargneuses que certains ont dû ravaler. Il doit y penser à son tour, et perdre peu à peu sa confiance au cours de ce duel, imperceptible s’il n’y avait la longueur de ces secondes silencieuses, jusqu’à perdre toute sa fière contenance, l’irrévérence de son regard qui m’esquive maintenant, qui descend plus bas sans oser s’arrêter sur ma poitrine opulente, jusqu’à venir lécher la pointe de mes talons rutilants.
    Il cède enfin et rompt le silence de sa voix charmante où perce encore un peu de soleil ibérique à peine voilé de grisaille parisienne.
    - Qu’est-ce qui vous ferait plaisir, Madame ?
    Mais qu’est-ce qui pourrait encore me faire plaisir ? Formulée ainsi, sa question est d’une candeur risible. Comme si je venais chez Marquet pour le plaisir ! Non mon petit, il n’est nullement question de plaisir ici, mais d’audaces flamboyantes, d’exigences perverses et de coups bien pesés. Malgré les apparences, nous ne sommes pas dans une luxueuse maison de plaisir mais au cœur des cuisines du pouvoir, dans l’antre des influences, à la cour des dominations ! Mais comme tu m’es sympathique, petit espagnol mal dégrossi, je ne vais te donner qu’une petite leçon, et puis… et puis j’ai envie de quelque chose, finalement : J’ai envie de me payer le luxe suprême de la trivialité dans le temple du raffinement.
    Je lui susurre un ordre. Assez bas pour qu’il ne l’entende pas. Il va devoir me faire répéter, ce qui le mettra dans une situation inconfortable, jusqu’à ce qu’il comprenne la position à prendre.
    - Je vous prie de m’excuser, Madame, je n’ai pas bien compris...
    Oui, tu n’as pas encore compris mon petit, me dis-je en répétant juste assez fort pour qu’il puisse bien sentir l’agacement dans le ton de ma voix, mais pas assez pour qu’il comprenne le sens de ma demande. Cependant, je sens que ça commence à venir: Il s’est penché en avant, le dos droit et les jambes tendues, jusqu’à ce que son visage soit à peu près au niveau du mien, mais légèrement au dessus néanmoins. Tu as les genoux encore un peu raides, bel hidalgo. Je répète encore mes instructions, bas comme une menace sourde dont il ne peut que comprendre l’ampleur. Il blêmit à l’idée de me faire répéter une fois de plus. Une fois de trop, même s’il a finit par prendre la pose qui convient à son rang : à genoux à mes pieds, comme une geisha empressée, l’oreille tendue à l’affût du moindre claquement de langue. Alors je lâche mon injonction à haute et intelligible voix dans le creux de son oreille. Il en sursaute et repart en tremblant, sa leçon bien apprise. Dieu qu’il est émotif !
    J’ai à peine eu le temps de faire le décompte des vieilles peaux qui se pâment pour la moindre œillade des garçons, que le mien revient, à nouveau fier comme Artaban, en apparence. Même s’il n’en a plus trop dans la culotte, c’est le cas de le dire, je suis agréablement surprise de ce qu’il exhibe, mais pas autant que toutes les clientes éberluées qui se retournent sur son passage. Il s’approche jusqu’à moi, un peu gêné malgré le naturel qu’il s’efforce d’afficher, et je ne peux réprimer mon sourire. Ah, Marquet sera toujours Marquet : comme pour me répondre du tac au tac, il a ordonné au garçon de me présenter sa queue dans une assiette démesurée ! C’est certes un beau morceau, plus long et plus épais que ce à quoi je m’attendais, mais tout de même, quelle assiette !
    Sans dévoiler la moindre émotion, je laisse couler mon regard sur le remarquable appendice amoureusement préparé, dans l’assiette dressée à mon intention. Mais je ne peux résister au plaisir de fermer les yeux lorsque son fumet vient chatouiller mon nez légendaire. Car ses arômes rustiques et généreux, ses effluves organiques à l’insolente authenticité m’ont aussitôt catapultée loin, très loin dans mes souvenirs d’enfance au fin fond de la Meuse. Là bas, bien cachée dans l’arrière cuisine, non loin de l’étable d’où provenaient les mugissements des bêtes et le parfum du foin aux abords de l’hiver, j’attendais le retour de mon père dès la tombée du jour, tandis que ma mère au fourneau y répétait ses gammes culinaires au rythme monotone d’une vieille l’horloge comtoise. Le vendredi soir, quand mon père qui rentrait de l’abattoir arrivait dans la cuisine, c’était toujours le même cérémonial. Ma mère allait à la fenêtre, elle vérifiait que personne ne risquait de les voir depuis la cour, elle se retournait vers mon père qui avait déjà sorti sa queue, et elle lui disait avec un ton de reproche démenti par sa mine réjouie:
    - Attends un peu ! Je ne suis pas prête !
    - T’as vu le morceau ? Tâte moi ça, touche un peu !
    - Oui, c’est vrai qu’elle est belle.
    C’est le moment où je fermais les yeux pour les abandonner au plaisir de l’instant, celui des sens primaires, qui nous touche en profondeur jusqu’à la lisière de l’âme, de l’olfactif atavique à l’auditif prénatal. J’inspirais à grandes goulées cette intense ruralité, la voix rocailleuse de mon père enfin revenu, et l’odeur du ragoût qui mitonnait sur le feu et embaumait la cuisine d’odeurs riches et généreuses. C’était un ravissement. L’oignon qui blondit comme du blé mûr, la crème épaisse qui se délite à feu doux, la viande et sa moelle légèrement grillées au four avant de mijoter où elles révèlent alors des arômes de gibier. Je distinguais tous ces parfums, ou plutôt je les entendais comme une aubade fulgurante aux unions de la chair, ils s’imprimaient en moi, me faisaient pâmer de plaisir, libéraient mes envies carnassières, au point d’aller fourrer mon nez dans le marmiton avec la concupiscence des affamés. Je crois que c’est grâce à ces moments là que j'ai compris quelle était ma vocation.

    Les yeux toujours fermés, je porte un bout de la queue à mes lèvres. A son contact chaud sur ma langue, à la fois moelleux et vigoureux, j’ai la sensation d’avoir à nouveau dix ans, dans la cuisine de maman, lorsque papa riait et lui disait que j’aimais ça: Je commence à la malaxer de la langue, des joues, du palais et des dents, je la mastique avec ampleur jusqu’à éblouir mes papilles de la suavité recueillie. Dans le ragoût de maman, la queue de boeuf - que papa chipait à l’abattoir - avait cette saveur, cette onctuosité, cette truculence que je croyais inimitable. Mais Marquet a réussi le tour de force de me mettre les larmes aux yeux. Il l’aura, sa quatrième étoile au guide Michelin.

__________________________________________

Toute ressemblance avec Une gourmandise de muriel Barbery serait loin d'être fortuite, mais le seul lien avec Légume des Jours est ici.

01 octobre 2007

Zapping

Il est minuit et bientôt trente minutes. J’ai beau chercher, je ne trouve pas le sommeil tout seul dans ma chambre d’hôtel, alors j’allume la télé, officiellement à la recherche d’un programme soporifique, officieusement pour mater les extraits du film porno de la chaîne payante : Je zappe le politicard qui déblatère en Danois – rien qu’à voir sa mine, je n’ai pas besoin des sous titres – je zappe le présentateur bronzé qui sautille en hurlant autour d’une roue de strass au bras d’une bombe de fortune – à moins que ce soit l’inverse – je zappe la grève des bus, une marée noire, deux famines, trois guerres civiles, et je tombe sur la blondasse siliconée qui suce le tatoué bodybuildé. Elle a l’air d’aimer ça quand on lui flanque sur sa face de pouf un gros panneau : « chaîne privée payante, 89 couronnes le film ». Je vous le traduis grosso modo du Danois au Français, mais je ne pense pas me tromper de beaucoup. Aux coins de l’écran apparaissent encore des bouts de bite, mais le cœur de l’action demeure caché par le panneau inamovible qui insiste lourdement pour que je lâche mes 89 couronnes danoises. Je zappe. Les chevaux sont dans le virage, la casaque rouge est en tête suivie de prêt par la jaune, c’est ce que doit dire le commentateur mais je ne parierais pas 1 couronne. Je zappe. La blondasse agenouillée a engouffré le gros membre du culturiste, les yeux et la glotte écarquillés. Va-t-elle étouffer ? me demandé-je en commençant à me tripoter quand paf ! Le panneau à 89 couronnes coupe tout le suspens du drame pornographique. Je zappe. La casaque jaune remonte à la corde, va-t-elle coiffer la rouge sur le poteau ? Le suspens hippique est à son comble mais moi je m’en fous, je n’ai pas joué. Je zappe. La blonde enjambe le musculeux définitivement très bien monté, et se retrouve à cheval sur son poteau au gland rouge qu’elle coiffe de sa vulve mouillée. J’ai délaissé la quequette pour la zapette : je n’ai que deux secondes pour bien identifier la position et je zappe avant le panneau à 89 couronnes, en comptant sur la persistance rétinienne pour suivre l’action. La pouliche a l’écume aux lèvres. Ses cuisses musclées prennent appuis sur le sol. Elle s’enfonce – je zappe - sa crinière se soulève à chaque poussée qui l’emboîte - je zappe - sur la queue de l’étalon. Elle remonte de plus en - je zappe - plus fort ! Quelle chevauchée au triple galop sous les - je zappe - coups de cravache du cavalier aux muscles bandés qui - je zappe - claques sur la croupe. L’étalon est à la peine sous la pression de la pouliche qui - je zappe - enserre ses flancs. Quel finish ! Sur un dernier coup de reins, c’est lui qui jaillit le premier - je zappe - 7 Rocco à 6 contre 1, 5 Ovidie à 8 contre 1, 11 Zara Whites à 12 contre 1 qui rapporte dans le désordre 89 Couronnes danoises…

34e8646c39644e954997ed680df299b9.jpg

27 septembre 2007

Une gourmandise

4df7c5004af9ceabd2792b8162b2b3c7.jpg   Un homme se tient par le ventre et le bas ventre. [Proverbe ivoirien]

   Si j’ai évoqué le pouvoir du plaisir dans une de mes anciennes notes et notamment le pouvoir du plaisir sexuel - le pouvoir du bas ventre - je ne me suis jamais étendu sur les plaisirs du ventre. Il faut dire que dans mes textes, il est plus question de chair que de bonne chair : lorsque j’ouvre la bouche pour savourer l’onctuosité de chairs humides, c’est rarement pour gober une huître ; lorsque la paume de ma main flatte une chaude rotondité, ce n’est pas souvent celle d’une miche de pain ; lorsque je plonge un appendice dans un calice parfumé, ce n’est généralement pas mon nez. Alors si je vous dis que j’ai découvert un roman dont la sensualité m’a mis l’eau à la bouche, dont les mots m’ont plongé dans une joie jubilatoire, sans doute penserez-vous que j’ai découvert une fine fleur de l’érotisme. Il n’en est rien. Une gourmandise de Muriel Barbery est à l’encyclopédie de cuisine ce que le cantique des cantiques est à la Bible : une subtile prose dont la poésie enchante l’âme jusqu’aux muqueuses.

   Lire Une gourmandise, c’est goûter la saveur des mots : « Les mots : écrins qui recueillent une réalité esseulée et la métamorphosent en un moment d’anthologie, magiciens qui changent la face de la réalité en l’embellissant du droit de devenir mémorable, rangée dans la bibliothèque des souvenirs. Toute vie ne l’est que par l’osmose du mot et du fait où le premier enrobe le second de son habit de parade. »
   Lire Une gourmandise, c’est déguster les mots de la saveur, ou plutôt les mots des saveurs, car les aliments les plus simples passés au crible de sa plume fantastique ne sont pas froidement disséqués, mais ils sont révélés toute leur puissance évocatrice.
   Une pâtisserie marocaine après les boulettes de viande ? « Elles ne sont appréciables dans toute leur subtilité que lorsque nous ne les mangeons pas pour apaiser la faim et que cette orgie de douceur sucrée ne comble pas un besoin primaire mais nappe notre palais de la bienveillance du monde. »
   Une tomate dans un verger ? « La tomate crue, dévorée dans le jardin sitôt récoltée, c’est la corne d’abondance des sensations simples, une cascade qui essaime dans la bouche et en réunit tous les plaisirs. La résistance de la peau tendue, juste un peu, juste assez, le fondant des tissus, de cette liqueur pépineuse qui s’écoule au coin des lèvres et qu’on essuie sans crainte d’en tacher ses doigts, cette petite boule charnue qui déverse en nous des torrents de nature : voilà la tomate, voilà l’aventure. »
   Le poisson cru dans un restaurant japonais ? « Le vrai sashimi ne se croque pas plus qu’il ne fond sur la langue. Il invite à une mastication lente et souple, qui n’a pas pour fin de faire changer l’aliment de nature mais seulement d’en savourer l’aérienne moellesse. Oui, la moellesse : ni mollesse ni moelleux ; le sashimi, poussière de velours aux confins de la soie, emporte un peu des deux et, dans l’alchimie extraordinaire de son essence vaporeuse, conserve une identité laiteuse que les nuages n’ont pas. »
   Lire Une gourmandise, c’est retrouver des accents de Delerm, mais les plaisirs de Barbery n’ont pas pour vocation de rester minuscules, ils gonflent, ils enflent, ils explosent de lyrisme, et ils nous emportent comme la toute première gorgée de whisky : « Telle une marquise éthérée, je trempai précautionneusement mes lèvres dans le magma tourbeux et… ô violence de l’effet ! C’est une déflagration de piment et d’éléments déchaînés qui détonne soudain dans la bouche ; les organes n’existent plus, il n’y a plus ni palais, ni joues, ni muqueuses : juste la sensation ravageuse qu’une guerre tellurique se déroule en nous-mêmes. »

   Mais je me relis et je réalise qu’emporté par les saveurs et les mots, j’ai oublié de mentionner l’intrigue. Tant pis, j’ai déjà épuisé mon « crédit mot ». Sachez seulement que c’est amusant et drôlement bien mené. Je voudrais juste abuser de votre patience d’ami lecteur pressé pour en venir enfin au fait : Un homme se tient aussi par le ventre. Cela est admirablement développé par Barbery lorsqu’un des protagonistes, un jeune critique gastronomique interrogé le maître au sujet d’un sorbet (« le sorbet est aérien, presque immatériel, il mousse juste un peu au contact de notre chaleur puis, vaincu, pressé, liquéfié, s’évapore dans la gorge et ne laisse à la langue que la réminiscence charmante du fruit et de l’eau qui ont coulé par là ») le qualifie de sorbet de grand-mère. Dans sa bouche et aux oreilles du maître, c’est le plus beau des qualificatifs, et le voilà à parler de la cuisine de grand-mère…

   Je crois qu’elles avaient conscience, sans même se le dire, d’accomplir une tâche noble en laquelle elles pouvaient exceller et qui n’était qu’en apparence subalterne, matérielle ou bassement utilitaire. Elles savaient bien, par-delà toutes les humiliations subies, non en leur nom propre mais en raison de leur condition de femmes, que lorsque les hommes rentraient et s’asseyaient, leur règne à elle pouvait commencer. Et il ne s’agissait pas de mainmise sur « l’économie domestique » où, souveraines à leur tour, elles se seraient vengées du pouvoir que les hommes avaient à « l’extérieur ». Bien au-delà de cela, elles savaient qu’elles réalisaient des prouesses qui allaient directement au cœur et au corps des hommes et leur conféraient aux yeux de ceux-ci plus de grandeur qu’elles mêmes n’en accordaient aux intrigues du pouvoir et de l’argent ou aux arguments de la force sociale. Elles les tenaient, leurs hommes, non pas par les cordons de l’administration domestique, par les enfants, la respectabilité ou même le lit – mais par les papilles, et cela aussi sûrement que si elles les avaient mis en cage et qu’ils s’y fussent précipités d’eux-mêmes.[…]
   Que ressentaient-ils, ces hommes imbus d’eux-mêmes, ces « chefs » de famille, dressés depuis l’aurore, dans une société patriarcale, à devenir les maîtres, lorsqu’ils portaient à leur bouche la première bouchée des mets simples et extraordinaires que leurs femmes avaient préparés dans leurs laboratoires privés ? Que ressent un homme dont la langue jusqu’alors saturée d’épices, de sauce, de viande, de crème, de sel, se rafraîchit subitement au contact d’une longue avalanche de glace et de fruit, juste un peu rustique, juste un peu grumeleuse, afin que l’éphémère le soit un peu moins, retardé par la déliquescence plus lente des petits glaçons fruités qui se disloquent doucement… Ces hommes ressentaient le paradis, tout simplement, et même s’ils ne pouvaient se l’avouer, ils savaient bien qu’eux-mêmes ne pouvaient le donner ainsi à leurs femmes, parce que avec tout leur empire et toute leur arrogance, ils ne pouvaient les faire se pâmer comme elles les faisaient jouir en bouche !

23 septembre 2007

Elles

   Je lui ai dit de se taire.
   C’est tout ce que j’avais trouvé pour arrêter un instant l’engrenage, au moins reculer l’échéance. Il a retenu son mouvement et m’a regardée avec ses yeux de brute, vides comme une nuit sans lune:
- Tu veux que je la ferme ? Moi ? Je n’ai rien dit, abrutie ! T’entends des voix !
- Ne l’ouvre pas, je t’en prie…
   J’ai vu un éclair de compréhension dans son regard fou, et puis un mauvais sourire sur ses lèvres épaisses. Il a brandi son couteau suisse et il l’a ouverte comme un porc. Elle s’est vidée à gros bouillon. C’est tout juste s’il l’a regardée. Sans doute devait-il déjà la considérer comme un cadavre. Il en a mis partout, de ce liquide poisseux et âcre, qui colle à la peau et à l’âme. À moi de nettoyer tout ça, d’effacer les traces de son crime devant Dieu. J’ai l’habitude maintenant. Je me suis endurcie. Je sais.

   Avant, je me doutais bien qu’après son travail à l’abattoir, il ne rentrait pas directement à la maison. Où allait-il traîner, je ne voulais pas le savoir. Pas savoir où filait sa paye ; pas identifier les odeurs sur ses vêtements ; oublier mes cauchemars avec elles comme les gros titres des journaux ; tout encaisser plutôt que ses coups. Jusqu’au jour où il en a ramené une à la maison.
   Je m’en rappellerai toujours, elle était là, petite au creux de la banquette, impassible, rutilante de paillettes aux reflets noirs et rouge. Superbe. La beauté du diable.
- Je t’en supplie, Reza, pas devant moi, pas chez nous…
- Chez moi ! Et je fais ce que je veux !
   Je me suis ruée sur elle, je voulais la balancer sur le pallier, mais il m’a envoyée valser d’une seule gifle. Quand j’ai repris mes esprits, il l’avait prise, il l’étreignait dans ses mains de boucher, et quand il en a fini avec elle, il l’a fracassée contre le mur du salon. Une horreur ! J’ai réussi tant bien que mal à faire disparaître tous les morceaux du cadavre avant la visite de l’imam. Quelle honte !
   Ils sont cachés dans le placard avec celles qu’il n’a pas brisées.

10 septembre 2007

Le VRP

L’horloge indique 22h30 mais elle est en avance. Elle m’accompagne partout, cette petite horloge, aux quatre coins de la France. Elle est de tous mes coups. Je viens d’ailleurs d’y jeter un coup d’œil pour savoir combien de temps il me reste à tirer, et je me concentre à nouveau sur ces deux trous où s’introduire.

Je suis VRP. Je vends tout et surtout n’importe quoi, tant que cela me permet de sonner aux portes, de planter mon sourire carnassier dans l’entrée entrebâillée, et glisser des regards insidieux dans l’échancrure des vies privées. Ce sont presque toujours des femmes qui m’ouvrent, de ces ménagères de moins de 50 ans que les pubards cherchent à baiser, alors qu’il suffit de sonner à leur porte avec une gueule d’amour. Dès le premier regard, je sais si je vais conclure l’affaire. Après quelques questions stratégiques, je sais quand et comment. Je me suis spécialisé dans la petite bourgeoises engoncée dans un mariage sous lexomil, piégée par les marmots et les crédits à taux variable, mais prête à vivre la grande aventure entre la purée du déjeuner et le chocolat du goûter : trois heures de ménage maquillées en rêve à bon compte auprès d’un beau sentimenteur. Alors elles m’ouvrent tout, de leur chambre à coucher à leurs rêves télévisés, elles s’ouvrent jusqu’au cœur pour que je les cambriole.

Je suis VRP, officiellement. Tout s’est très bien passé cet après midi avec ma cliente. Elle m’a même fait la bonne surprise du mari en voyage d’affaire pour la semaine, alors j’ai tout mon temps. No Stress. Ça va glisser comme dans du beurre. Maintenant qu’il fait nuit, il ne me reste plus qu’à décider comment la violer. Devant moi, deux trous. Celui de gauche est ouvert, pas béant, non, juste ouvert, prêt à ce que j’y pénètre. L’autre est fermé, prêt à être forcé. Entre les deux, un espace incertain, rouge brique. Inutile de risquer la blessure, je vais opter pour la fenêtre de gauche. Il me semble bien que c’est celle du bureau. Le fric est dans le tiroir du bas.

05 septembre 2007

Vacances au Cap

Il faisait beau ce soir là, et même encore chaud. J’aime bien cette région. J’y vais chaque été. La plage, les dunes, je ne m’en lasse pas. Il y a toujours du spectacle, et je peux vous dire que ça chauffe ! Depuis le temps que j’y vais, je me suis fait des copains et on ne loupe pas une rencontre. S’il n’y a qu’un groupe d’hommes pour regarder, ce sera nous. Bon, autant vous le dire tout de suite, c’est pour les initiés. Vu de loin, ça a l'air sauvage, voire bestial. Mais non, faut pas croire, c’est assez bien organisé, il y a des règles. Avec un peu d’habitude, on sait quand et comment ça va se passer, et si ça vaudra le coup de sortir tout l’attirail. Ce soir là, on savait tous que tôt ou tard, cela allait finir par arriver. Depuis le temps qu’ils se tournaient autour…

Ce sont des jeunes, leur tenue légère met en valeur leur corps qui n’a rien à envier à ceux des pros qu’on voit à la télé sur les chaînes privées : les hommes virils, au buste large, aux cuisses épaisses, aux bras puissants, de vraies bêtes ! Les femmes en raffolent, qu’elles se l’avouent ou non. Ah les femmes ! Parlons-en, elles ont beau faire leur mijaurée, ce sont bien toutes les même, de fieffées… je n’en dirai pas plus. Bref, ils s’approchent tous les uns des autres. Ils se la jouent un peu : démarche chaloupée, poitrine bombée, sourires en coin. Ça à beau être des amateurs, nous qui faisons cercle autour d’eux, on sent bien qu’ils ne sont pas venus faire de la figuration. Ils ne vont pas faire semblant, eux, pas comme ces mauviettes qui débandent dès qu’il s’agit de s’engager à fond. Il va y avoir du spectacle, c’est sûr ! Le groupe se resserre. Ils se frôlent, ils se provoquent. Ça parlemente aussi. Nous, de loin, on n’entend pas ce qu’ils se disent, mais on ne peut pas s’approcher plus près, ils arrêteraient tout et on se ferait jeter. Ils doivent négocier leurs positions respectives, décider qui va prendre qui. Rien qu’à voir les regards qu’ils se jettent, on sait que ça va chauffer. La tension monte. Ils se frottent les uns contres les autres. Ça m'excite ! À côté de moi, papy sort ses jumelles. J’ai oublié les miennes. Il doit voir tous les détails de ces préliminaires, ce vieux salaud, jusqu’aux gouttes de sueur ou d’autre chose… Il a l’impression d’y être, c’est sûr, peut être même que ça lui rappelle sa jeunesse : il est du coin, papy Du Plessis. J'entends sa respiration s’accélèrer. Il doit s’y croire, au beau milieu des peaux luisantes, à étreindre le corps de ses partenaires. Ce genre de spectacle devrait être interdit aux ancêtres, ils risquent de faire sauteur leur pacemaker ! Nous, les plus jeunes de la bande, nous ne sommes peut être même pas en touche, mais il suffirait qu’ils nous désignent du doigt, qu’ils nous fassent signe de les rejoindre, et on fonce dans le tas ! Oui Monsieur ! On n’est peut-être pas de la toute première fraîcheur, mais à quarante-cinq balais, on se tient la dragée haute, si vous voyez ce que je veux dire, et on tient sûrement mieux la distance que bien des jeunots !

Ça y est ! Ils ont pris position : Face à face et au signal, ils pousseront tous en même temps. Une poussée bien pénétrante... Oh putain con ! Ils se sont emboîtés comme au tétris. On entend leurs râles d’ici. Ils y vont à fond, cuisses contre épaules, et les mains étreignant la taille ou le cul de leurs partenaires. L’introduction n’a pas traîné au milieu de cette mêlée incertaine, mais avec ces types là, une chose est sûre, mieux vaut ne pas avoir le ballon au risque de se faire plaquer aussi sec ! Ah ! Ah ! Si les nôtres jouent comme ça dans quelques jours, ce n’est pas cette année que le XV de France battra nos Springboks !

_________________________________________________

J’en profite pour donner un petit coup de pouce au charmant blog d’une vraie amatrice, ici…

03 septembre 2007

Double vie

            Rémi s’attarda dans la chambre des enfants. Après avoir sacrifié au rituel des devoirs en inspecteur des travaux finis, il s’allongea à même le sol et s’offrit au feu roulant de leurs questions. Dans une société qui ressemblait désormais à un vaste centre commercial, Rémi entendait se battre tant qu’il était encore temps pour leur éviter de finir en citoyens-consommateurs tout en les aidant à compléter un puzzle entamé un dimanche de pluie.

85708408b6aa894c96c42fe5fbdc0cc4.jpg


            « Qui sont ces gens ? Demanda Virginie en désignant le couvercle de la boîte. On les connaît, au moins, j’espère… »
            À quoi avait pensé leur parrain en leur offrant de reconstituer Californie 1955 ? Certainement pas à mal. Pourtant, dans le registre des amours illicites, rien n’était plus suggestif que cette photographie en noir et blanc, dont l’admirable organisation plastique rehaussait la qualité poétique. Un surréaliste n’en aurait pas renié l’esprit, ni la lettre.
De prime abord, sa composition pouvait déstabiliser les logiques les mieux établies tant elle s’apparentait à un montage. Après analyse, au premier plan on devinait la partie avant d’une automobile vue de dos. Au second, la mer dans la douce lumière d’un coucher de soleil. Et entre les deux un rétroviseur dans le reflet duquel une femme laissait éclater sa joie de vivre, le visage reposant sur le bras d’un homme. Une diagonale invisible traversait l’image et la séparait en deux mondes. Dans sa partie supérieure, les nuages, l’eau, la terre. Dans sa partie inférieure, les humains, le fer, le verre. Un discret chef-d’œuvre jusque dans ses ambiguïtés et la richesse des interprétations qu’elles suscitaient. D’où pouvait bien sourdre la vraie force, d’elle ou de lui ? Que cachait ce sourire carnassier : une volonté de pouvoir ? Et cette attitude conquérante : le refus de laisser son destin lui échapper ? Le plaisir l’emportait-il sur le bonheur ? Qu’importe après tout. Cette étreinte mouillée de sel marin conservait son mystère, lequel se réfugiait dans le cou à demi couvert de la femme. Erwitt tenait là son Angelus.
            « Des gens qui s’aiment, tout simplement », dit Rémi. Tant qu’à faire, dès qu’il en avait l’occasion et dans la mesure où c’était sans conséquences, il était le genre de père qui préférait donner à ses enfants des mensonges qui élèvent le genre humain plutôt que des vérités qui l’abaissent. La fabrication de l’icône aurait pu en être une. Les personnages auraient pu être des modèles, payés pour poser. Faire semblant. Simuler le sentiment amoureux. Contre de l’argent. Il préféra évoquer l’humour du photographe, et le génie déployé avec naturel pour faire rire et pleurer, son but suprême.
            […]
            Avaient-ils une idée de ce qu’était la vraie vie de leur père ? Au fond, ce qu’ils pouvaient savoir importait moins que ce qu’ils devaient sentir. Le jour où il le comprit, le fardeau s’allégea aussitôt. Son chaos intérieur leur resterait insoupçonnable, du moins pendant un certain temps. Comment aurait-il pu leur expliquer, alors qu’il n’aurait su se l’expliquer à lui-même, qu’en cet instant précis il songeait que, dans la langue de Médée, un même mot désigne suicide et infanticide.
            Quand vint l’heure de l’extinction des feux, il remonta les draps jusqu’à leur menton et leur caressa le front. Avant d’y déposer un baiser, il fut pris d’hésitation et songea à ce que ses lèvres avaient embrassé, à ce que ses doigts avaient caressé quelques heures auparavant. Bien qu’il les eût énergiquement savonnés avant de passer à table, il ne put se défaire d’un malaise, la sensation que cet acte des plus tendres prenait un tour pornographique. Et que les grandes lèvres vulvaires de Victoria [sa maîtresse, ndrl], dont il conservait encore le goût salé, s’apposaient par sa douteuse intercession sur la peau la plus pure qui fût, celle de ses propres enfants. Alors, pour la première fois de la soirée il se sentit souillé.

Pierre Assouline, Double vie

28 août 2007

Sera-t-elle sèche ou mouillée ?

C’est toujours sur le point d’y pénétrer qu’on se pose la question: sera-t-elle sèche ou mouillée ? Avant, on ne pense même pas à ce détail prosaïque, seul compte le but, qu’il soit hygiénique, voire sportif, ou tout simplement pour le plaisir. C’est ce que je réponds, moi, quand on me demande pourquoi j’y vais si régulièrement : « pour le plaisir ». Inutile d’entrer dans des détails plus intimes, trop obscurs. Comment pourrais-je expliquer la fébrilité que je ressens chaque mardi, dès le matin, lorsque je sais qu’en sortant du bureau le soir venu, j’irai y lâcher mon trop plein d’énergie, et toutes mes frustrations accumulées depuis une semaine ? Comment dire l’exaltation adolescente qui me saisit en chemin, qui me ferait presque y courir, la même inaltérable émotion depuis que mon père m’y a emmené la toute première fois ? Comment raconter un sourire équivoque, un corps de femme à moitié nu, la bourrade virile des autres qui m’invitaient à la suivre, les escaliers que je ne pouvais pas monter tant mes jambes étaient lourdes, l’air narquois des autres femmes devant le souffle de ces premiers désirs dans mon slip toutes voiles dehors, l’émotion des ablutions, l’eau, et comment j’ai plongé en elle ? Comment raconter un premier amour ?

Quand on arrive, on vous salue amicalement. On vous connaît depuis toutes ces années. On règle les formalités d’usage, et on en choisit une de libre, souvent la même. Pour moi, c’est toujours l’avant dernière porte au fond à gauche. Lorsqu’elle est prise, j’attends tranquillement mon tour, même si d’autres sont disponibles. J’ai mes habitudes, et l’attente n’est pas vraiment un problème. C’est même le meilleur moment. On peut laisser la chaleur des lieux vous envahir tout doucement avant de se déshabiller. Il fait si froid dehors. On peut même fermer les yeux, et chercher les fragrances d’eau de toilette masquées par l’odeur caractéristique qui vous a assailli dès l’entrée, légèrement âcre, mais devenue indissociable du plaisir qu’on va prendre. On entend les piaillements des plus jeunes, les bougonnements des plus vieux, l’agitation derrière la porte close qui vous fait rêver à Dieu sait quoi, qui laisserait presque croire qu’un peu de fantaisie pourrait se glisser entre les gestes mécaniques et pressés. Enfin, ce dont on est sûr, c’est que ce sera bientôt son tour, et on se sent bien dans cette attente là. À vrai dire, je n’aime pas être le premier. Plus tôt dans la journée, c’est toujours sec, et un peu trop propret à mon goût. Ce n’est pas que j’aime la saleté, mais non seulement les va-et-vient des autres avant moi humidifient l’endroit, mais il me mettent d’emblée dans l’ambiance : leur passage m’inscrit dans une certaine continuité, presque une tradition. On se sent ainsi plus à son aise, moins à l’étroit. On se lâche en regardant leurs traces comme des promesses d’ivresse. Ça y est ! Le gars précédant vient de sortir, encore rouge de l’effort et les cheveux humides, et je pénètre enfin dans la cabine de la vieille piscine municipale.

17:50 Publié dans Fictions | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : Littérature

23 août 2007

Erreur de jeunesse

Au hasard des liens, je suis tombé sur une note amusante qui m’a rappelé de vieux souvenirs. On en fait des conneries quand on est jeune, et avec l’âge ça ne s'arrange pas…

Un jour, une fessue me tenta l’impudeur. Cela faisait quelques jours que je l'avais repérée. Elle était assez grosse, mûre mais encore ferme, et sans doute bien juteuse. Belle à croquer, bonne à baiser. J’attendis la bonne occasion, qu’il n’y ait personne dans les parages pour saisir ma proie et m’isoler avec elle. Je n’y allai pas par quatre chemins: Je pris mon opinel, je le lui enfonçai dans le trognon, et je lui évidai le fondement en un tournemain ! La salope coulait déjà sur mes doigts. Son cul ouvert à ma mesure, je m’enfermai avec elle dans les toilettes. En moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire, j’avais la culotte aux chevilles. Je bandais comme un gamin de seize ans, avec une perle de sève printanière au bout du gland, prête à couler encore et plus encore. Je m’assis sur la cuvette, face à la chasse, cuisses écartées, et je plantai ma victime sur mon pieu comme un bonnet phrygien au quatorze juillet de l’an I. Il n’y eut pas de feu d’artifice. Non seulement elle était glacée - elle sortait du frigo - mais impossible de lui mettre plus que le bout de ma queue : déjà je cognais au fond ! Moi qui croyais m’envoyer en l’air avec une bonne grosse un peu mûre, j’avais l’impression de me taper une petite pucelle frigide ! Je la forçai. Ce fut le drame. Ses chairs éclatèrent sous la pression, s’ouvrirent entre mes mains et coulèrent tout au long de ma hampe jusqu’au fond de la cuvette. À la fin, j’en étais réduit à me masturber avec ses bouts de peau pendant que ma mère tambourinait à la porte : "t'es pas malade ?"

Quand j’étais adolescent, j’avais des fantasmes primeurs. Après tout, pourquoi n’y en aurait-il que pour les gourmandes de gros concombres ? Mais les poires, vraiment, ça ne tient pas ses promesses.

15 août 2007

Entre ses cuisses

cliquez ici pour lire ma note...

Aujourd’hui, je suis sur le gril.

Venez m’assaisonner tel une tranche d’aloyau chez Aloysius Chabossot

(mais vous pouvez aussi venir y tailler une bavette).

11 août 2007

L’enfer

 c2b7a772a64d5ec6585b07b0825765a9.jpg 

En 2006, je fis sur Internet la connaissance d’une jeune femme à laquelle je fixai un rendez-vous dans l’obscurité d’une salle de cinéma sans que nous nous soyons jamais vus auparavant. Il s’agissait pour elle de me deviner à mon seul regard parmi les quelques hommes seuls présents, et de me reconnaître à mon caleçon noir lorsqu’elle s’attaquerait à ma braguette. Mais elle n’était pas au bout de ses surprises…

Ce défi avait fait l’objet d’un récit entre fiction et réalité, publié sur Extravagances et aujourd’hui disponible en pdf après quelques modifications.

01 août 2007

Pour ou contre le roman feuilleton ?

La farce - romanJ’ai quelque chose à vous avouer, mais quelque chose de si commun que cela frise la vulgarité. Bon, tant pis, je me lance : Voici quelques mois, j’ai commencé la rédaction d’un roman. Le problème est que je suis bloqué depuis presque autant de mois aux alentours de la centième page.
Ce blocage n’est pas dû à un manque d’imagination car l’intrigue est malheureusement toute trouvée : c’est un récit autobiographique, une histoire étonnante que je n’ai encore jamais évoquée ici. Mes récurrentes questions de forme ne sont sans doute pas étrangères à cet échec : comment faire cœxister dans un même récit des lettres et une analyse psychologique dans le genre  descente aux chandelles ? Dois-je coller à la réalité ou prendre quelques libertés avec elle ? Mais en vérité, le plus gros problème demeure le temps disponible pour rédiger ce roman, car force est de constater que depuis la naissance de mon blog, mon roman n’a guère progressé.
J’en suis donc venu à me demander si l’un ne pouvait pas servir l’autre. Si je ne pouvais pas « publier » mon roman sous forme de notes régulières sur mon blog, voire quotidiennes, comme de nombreux romans du 19ème siècle avaient d’abord été publiés dans des journaux sous forme de feuilletons, avant de l’être en librairie. L’immense avantage pour moi serait de me mettre la pression, de me forcer à l’achever sans pour autant sacrifier ce blog et donc le lectorat potentiel de mon roman. L’inconvénient pourrait être de tuer le potentiel de ce roman en offrant son contenu pour ainsi dire à tous les vents.
En plus de cette question de fond, il y a les questions de forme : Quelles sont les contraintes à respecter pour ne pas lasser mon lectorat ? Quelle devrait être la longueur de chaque épisode ? Devrais-je les intercaler entre mes notes « habituelles » ? Devrais-je par exemple en profiter pour augmenter le rythme de mes notes sur Extravagances, et repasser à une note quotidienne, dont une sur deux correspondrait à deux ou trois pages de mon roman, éventuellement au format pdf comme c’est fait sur deux mille kilomètres ?


Je sollicite donc votre avis et vos idées avant d'entreprendre cette expérience. Vos commentaires sont plus que jamais bienvenus !

29 juillet 2007

Le gage

e22e0711e6a35e008d3cf0122f456220.jpg

 

Après avoir perdu un défi, une jeune femme est contrainte de relever un gage imposé par son amant : s’exhiber en voiture à la nuit tombée devant un groupe de voyeurs lubriques.

 

Cette fiction érotique avait été publiée sur Extravagances sous forme d’un petit feuilleton. La voici revue et corrigée au format pdf.

 

_________________________________

 

Cette note est la première de la nouvelle rubrique « nouvelles érotiques » où je vais (ré)éditer quelques histoires érotiques au format pdf afin d’en faciliter l’impression et la lecture partout où cela vous fera plaisir, de la cuisine à la salle de bain en passant par vos draps roses, bande de petites canailles !

23 juillet 2007

Sept: L’orgueil

445a90b4001bec7ad71ef73e70d0080b.jpgNon seulement Agnès venait de blesser mon orgueil de jeune mâle en me traitant d’enfant, mais elle me laissait en plan en ignorant mon unique argument : ma verge orgueilleusement dressée. J’ai traîné ma rage jusqu’aux cuisines où j’espérais trouver quelque chose à boire pour me rafraîchir les idées. Je suis tombé sur Lucienne qui préparait un énorme gâteau antillais.

En héritant du château, Delavigne avait aussi hérité de son personnel qui se limitait à une seule personne, l’incontournable Lucienne. L’infatigable Martiniquaise employée là depuis plus de dix ans s’était révélée indispensable avec tout l’entretien qu’exigeait l’orgueilleuse bâtisse. La trentaine bien sonnée, la grande Lucienne illuminait la vieille demeure de son rire généreux, ainsi que de ses formes qui ne l’étaient pas moins. J’en ai eu un bel aperçu en arrivant dans la cuisine : un rouleau à pâtisserie en main, Lucienne étalait mollement de la pâte à tarte. Penchée en avant, je voyais ballotter ses gros seins libres de toute contrainte dans l’échancrure de son chemisier chamarré, tandis que par derrière, toute l’ampleur de sa croupe remplissait sa courte jupe : « Vous êtes venu me regarder travailler, monsieur Christophe ?
- Laissez tomber le Monsieur, Lucienne, vous me donnez l’impression d’être un souteneur ! Un petit coup de main ? »

Sans attendre sa réponse, je suis venu derrière elle, tout contre, et j’ai posé mes mains sur les siennes qui tenaient le rouleau à pâtisserie. D’abord interdite, Lucienne a continué d’étaler la pâte dans son mouvement langoureux. À chaque fois qu’elle se penchait en avant, mon buste venait frôler son dos, et la bosse qui n’avait pas quitté mon entrecuisse frottait contre ses reins cambrés. Plus la pâte s’étalait, plus les mouvements de Lucienne prenaient de l’ampleur, et plus les frottements de ma verge turgescente s'affirmaient dans la raie de son cul fabuleux. Je n’en étais encore tenu éloigné que par un peu de tissus, juste un voile qui me séparait de l’antre de ses trésors, de sa caverne d’Ali baba que je brûlais d’ouvrir de la pointe du gland. Notre petit jeu a continué jusqu’à ce que la pâte soit étalée sur toute l’étendue du plan de travail, plus fine que du papier à cigarette. « Vous me donnez chaud, Monsieur Christophe ! Je transpire de partout… partout…
- Moi aussi, vous me donnez chaud Lucienne ! » Je n’ai pas jugé bon d’en dire plus. J’ai lâché le rouleau pour attraper ses gros seins au travers de son corsage. Je les sentais peser dans la paume de mes mains comme des melons de Cavaillon. J’avais envie de les triturer comme la pâte à tarte. J’ai détaché quelques boutons pour glisser mes mains dans son chemisier. Sa peau était douce et chaude. De la pointe du doigt, j’ai étalé le filet de sueur qui serpentait entre les ballons de ses seins tel une source en Alsace. Lucienne s’est retournée d’un seul coup. Elle était toute dépoitraillée. Mes yeux admirèrent ses seins lourds et fermes, aux larges aréoles plus sombres que le reste de sa peau tabac, et dont les tétons pointaient fièrement. Contre la vitre de la cuisine vrombissait une abeille prise au piège. « Vous voulez que je vous rafraîchisse ? M’a-t-elle dit avec une lueur vicieuse dans le regard.
- Avec des yeux comme ça, je veux bien tout ce que vous voulez. »

Lucienne a récupéré une dizaine de glaçons à la porte du frigo américain dans un grand verre à coca. D’un geste sûr, elle a dégrafé ma ceinture, et déboutonné mon jean qui est tombé à mes pieds. Sans me quitter des yeux, elle a plongé sa main dans mon slip avec un sourire énigmatique. Ses doigts se sont refermés sur mon phallus tendu à l’extrême, ont agrippé mes couilles ramollies par la chaleur. Enfin, accroupie devant moi, Lucienne a lentement abaissé mon slip tout au long de mes cuisses. « Hmmmm… Jolie petite queue, m’a-t-elle dit. Bien dure en tous cas. Je vais vous faire durcir les couilles aussi, tu vas voir mon garçon ! ». Non seulement mon orgueil n’avait pas fini d’être mis à mal, mais joignant le geste à la parole, Lucienne a pris un glaçon dans le verre pour le plaquer sur mes testicules. J’ai serré les dents. La sensation était à la limite de la douleur, mais pas question de passer pour une chiche molle. Je ne me suis pas dégonflé, dans tous les sens du terme et d’ailleurs, mes couilles se sont vite rétractées pour la plus grande joie de ma tortionnaire. « Je les préfère comme ça, me dit-elle, comme des boules de glaces avec la banana split. D’ailleurs, c’est comme ça qu’elle va te déguster.
- Elle ?
- Allonge toi sur la table, et laisse toi faire ! »

À suivre

19 juillet 2007

Sept: L’envie

90730d08dc2d8caca8f8aa3ab040ac25.jpgVoilà 3 jours que j’étais chez les Delavigne, cerné par le papier à fleur, les horloges comtoises et les coucous suisses. Comment peut-on vivre dans une aussi belle maison décorée avec autant de mauvais goût, avec aussi belle femme honorée avec tant de mauvaise grâce, dans une région à la gastronomie aussi renommée et laisser sa propre fille se gaver de bonbons jusqu’à gonfler comme une baudruche ? Après avoir brossé en une seule phrase le tableau - et suggéré l’action - voici les détails où, comme chacun sait, se cache le diable.

C’est Monsieur Delavigne en personne qui m’avait réveillé après mon arrivée fracassante. Il m’avait trouvé en train de ronfler sur le volant de l’alpha dont le capot avait épousé la forme du tronc du prunier cinquantenaire. Le vieil arbre s’en était tiré avec quelques fruits écrasés, l’alpha était bonne pour la casse et moi pour quelques jours de repos avec un poignet foulé. C’est ainsi que je me suis retrouvé dans une chambre mansardée, aux bons soins de Madame Delavigne, jolie femme à la quarantaine éclatante, infirmière de son état et châtelaine dilettante. Laissez-moi, ami lecteur, dresser le portrait complaisant de ma bienfaitrice, telle qu’elle m’est apparue ce matin là, dans la chambre où Delavigne m’avait installé, ou plutôt telle que je l’ai dévisagée des pieds à la tête lorsqu’elle est apparue au seuil de ma chambre: Des chevilles fines, des mollets musclés nacrés de soie, une robe à fleurs légère qui soulignait la finesse de sa taille et la plénitude de ses hanches, une gorge pulpeuse dont le décolleté suggérait la profondeur du plaisir qu’on pouvait y trouver, des bras minces et dorés, un cou gracile tout au long duquel coulait la cascade noire de ses cheveux de jais qui encadraient son visage triangulaire aux pommettes saillantes, où luisaient le vert de ses yeux et le vermeille de ses lèvres au goût framboise, quoique cela, je ne le savais pas encore : « Bonjour ! Jean-Paul m’a dit que vous étiez un de ses étudiants de passage dans la région ? Je me présente, Agnès Delavigne.
- Enchanté, Christophe Vagant. Oui, je ne pensais pas m’arrêter très longtemps, mais je crains que ma voiture en ait décidé autrement.
- Et bien tant mieux, si vous me permettez mon égoïsme ! Moi, je suis ravie de vous accueillir chez nous. On ne voit jamais personne dans cette grande maison ennuyeuse. Je vais vous remettre sur pied, et vous redonner toute la vigueur de votre jeunesse !
- Je n’en doute pas un instant, Madame.
- Entre nous, appelez-moi Agnès.
- Avec plaisir… Agnès.
- À très bientôt Christophe. »

Si Agnès ne prenait pas son rôle de châtelaine au sérieux, il n’en était pas de même de son époux qui avait décidé de se reconvertir dans la viticulture. C’est ainsi que depuis des mois mon professeur en préretraite courait la campagne sept jours sur sept, de 6 heures du matin à 10 heures du soir. Il n’avait pas encore produit une seule goutte de vin mais le soir venu, notre brave homme était ivre, mais ivre de fatigue et il s’effondrait de sommeil parfois même avant d’avoir atteint son lit. Son comportement tenait-il de la fuite face à l’étreinte conjugale qu’Agnès appelait de tous ses vœux malgré l’inéluctable déclin glandulaire de son époux ? Peut-être bien, me dis-je aujourd’hui avec une sollicitude dont j’étais à l’époque incapable dans ma vingtaine arrogante. Moi, tout ce que je ressentais, c’était de la jalousie, de l’envie pour sa demeure seigneuriale abandonnée au mauvais goût, et pour sa jolie femme abandonnée aux caresses solitaires. Si lui voler la première m’était impossible, prendre la seconde était à ma portée.

L’occasion s’est donc présentée un après-midi particulièrement torride trois jours après mon arrivée. Je déambulais dans les couloirs du « château » à la recherche d’un peu de fraîcheur lorsque j’ai croisé Agnès, les joues rouges d’être surprise dans une tenue quelque peu indécente. Elle revenait de la cuisine avec un grand verre de glaçons à la main. Elle avait dû le passer sur ses bras et sur sa poitrine pour se rafraîchir un peu, mais les gouttes de condensation avaient laissé de larges auréoles transparentes sur sa robe à bretelles en coton blanc, dont une surlignait un téton bien dressé après le passage de la glace dans une zone si sensible. Je l’ai arrêtée au passage sous le prétexte de lui emprunter quelques glaçons. « Vous permettez Agnès ! » ai-je dit en retirant mon tee-shirt, et sans la quitter des yeux, j’ai fait courir un glaçon sur mon torse, insistant bien sur mes pectoraux et mes épaules, jusqu’à ce qu’il fonde complètement, laissant derrière lui une trace luisante et quelques gouttelettes qui perlaient sur ma peau bronzée. Face à moi Agnès, dont le visage virait à l’écarlate, semblait tétanisée. Seuls bougeaient ses yeux verts écarquillés qui couraient sur mon corps d’éphèbe tels deux petites bêtes traquées par un prédateur nommé désir. De temps à autres, la pointe de sa langue rose passait rapidement sur ses lèvres sèches, presque subrepticement comme pour échapper à ma bouche gourmande à quelques centimètres de la sienne. J’ai pris un autre glaçon dans le verre. « Vous permettez Agnès ? » ai-je dit en posant le glaçon sur son épaule sans lui laisser le temps de répondre, et je l’ai lentement fait glisser sur sa nuque. La réaction souhaitée ne s’est pas fait attendre : ses paupières ont vacillé, sa bouche s’est ouverte pour happer l’air qui semblait soudain lui manquer et sa poitrine s’est gonflée, les pointes de ses seins hérissées qui frôlaient ma peau. Mes lèvres sont parties à l’assaut des siennes comme une charge héroïque tandis que je l’étreignais fougueusement, abandonnant le glaçon dans sa robe. Il est tombé jusqu’au creux de ses reins, bloqué par ma main qui lui malaxait les fesses au travers de sa robe mouillée. Les mains d’Agnès, elles s’affolaient sur mon dos, agrippaient mes muscles saillants, griffaient ma peau, me repoussaient et m’attiraient contre elle dans un même mouvement éperdu. Dès que ma bouche abandonnait la sienne, juste le temps de lui laisser reprendre son souffle, la pauvre femme murmurait des « non… non… » avant que ma langue s’emmêle positivement dans la sienne Sa main droite, doigts en éventails et paume plaquée contre ma peau luisante de sueur, glissa tout au long de mon torse jusqu’à tomber sur la bosse outrageuse que formait ma verge gonflée dans mon jean… Soudain, Agnès m’a repoussé violemment contre le mur en criant « Non ! Je ne peux pas ! Pas avec un enfant ! », et elle a couru en larmes jusqu’à la porte de sa chambre qu’elle a claquée derrière elle.

À suivre

17 juillet 2007

Sept: La colère

d12433f7a65fcff8fb0a5ac891640884.jpgAoût 1988. J’étais encore célibataire à cette époque là, mais j’avais une copine, Evelyne, une fille à papa à laquelle j’étais sérieusement accroché, enfin autant qu’on peut l’être à vingt ans. Pour fêter mon premier contrat d’embauche, je l’avais invitée avec toute notre bande d’amis inséparables - des copains de la fac désormais perdus de vue - autour d’une pizza dans un restaurant de la grande banlieue parisienne. Elle fut bien arrosée, cette pizza, et pas que d’huile pimentée, de sorte que nous étions tous passablement excités. Enfin presque tous sauf moi, car j’ai toujours eu un peu de mal à supporter le vin qui me fait systématiquement piquer du nez.

Quand je l’ai relevé de mon assiette, les copains commençaient à lever le camp pour aller investir une boite de nuit : "Où est Evelyne ? Ai-je demandé à Paul face à moi.
- Aux toilettes, je crois, m’a-t-il répondu.
- Tu peux garder un œil sur mes affaires, je crois que je vais y aller aussi !
- Pas de problème Christophe."

Les toilettes étaient mixtes. Il n’y avait que deux cabines dont une seule de libre. Pendant que je m'y soulageais la vessie, j’ai entendu un soupir provenant de celle d’à côté. Ce n’était pas le genre de soupir qu’on lâche au cours des efforts qu’on est censé faire en ces lieux. En tendant l’oreille, j’ai eu la nette impression qu’il n’y avait pas une mais deux voix qui provenaient de cette cabine : une voix d’homme, et une voix de femme. En écoutant avec encore un peu plus d’attention, il m’a bien semblé reconnaître celles d’Alain et de Djamila ! Ah, Djamila ! Elle cachait donc bien son jeu, la coquine, sous ses airs de musulmane effarouchée. Quant à Alain, cela ne m’étonnait pas du tout de lui.

Toujours est-il que leurs murmures explicites qui montaient crescendo commençaient à m’exciter sérieusement, et j’ai eu l’irrépressible envie de me rincer l’œil. J’ai précautionneusement posé mes pieds sur le rebord de la cuvette, je suis monté dessus en prenant garde de ne pas glisser, afin de les mater par-dessus la cloison de séparation à l’aide d’un miroir que j’avais toujours sur moi à cette époque. Oui, je dois l’avouer, ça aussi : j’étais un maniaque de la raie rectiligne, bien au milieu du crâne. Pour avoir une vue plongeante, on peut dire je l’ai eue. Une vue à tomber à la renverse: La fille avait tout de la pornstar dans l’attente du cliché choc : Jambes tendues à la verticale, ouvertes comme un compas sur une carte de marine, elle était penchée en avant, le dos à l’horizontal et les mains accrochés aux les bords de la cuvette pour maintenir sa position. Ses fesses cambrées émergeaient de sa robe bleue troussée jusqu’à la taille, telles deux atolls de sable blanc dans les vagues du Pacifique. Sauf que le clapotis n’était pas celui des vaguelettes qui agonisent sur une plage. C’était celui de sa chatte au mouillage sous les assauts d’une verge, ou plutot une vergue épaisse comme bitte d’amarrage, longue comme le beaupré d’un brick qui lui emboutissait la poupe après lui avoir fendu l’étrave : un shorty pourpre pour ultime entrave, d’un ensemble en dentelle de chez Charmel pour lequel j’avais claqué une bonne partie de ma première paye ! L’image était floue, ma main tremblait. J’ai perçu le sourire béat du corsaire, sabre au clair, son visage renversé en arrière, ravagé par l’orgasme, et j’ai croisé son regard quand il a refait surface. « Merde ! est-il seulement parvenu à articuler en voyant mes yeux fous dans mon miroir de poche.
- Que se passe-t-il Alain ? Tu as encore déchiré le préservatif ? a soupiré Evelyne en se tournant vers lui.
- Non, pire. "

Je n’ai pas écouté la suite de leurs atermoiements. Je me suis rué à l’extérieur des toilettes avec une envie de tuer. De retour à la table, j’ai vidé le contenu du sac à main d’Evelyne sur les restes de la pizza. J’ai récupéré entre deux olives les clefs de son coupé Alfa-Roméo que « papa » venait de lui offrir pour son anniversaire. Quand je l’ai entendue arriver derrière moi en me disant qu’elle allait m’expliquer, je l’ai allongée d’une gifle sur la table, au milieu des assiettes sales. Moi, je n’avais pas d’autre explication à donner alors je suis sorti sur le parking. J’ai visé le coupé Alfa flambant neuf. J’ai démarré en trombe histoire de le roder, et je suis parti n’importe où mais ailleurs. Sur l’autoroute, entre 180 et 200, je me suis souvenu d’un prof de la fac qui avait hérité d’un petit « château » dans le bordelais : Mr Delavigne, un nom prédestiné. Je ne sais pas trop pourquoi il s’était pris d’amitié pour moi, mais il m’avait proposé de venir le voir dans sa propriété viticole si je passais dans la région cet été là. J’y étais au petit matin.

Devant le portail de sa propriété, aussi gironde que girondine, je n’ai pas eu le cœur de réveiller les Delavigne aussi tôt, mais après avoir passé quatre heures dans la voiture d’Evelyne à respirer son parfum – elle portait un parfum très cher qui collait à tout ce qui lui appartenait – je ne pouvais plus la supporter. J’ai repéré un vieux prunier au bord de l’allée de gravillons blancs qui menait au portail. Avec ce qui me restait de lucidité, j’ai évalué la vitesse qu’il me faudrait atteindre pour y planter l’Alfa sans me faire trop mal en sautant en marche. Du coup, il ne m’en restait plus pour penser à détacher ma ceinture de sécurité avant, et j’ai perdu connaissance en m’encastrant dans l’arbre.

À suivre

09 juillet 2007

La Bambouseraie (1)

9099a1d86628cc6d0d2df9ece726e1cc.jpgJ’ai un peu hésité à révéler publiquement une adresse qui ne s’échange actuellement que de bouches à oreilles, mais moi qui suis toujours friand de bonnes adresses « non-conformistes », j’ai décidé de vous révéler un scoop. Car s’il est un endroit non conformiste dans un libertinage codifié, cet hôtel atypique en mérite vraiment le titre.

C’était un jeudi après midi, je n’avais pas vu Mathilde depuis de trop longues semaines, et j’avais décidé de lui offrir une soirée mémorable. De cet hôtel choisi pour abriter nos ébats, je ne savais pas grand chose à part ce qu’on avait bien voulu m’en révéler: « Un hôtel de charme à trente kilomètres de Paris. Un charmant parc clos arboré. Une petite piscine entourée d’un jardin particulièrement attrayant. Chambres à thèmes, louables à la demi-journée. Exclusivement réservé aux adultes. Discret, tout récent, succès fulgurant. » Je pris donc le risque d’y inviter Mathilde au vu du sourire radieux de celle qui m’avait donné cette adresse, même si la réponse à mes questions était invariablement « vas-y, tu ne seras pas déçu ».

Nous arrivons en fin d’après midi devant le portail du mystérieux hôtel la Bambouseraie, ouvert sur un son parc clôturé par un haut mur de pierres. Au centre, une maison bourgeoise style 19ème s’élève sur deux étages. Je gare la voiture sur le petit parking aménagé sur le côté, nous prenons nos bagages avant de monter les quelques marches du perron, et je sonne, le coeur battant. J’avoue que j’étais un peu angoissé à l’idée de devoir trouver un autre hôtel en catastrophe après avoir rebroussé chemin devant une chambre calamiteuse. La porte s’ouvre. Un charmant majordome moustachu nous fait entrer dans un hall cosy, style art déco, aux antipodes du lupanar dans lequel je craignais de tomber. Après avoir vérifié notre réservation, il nous donne le choix entre trois chambres : La chambre "Sherazade", déco orientaliste style mille et une nuit ; La chambre "Excalibur", médiévale avec (fausses) pierres apparentes et lit à baldaquin ; Enfin la chambre "Proust", style 19ème cosy avec bibliothèque de classiques érotiques. Les quatre autres chambres thématiques "Louis XV", "Titanic" (cabine de paquebot style art-déco), "Peplum" (style antique, toges fournies), la suite "Poséidon" (luxueuse chambre pour quatre personnes avec Jacuzzi privatif) ainsi que les trois chambres standards sont déjà prises. Nous optons pour Sherazade (145 euros la nuit, de midi à midi, mais il est aussi possible de la louer pour 75 euros de 12h à 17h, ou 115 euros de 18h à midi !) et nous suivons le réceptionniste qui emporte galamment nos valises vers notre nid douillet.

Murs ocres, tentures rouges, arabesques décoratives, lampes en cuir et léger parfum d’encens, la chambre chaleureusement accueillante offre un lit irrésistible recouvert de coussins qui appelle nos galipettes. « Je vous laisse défaire vos bagages et je vous invite à me retrouver dans le hall lorsque vous souhaiterez visiter toutes les installations à votre disposition », nous dit-il avec un large sourire. Avec ce début de canicule, nous optons pour une bonne douche dans la large salle de bain joliment décorée avec sa robinetterie en cuivre. Enfin, vous vous doutez bien qu’à ce moment là je n’étais guère attentif à la plomberie. Les fesses pleines de mousse de Mathilde se frottaient par inadvertance contre mon sexe turgescent, à moins que ce soit l’inverse. Bientôt, ses hanches cambrées vinrent percuter mon phallus dressé au gland rougeoyant, avec la régularité des vagues qui s’écrasent contre un phare juste avant la tempête, nos reins ceints de mousse et d’écume et nos baisers en embrun. Et d’un ras de marée Mathilde à fini par engloutir l’orgueilleux feu de mon désir. Nous ne descendons dans le hall qu’une heure plus tard, nos sens exaucés mais encore taraudés par la curiosité.

Nous y trouvons le réceptionniste en compagnie d’un jeune couple qui vient visiblement d’arriver, une jolie blondinette et un grand frisé, la petite trentaine. Nous attendons qu’il termine avec eux. « ... toute heure commencée est due. Vous pouvez donc rester une heure, ou deux heures car il faudra absolument libérer le cabinet de gynécologie avant 20h. Il est réservé pour 21h. Vous comprenez, le temps de désinfecter les accessoires... ». J’avoue avoir du mal à masquer mon étonnement devant cette conversation surréaliste, et je regarde stupéfait le couple qui s’éloigne dans le couloir en pouffant de rire. Ravi de son effet, le réceptionniste se tourne vers nous et nous explique la nature des fameuses installations à notre disposition: « La Bambouseraie offre des prestations uniques. Vous pouvez louer des coins câlins thématiques, à l’heure, et jouir de leurs installations en toute intimité. Nous disposons d’un salon gynécologique, avec table d’examen, blouse blanche, spéculum et autres gadgets paramédicaux. Un bureau avec fauteuil en cuir à bascule et photocopieuse, idéal pour un entretien de débauche. Un donjon SM avec liens, chaînes et martinets. Et enfin deux Jacuzzis, un petit et un grand pouvant accueillir six personnes! ». Nous qui rêvions de faire l’amour dans l’eau ! Mathilde a visiblement la même idée que moi et nous sommes sur le point d’opter pour le petit Jacuzzi (30 euros la première heure puis 8 euros l’heure supplémentaire) mais le gérant nous répond que nous ne pourrions en profiter qu’une demi-heure car il est déjà réservé. « Avec ce beau temps, il serait dommage de ne pas profiter de notre piscine découverte naturiste, ajoute-t-il. Suivez-moi ! »

À suivre…

05 juillet 2007

L’amour en miettes

Il y a, au coeur de Genève, une île. Un îlot tout au bout du lac Léman, cerné par les cygnes et les canards. L’eau y est si claire qu’on peut voir le fond bleu, tout proche de la surface, lorsque le soleil a fini de jouer à cache-cache avec les nuages. On y accède en traversant un petit pont réservé aux piétons. Ce jour là, j’y marchais derrière Jeanne en tirant ma valise derrière moi. Jeanne m’a montré l’enclos grillagé qui ceinturait cette presqu’île, à peine plus grosse que la pile de ce petit pont qui enjambe le bout du lac. L’enclos, à l’intérieur duquel pataugeaient les canards, est toujours ouvert. On se demande bien à quoi il sert, si ce n’est de perchoir aux pigeons qui viennent s’y aligner. Sur notre île, il y a deux bancs. Ils étaient pris par des petits vieux venus quémander des miettes de soleil. Alors avec Jeanne, on s’est assis sur le rebord du bac à sable déserté par les enfants. J’étais un peu triste. Pas vraiment déçu puisque je ne savais vraiment pas à quoi m’attendre avec elle ce jour là. Bien sûr j’étais content de retrouver ma maîtresse, tout au moins celle que je considérais comme telle depuis quelques années. Même si nous ne nous étions pas vus depuis des mois. Même si notre liaison n’en finissait pas d’agoniser depuis les Chandelles et le reste. Elle était toujours aussi séduisante. J’avais longtemps espéré pouvoir passer avec elle cette journée à la montagne dont elle m’avait parlé depuis plus d’un an, journée sans cesse repoussée jusqu’à ce que la neige fonde complètement, et qu’on atteigne le mois de Mai où elle avait finalement pu prendre une demi-journée de congés pour me voir cette après-midi là. C’était déjà pas mal. J’avais donc pris le train de Paris pour Genève le matin même, et j’avais tiré ma valise jusqu’au rebord du bac à sable d’où nous pouvions voir les canards, et un moineau aussi, qui venait mendigoter quelques miettes à nos pieds. J’ai passé ma main sur la nuque de Jeanne.

- Tu ne me facilites pas les choses tu sais, me dit-elle en fixant l’eau du lac.

J’ai retiré ma main. Elle avait des choses à me dire. Des choses délicates. J’ai toujours eu du mal à comprendre les choses délicates. Je les écoute, je les entends, mais j’ai du mal à les retenir, un peu comme si mon esprit sombrait dans la brume. Elle me disait donc ces choses délicates et je regardais le moineau, tout près.

- Je n’ai rien à te donner ! Rien ! Va-t-en ! Disait-elle au moineau qui ne comprenait rien du tout, lui.

Moi, j’ai compris que nos chemins risquaient de diverger. Jeanne m’a dit qu’elle avait beaucoup avancé ces derniers mois. Elle savait maintenant ce qu’elle voulait faire de sa vie. D’abord, quitter son mari. C’était inéluctable, elle ne l’aimait plus. Après, elle vivrait seule un moment, et puis elle referait sa vie car il lui faudrait une relation stable. Moi, je ne savais même pas si j’aimais encore ma femme. En tous cas, je n’avais pas trouvé la réponse entre les cuisses des autres. Toujours est-il que je n’étais certainement pas un modèle de stabilité affective.

- Je ne peux rien te promettre Jeanne! Ai-je conclu.

Le vent était frais et Jeanne s’est rapprochée de moi. À son contact, j’ai étouffé un sanglot. Ca m’a pris sans prévenir, comme un éternuement, mais j’ai réussi à retenir le deuxième. Jeanne m’a attiré contre elle. Elle m’a regardé droit dans les yeux. Ses cheveux noirs battaient son visage sous les rafales du vent frais. Ils contrastaient merveilleusement avec les reflets moirés du soleil sur sa peau claire et ses yeux bleu acier. Jeanne était atrocement belle.

- Si tu as quelque chose à dire, c’est maintenant ! M’a-t-elle dit.

Je n’avais rien d’autre à dire. Rien à dire du tout. Je crois qu’elle m’a demandé si je l’aimais, ou si je l’avais aimé, je ne sais plus trop. Elle se demandait sans doute si je l’aimerai. J’ai toujours eu du mal à conjuguer ce verbe aux relents d’éternité. J’ai éludé la question en répondant que je ne savais pas comment appeler ces sentiments qui me submergeaient parfois. Elle voulait quitter son mari après dix ans de vie commune et deux jeunes enfants. Il en faut du courage. Moi, je n’avais pas la moindre miette d’engagement à lui donner, rien, pas même l’ombre d’un mensonge. Je ne sais pas pourquoi elle m’a embrassé à ce moment là. Peut-être pour aller chercher avec ses lèvres ce que les miennes ne savaient pas dire. Peut être parce qu’elle en a eu envie. Peut être par pitié. Ou tout simplement parce que j’avais réussi à lui dire qu’elle avait tout pour plaire, en tous cas pour me plaire. Toujours est-il que moi je lui ai rendu, son baiser, avec les lèvres et la langue, depuis le temps que j’en avais envie ! Et voilà qu’elle m’embrassait comme avant, comme au début, comme quand on se contentait d’un peu de présent volé entre l’imparfait et le futur simple. Je me suis levé pour mieux l’étreindre, pour sentir sa chaleur, et lui faire sentir ma bandaison contre son ventre. C’était bien ma seule promesse ferme.

J’ai pris tout ce qu’elle m’a donné, timidement, de peur que tout s’arrête. Sa taille d’abord, avec mon bras. J’en ai fais le tour pour mieux la serrer contre moi. Et puis j’ai hasardé ma main sur son sein. Jeanne m’a saisi le poignet. Je m’attendais à ce qu’elle repousse ma main, mais elle l’a glissée dans son décolleté, tout contre sa peau. J’ai fait rouler son téton entre mes doigts. Jeanne m’a touché les cuisses, et puis entre les cuisses, avec des regards coquins tout en surveillant du coin de l’oeil les passants sur le pont. Comme ils ne pouvaient rien voir, elle a commencé à jouer avec ma braguette, à la descendre, à la remonter, rien que pour m’exciter encore plus. Je la retrouvais diablesse et j’étais aux anges.

- Qu’est-ce que tu ferais si on était tout seul, qu’elle me dit ?
- Je te prendrais contre l’arbre, là, debout, avec tes cuisses enroulées autour de ma taille.
- Et si c’était la nuit ?
- Peut-être en levrette, tes mains sur la rambarde, toute dépoitraillée face au lac. Ça te plairait, hein, petite vicieuse ? Tu mouilles comme je bande ?
- Va savoir...

Avec le sexe, j’étais plus loquace qu’avec le coeur. Jeanne a glissé sa main dans ma braguette. J’ai senti ses doigts palper ma verge dure. J’étais à point. Elle a fini par retirer sa main à cause des gens qui se promenaient un peu trop près. Nous nous sommes assis de nouveau au bord du bac à sable.

- La prochaine fois peut-être... je te laisserai décider.
- Oui... J’ai envie de te reconquérir Jeanne.
- C’est pas gagné.

On s’est embrassés encore, et nous sommes revenus aux choses sérieuses. Jeanne m’a dit qu’elle ne voulait pas me forcer à quoi que ce soit. Que j’étais un papillon. Elle, elle allait suivre son chemin. Libre à moi de la suivre ou pas. En tous cas, lorsqu’elle aurait quitté son mari, elle rencontrerait quelqu’un, tôt ou tard, quelqu’un qu’elle ne connaissait pas encore, quelqu’un d’autre avec lequel refaire sa vie. Avec moi, elle aurait tout de même passé de bons moments. Elle avait les yeux un peu rouges. Comme j’avais un peu froid, nous nous sommes levés et nous avons quitté l’île. Quelques heures plus tard, en rentrant dans ma chambre d’hôtel où j’allais devoir tuer seul la nuit, j’ai souri en repensant au moineau. J’avais eu plus de chance que lui.
Moi, je les avais eues, mes miettes.

88f60d4c9d4f0ce5a2cb57953b3d0744.jpg


 

01 juillet 2007

Ma nuit mutine

Septembre 2004. À cette époque là, je fréquentais assidûment le forum Echangisme et Triolisme, avec la grosse envie de participer enfin au principal événement de ce forum : la fameuse « nuit mutine ». En gros, cela consistait à réunir tous les libertins et sympathisants, d’abord dans un café pour un apéritif vertical, puis dans un club libertin pour un repas que je qualifierais d’oblique, et enfin pour un moment de convivialité horizontale. Rien d’obligatoire, bien entendu, mais tout restant possible. L’entrée au club étant réservée aux couples, je parvins à trouver une accompagnatrice, Frédérique, quelques jours avant cette soirée afin de constituer le duo requis.

Sur le plan affectif, je me sentais, dans une situation transitoire selon l’expression consacrée par Jeanne. Jeanne, dont j’étais toujours amoureux, avait mit un coup de frein à notre liaison depuis notre désastre aux Chandelles. Alors que j’entretenais avec elle une relation exclusive, le sevrage auquel je fus soumis eut raison de mes velléités « monogames ». Ainsi avais-je cédé aux avances de Sarah, je m’étais perdu un soir d’ivresse entre les cuisses de Frédérique, et j’avais rencontré la pétillante Kundalini sans parvenir à la séduire. De ces écarts de conduite, je n’avais avoué à Jeanne que ma soirée de débauche en club avec Frédérique, puisque c’est ce qui me semblait le plus anecdotique, ainsi que ma prochaine participation à la nuit mutine. Jeanne avait pris la chose avec assez de philosophie, mais elle me fit une scène virtuelle sur messenger quelques jours plus tard en lisant le compte rendu de ma nuit mutine sur le fameux forum Echangisme et Triolisme :

Ce petit texte est profondément subjectif. Pas de synthèse, pas de digestion, mais quelques clichés in petto, instantanés d'impressions sur ma mémoire évanescente. Des rushs à couper au montage des mémoires d'un voyeur.

19h30, quelque part vers Montparnasse. Quelques taches de cirage liquide sur le carrelage d'un Franprix, mais mes chaussures brillent ! Après avoir soigneusement tamponné mes bottines, j'abandonne dans l'entrée de la supérette le tube tant désiré quelques minutes plus tôt, un peu comme un préservatif usagé qu'on aurait cherché dans le noir, à tâtons, pendant d'interminables secondes en priant tous les diables pour ne pas débander. Il est 19h35, je suis en retard mais pas encore à la bourre.

Aux alentours de 21h, au Select. Le visage émacié d'un grand type aux lunettes carrées, journaliste en pleine overdose de carrosseries après sa longue journée au salon de l'auto. "T'aime écrire ?" qu'il me dit, "alors on échange nos jobs, et je te file mes articles, moi, j'en peux plus des mots". Mais moi, les voitures, je n'y connais rien, les seules carrosseries qui m'intéressent sont toutes en courbes souples, avec deux tétons pour toutes pointes et pour lignes brisées des plis gracieux tout en haut des cuisses, des liserés de dentelles à la place de celles des portières et des escarpins en guise de jantes. Après tout, il doit bien avoir raison quand il me dit que les femmes en petite tenue sur les stands font vendre les voitures. Mais il est venu seul. Dommage pour lui de ne pas avoir pu en dévergonder une pour l'accompagner au club.

Vers minuit, au sous-sol du club Emmanuelle. Zoom sur les bretelles design de Zorote qui vient d'atterrir sur le forum et dans le libertinage. Il voit qui je suis quand je lui dis qu'un de mes meilleurs souvenirs de club est une petite exhibition sur le podium de l'overside, mes reins collés à ceux d'une gogo danseuse. "En fin de compte, ce n'est pas parce qu'on passe à l'acte qu'on a les meilleurs souvenirs" lui dis-je en guise de conclusion prémonitoire.

medium_cabaret.jpg

1h du matin, encore plus au fond du sous-sol du club Emmanuelle. Photo de famille au naturel en mode panoramique, avec, de bas en haut et de gauche à droite, monsieur Doubleo les yeux rivés sur le centre de la piste de danse, Frederique911 en grande discussion avec Venitia75 et EnvieDoser, Titinette tentant vainement d'attirer l'attention de Huskill qui est en train de brancher RiresEtCalins, Kundalini3 à la barre avec sa robe rouge Ferrari et dans un show dont elle a le secret, madame Doubleo au centre de la piste de danse, Kalain et sa Kalinette qui montent les escaliers en direction du bar pour aller s'en jeter un, Les Missty27 pas loin de Madelba pas loin de Buli92 pas loin de son rugbyman de mari au crochet du droit dissuasif.

Un peu plus tard, torse nu sur la piste de danse, tout contre elle. Macro sur les reflets iridescents des spots bleu sur sa peau tabac, là, juste sous la paupière droite, en dessous de ses yeux cafés où je perds pied, incapable de me raccrocher aux reflets ambrés de ses cheveux bruns, un peu flous au premier plan. Elle respire la sensualité, m'inspire un violent désir plaqué sur son aine, ma jambe droite entre les siennes entrouvertes, juste entrouvertes. Elle allume, met le feu un peu partout, pyromane qui s'amuse du haut de ses 26 ans, et qui suivra son instinct jusqu'au bout de la nuit. Juste l'instinct de son plaisir. Elle a tout compris. Derrière elle, Kalain contre ses reins donne le tempo.

Aux alentours de 1h30, près du bar. Un homme charismatique prend un glaçon pour l'appliquer sur le téton de Kundalini3, histoire de voir s'il se dresse bien sous l'effet du froid. Il doit avoir fait sa connaissance à peu près 2 minutes 30 auparavant alors que je discutais avec elle. 1 heure plus tôt il avait fait mettre torse nu tous les garçons présents sur la piste de danse, ce qui a donné un bon coup de fouets à la soirée. Certaines personnes ont une audace admirable. D'ailleurs l'expérience est concluante.

Plus tard dans la nuit, au tréfonds des coins câlins. Huskill à genoux dans la mêlée, dressé tel le mat du radeau de la méduse, prend une inspiration tantrique avant de donner des coups de reins dévastateurs à biiiip qui embrasse biiiiip avec biiiiip pendant qu'elle se fait prendre par biiiip. Raconté comme ça, on ne se rend pas bien compte de la beauté du tableau, mais quatre couples enchevêtrés dans la pénombre et un plaisir contagieux, ça fait drôlement joli. Quelques esthètes pointilleux pourraient peut être reprocher la trop forte dominante rose accentuée par la lumière rouge, mais c'est être bien difficile. Moi, j'aurais bien volontiers fait partie du tableau.

Un peu avant 3h du matin, aux pieds de la piste de danse. Deux couples à moitié nus tentent vainement de s'accrocher des serviettes autour des reins. Frédérique911 me masse les épaules, et je me laisse faire. Elle a de très beaux yeux Frédérique. Des yeux d'un bleu délavé poignant. Il est temps que je parte moins pour l'imminence de mon vol pour Londres que pour ne rien gâcher. Huskill me dit souvent qu'éjaculer c'est mourir un peu, que le sperme ça se contient, et que l'énergie vitale remonte alors le long du dos jusqu'à la tête. Moi, faut que ça sorte, ne serait-ce que par une salve de mots.

C’est donc ce récit d’une frustration sublimée qui avait entraîné la crise de jalousie de Jeanne. Elle n’avait pas supporté de lire ces mots là sur le forum, en même temps que tout le monde, sans que je ne lui en parle avant. À ce moment là, j’avais ressenti sa réaction comme une profonde injustice (après tout, je n’avais rien fait avec Kundalini) et une entrave à ma liberté d'expression. Je comprends aujourd’hui qu’on peut être plus jaloux d’un désir  frustré que d’un désir assouvi : il conserve son énergie potentielle dévastatrice.

11 juin 2007

Grease

La grisaille sordide n'avait rien, mais vraiment rien pour lui remonter le moral. Assise derrière la vitre de ce vieux bar tabac miteux, son regard se perdait au loin, après la buée de son souffle sur la vitre, plus loin que la pluie dégoulinante, au delà du carrefour, dans le magma grisâtre d'où Il surgirait sûrement, forcément, un jour. Ou peut être une nuit. Abrutie de fatigue après une journée à ne rien faire, elle regardait les verres qu'elle avait alignés, se refusant de les compter avant d'en prendre un dernier. Elle fit l'effort de tourner la tête pour croiser les yeux délavés du patron bedonnant qui la regardait sans la voir, comme tous les autres paumés qui traînaient là. Et en fouillant au fond de sa poche à la recherche du sésame de ses désirs liquoreux, elle réalisa que le patron ne la regardait pas. Non, il comptait, lui.

Elle sentit enfin du métal froid au bout de ses doigts, de quoi la réchauffer un peu. « Attention, se dit-elle, qu’est-ce que je vais sortir de ma poche... Jackpot ? Black Jack ? Cent balles ! Tu parles... même pas de quoi me payer un café ! ». Elle balaya du regard la salle encombrée en se demandant comment elle pourrait claquer sa monnaie. Flipper ? Elle était bien trop bourrée pour le bourrer aussi, mais pas encore assez pour y glisser sa dernière pièce. Le vieux Pakman ? Un beur y jouait son RMI, et elle n'avait pas encore d'instincts suicidaires. L'antique Juke Box ? Il était peu probable qu'il marche encore, elle n'avait jamais vu personne s'en servir, mais il était juste derrière elle, même pas besoin de se lever ! « Allez hop ! Marmonna-t-elle, voyons voir, s’il peut me chanter quelque chose de gai ! ». Les titres n’étaient guère engageants :

1/ Ne me quitte pas
2/ Tout peut s'oublier
3/ Même le temps perdu
4/ Grease

« Pas récent, récent tout ça, allez le 4 Hou hou hou » chantonna-t-elle. Elle se retourna et eut à peine le temps de voir les yeux écarquillés du patron, que la porte s'ouvrit avec fracas.

Cliquez pour avoir la musique...

I got chills they're multiplying
And I'm losing control
Cause the power you're supplying
It's Electrifying!

Sono à fond, Travolta déboule dans la salle, micro à la main, devant les badauds médusés. D'un mouvement félin, il fait glisser ses lunettes noires au bout de son nez, pour transpercer de son regard d'acier la fille scotchée au juke box. Et le voila qui entonne avec sa voix de crooner:

You're the one that I want ho ho ho honey
You're the one that I want ho ho ho honey

Mieux qu'un conte de fées, plus fort que tous ses rêves, elle se sent pousser des ailes ! Maman ne lui avait donc pas menti, le conte de fées est toujours possible. Il suffit d’y croire assez fort et de savoir saisir sa chance ! Alors la main que Travolta lui tend, elle ne la saisit pas, non, elle s'en empare, et il l'arrache de sa chaise pour une danse endiablée. Rock acrobatique. Olivia Newton-John n'a qu'à bien se tenir, elle va avoir de la concurrence. Et le voilà qui la saisit par la taille, la jette en l'air, la rattrape au vol. Elle écarte les cuisses, avant de glisser sur ses hanches. Elle sent bien qu'elle ne lui est pas indifférent, et il est pourvu le bougre. D'un coup de rein puissant, il la remet sur pied. Elle en a les jambes qui tremblent, mais elle ira jusqu'au bout du rêve.

Elle n'a d'yeux que pour lui, il n'a d'yeux que pour elle. Elle distingue à peine les clients du bar qui forment un cercle autour d'eux en battant des mains comme des groupies extatiques, et qui reprennent en coeur `Ho Ho Ho honey'. Même le patron saute sur son zinc pour y faire des claquettes ! Clic ! Clac ! Clic ! Clac !

Mademoiselle ! Mademoiselle ! La pauvre fille entrouvre des yeux révulsés sur l'interne des urgences qui lui assène des gifles à tour de bras, tandis que l'infirmière de garde se fait les ongles derrière lui et prononce un diagnostic définitif du haut de ses trente ans d'expérience: « Coma éthylique, docteur. Ne vous fatiguez pas, avec ce qu'elle a ingurgité, elle n'est pas prête de se réveiller ».
Mais entre ses paupières mi closes, la fille voit bien que les yeux bleus du beau docteur lui sourient.

11:15 Publié dans Fictions | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : travolta, Littérature

09 juin 2007

L’interrogatoire

   L’atmosphère était lourde et moite. Il n’avait pas plu depuis quelques jours sur Prague : L’air ambiant était gorgé d’eau, et d’une tension électrique presque palpable. « Il faut que ça pète ! » avait lancé la camarade Libczek au début de la soirée. « Il faut que ça pète, cette moiteur est insupportable ! » avait-elle renchéri entre deux lampées de vodka, et tout le monde avait acquiescé. Comme chaque premier jeudi du mois, le comité littéraire de l’université de Blogovsna s’était réuni chez Pavel.
   Pavel nous avait présenté la couverture de son prochain roman tout juste sortie de l’imprimerie. C’était une grande feuille cartonnée et brillante qui, une fois passée au massicot, donnerait trois couvertures. Les trois couvertures encore jointes formaient une sorte de poster dont la répétition du motif, avec le titre et le nom de Pavel en gros caractères, n’était pas dénué d’un certain esthétisme. La petite Zdena avait aussitôt proposé de l’afficher sur un des murs encore nus du salon de Pavel où nous étions réunis, mais tout le monde s’était accordé sur le fait que ce serait une marque d’égocentrisme indigne des valeurs du Parti, ainsi que du thème du roman : une satire des dérives capitalistes et égoïstes en Europe occidentale.
   Je n’étais pas venu seul à cette soirée, mais en compagnie d’Olga, une jeune étudiante de l’université, remarquée par notre comité pour la qualité de ses articles parus dans la revue hebdomadaire de littérature révolutionnaire à laquelle nous contribuions tous. Olga et moi étions tous deux de Moravie ce qui pouvait expliquer notre rapprochement, et le fait que nous étions arrivés ensembles, chargés de boissons et de spécialités Moraves. En ce temps-là, il était de bon ton de partager ainsi un repas frugal auquel chacun avait équitablement contribué.
« Et toi Ludvik, qu’as-tu apporté ? Me demanda Libczek.
- Une bouteille de Vodka. Je n’ai pas trouvé autre chose à l’aéroport de Cracovie.
- Tu viens directement de Cracovie ?
- Oui, je suis arrivé dans l’après midi. J’avais une réunion là bas. »
   Libczek n’épilogua pas sur le fait qu’à peine arrivé de Cracovie, j’avais probablement dû retrouver Olga quelque part au lieu de rentrer chez moi avant de me rendre à la soirée. Elle avait été interrompue par Vladimir qui souffrait encore du décalage horaire une semaine après son retour de Vladivostok, et avec lequel elle avait de fréquents apartés. La conversation dériva donc paisiblement sur le cours de notre petite revue littéraire, de nos articles des précédentes éditions et de leur succès auprès du public.
   Il n’était pas encore minuit lorsque je fis mine de partir. Je voulais rentrer chez moi à une heure raisonnable afin que mon épouse ne s’inquiète pas trop de mon absence. Or j’avais laissé ma valise chez Olga, et elle devait forcément partir en même temps que moi. Nous en étions donc à saluer les membres du comité lorsque Libczek nous interpella : « Vous couchez ensemble ? ».
   La question était tombée comme la foudre attendue. Mais la pluie annoncée n’était toujours pas là et j’eus une bouffée de chaleur. Mal à l’aise, il me sembla préférable d’esquiver la brutale question de Libczek: « Dans un de mes articles de notre revue littéraire…
- On s’en fiche de tes articles ! Réponds simplement à la question : Vous couchez ensemble, oui ou non ?
- Si tu avais lu mon article relatif au musée populaire, tu aurais compris que…
- La question est pourtant simple, Ludvik ! Je te demande si tu couches avec Olga. Tu réponds oui ou tu réponds non, c’est tout ! »
   En quelques secondes, le visage de Libczek avait changé. Elle n’était plus la talentueuse éditorialiste de notre revue, mais elle me fusillait d’un regard noir et perçant, celui qu’elle arborait lorsqu’elle animait le « cercle d’étude » de la faculté, qui se réunissait fréquemment pour procéder à la critique et à l’autocritique de tous ses membres, à partir de quoi chacun d’entre nous était noté. Ces notes alimentaient ensuite nos dossiers personnels au Parti. De cette appréciation dépendrait par la suite l’obtention d’une promotion, d’un visa pour partir à l’étranger, ou tout simplement l’autorisation de déménager. Notre cercle d’étude avait fini par prendre des allures de confessionnal publique et obligatoire dont Libczek était devenue la grande inquisitrice. Chargé de juger des affaires mineures dont les différents de voisinage dans la cité universitaire, Libczek s’y était particulièrement illustrée en sermonnant vertement une étudiante mariée qui exprimait trop bruyamment le plaisir conjugal que son jeune époux lui procurait généreusement, plaisir si fracassant qu’il empêchait de dormir sa voisine vieille fille. « N’avez-vous donc pas honte de manifester si bruyamment vos égarements vaginaux comme ces chiennes à films pornographiques qui submergent la bourgeoisie occidentale décadente ! » c’était alors écriée Libczek dans un accès de lyrisme révolutionnaire.
   C’était à ce visage furieux qu’Olga et moi essayions d’échapper en vain, elle tentant de plaisanter pour masquer sa gêne, moi de répondre à mots couverts: « Mon article rédigé conjointement avec Olga était classé à la rubrique reportages.
- Et alors ?
- Et bien j’y avais raconté sous mon pseudonyme bien connu comment j’avais rencontré Olga, et ce n’était pas une fiction.
- C’est tout de même incroyable ! Tu n’hésites pas à publier des récits, dont nous avons tous remarqué les dérives vaginalistes, et tu ne peux pas me dire si tu couches avec Olga ! »
   En me mettant face à un paradoxe, Libczek me poussait à la justification, et par conséquent à accepter le glissement de cette réunion informelle en séance d’autocritique. Debout au centre de la pièce, elle la présidait déjà. À ses côtés, de part et d’autre, Pavel et Marketa, debouts eux aussi puisqu’ils étaient sur le point de me saluer, me faisaient penser à deux greffiers. Derrière moi, mon fidèle ami Vladimir officialisa malgré lui la séance en me proposant son aide : « As-tu besoin d’un avocat, Ludvik ? »
   Le problème n’était pas tant de reconnaître l’évidence que de mettre des mots dessus, parce que je savais trop bien que face à Libczek, les premiers aveux en appelleraient d’autres, et que je risquais fort de me trouver officiellement convoqué au Parti. Un acte, en revanche, pouvait répondre à sa question sans me faire entrer dans l’engrenage des aveux. Aussi me tournai-je vers Olga, je l’empoignai par les épaules, je l’attirai à moi et lui fit un violent baiser. Nos dents s’entrechoquèrent. « Es-tu satisfaite ? Demandai-je à Libczek.
- Cela ne veut absolument rien dire ! Il m’est arrivé d’embrasser des copains par pure provocation ! » Disant cela, elle recula d’un pas.
   Abattu, je finis par me rasseoir, et j’admis verbalement ce que je venais de démontrer physiquement : « Oui, murmurai-je dans un souffle.
- Non, s’écria Olga, pourquoi l’as-tu dit ?
- Vous allez donc passer la nuit ensemble ! » renchérit Libczek.
   Sans attendre ma réponse qui, de toutes façons, ne serait pas venue, Libczek retourna à sa place, satisfaite du devoir accompli. Elle coupa l’enregistrement qu’elle avait discrètement enclenché avant le début de son interrogatoire. La bande magnétique rejoignit ainsi des milliers d’autres sensées assurer la subordination de toute la population Praguoise.

medium_bobine.jpg   Je viens de recevoir une lettre anonyme. Dans cette lettre, une bande magnétique. Sur cette bande, des voix oubliées. Le mur de Berlin est tombé depuis des années mais c’est seulement aujourd’hui que les documents des services secrets Tchèques ont été déclassifiés. On peut s’y replonger avec délice comme dans un vieil album de photos de famille.

07:45 Publié dans Fictions | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : Littérature

03 juin 2007

Lettre d’amour

Mars 2004. Autre hôtel, toujours Jeanne. Elle avait les cheveux assez courts, raides, auburn. Elle revenait des sports d’hiver, le visage halé, avec la marque des lunettes de ski comme un bandeau clair où étincelait le bleu de ses yeux. Je crois ne l’avoir jamais trouvée aussi belle que ce jour là. J’avais eu envie d’immortaliser quelques scènes, et j’ai posé la web cam reliée au PC sur le bureau dans la chambre de l’hôtel. Quelques mois plus tard, j’ai évoqué ce moment là lorsque que je lui ai écrit cela :

Te souviens-tu mon tendre amour, du jour où tu m'as demandé de t'attacher ? Tu voulais être dominée, soumise à mes caprices les plus extravagants. Tu me voulais sévère, inflexible, si loin de la tendresse habituelle de nos ébats amoureux. Ce rôle ne m'est pas familier, mais je me suis piqué au jeu. J'avais sous la main quelques accessoires faciles à pervertir, mon ceinturon, une bouteille de champagne, et je me suis composé le personnage du maître auquel on venait d'offrir une belle esclave. Je t'ai déshabillée, avec la lenteur calculée de celui qui ouvre un paquet cadeau, et qui jouit d'avance de découvrir une offrande bien connue mais dont il ne se lasse pas, la douceur de ta peau et ton parfum enivrant. Toi, tu me regardais avec tes grands yeux bleus, un sourire à peine esquissé au coin des lèvres, et j'ai du me retenir pour ne pas te serrer tendrement dans mes bras.

J'ai décidé de ne pas te déshabiller complètement, mais de te faire garder tes sous-vêtements, un délicieux petit ensemble de dentelle noire. Je t'ai ordonné de te retourner, pour que j'apprécie bien la marchandise dont j'allais jouir, et je t'ai lié les poignets dans le dos avec ma ceinture. Tu n'as pas pu réprimer ton sourire. Je t'ai ordonné de me sucer, et tu t'es exécutée de bonne grâce, à genoux sur le lit. Je vois encore tes lèvres fines coulisser sur la verge alors que mes mains extrayaient tes seins de leurs écrins de dentelle. Il me semble encore sentir la pression de ta bouche sur mon sexe, et au creux de ma main le poids de tes seins dont je torturais tendrement les tétons pointus.

J'ai gratifié d'un langoureux baiser la docile esclave que tu avais décidé d'être, et j'ai apaisé ta soif en offrant à tes lèvres avides mes doigts et ma langue mouillés de champagne. J'entends encore ton cri de surprise lorsque j'en ai versé un verre sur tes seins, tes gémissements de plaisir quand je les ai longuement malaxés, assis derrière toi, ma queue raide contre tes mains liées. Mais si je t'avais attachée, c'était pour mieux te donner la correction que tu appelais de tous tes voeux. Je t'ai couchée sur le ventre pour malaxer tes fesses, j'ai écarté ton string pour me repaître de la vue de ton intimité, et j'y ai versé un peu de champagne. Il t'inonda de partout, t'arracha des soupirs, et ma bouche gourmande pompa l'inondation pétillante.

Clac ! La surprise t'arracha un cri quand ma main s'abattit sur ta fesse droite, alors que mes lèvres câlines picoraient ta nuque pour faire diversion. Clac ! La gauche maintenant, et toujours ce petit cri. Tu ne t'y attendais donc pas ? Et clac ! À nouveau la droite ! Clac ! Encore la gauche ! Avec ce traitement, tes fesses prirent rapidement des couleurs, et il était grand temps de les rafraîchir. Une bonne rasade de champagne fit l'affaire, et je ne pus à nouveau résister au plaisir de laper les bulles sur tes fesses endolories. Cette alternance de douceurs et de sévérité eut tôt fait de te mettre dans tous tes états et tes petits cris de surprise se muèrent en longs soupirs d'un plaisir sans compromission, sous l'action conjuguée de mes doigts et de ma langue qui allaient et venaient dans tous tes orifices.

Bientôt la bouteille fût vide, ce qui la rendit paradoxalement bien plus utile. Cambrée au maximum, tu m'offrais sans pudeur le spectacle de ta vulve ruisselante de nectar, et elle accueillit le goulot de la bouteille que je vissai lentement dans ton sexe. Face à ce spectacle irrésistible, j'enjambai tes fesses qui pointaient en l'air, pour m'enfoncer à la verticale dans ton anus palpitant. Cette double pénétration te coupa le souffle, mais nous emporta rapidement vers une jouissance effrénée. Te souviens-tu mon amour combien tu as aimé ? Combien tu as aimé me donner carte blanche, te donner complètement, te livrer à mes fantaisies, puisque tu avais confiance en moi ?

Moi aussi j'aimerais vivre ces sensations là l'espace d'un moment, alors, pour nos retrouvailles nous inverserons les rôles. Je m'offrirai à toi sans réserve, et je te propose même un scénario comme cadre à ce fantasme, celui d'être le gigolo dont tu te paieras les services. Ton petit gigolo faute de pouvoir être ta petite pute à cause de ce que j'ai entre les jambes, un petit gigolo débutant, officiellement masseur, mais prêt à tout pour satisfaire ses clientes les plus exigeantes, et dont tu abuseras sans vergogne.

Tout d'abord, tu me paieras, histoire de donner le ton. Un petit passage sous la douche où tu inspecteras la marchandise d'un oeil critique, et puis le massage que je te procurerai avec application. Mon amateurisme n'échappera pas à ta sévérité, et ce ne sont pas mes éloges sur ta beauté plastique qui calmeront ton mécontentement, ni ta fureur qui ne tardera pas à éclater. Je te laisserai l'exprimer comme il te plaira, complètement soumis à tes désirs pervers, n'opposant qu'une fausse résistance pour t'exciter d'avantage. Inflexible, impitoyable, tu feras de moi tout ce que tu veux, tu pourras m'attacher fermement, me bander les yeux, me fesser brutalement, barbouiller mon visage de ta mouille pendant que je te laperai comme un chien, me déflorer l'anus avec le gode ceinture que tu viendras d'acquérir, ou me soumettre à d'inimaginables caprices. Mes "Non !" seront autant de "Oui !", mes "assez !" signifieront "plus fort !", toute ma virilité sera étouffée, réduite à mon seul phallus dressé, turgescent baromètre de mon plaisir, selon lequel tu pourras aller aussi loin que tu veux. Tu as carte blanche mon amour, montre moi ce dont tu es capable, je sais déjà la tendresse de notre étreinte à la fin de ce jeu.

Tout ce qui me reste du film de notre étreinte de ce jour là, ce sont quelques clichés, très tendres. J’ai détruit tout le reste pour ne garder que le principal, l’émotion.
En fin de compte, je n’aurai jamais été son gigolo servile.

medium_decouvert.jpg


 

27 mai 2007

Angoisses balnéaires d’un quadragénaire

medium_plage.jpg


Je suis arrivé au bout du chemin. Devant moi, des chairs rougeâtres, luisantes, des corps dénudés, alanguis, qui s’étendent à perte de vue. Après plus rien. Si, une énorme étendue d’eau. J’ai posé le pied sur le sable brûlant qui ne me laisse que quelques secondes pour trouver où étendre ma serviette. A côté de cette bande de banlieusards qui rigolent assis en rond ? Derrière ce couple de petits vieux réfugiés sous un parasol hors d’âge ? J’opte pour une position plus tactique à côté d’une allemande qui rissole, les ray bans dirigées vers un magazine style Voici en version teutonique.

J’ai horreur du soleil. Ça me fait rougir comme une écrevisse. Alors je garde mon tee-shirt,  même si ça masque les vestiges de mon corps d’athlète. Mais si, j’ai de beaux restes ! Je pourrais entretenir une bouée à la Kro alors que je n’ai qu’une calvitie naissante habilement masquée par une casquette I Love NY dont la visière empêche mon pif de ressembler à une bite rougeâtre et tuméfiée. A propos, je me couche sur le ventre c’est plus sûr, avant de laisser aller mon regard sur les seins bruns et galbés qui reposent à portée de main…

« Vous voulez que je vous mette de la crème ?» Je me rends compte du ridicule de ma question devant son regard interdit. Bien sûr, elle ne parle pas un mot de français, ni moi un mot d’allemand alors vaille que vaille, j’empoigne un des tubes dont sa serviette est cernée, j’en extrait une généreuse noix de crème bien onctueuse, je la recueille au bout de mes doigts fins et délicats, et je l’étale sur sa peau nue. Son sourire béat est la meilleure des invitations et je passe de ses épaules à sa poitrine, progressant géométriquement vers la pointe de ses seins comme si je dessinais une coquille d’escargot. Et ça lui plait ! Je le vois à ses tétons qui se dressent au fur et à mesure, à son visage qui ne rougit pas qu’à cause du soleil, à son regard brillant qui m’éblouit même derrière ses lunettes solaires…

La femme a soulevé ses ray bans pour me fusiller d’un regard impitoyable. J’ai eu beau rester sagement sur ma serviette à la distance réglementaire, le voile qui a dû passer devant mes yeux aura trahi la nature de ma rêverie, ce que mon sexe ne démentirait pas. Heureusement que je suis sur le ventre. Je songe un instant à amadouer le gorille à tête rouge qui vient de se redresser à ses côtés, le rictus menaçant, mais je me souviens à temps qu’il pourrait mal interpréter la vue de mes dents, et je préfère contempler le mégot de cigarette qui émerge du sable, juste sous mon nez, dans une position de parfaite soumission comme je l’ai vu à la télé dans nos amies les bêtes.

Une partie de mon champ visuel m’étant désormais rigoureusement interdit, je décide de tourner la tête de l’autre côté, vers la mer et ses reflets ultra violets qui agressent aussitôt mon visage à grands coups de photons cancérigènes. Je regarde les promeneurs en ombres chinoises. Surtout les filles. Immanquablement mon esprit est assailli par une chanson, J’aime regarder les filles de Patrick Coutin, véritable ode à la frustration sexuelle qui a bercé mon adolescence.

 

podcast

J’aime regarder les filles qui marchent sur la plage
Quand elles se déshabillent et font semblant d’être sages
J’AIIIIIIIIMEEEEEEE
J’aime leur poitrine gonflée par le désir de vivre
Leurs yeux qui se demandent : mais quel est ce garçon ?
J’AIIIIIIIIMEEEEEEE

D’ailleurs il y en a une qui me plaît beaucoup. Je me demande si elle est majeure. Ses petits seins haut perchés, caressés par une cascade de cheveux bouclés qui coule sur ses épaules, s’écoule entre ses frêles omoplates, ses reins couleur tabac, ses fesses rondes et pleines et ses bras qui enlacent le cou du surfeur, sa planche sous le bras, les cheveux en bataille et les dents blanches. Ce soir, en boîte, j’irai la draguer. Assise au bar, elle regardera avec condescendance son petit ami faire le mariol, décidément trop jeune pour elle. Moi, sûr du charme de mes tempes grisonnantes et de mes churchs toutes neuves, j’irai m’asseoir à côté d’elle et je lui proposerai un Malibu. Elle acceptera en minaudant avant de m’avouer qu’elle déteste le surf, qu’elle a besoin d’un homme qui peut lui apprendre les choses de la vie, d’un homme mûr alors que ce petit con la délaisse, et qu’il a besoin d’une bonne leçon. Alors ils partiront à l’hôtel et moi je les suivrai. Arrivés dans la chambre elle le déshabillera avant de l’attacher sur le lit et de m’ouvrir la porte. Il gueulera comme un putois quand elle le fouettera, flagellant son gros vit long et large qui crachera toute sa rage pendant que j’enculerai la fille, et je les regarde s’éloigner tous les deux, enlacés, amoureux, tout au bout de la plage.

Il était temps que je me réveille, je ne peux vraiment plus bouger sans risquer d’être interpellé pour outrage aux bonnes mœurs. Il ne me reste plus qu’à regarder droit devant moi, en espérant tomber sur un spectacle qui ne m’échauffera pas les sens, et en voyant les deux petits vieux toujours planqués sous leur parasol je me dit que je mes vœux ont été comblés au delà de mes espérances. Ils écrivent une carte postale. Ils le font à deux vu l’ardeur de la tâche, ils le font à deux comme tout le reste d’ailleurs, à deux comme les deux pieds d’un boiteux qui avance cahin-caha. La vieille a oublié ses lunettes, éternel prétexte pour masquer ses fautes d’orthographe, et elle dicte la lettre à son mari, en hurlant parce qu’il a oublié sa prothèse audio, éternel prétexte pour avoir un peu la paix. Alors toute la plage en profite :

« MON PETIT PIERRE, NOUS AVONS UN TEMPS MAGNIFIQUE À PALAVAS LES FLOTS. IL FAIT MÊME UN PEU CHAUD. QUEL DOMMAGE QUE TU NE SOIS PAS VENU ! TU MANQUES BEAUCOUP À TA VIEILLE MAMAN ET TON VIEUX PAPA… »

Le vieux sue à grosses gouttes parce qu’il est obligé d’écrire de plus en plus petit. Je l’entends maugréer d’ici. S’il avait oublié ses lunettes, il s’en serait tiré avec un « il fait beau grosses bises », mais là, il va devoir tout écrire, et il sent bien que ce n’est pas fini.

« …NOUS PENSONS BEAUCOUP À TOI EN VOYANT LES PETITS ENFANTS À QUATRE PATTES SUR LE SABLE. DIRE QU’IL N’Y A PAS SI LONGTEMPS TU SAUTAIS SUR MES GENOUX. À PEINE 35 ANS, DÉJÀ… »

Le vieux a arrêté d’écrire. Il fait semblant. De toutes façons elle ne pourra pas relire. Juste une petite tromperie sans importance. Je me demande depuis combien d’années ils ont arrêté de baiser. Et je sens une petite main se poser sur moi : « Papa ! Papa ! Fais-moi un château ! »

25 mai 2007

La vendeuse

medium_galeries.jpgJ’ai rencontré Irène il y a une semaine. Elle vendait des maillots de bain pour hommes aux galeries Lafayette, entre les serviettes de plage et les lunettes de soleil. Je ne sais pas trop pourquoi je suis entré dans ce magasin d’ailleurs, car j’avais tout ce qu’il me fallait, même du temps à tuer. Je ne l’ai pas vue arriver derrière moi. « Je peux vous aider Monsieur ? » me proposa-t-elle d’une voix douce et chaude. « Heu... non, merci, je regardais simplement », dis-je en levant les yeux vers elle, un sourire de circonstance agrafé sur mon visage, sourire qui se transfigura en une expression béate : son physique qui s’accordait parfaitement à sa voix sensuelle me fit aussitôt regretter d’avoir refusé son aide. « N’hésitez pas à faire appel à moi si vous avez besoin de quelque chose », ajouta-t-elle avec une moue ingénue.

Est-ce le trouble de mon regard qui lui avait fait ajouter cette formule commerciale, ou bien son sourire était-il trop candide pour être honnête ? Comme d’habitude, j’étais en train de m’embourber dans mes questions masculines existentielles, les yeux rivés sur son postérieur qui tanguait au rythme de sa démarche chaloupée, mais qui s’éloignait inexorablement vers tous ces hommes qui brandissent leurs chiffons par-dessus les cabines d’essayage, sous prétexte d’avoir une autre taille ou un autre modèle. « Mademoiselle ! Mademoiselle ! » L’interpellai-je sur un ton déjà pitoyable. Elle fit aussitôt volte-face pour revenir vers moi, le port altier, le regard plongé dans mes yeux éblouis, tel un model de chez Channel qui fixe l’objectif du photographe, avant de se planter devant moi, la pointe de ses seins au point de tutoyer ma poitrine : « Vous voulez essayer un maillot ? » Me demanda-t-elle d’une voix à la fois rauque et suave. « Heu, oui, celui-ci… » répondis-je en prenant le premier qui me tombait sous la main, mon regard perdu dans le décolleté plongeant qui s’ouvrait sous mes yeux comme un abîme de luxure. J’eu à peine le temps de lire son prénom sur son badge, « Irène », que la sculpturale vendeuse se retournait déjà en m’ordonnant « Suivez-moi ! » tout en me lançant par-dessus son épaule un regard alléchant comme une fausse promesse électorale.

J’avais beau savoir que je n’avais rien à espérer de cet essayage, je la suivis quand même, hypnotisé par sa croupe émouvante qui se dandinait sous mes yeux, mu par l’envie de la caresser tel un tantale lubrique assoiffé de désirs charnels.  Mais elle écarta le rideau de la cabine, autel de mes fantasmes sacrifiés, où je n’avais plus qu’à prier pour son prompt retour : elle était déjà partie vers d’autres tentures de velours, derrière lesquelles grondaient des clients impatients. Il ne me resta donc plus qu’à me déshabiller et enfiler le maillot choisi au hasard, par-dessus mon slip hygiène oblige. Horreur ! J’étais tombé sur un string rouge dont la ficelle avait un effet du plus ridicule entre mes fesses, surtout sur mon slip vert. J’en étais à me demander comment me dépêtrer de cette situation grotesque lorsque Irène écarta le rideau pour me demander si tout allait bien. J’étais cramoisi, plus de honte qu’à retenir ma respiration pour garder la poitrine bombée. D’autant plus que je n’avais pas retiré mes chaussettes. Néanmoins, il ne me sembla percevoir pour tout jugement qu’une lueur amusée dans son regard : « Ce string est fait pour vous, me mentit-elle effrontément, vous allez le prendre n’est-ce pas ?
- Moui… c’est que…
- Dans ce cas, je vous conseille de l’essayer normalement, sans votre slip vert, je reviens tout de suite, j’aimerais vraiment vous voir le porter… »

J’avoue que je n’étais pas mécontent de la tournure que prenaient les évènements. Certes, j’en serais quitte pour acheter un string que je n’oserais plus jamais remettre, mais pour le plaisir de faire le beau devant une jolie demoiselle… En quelques secondes j’étais fin prêt. La ficelle me gênait un peu entre les fesses, mais au moins il semblait être à ma taille. Je pris soin de retirer mes chaussettes.

J’attendais donc Irène, lorsque mon attention fut attirée par de légers gémissements provenant de la cabine à droite de la mienne, qui semblait bien abriter deux personnes. Soudain, un petit rire cristallin que je reconnu immédiatement : ma vendeuse ! Je commençais à trouver mon string un peu juste lorsqu’elle écarta les rideaux et surgit dans ma cabine. « Voilà qui est beaucoup mieux, dit-elle avec une moue coquine. Laissez-moi l’ajuster comme il faut, ajouta-t-elle en s’agenouillant sans façon devant moi. » Ses ongles carmins frôlèrent la peau de mon ventre, ajustèrent délicatement les élastiques sur mes hanches, poursuivirent leur course sur mes fesses, s’engagèrent dans leur sillon, prêts à suivre la couture de nylon au plus profond de mon intimité, mais s’arrêtèrent aux extrêmes limites de la décence. Je sentis son souffle sur mon nombril, sur mon sexe qui déformait outrageusement le string que je sentais désormais bien trop juste. Mais je ne le regardais pas, ni le visage d’Irène à quelques centimètres de ma bosse outrageuse : j’avais fermé les yeux depuis un moment, comme dans l’attente d’une délivrance. « Vous êtes très émotif, me dit-elle en faisant semblant d’ajuster au millimètre près mon string devenu microscopique. Je vous conseille un autre modèle, plus enveloppant, je vais vous le chercher !
- Mais… c’est que… vous êtes sûre ?
- Ne vous inquiétez pas, je vais vous aider à l’enfiler » conclu-t-elle avec une œillade provocante.

Irène referma le rideau pendant que mon sexe surgit du string comme la flèche d’un arc. Je retirai ce bout de nylon inutile, tournant le dos à l’ouverture au cas où Irène ferait une nouvelle entrée intempestive, et je me concentrais pour faire retomber mon excitation en entonnant un mantra yogi « Ahuuuuuuuuum…. »
Schliiiiiik fit le rideau derrière moi et Irène déboula à nouveau dans la cabine, un maillot bermuda bleu de grande marque à la main. Je me retournais vers elle, mes mains croisée sur mon bas ventre comme un footballeur face au coup franc, protégeant mon érection opiniâtre de son regard qui avait pourtant du en voir bien d’autres. « Mais… mademoiselle… ce maillot est hors de prix ! M’exclamai-je devant l’étiquette.
- Vous le valez bien », rétorqua-t-elle avec aplomb.

Elle se pencha en avant, la bouche en cœur, ouvrant largement ce maillot comme la gueule d’un loup, et je m’y jetai avec le soulagement d’y abriter ma fausse pudeur. En vain. Car Irène n’hésita pas à plonger la main dans mon maillot pour me faire une démonstration de ses exclusives poches et coutures spécialement conçues pour cacher les manifestations intempestives du désir masculin ! Ses doigts me palpèrent sans vergogne, glissèrent tout au long de ma verge, se jouèrent de mes testicules, revinrent exciter mon gland turgescent sans entamer le calme olympien avec lequel elle me décrivait les savantes fonctionnalités de ce maillot : « Voyez-vous cher Monsieur, cette petite poche anti-tâche à été spécialement conçue pour les éjaculateurs précoces.
- Hummmmmm… je vois…
- Mais visiblement cette fonctionnalité est pour vous inutile, ajouta-t-elle à deux doigts d’avoir tort.
- MADEMOISELLE !!!! Hurla l’homme dans la cabine de gauche, venez vous occuper de moiiiii !
- Vous prenez ce maillot n’est-ce pas ? me dit-elle hâtivement. D’ailleurs, on peut dire que vous avez de la chance aujourd’hui, les galeries Lafayette offrent trois maillots pour le prix de deux, et vous allez voir celui que je vous prépare, vous ne serez pas déçu, ajouta-t-elle précipitamment sans me donner le temps de répondre, avec pour ultime argument sa main toujours dans mon slip.
- Groumph… inarticulai-je.
- Parfait ! Je reviens tout de suite…

Voilà comment je me suis retrouvé au bord de l’explosion dans la poche anti-tâche, pris au piège dans une cabine des galeries Lafayette, soumis au bond vouloir d’une vendeuse perverse qui tenait au creux de sa main une demi-douzaine de mâles en rut. Je voulais me révolter mais je ne le pouvais pas, pris au piège par mon propre désir. Je ne pus qu’ôter mon slip de bain et le faire tournoyer comme un lasso au bout de mon doigt au dessus de la porte de la cabine, en scandant frénétiquement son prénom : IRENE !

23 mai 2007

I got to see you again



C’est cette note d’Ysé qui m’y a fait penser, alors j’ai fouillé dans les cartons pour retrouver le vieux CD. Lorsque je l’ai glissé dans mon PC, les souvenirs ont afflué comme une bouffée de chaleur.

podcast

Novembre 2003. J’avais proposé à Jeanne de tourner un film porno. Quelque chose d’intime et minimaliste, par et pour nous deux, avec ma web cam pour tout matériel de prise de vue. Jeanne m’avait semblé excitée par cette idée, et j’avais même imaginé un petit scénario éculé, celui de l’entretien d’embauche bidon où la pauvre candidate est contrainte de se masturber avec une carotte. Rien ne s’est passé comme prévu. Jeanne est arrivée très en retard à l’hôtel. Elle avait fait plus de 400 kilomètres en voiture pour me retrouver à Paris. Elle a pris un bain pour se détendre. Ensuite, elle est venue s’allonger sur le lit, nue. C’est là que j’ai commencé à filmer. Ma web cam à la main, je me suis approché d’elle.

Jeanne est étendue sur le ventre, hilare de se voir en même temps sur l’écran de mon PC. On entend ma voix.

- On va faire le tour, lui dis-je, on va faire le tour du propriétaire !
- Oh non ! Quelle horreur !
- Si ! si ! Hum…

L’image glisse tout au long de son dos pour terminer sa course sur ses fesses rondes.

- Je ne me suis jamais vue sous cet angle là, s’étonne-t-elle.
- Alors je vais bien te prendre sous cet angle inavouable !
- Mais ce n’est pas inavouable !
- L’angle est inavouable. Non ?
- Non, ce n’est pas inavouable. Tu en vois autant sur les peintures. Tu prends un Boucher, elles ne sont pas plus habillées que moi en ce moment. Bon, je suis moins ronde…
- Et voilà !
- Tu as fais le tour du propriétaire ? me demande Jeanne en se tournant vers moi.

Sa voix se fait moins ironique, plus enjôleuse. Son sein gauche apparaît à l’image.

- Ah non, je n’avais pas complètement terminé, dis-je.
- Et bien tant qu’à faire…

Jeanne s’étend sur le flanc droit, les bras levés au dessus de sa tête. Travelling arrière.

- On va prendre une vue panoramique ! Magnifique !
- Je ne sais pas, je ne vois pas.
- On regardera tout à l’heure, ça va être rigolo. Ça va trembler ! Ça va bouger !
- Et tu vas le garder ? demande Jeanne en éclatant de rire alors qu’elle reprend sa position initiale.

Plan de coupe en noir et blanc en guise de réponse: une photo du visage de Jeanne, les yeux clos et la bouche ouverte. On entend un accord de piano. Oui Jeanne, je l’ai gardé.

- Non, ça m’est égal, tu peux faire ce que tu veux, me dit-elle sur une octave alanguie.
- C’est vrai ?
- Hummmm…

Plan fixe, plein champ sur le visage de Jeanne de trois-quarts. Elle ferme les yeux, et gémit de plaisir. Elle reprend son souffle un instant, regarde derrière elle, et j’apparais à l’image, mon buste chevauchant le sien. Je l’embrasse. Seules les ondulations de mon corps (dont seule la partie supérieure est visible) et nos visages extatiques suggèrent ma pénétration. Personne ne voit ma verge coulisser dans ses chairs mouillées. Reprise du même plan de coupe en noir et blanc, avec fondu enchaîné sur l’image vivante, en couleur : son visage aux traits tirés, aux yeux fermés, avec un de ses doigts sur sa bouche entrouverte. Elle soupire. Elle gémit. Défigurée par la jouissance, elle hurle maintenant face à la caméra. Le son est complètement saturé, insoutenable. Au vu de cette seule séquence, on pourrait croire qu’elle accouche. Personne ne peut savoir que je lui mets une main dans la chatte alors que de l’autre je filme son visage dévasté. Sans le son, avec certaines images et un peu d’imagination, on pourrait croire qu’elle chante. En se donnant à fond. Alors je n’ai gardé que ces plans là, j’ai coupé ses cris au montage que j’ai remplacés par la voix de Norah Jones dans I got to see you again. En guise de film porno, on ne peut guère trouver plus pudique. Ce qui devait être montré est resté caché.

Je ne sais pas si je reverrai Jeanne un jour. Il me reste ces souvenirs là, et ceux que j’ai gravés au fond de ma mémoire. Lorsque nous nous sommes réveillés le lendemain matin, je l’ai prise debout, contre la fenêtre entrouverte de la chambre d’hôtel. Nous n’étions qu’au premier étage avec une vue imprenable sur la place de la République. On gémissait de plaisir en regardant les parisiens pressés, leur nez rivé au sol. Il aurait suffit qu’un d’entre eux lève la tête, pour voir. Ce qui devait rester caché a été montré, mais personne n’a rien vu non plus.

19 mai 2007

Les femmes préfèrent les gros


Que ce soit pour du blogcrossage ou du cross blogging, aujourd’hui je choisis Volubilis !

17 mai 2007

La première gorgée…

A la FnacIl faut commencer par La première gorgée de bière. Dans son fameux recueil de nouvelles où il exalte les plaisirs minuscules, Philippe Delerm poursuit: « C’est la seule qui compte. Les autres, de plus en plus longues, de plus en plus anodines, ne donnent qu’un empâtement tiédasse, une abondance gâcheuse. La dernière, peut-être, retrouve avec la désillusion de finir un semblant de pouvoir… ». Cette phrase caractérise bien l’œuvre de Delerm placée sous le signe de la parcimonie. Chez lui, le bonheur se cache dans les infimes détails du quotidien qu’il glorifie d’une poésie prosaïque. Delerm encense l’humilité jusqu’à l’ostentatoire. De son regard contemplatif sur son microcosme, Delerm n’évoque pas les trépidances qui secouent le monde en dehors de la sphère de son jardin provincial, mais éclaire le quotidien avec la tendresse bienveillante d’une mamie sirupeuse.

Avec la banana-split au comble de ses excès, inutile de dire que qu’il ne faut pas chercher des délires sexuels chez Delerm. À peine évoquée dans le bonheur avec une petite fable sur les souris anglaises, il faut bien ma perversité pour deviner du sexe entre les lignes de ce recueil : « Une pression du pouce sur la fente de la gousse et elle s’ouvre, docile, offerte. Quelques-unes, moins mûres, sont plus réticentes – une incision de l’ongle de l’index permet alors de déchirer le vert, et de sentir la mouillure et la chair dense, juste sous la peau faussement parcheminée. Après, on fait glisser les boules d’un seul doigt. La dernière est si minuscule. Parfois, on a envie de la croquer […] C’est facile d’écosser les petits pois. »

Avec La première gorgée de sperme, Fellacia Dessert joue le contre-pied. Sous ce pseudonyme facétieux, un écrivain célèbre à la plume acérée à écrit un hilarant pastiche dont on appréciera pleinement la malice en alternant sa lecture avec le recueil de Delerm. La succession des titres croisés est éloquente :

- Le paquet de gâteau du dimanche matin
- Les gâteries du dimanche matin
- Aider à écosser les petits pois
- Aider à exaucer ses petites ouailles
- Apprendre une nouvelle en voiture
- En prendre une nouvelle en voiture
- L’odeur des pommes
- L’odeur des hommes
- On pourrait presque manger dehors
- Pour un peu, on baiserait sur la terrasse
etc…

Un meilleur exemple valant mieux qu’un long discours, voici un extrait d’un texte de Delerm intitulé « Le croissant du trottoir »:

« On s’est réveillé le premier. Avec une prudence de guetteur indien on s’est habillé, faufilé de pièces en pièce. On a ouvert et refermé la porte d’entrée avec une méticulosité d’horloger. Voilà. On est dehors, dans le bleu du matin ourlé de rose : un mariage de mauvais goût s’il n’y avait pas le froid pour tout purifier. […] Il faut ce qu’il faut de buée sur la vitre quand on s’approche, et l’enjouement de ce bonjour que la boulangère réserve aux seuls premiers clients – complicité de l’aube.[…] On le sent bien : La marche du retour ne sera pas la même. Le trottoir est moins libre, un peu embourgeoisé par cette baguette coincée sous un coude, par ce paquet de croissants tenu de l’autre main. Mais on prend un croissant dans le sac. La pâte est tiède, presque molle. Cette petite gourmandise dans le froid, tout en marchant : c’est comme si le matin d’hiver se faisait croissant de l’intérieur, comme si l’on devenait soi-même four, maison, refuge. On avance plus doucement, tout imprégné de blond pour traverser le bleu, le gris, le rose qui s’éteint. Le jour commence, et le meilleur est déjà pris. »

Avec Fellacia Dessert, cela devient « le travelo du trottoir » :

« On a attendu que l’autre s’endorme. En silence on s’est alors levé, on s’est rhabillé, on a traversé l’appartement et on est descendu, sans claquer la porte. Ce ne sera pas long.
Dehors, on est cueilli par le froid, mais on a le sang si chaud qu’on le sent à peine. Pourvu qu’elle soit là. On marche jusqu’au bout du trottoir, le cœur battant, la main dans la poche serrée sur les billets.
Elle est là, juste derrière le mur. En guêpière, bas, talons vertigineux. Plus belle que n’importe quelle vraie femme. Plus belle que celle qui dort, là-haut. Les billets changent de main, les corps s’enfoncent sous la porte cochère. La nuit commence à peine, et le meilleur reste à prendre.
»

Mais sous l’apparente plaisanterie se cache l’affrontement de deux visions du monde résumé par les deux dernières phrases de ces extraits, aussi symétriques qu’opposées. Delerm, c’est l’adulte mélancolique, le regret de l’enfance : le meilleur est déjà pris. Il ne reste donc plus qu’à poursuivre mollement sa vie adulte au risque de ne pas l’investir pleinement. Pour le jouisseur au ça bouillonnant, gorgé d’énergie libidinale, excessif par nature, le meilleur reste à prendre, à investir, à conquérir. On ne s’y trompe pas lorsque Fellacia Dessert crache son venin dans « La première gorgée de sperme », véritable pamphlet hédoniste qui oppose ses excès au pusillanime Delerm :

A la Fnac...« Un faire-part de décès leur tiendrait lieu de carte de visite. En deuil des jours anciens, de ce qui aurait pu être et même de ce qui sera, en deuil d’eux-mêmes et de leur propre vie, ils poussent en pleurnichant leurs chants aussi exaltants que ceux des messes du dimanche matin.
Ah, vieille et douce France, tout embaumée dans ses plaisirs de retraités ! France des petites joies sans joie, de la délectation morose et du repli sur soi ! Fière France craintive ! Continuons à t’exalter, France routinière, nostalgique, passéiste ! Encore un peu, et tes adeptes des plaisirs minuscules te laisseront glisser vers l’ordre des bons vieux temps, vieux et increvables règnes des pleutres et des conformistes ! Temps du renoncement, et donc de toutes les compromissions ! Continuons à t’exalter, France immobile, débile, ringarde, impuissante, vieille, hypocrite, dégueulasse ! Qui cache sa bêtise crasse et son aigreur sous une modestie de petite-bourgeoise toute boursouflée de vanités !
»

Je ne sais pas ce que vous en pensez, ami lecteur, mais pour moi, ça sent le règlement de comptes !

09 mai 2007

Plongeon

Attention, c'est hard! Si vous n’avez pas 10 minutes tranquilles devant vous pour lire ça, ami lecteur, revenez plus tard.
C’est bon ? Prêt pour les émotions fortes ? Attachez votre ceinture ! Maintenant jouez le podcast et lisez lentement. Le morceau dure 9 minutes, assez pour vous raconter ma plongée du jacuzzi à la plonge...

podcast

 

Il est seize heures et j’ai encore les mains dans l’eau. À ma gauche, les assiettes sales. À ma droite, les propres. Bientôt ce sera le tour des tasses à café et des petites cuillères. Une bonne vingtaine, correspondant au nombre de mes amis réunis. Ils sont tous là, j’entends leurs rires d’ici, de ce recoin où je fais la vaisselle. Cependant, je ne reconnais plus très bien leur voix. Dans mon esprit, elles se sont comme dissociées de leur visage dont je me souviens encore, ou de leur prénom qui me rappellent toujours, mais toujours un peu moins, mes plaisirs futiles. Les tasses arrivent. Lib les dépose au bord de l’évier avant de retrouver mes amis. Elle va leur servir sa farigoule dans des verres à cognac, et puis sa dernière histoire, en avant première, avant de la publier sur son blog. J’espère que mes amis lui feront bon accueil. Une petite standing ovation serait idéale. Il faut dire que la suite de ma journée en dépend.


Je plonge les tasses dans l’eau avant que le sucre ne colle au fond. Toutes sauf trois sur lesquelles il y a des traces de rouge à lèvre. Je les regarde d’un peu plus près, espérant reconnaître l’empreinte de lèvres que j’aurais baisées. Je jette un bref coup d’œil vers l’entrée de la cuisine pour m’assurer que Lib ne revient pas, et je goutte une des tasses. Je colle mes lèvres juste sur la trace de rouge, comme un chien abandonné mordille un os trouvé dans une poubelle dans l’espoir déçu de recueillir sur ses babines le goût du temps où il était aimé. Ça n’a qu’un goût de cosmétique. Là bas, dans la salle, quelques applaudissements affables ponctuent la lecture de Lib. Elle ne leur a pas servi son meilleur cru. D’ailleurs les verres de farigoule reviennent à moitié pleins. Sans même tourner la tête vers elle, à la violence froide du cliquetis des verres au bord de l’évier, je sais que Lib est en rogne. Je ne les plonge pas dans l’eau. Ils attendront là, jusqu’à ce qu’elle les vide. Un à un.

J’ai entendu la porte se refermer. Mes amis sont partis. J’écoute avec appréhension les pas de Lib qui revient vers la caisse. Elle tapote fébrilement sur sa calculette, et puis elle soupire en venant lentement vers moi. Je crains le pire.

- Tes pâtes étaient trop cuites, mon bichon.
- Ah... Je suis désolé, ce n’est pas facile depuis que le sixième feu est mort...
- Je ne veux pas le savoir, tu prends tes dispositions c’est tout. Que ça ne se reproduise pas ! menace-t-elle en s’enfilant le premier verre de farigoule.
- Oui Lib.
- Oui Lib... Oui Lib... C’est tout ce que tu sais dire ? Je t’avais dit que mon restaurant n’est pas prévu pour les groupes !
- T’es quand même bien contente que mes amis y organisent des déjeuners de temps en temps, non ?
- Tes ââââmis... tes ââââmis... parlons en de tes ââââmis! Qui t’est venu en aide quand tu t’es fait virer de ta boite pour faute lourde parce que tu dragouillais tes fameuses amies sur le net ? Et qui t’a recueilli quand c’est ta femme qui t’a lourdé parce que tu ne t’étais pas contenté du net ? QUI ? éructe Lib qui ponctue sa question par le second verre de farigoule. Cul-sec.
- C’est toi Lib...
- Et qu’est-ce que j’ai en compensation ? Un plongeur qui me casse la moitié de ma vaisselle...
- Oh! Au début, plus maintenant...
- Un cuisinier qui fait trop cuire mes pâtes quand elle ne sont pas trop salées...
- J’ai été débordé, tout le monde a choisi un plat différent...
- Et un homme de ménage pas foutu de nettoyer la salle convenablement après le service ! maugrée-t-elle en sirotant le troisième verre de farigoule.
- T’oublies que je suis bénévole ! Ça fait trois mois que je travaille ici, et tu ne m’as  pas payé...
- Bénévole ? Nourri, logé, blanchi ! T’appelles ça du bénévolat, toi ? Tu sais ce que ça coûte un loyer à Paris ? Tu veux faire un stage chez mes potes SDF ? hurle-t-elle en brandissant la bouteille de farigoule aux trois-quarts vide.
- Oh non Lib, je t’en prie... Dis-je en la regardant un instant dans les yeux, avant que mon regard ne fuie la lueur salace qui brille déjà dans le sien.

Je prends les verres à cognac qu’elle a vidés, histoire de me donner une contenance, et je commence à les laver. Mais elle s’est plantée derrière moi maintenant. Tout contre moi. Elle achève la bouteille de farigoule. Au goulot. Je sens son haleine lourde avant d’entendre sa voix râpeuse qui se veut enjôleuse.

- Alors mon bichon, il va peut-être falloir songer à me remercier.
- Merci Lib...
- Mieux que ça mon bichon, glousse-t-elle en me serrant contre elle par derrière.

Sans relâcher sa prise, elle déboutonne la ceinture de mon pantalon, et elle glisse sa main dans mon slip.

- Ben alors mon Bichon, ta nouille est trop cuite ?
- Lib, j’ai les mains dans l’eau et...
- Tsss... tsss... tsss.... Bien loin est le temps où Vagant se vantait de ne pas retirer son pantalon sans que ne jaillisse une érection. « Comme un diable qui sort de sa boite », qu’il disait le Vagant. Tout se perd ma p’tite dame, moi j’vous l’dit ! Claironne-t-elle avant de faire tomber le pantalon sur mes chevilles.
- Ma p’tite dame ?
- T’es devenu une vraie gonzesse Vagant. Même pas une gonzesse, une serpillière. Rien dans le froc et pas de chatte à prendre. Un eunuque comme on dit dans la littérature. Tu devrais le savoir, Vagant, toi qui citait Montesquieu à tout bout de champ.
- C’est juste une petite panne Lib. J’ai pas trop le moral...
- Soit tu bandes, soit tu me donnes ton p’tit cul Vagant. T’as le choix ! menace Lib avant de lécher les dernières gouttes au goulot de la bouteille de farigoule, à moins que ce soit pour mieux me la mettre.
- Lib, je t’en prie, dis-je d’une voix suppliante.

medium_farigoule.2.jpgInflexible, Lib glisse le goulot de la bouteille entre mes fesses. Je sens le verre dur et froid buter contre mon petit trou crispé. Pourvu qu’elle ne casse pas la bouteille ! J’essaie de me détendre en minaudant des fesses pour tenter de l’amadouer. Si seulement je pouvais bander. Lib glousse, ça a l’air de l’amuser, ça va peut-être finir par la détendre. Elle me triture les couilles avec l'autre main. Ses ongles me blessent un peu. Si seulement je pouvais bander. Il faut que je fasse diversion.

- Je vais te sucer Lib !
- Si je veux ! Tu vas déjà me laper le cul comme la chienne que tu es. Si tu le fais bien, t’auras le droit de me sucer le clito.
- Merci Lib...
- Tu me prends pour une idiote ? Tu t’imagines que ton petit cul va m’échapper ? Pose la bouteille par terre et assieds-toi dessus !
- Quoi ?
- Assieds-toi dessus, je te dis! Que je vois le goulot de cette bouteille te percer le cul pendant que tu suces le mien avec délicatesse !

Elle me tend la bouteille et elle attrape la cravache avec laquelle elle me menace régulièrement. Je pose la bouteille par terre, je m’accroupis dessus, et mon anus vient à nouveau buter contre le goulot dur et froid. Lib me regarde avec un sourire sadique tout en déboutonnant son jean qu’elle laisse glisser à ses pieds, suivi aussitôt de sa petite culotte. Elle se retourne et, souple comme un serpent, elle se penche en avant jusqu’à ce que sa tête apparaisse à l’envers, entre ses genoux. Elle est aux premières loges. Impossible de lui échapper. "Lèche !" ordonne-t-elle d’un ton sans appel.


Lib a un corps élancé à la croupe somptueuse. Ronde, évasée juste comme il faut, on dirait qu’elle a été taillée pour faire de la pub weight watcher. Y faire courir ma langue n’est pas déplaisant. J’adorais ce genre de truc, avant. D’ailleurs ça finit par m’exciter un peu, je le sens, ça va venir. Si seulement il n’y avait pas cette maudite bouteille qui me fait mal. J’ai mal aux cuisses à force de résister à mon propre poids. Je vais finir par m’empaler dessus.

- Pas mal Vagant. Si t’as un poil dans la main, t’as toujours la langue bien pendue. Et la bouteille, ça avance ?
- Laisse moi te lécher la chatte Lib, je t’en prie, tu verras, ça va te plaire.
- Pas avant d’avoir vu ton cul ouvert à travers le verre de cette bouteille !

J’essaie de me détendre, mais rien à faire, je suis trop crispé. Il faut que je me concentre sur ses fesses à elle, il faut que je la désire, ou que je pense à une autre, ou à n’importe quoi pourvu que je bande. Avant, avant, tout aurait été autrement. Avant ça m’aurait excité de la lécher dans sa cuisine et de la baiser sur l’évier. Il faut juste que je me dise que rien n’a changé pour que je bande comme avant. Rien n’a changé! J’ai toujours un bon job bien payé qui me laisse le temps de séduire de jolies filles avec lesquelles je me prélasse dans les jacuzzis d'hôtels de charme. Elles aiment ça, être traitées comme des reines, et puis baiser comme des bêtes. J’excite Lib parce que j’ai la réputation d'être un bon coup, alors elle m’a invité à lui en donner, un petit coup de main dans sa cuisine. Moi, j’aime faire plaisir, c’est ma raison d’être. Donner du plaisir. Alors je lui lape le cul parce que c’est mon bon vouloir, mon bon pouvoir. Après elle n’en pourra plus. Elle sera asservie à ma langue, elle ne pourra plus s’en passer, et elle m’aimera. Oui, elle m’aimera, comme les autres, comme toutes les autres qui sont dingues de moi, et je régnerai sur elle, comme je règne sur elles toutes, asservies à mes mains qui les fouillent, à ma bouche qui les baise, à ma langue qui les suce, à ma queue qui les prend et qui les fait jouir. Ah, elle n’y a pas encore goûté à ma queue, elle ne sait pas ce que c’est que de l’avoir dans la chatte, dure, raide comme une saillie, elle ne sait pas ce que c’est que de se faire sillonner l’entrecuisse par mon soc de charrue, elle ne sait pas ce que c’est que de se la faire remuer en profondeur, se faire retourner le ventre... Elle ne sait pas ce que c’est que de se faire prendre par Vagant. Attends un peu Lib, ce n’est pas pour rien que je te lèche le petit trou. Attends donc, tu ne perds rien pour attendre, je vais te la mettre bien profond, bien fort, bien plus fort que cette putain de bouteille... Non ! Pas de bouteille ! Pas penser à la bouteille qui me fait mal, non, pas la bouteille, sinon je ne vais plus bander... Je te lèche le petit trou Lib, parce que c’est ma destinée. Je te lèche l’anus parce que je vais t’enculer !

- Alors Vagant, on dirait que la farigoule te donne des forces ? Il faudra recommencer !

___________________________________

"Ami" lecteur, Si vous voulez comprendre comment tout cela m'est arrivé, comment je me suis retrouvé dans cette situation, c’est là…
 

07 mai 2007

Style blog

medium_microfictions.gifMicrofictions de Thierry Jauffret a peut-être été encensé par la presse mais moi, je n’ai pas pu le terminer. Ce n’est pas à cause de son épaisseur même s’il fait tout de même plus de 1000 pages, ni de son style à la fois percutant et recherché mais qui reste bien loin des arcanes grammaticales Proustiennes, ni même de sa forme narrative originale, non, ce que je n’ai pas supporté, c’est le fond.

Microfictions n’est pas un roman puisqu’il n’y pas d’unité de lieu ni d’action, mais un recueil de courtes nouvelles qui pourraient avoir été autant de notes d’un blog exclusivement dédié au cynisme le plus désabusé. Chacune de ces 500 nouvelles classées par ordre alphabétique fait exactement deux pages et elles partagent toutes une identique inhumanité. Jauffret jette un regard bienveillant sur les atrocités du monde, au travers des yeux du protagoniste principal de chacune de ses histoires sordides racontées à la première personne, que ce soit le point de vue de la victime ou celui du bourreau. Ce parti pris récurrent de l’immoralité, non pas au sens pudibond du 19ème siècle mais au sens humaniste actuel, devient rapidement si nauséeux que la lecture de chaque nouvelle nécessite un véritable effort de volonté. Pour illustrer ma pensée, voici la première page de ce livre, c'est-à-dire la moitié de la nouvelle intitulée Albert Londres assez représentative des autres:

Nous avons filmé ces scènes de torture et de meurtre afin d’en dénoncer le caractère intolérable et la barbarie. Vous ne pouvez pas reprocher à une chaîne d’information de montrer la réalité. S’il est bien évident que nous blâmons leur conduite, nous devons aussi rendre hommage à ces tortionnaires de nous avoir permis d’apprécier à sa juste valeur le prix du bien être de la vie. Il est vrai que nous nous sommes rapprochés d’eux peu à peu.
- Ils sont devenus pour ainsi dire des relations de travail.
Et en définitive nous avons noué avec certains des liens d’amitié. Ils nous ont aidé dans notre tâche, évitant par exemple de faire exploser les otages, ce qui se serait traduit à l’image par une épaisse fumée monochrome peu propice à l’accroissement de l’audimat.
- L’exécution des enfants apitoyait les classes supérieures comme les plus mal lotis.
Nous allions jusqu’à drainer plusieurs millions de téléspectateurs en plein milieu de la nuit . Mais ces pratiques déplaisaient aux annonceurs, qui redoutaient notamment une atteinte à l’image de marque de leurs produits pour bébés.
- Nous leur avons donc demandé de les épargner.
Nombre de gamins nous doivent la vie, même s’ils restent toujours détenus dans des caves et des carrières désaffectées dont par déontologie nous refuserons toujours de révéler l’emplacement aux services de police
[…]

À propos de police, j’ai été faire un tour à la Fnac pour changer d’air et devinez sur qui je suis tombé : Bénédicte en tête de gondole ! Du coup, je l’ai prise sur place, enfin, j’ai pris son bouquin et aussi un génialissime Kundera que je n’avais pas encore lu mais c’est une autre histoire. Comment ? Vous ne connaissez pas Bénédicte, ami lecteur ? Ben moi non plus à vrai dire. Lib m’en avait parlé, j’avais été voir son blog démantelé par nécessité commerciale, et les quelques notes survivantes m’avaient bien plu. Police, le blog d’un flic, n’est donc plus un blog mais un site web promotionnel du premier roman de Bénédicte Desforges, FLIC, dont la forme est similaire à Microfictions : Une succession de nouvelles brèves dont chacune raconte une anecdote issue du quotidien d’un policier, à la première personne du singulier dans un style simple et percutant. Et dans l’horreur, cette réalité là dépasse largement la fiction.

Toute la différence se situe dans le regard de Desforges: le parti pris du narrateur protagoniste est résolument humain. Il ne s’agit pas là d’humanisme institutionnel, ni d’une profusion de bons sentiments, mais de véritable compassion. Et cette compassion passe aussi par le jugement, par le choix du bien contre le mal avec son lot d’arbitraire:

J’ai menotté des gens qui avaient battu, volé ou tué, j’ai menotté des toxicos en manque qui avaient tout cassé dans leur propre maison, pour ne pas qu’ils finissent par se faire mal, j’ai menotté des cambrioleurs en flagrant délit en train de dépouiller plus pauvres qu’eux, j’ai menotté des gens violents pour qu’ils me foutent la paix et pour ne pas m’en prendre une, j’ai menotté un père qui avait violé sa fille, et un collègue a menotté la mère qui ne voulait pas qu’on menotte le père pour « ça », j’ai menotté des gens qui avaient comme seul tort d’être là au mauvais moment, j’ai menotté par erreur, j’ai menotté des vrais cons et des braves cons, j’ai menotté vraiment plein de gens.

Ses récits embrassent toute la palette des couleurs de la vie, du rire aux larmes, loin de l’uniforme gris sinistre de Microfictions. Résultat, j’ai dévoré FLIC en deux jours avec un vif plaisir. Je ne résisterai donc pas a celui de recopier l’hilarante anecdote du jeune policier enthousiaste :medium_FLIC.gif

Il était parti passer le week-end chez sa grand-mère, fier de pouvoir exhiber son enthousiasme et son matériel rutilant tout juste sorti de l’emballage. D’un air malin, il avait sorti les menottes de sa poche. « Mémé, je vais te montrer comment ça marche… ». Il l’a menottée, et en même temps qu’il serrait les bracelets sur les poignets de l’ancêtre, il s’est rappelé que la clef était restée dans son placard.[...]
 

J’espère qu’on ne me passera pas les menottes pour cette petite entorse aux droits d’auteur…

05 mai 2007

Houston by night (2)

De retour à mon siège, je suis cette grande Noire du regard alors qu'elle quitte la piste. J'aimerais sentir son poids sur mes genoux malgré mes tendances habituelles qui me portent plutôt vers les petits modèles. Elle se fait happer par la pénombre de la salle. Je me fais aborder par une latinos en lingerie bleue. Je craque. J'accepte sa compagnie gentiment proposée: j'ai envie d'un peu de chaleur humaine, féminine pour être tout à fait honnête. Nous nous présentons, j'oublie aussitôt son prénom mais je me souviens qu'elle est originaire du Costa Rica.

- Je vous offre un verre, lui dis-je ?
- Non merci, j'ai assez bu. Vous prenez des notes, me demande-t-elle en désignant mon carnet ?
- Oui, pour mon blog.
- Pour quoi ?
- Pour un article sur le net.
- Parce que vous trouvez que c'est intéressant ce qui se passe ici ?

En m'entraînant vers les coins sombres, elle m'apprend qu'elle fait ce job depuis un an, et je réalise que cela fait bien trop longtemps pour qu'elle puisse encore s'étonner de quoique ce soit. Elle me désigne une banquette sur laquelle je m'assoie pour "une danse". Une nouvelle chanson commence, et elle se déshabille devant moi. Je suis ravi de constater qu'elle n'a pas les seins peinturlurés. Elle a tôt fait de s'asseoir sur mes cuisses, de faire glisser sa poitrine sur mon visage, d'écarter mes jambes avec ses genoux, de débusquer mon érection avec ses fesses qu'elle frotte avec insistance sur mon bassin. À genoux entre mes cuisses, elle mime une fellation en mordillant ma braguette tendue, et après s'être assurée que personne ne la regarde - elle a pris soin de disposer des fauteuils autour de la banquette pour couper les regards - elle baisse son string et exhibe sa chatte rasée. Je sais qu'elle est à la limite du hors jeu. Le Treasures est un club qui sert des boissons alcoolisées et qui ne permet donc pas aux strip-teaseuses d'enlever le bas, selon la législation en vigueur au Texas. Les clubs où elles sont entièrement nues sont franchement pires, et les clients y rentrent avec leur bouteille sous le bras puisqu'on n’y vend que des sodas. Si cette effeuilleuse m'offre ce petit extra, ce n’est certainement pas pour mes beaux yeux mais dans l'espoir de rester plus longtemps sur mes genoux. À vingt dollars la chanson, on comprend aisément qu'elle ne souhaite pas chercher tout de suite un autre client. Mieux vaut pour elle tirer un maximum du pigeon qui la palpe, quitte à le laisser penser qu'il pourrait bien passer la nuit avec elle, quitte à lui faire croire qu'elle aurait le béguin pour lui. Quand ils bandent, les hommes sont couillons dans tous les sens du terme...

Mais il me reste assez de lucidité pour la remercier dès la fin de la chanson, et je lui donne son billet de vingt dollars en lui faisant le hug d’usage. Il serait temps que je rentre, mais j'ai pris goût au jeu. Aller, encore une, rien qu'une. Je vois la grande black sur les genoux d'un type de sa taille. Une danseuse m'aborde, grande, mince, yeux bleus, longs cheveux noirs. Pourquoi pas. Elle se présente. J'oublie son prénom et elle a du mal à comprendre le mien. Ça commence mal..

- D'où est-ce que tu viens, me demande-t-elle ?
- De France. Et toi ?
- De partout
- C'est un bon coin.

Elle rigole et me propose aussitôt une danse. Banco. Elle retire le haut de son bikini noir. Dommage. Dans la pénombre, ses seins semblent peinturlurés d'une couleur indéfinissable qui leur donne une texture fripée sous mes doigts curieux. De plus près, son haleine s'avère chargée d'alcool. Elle s'attaque aux boutons de ma chemise dont elle écarte les pans pour me mordiller la poitrine. C'est amusant, plutôt excitant, mais je n'ai pas envie de claquer plus de vingt dollars avec elle. Il est tard, il faut que je rentre. Je la remercie à la fin du morceau et je lui tends son billet. Elle fait la moue.

- Il y a eu 3 chansons, me dit-elle.
- Non, une seule.
- Trois! C'est 60 dollars!
- Pas question, il n'y en avait qu'une!

Sur ce, je tourne les talons et je me dirige vers la sortie. "J'appelle le manager !", proteste-t-elle en me poursuivant. En passant devant le podium, une voix masculine m’interpelle. Je me retourne. Une grosse baraque entre deux âges me frappe par le bleu ciel délavé sous le rideau de ses paupières tombantes. medium_dollars.jpg"Où est-ce que vous courrez ?" me demande-t-il d'une voix baryton. "Il y avait trois chansons !" Piaille aussitôt la fille derrière lui. Il la fait taire d'un coup d'œil. "Non, il n'y en avait qu'une !", que je rétorque, sûr de mon bon droit. Le manager me demande d'où je viens.

- De France, lui repondis-je.
- It was a deep song.

Sans autre forme de procès, il congédie la fille d'un regard et il me raccompagne jusqu'à la porte de son club. Pour lui, elle et moi sommes tous les deux ses clients: Les strip-teaseuses sont indépendantes et elles payent leur entrée dans le club comme les clients. Sauf qu’elles peuvent y gagner des centaines de dollars en une seule soirée sur les genoux des hommes qui peuvent en perdre tout autant. Sur le pas de la porte, le manager dit en regardant droit devant lui:

- Il y avait trois chansons.
- Je n'en ai compté qu'une.
- Il y en avait trois, sinon elle aurait menti mieux que ça. Voici votre taxi monsieur.

La morale de cette histoire pourrait être qu’au royaume du faux le vrai semble louche, mais il y en a une autre plus inquiétante : En écrivant cette note j’ai nourri mon blog à mes dépens. Non seulement je ne sors pas grandi de cette sordide histoire commerciale, de ce marchandage de frotti-frotta avec une strip-teaseuse éthylique, mais je risque fort d’avoir fait de la peine à ma fervente amante même si je lui ai déjà avoué cette virée nocturne. J’ai moins écrit cette note pour le plaisir que pour le besoin d’être lu. Par addiction à cet exhibitionnisme cérébral, j’ai obéi à la dictature de l’authenticité au service de l’audimat. L’apparent exercice de ma liberté de parole n’est en réalité que la soumission à mon propre blog et à vos supposés désirs, ami voyeur. Alors, heureux ?

03 mai 2007

Houston by night (1)

Il y a une quinzaine de jours, j'ai décidé de m'offrir une petite virée en célibataire après une journée de réunions soporifiques. Pour commencer, direction le Pappadeaux sur Westeimer avenue. J'adore ce restaurant cajun et je ne loupe pas une occasion d'y faire bombance: c’est non seulement délicieux, mais les portions y sont gargantuesques comme dans tout restaurant texan qui se respecte. Comme d'habitude la salle était comble et j'ai dîné au bar. J'ai pris une margarita frozen et j'ai commandé un...

medium_rhodia.jpgAmi lecteur, croyez-vous vraiment que j'allais vous asséner par le menu une soirée au restaurant ? Si je le faisais, c'est que ma vie publique remplirait ce blog. Mon blog  relaterait mon quotidien sans trop l'influencer, et serait aussi passionnant que l'album photo de votre beau-frère en vacances sur la costa del sol. Hors non seulement ce blog se nourrit de ma vie privée, mais il lie avec elle une relation d'interdépendance: mon blog commence à remplir ma vie! Oh ne vous gaussez pas, vous n'en êtes peut-être pas très loin. Ne vous êtes-vous jamais dit "Pourvu que ce dîner soit un peu plus intéressant, j'ai une note à écrire", voire même "Je vais aller à cette soirée réseau, ça me fera toujours un sujet de note pour mon blog" ? C'est donc pour vous amuser, ami lecteur, que j'ai décidé d'achever mon décalage horaire dans un des plus grands men's club de Houston, et par conséquent du monde: Treasures. J'en ai une preuve irréfutable: le calepin sur lequel j'ai pris les notes in vivo qui jalonnent aujourd'hui mes souvenirs confus encombrés de croupes dorées, de seins osés et de propos siliconés.


Après être passé sous le portique détecteur de métaux qui assure que personne ne prendra les danseuses pour cibles mouvantes d'un stand de tir, je me suis installé dans un fauteuil non loin d'un des deux podiums. Une fille noire s'y trémoussait au rythme standardisé d'une soupe du top 50, et sous les encouragements d'un "commentateur érotique". Tel un journaliste sportif lubrique, il vantait les qualités de la danseuse en rappelant son nom de scène, quelque chose se terminant par "a" ou par "i", comme elles toutes d'ailleurs. Plutôt jolie, avec ses formes sensuelles moulées dans une courte robe noire et ses longs cheveux frisés, elle caressait avec sensualité la barre verticale lumineuse plantée au centre du podium pour mieux en souligner la symbolique phallique. Le début du morceau suivant a lancé le second tour, celui censé conclure une érection présidentielle après un premier tour d’illusions fallacieuses. La strip-teaseuse a envoyé valser sa petite robe noire pour s'exhiber en string. Un spectateur séduit s'est approché de la scène surélevée. La fille a fondu sur sa proie comme un bonimenteur de la foire de Paris. La démarche assurée et le sourire commercial, elle s’est approchée jusqu'à ce que ses cuisses ne soient plus qu'à quelques centimètres du visage de l'homme ravi. Elle s'est alors accroupie face à lui, lentement, de sorte que ses seins ont frôlé au passage le visage du client tétanisé, et elle s'est allongée sur le dos, jambes tendues, ouvertes comme les bras d’un politicien qui raconte qu’ensemble tout est possible. Elle a enchaîné avec une roulade arrière, avant de revenir vers son client, à quatre pattes. Il lui a glissé un billet dans le string comme on vote à regret. Après avoir ainsi récupéré quelques vœux impies dans son urne de dentelle, la jeune femme prometteuse a disparu de la scène aussitôt la chanson terminée. On l'a remplacée par une blondasse rondouillarde au show convenu. La mauvaise surprise est vraiment tombée avec sa robe blanche au gong du deuxième round: ses tétons étaient maquillés comme des statistiques avec du strass doré dont l'esthétisme discutable ne cachait l’insoutenable gravité, ce que le commentateur érotique qualifiait de natural par opposition aux seins siliconés majoritaires.

Pendant ce temps là, les effeuilleuses en petite tenue et les clients verre à la main grouillaient dans la salle. Les premières pressées telles des abeilles à la chasse au nectar, les seconds les attrapant au vol pour qu’elles se posent à leur table. Un cortège de collègues en goguette passe, chacun avec une strip-teaseuse à son bras, plus deux autres en renfort pour clore ce défilé, pendant qu'une nouvelle effeuilleuse - une noire aux cheveux longs et aux seins ostentatoires - se dandine sur le podium. Je me  lève pour aller voir la jolie "jodie" d'un plus près. Elle a un tatouage en haut des reins, que je remarque lorsqu'elle me fait le coup de la roulade arrière, ainsi que quelque chose de brillant sur les seins, bien qu'elle ne retire pas le haut de son bikini vert et noir. "thank you honey" me dit-elle en frottant ses fesses sur ma poitrine avant d'écarter l'élastique de son string pour que j'y glisse mon billet. Quand je retourne à ma table, une fille de type oriental en lingerie bleu électrique négocie une danse sur les genoux du client récalcitrant de la table voisine. Une autre strip-teaseuse - une petite noire en robe rouge - vient me proposer sa compagnie, que je décline. Elle se rabat aussitôt sur un jeune homme qu'elle embarque au fond de la salle obscure. Sur la scène, une brune boudinée par sa robe s’est heureusement déshabillée. Ses aréoles sont peintes en noir. À côté de moi, la danseuse en lingerie bleue a fini par avoir gain de cause. Elle laisse tomber sa lingerie sur les genoux du client assis dans son fauteuil et se frotte contre lui comme une chatte en chaleur: Ses seins sont peints d'un bleu assorti à sa dentelle ! Sur le podium, c'est maintenant le tour d'une petite métisse contorsionniste, un paréo sur les reins et de la dorure aux seins. À côté, l’effeuilleuse aux seins bleus a plaqué ses fesses sur le visage du client, un pied sur chaque accoudoir de son fauteuil. À la fin de la chanson, elle attire sa proie vaincue dans un recoin plus sombre pour lui dépecer le porte-feuille. Sur la piste les couleurs se succèdent: noir, rouge, doré et argenté, et au bord les clients face au podium comme on se tient devant un urinoir. Je me lasse ! Quelques filles me proposent leur compagnie. Je résiste. Elles reviennent à la charge. Je les ignore alors que mon regard s’accroche à une immense black plantureuse venue faire son show sur la piste. J'ai envie de voir de plus près ses seins gros comme des melons. Je m'approche, elle me télescope. Mon visage entre ses deux mamelles, elle m'en donne un coup sur chaque joue en éclatant de rire.

À suivre...

27 avril 2007

L'insoutenable légèreté de l'être (2)

medium_red_light.jpg

"D'un côté, il y a les maisons et, derrière les grandes fenêtres du rez-de-chaussée qui ressemblent à des vitrines de magasin, on aperçoit les minuscules chambrettes des putains. Elles sont en sous-vêtements, assises contre la vitre, dans de petits fauteuils agrémentés d'oreillers. Elles ont l'air de gros matous qui s'ennuient. L'autre côté de la rue est occupé par une gigantesque église gothique du XIVe siècle.

Entre le monde des putes et le monde de Dieu, comme un fleuve séparant deux royaumes s'étend une âcre odeur d'urine."

J'étais au beau milieu de "L'insoutenable légèreté de l'être" de Kundera et je n'ai donc pas résisté au plaisir de recopier ce passage du roman pour vous décrire la vieille église calviniste, vierge de toute sculpture, dont je sortais. Comme toute église gothique, elle abritait à l'origine une orgie de décorations fastueuses, dont de nombreuses représentations du Christ, des saints, voire même des ecclésiastiques à la droite de Dieu au jour du jugement dernier - les prêtres avaient su appliquer le vieil adage: on n'est jamais aussi bien servi que par soi même. Le calvinisme, fidèle aux injonctions bibliques interdisant toute représentation divine, avait extirpé tout ce décorum de l'église, de sorte qu'elle n'était plus qu'un bâtiment pour abriter les fidèles qui ne risquaient plus d'adorer des idoles de pierre comme des fétichistes africains animistes. Face à ce monument de morale austère s'alignait la luxure drapée de pourpre lupanar, et mes pas me conduisirent presque malgré moi vers les vitrines obscènes. Des femmes y exhibaient des charmes usés, comme les pieds d'une vierge idolâtrée par de fervents catholiques. Il y en avait de toutes les couleurs, de toutes les tailles, plus ou moins jeunes, plus ou moins blondes, toutes désabusées. Certaines hissaient un rictus sur leurs lèvres alors que je jetais sur elles des regards équivoques. Derrière tous les simagrées commerciaux qu'elles m'adressaient, derrière leur maquillage qui craquelait déjà, je voyais apparaître leurs défauts distinctifs, leurs manies particulières, leur humanité sordide.

- L'unicité du "moi" se cache justement dans ce que l'être humain a d'inimaginable.

C'est ce qu'écrit Kundera, mais moi, je n'avais rien à faire de leur humanité misérable. Je ne voulais pas être désagréanblement surpris. Si je venais à pousser une de ces portes, je savais que leur masque dégoulinerait comme du mascara même si je n'imaginais pas exactement comment viendrait la désillusion. Je n'éprouverais plus alors que du dégoût pour ce qui était censé être des parangons de féminité, et qui n'en était que la mascarade. La féminité, la vraie, était ailleurs. C'est pourtant dans cette rue que je me suis arrêté. Non, c'est dans cette rue que je suis tombé en arrêt comme d'autres tombent amoureux. Derrière la vitrine embuée, elles ne semblaient attendrent que moi. Était-ce leur troublante gémellité, était-ce le reflet des spots de la vitrine sur leur peau tabac, satinée, d'une incroyable finesse, toujours est-il qu'après tant de laideur, elles m'ont immédiatement sauté aux yeux. Alors je me suis arrêté là, scotché à la vitrine, à les contempler sans bouger. Quelle ligne ! Quel affolant  amalgame de galbes et de finesse, d'arrêtes émouvantes, de surplombs troublants !

- Depuis, elle sait que la beauté est un monde trahi. On ne peut la rencontrer que lorsque ses persécuteurs l'ont oubliée par erreur quelque part.

Oui, l'héroïne de Kundera avait raison, la beauté avait été oubliée là, et moi avec. Je les imaginais toutes les deux dans un autre contexte, avec des robes de soirée échancrées, des bas de soie délicats, dans l'intimité de ma chambre d'hôtel. Elles étaient si parfaites que tous les autres accessoires ne pourraient que les mettre en valeur. Et cette perfection là, ostensible jusqu'à l'ostentatoire, ne laissait rien au hasard. Je savais qu'elles seraient souples, maniables, malléables même, et que je pourrais en faire ce que bon me semblerait. C'était elles mon idéal féminin, elles deux identiquement parfaites, elles qui me permettaient d'envisager les plus folles combinaisons. Et plus je laissais vagabonder mon imagination, plus je sentais mon désir monter, irrépressible. J'imaginais déjà leur odeur, alors que je les disposerai sur le lit de ma chambre d'hôtel, leur douceur soyeuse sous mes doigts fiévreux, mon érection vibrante déjà. Je leur ouvrirai mon lit, je les glisserai l'une contre l'autre, je les regarderai dans toutes les positions, des plus naturelles aux plus perverses, dos à dos, face à face, sans dessus dessous, le talon de l'une dans la tige de l'autre. Je ne tiendrai pas bien longtemps, je ne résisterai au plaisir de sortir ma queue, ma verge rutilante d'excitation, de faire glisser mon gland sur elles, par-devant, par derrière. Et puis me déshabiller complètement, me rouler avec elles dans les draps parmi les robes et les bas, et finir par les prendre tour à tour, m'immiscer à l'intérieur de chacune d'entre elles, et jouir, jouir, jusqu'à les remplir de foutre toutes les deux. D'habitude, une seule me suffit, mais là, je savais qu'il me faudrait la paire. J'ai poussé la porte de la boutique et je suis entré.

- Et pour monsieur, qu'est-ce que ce sera ?
- Cette paire d'escarpins en vitrine s'il vous plait. En 36, je les préfère étroites.

25 avril 2007

L'insoutenable légèreté de l'être (1)

medium_kundera.jpg

Les hommes qui poursuivent une multitude de femmes peuvent aisément se répartir en deux catégories. Les uns cherchent chez toutes les femmes leur propre rêve, leur identité subjective de la femme. Les autres sont mus par le désir de s'emparer de l'infinie diversité du monde féminin objectif.

L'obsession des premiers est une obsession romantique: ce qu'ils cherchent chez les femmes, c'est eux-mêmes, c'est leur idéal, et ils sont toujours et continuellement déçus parce que l'idéal, comme nous le savons, c'est ce qu'il n'est jamais possible de trouver. Comme la déception qui les pousse de femmes en femmes donne à leur inconstance une sorte d'excuse mélodramatique, bien des dames sentimentales trouvent émouvante leur opiniâtre polygamie.

L'autre obsession est une obsession libertine, et les femmes n'y voient rien d'émouvant: du fait que l'homme ne projette pas sur les femmes un idéal subjectif, tout l'intéresse et rien ne peut le décevoir. Et précisément cette inaptitude à la déception a en soi quelque chose de scandaleux. Aux yeux du monde, l'obsession du baiseur libertin est sans rémission (parce qu'elle n'est pas rachetée par la déception).


Kundera - L'insoutenable légèreté de l'être.

15 avril 2007

La cigarette du condamné

Aujourd'hui, ma note est impudique.
Alors elle paraît chez Cali Rise !

13 avril 2007

In Clito Veritas (2)

La courtisane contacta en grand secret cinq de ses intimes. Elle les choisit pour leur rouerie, bien sûr, mais surtout pour leur silhouette proche de la sienne, élancée et gracile. Elle leur apprit le jeu, leur donna le secret de ses parfums et crèmes, pour que toutes fussent enveloppées du même nuage odorant. Toutes s'épilèrent de la même manière. Perfectionniste, la courtisane organisa des soirées où ses amies purent voir sa façon de bouger, d'onduler sur les corps masculins. Amusées, elles copièrent ses mouvements de hanches, ses indéfinissables langueurs, ses abandons et ses reprises. En quelques jours d'essais assidus, la coquine cohorte connaissait tous les vices et artifices de la taquine maîtresse.

La petite courtisane n'avait pas eu une vie facile, luttant de ses seuls charmes pour être partout la première. Très vite, elle avait compris le pouvoir du sexe sur la gent masculine, appris les secrets de la séduction. Elle avait conquis les plus grands, mis à ses pieds les plus riches, au prix de parjures et de trahisons qui ne lui importaient pas. Elle ne connaissait ni l'amour, ni le remords. L'œnologue fut une proie en vogue pour ses compagnes, elle décida donc de l'avoir. Par jeu, par provocation, par fierté.

Elle l'eut donc, avant de comprendre que la réciproque était vraie, pour la première fois. Il refusait de lui donner son nom. Et elle dissimula sous une apparente indifférence ce qui n'était que sa première douleur de femme amoureuse. Elle organisa donc ce jeu, mettant au défi son talent, pour enfin, espérer être à lui sous le prétexte avouable d'un accomplissement social qui soudain lui semblait vain. Sa moue à lui devant sa proposition montra qu'il fut dupe, il la crut vénale, et ce regard glacé manqua la faire tituber de douleur. Ils ne s'étaient jamais avoués leur amour, par fierté, par peur de n'être chéris en retour.

Le cœur du château de Castignac n'est pas la majestueuse salle de réception, ornée des armoiries séculaires, ni les cuisines médiévales, ni les multiples chambres dont les noms évoquent tout l'arc en ciel. Non, le cœur du château, ce sont ses fondations, les antiques caves voûtées, le repère de monsieur l'œnologue, le centre de son monde. Et ce soir, sur l'imposante table en chêne massif qui accueille la dégustation des meilleurs crûs, ce ne sont pas de précieux millésimes qui sont alignés, mais monsieur l'œnologue lui-même qui est enchaîné, allongé, les yeux bandés, attendant patiemment le début de la dégustation.

Enfin, projetée par les torches suspendues, une ombre s'avance, dansante, tremblante, déformée jusqu'à être grotesque, mais néanmoins émouvante, plus précise lorsque celle qui en est la cause se glisse sur la table, écarte les cuisses pour enjamber le visage du dégustateur, silencieusement. Monsieur l'œnologue perçoit la douce chaleur de l'intimité offerte, un parfum artificiel masquant le bouquet intime, ténu, imperceptible au commun des mortels, mais qui se révélera au cours de la dégustation.

Méthodiquement, de la pointe de la langue, son seul organe libre de mouvement, il parcourt le pourtour des lèvres offertes, du périnée au clitoris, pour jauger la forme et la taille de ce calice. Fin, allongé, apparemment étroit, celui ci lui évoque immédiatement une flûte à champagne. A ce subtil contact la belle émoustillée libère tous ses arômes, légèrement fruités bien qu'encore fermés, qu'il hume, alternant les inhalations courtes, puis profondes, en douceur puis insistantes, alliant bientôt la langue au nez pour libérer la divine liqueur, s'apprêtant à la tirer du cœur de l'intimité offerte. Mais c'est elle qui vient à lui, abondante, satinée voire festive, dans un orgasme explosif qui retentit en un rire cristallin. Il s'en délecte. S'impose alors à lui le portrait d'une jeune fille, blonde, fine, exubérante jusqu'à l'effervescence, et qu'il se plait à imaginer champenoise. Assurément, ce n'est pas elle.

Ainsi continue cette étrange dégustation, de filles en femmes, d'extases en ivresses, Sud- Africaine callipyge et charnue, Savoyarde lippue et longue en bouche, Australienne ouverte et souple, Alsacienne fraîche et capiteuse, imperturbable défilé dont monsieur l'œnologue sort excité mais épuisé, au bord de la rupture mais frustré, surtout de ne pas avoir encore reconnu sa belle parmi celles qu'il a dégusté. Il en reste une, ce ne peut être qu'elle.

Au rythme de ses pas élégants et racés, à peine s'est-elle approchée qu'il l'a reconnu. A ses arômes complexes aux notes exotiques d'épices et d'herbes, à peine s'est-elle installée qu'il en est sûr. Il ne la dégustera pas. Non. Il savourera sa volupté sensuelle et décadente, jusqu'à la jouissance, les larmes aux yeux. Il doit maintenant donner son choix puisque l'heure du verdict a sonné...

Elle avait regardé ses compagnes chevaucher son amant, offrir leurs croupes affriolantes, le cœur battant. Au fond d'elle-même, elle souhaitait tellement qu'il la reconnût, qu'elle fût unique à son âme. Elle s'était approchée, tremblante, avait senti ses caresses adorées, eut envie de cesser ce jeu idiot pour le serrer contre son cœur. Mais déjà, il avait fallut partir, écouter le verdict.

"La première" dit-il d'une voix étranglée.

La douleur qui la transperça dépassa la joie d'être enfin l'épouse. Les larmes coulèrent, brûlantes, et toutes ses complices furent bouleversées de son émotion de jeune mariée. L'œnologue, lui, avait quitté la salle.

________________________________________


J'ai écrit ce texte en 2001 avec Carole. Je ne peux songer à elle sans émotion, pensez-donc, une de mes premières amantes et sans doute ma première liaison. Chacun d'entre-nous avait écrit quelques paragraphes de cette courte nouvelle. Ces paragraphes apparaissent avec une couleur de fond différente selon son auteur. Saurez-vous retrouver qui a écrit quoi ?

11 avril 2007

In Clito Veritas (1)

Debout dans cette pièce au charme tamisé, les yeux bandés, l'homme se tait. Il se concentre sur la délicate mission qui s'offre à lui. Des trois somptueuses beautés qu'on va lui présenter, trois amours parmi tant d'autres, saura-t-il retrouver pour chacune, son nom ? Saura-t-il se remémorer dans quelles conditions il les a connues ? Comment elles ont, de leur charme insolent ou discret, su conquérir ses sens? Certaines sont encore brûlantes à son esprit, d'autres plus floues, toutes l'ont ému. Et aujourd'hui, aujourd'hui, il va revivre ses passions.

D'une voix neutre, le Juge lui ordonne de s'approcher du premier calice. Timidement, il s'approche d'elle, les lèvres tendues, la narine aux aguets. Il manque défaillir... ce parfum, cette volupté ! Il ne connaît qu'elle. Il est avide maintenant, boit son nectar, se délecte de cette divine liqueur, essence de l'amour... Il sait qui elle est, et il revoit l'ivresse délicieuse de l'instant passé auprès d'elle. Tremblant, il prononce son nom du bout des lèvres, et le Juge ne peut que sourire devant son talent. "Qu'on amène la seconde !"

L'homme, bouleversé encore des effluves de son premier émoi, titube vers la deuxième épreuve. Et là encore, la magie opère. En lui aussitôt, il se remémore la divine robe veloutée de ce soir de juillet, son émotion à peine contenue de toute la soirée, jusqu'à, enfin, tout savoir d'elle, qui elle était, ce qu'elle faisait en ces lieux, tellement médiocres pour elle. Là encore, son nom sort dans un souffle, épris d'amour éperdu. Le Juge jette un regard aux autres membres de ce curieux jury, on y lit de l'admiration. L'homme voudrait rester encore auprès de sa conquête retrouvée, lui crier son bonheur, mais il lui faut déjà découvrir la troisième identité.

Encore une fois, à tâtons, il goûte à même ce temple du plaisir, s'adonne à l'ivresse de la volupté. Et là encore, c'est le déclic. Comment le Jury a-t-il pu réunir les trois grâces qui ont bouleversé sa vie ? L'Homme manque défaillir, s'approche encore de la belle, laisse glisser sur sa langue les saveurs adorées, brûle de la posséder... Il n'en peut plus, la jouissance est trop forte.

"Château Petrus, 1985" murmure enfin l'œnologue, dans un souffle.

Monsieur l'œnologue n'avait pas atteint sa renommée pour son un profil d'oiseau de proie, mais pour les qualités concentrées entre son menton fuyant et son nez crochu, une bouche aux lèvres pleines dessinant en permanence un sourire carnassier. Bien sûr, ce n'était point l'apparence de cette bouche qui était remarquable mais bien ce qu'elle renfermait, un palais exceptionnel capable de disséquer les saveurs les plus subtiles, servie par une langue acerbe toujours prête à empaler ses ennemis au pilori de ses bons mots.

Pourtant, ce que les hommes ignoraient, et que bien des femmes savaient, était le miel que cette bouche savait distiller à la gent féminine, sa promptitude à embrasser et embraser les sens, sa capacité à faire naître le plaisir même dans les cas les plus désespérés. Ainsi, les mauvaises langues de la bourgeoisie provinciale se complaisaient en gorges chaudes, expliquant à mots à peine couverts comment sa langue agile avait su convaincre la veuve de Castignac de le coucher dans son lit et son testament, ce qui lui avait permis de devenir propriétaire d'un des plus beaux châteaux bordelais à la mort de la vieille dame dont, dit-on, le cœur n'aurait pas survécu à la chamade qu'il devait battre chaque nuit.

Monsieur l'œnologue, ainsi veuf, n'avait pourtant pas souhaité unir son cœur à celui d'une des jeunes filles de bonnes familles, dont les mains tendues étaient prêtes à panser sa plaie supposée, et saisir sa fortune nouvelle. Non, il préféra unir son corps à ceux des courtisanes qui voletaient sans répit autour de lui. Et parmi elles, il finit par en préférer une. Non pas qu'elle fût particulièrement belle, mais elle avait ce charme inimitable et cet esprit de libertinage qui lui plaisait tant, lorsque, en sa demeure seigneuriale, il organisait ces mystérieuses fêtes galantes.

Un jour, ou plutôt une nuit, alors qu'il psalmodiait à l'oreille de sa belle une improbable litanie d'amour, elle lui lança un défi. Un défi à sa qualité et son organe le plus remarquable, un défi à l'amour du corps qu'il encensait sans cesse, puisqu'il n'était point question de cœur. Serait-il seulement capable de la reconnaître, elle, avec pour seuls sens ceux qui lui avaient apporté fortune et célébrité, la reconnaître parmi une demi-douzaine d'autres avec sa seule bouche. S'il y parvenait, elle serait son esclave. Sinon elle deviendrait sa femme.

A suivre...

09 avril 2007

Déclaration de guerre

Attention. Ce texte décrit une scène particulièrement violente et cette note risque de heurter votre sensibilité.

sur Evene...« Tout commence par une déclaration de guerre : Je t’aime – et le reste en découle comme par une loi de chute des anges. Je t’aime. Tu es ce qui éveille en moi le sentiment d’amour, puisque tu peux l’éveiller c’est que tu peux le combler, puisque tu peux le combler c’est que tu dois le combler, tu es le complément en moi du verbe aimer, le complément d’objet direct de moi, j’aime qui, j’aime toi, tu es le complément de tout, le masque d’or du père ou de la mère, l’ombre nourricière penchée sur moi petit, tout petit qui crie sa faim, hurle sa misère, son droit sur terre, son droit souverain sur l’univers et donc sur toi, d’abord sur toi. »

Il lut ces mots d’une main tremblante. Ils n’étaient certes pas d'elle mais de Christian Bobin, un auteur qu’elle avait dû trouver à sa hauteur, lui qui l'impressionnait tant. Alors elle les lui avait recopiés sur un papier quadrillé, d’une calligraphie ronde et incertaine qui en ajoutait encore à l’émotion du texte, et qui faisait que ces mots là, c’était un peu les siens. Après tout, ne les avait-elle pas choisis avec amour - même s’il aurait sans doute préféré une déclaration moins fusionnelle ? Et puis elle lui donnait rendez-vous, une fois de plus, derrière l’église d'un village voisin, le soir même, à neuf heures. Il plia la feuille de papier, la porta à son nez, crut sentir le parfum de la belle malgré l’odeur âcre de l’eau de javel qui baignait l'hôpital. Il glissa ce mot sous sa blouse, entre sa peau noire et le coton blanc, juste là, dans l’espace ténu des désirs illicites. Il imagina que ce soir elle se donnerait à lui. Ils devraient se cacher. Il dut chasser à regret cette idée pour se concentrer sur le prochain patient.

Elle porta une petite robe de fête pour se rendre au rendez-vous, heureuse et la peur au ventre. Elle descendit les rues du village, s’efforçant d’ignorer les rideaux qu’on entrebâillait sur son passage, juste assez pour laisser passer des regards angoissés ou visqueux de haine, abîmes de vies désespérées. Elle redressa pourtant la tête, moins par fierté que pour se concentrer sur l’horizon, sur le soleil couchant qui enflammait sa Provence natale de rouge et de noir. Pour ne penser qu’à lui. Il faisait presque nuit lorsqu’elle arriva au lieu du rendez-vous. Ils n’auraient pas beaucoup de temps.

D’abord, elle ne le trouva pas. Et puis elle entendit du bruit, son nom murmuré, « Marie… Marie… » il s’était caché dans les fourrés. Elle s’y glissa en frissonnant, et il l’accueillit dans ses bras grands ouverts. Dans la pénombre, elle ne distinguait pas ses traits, elle n’entendait que sa voix, chaude et grave, sa voix si mâle et si aimante, sa voix qui l’envoûtait, et qui lui dit :

« Celle qu’on aime, on la voit s’avancer toute nue. Elle est dans une robe claire, semblable à celles qui fleurissaient autrefois le dimanche sous le porche des églises, sur le parquet des bals. Et pourtant elle est nue – comme une étoile au point du jour. À vous voir, une clairière s’ouvrait dans mes yeux. À voir cette robe blanche, toute blanche comme du ciel bleu.

Avec le regard simple, revient la force pure. »

Elle reconnut immédiatement le texte qui était sur la couverture de son livre de chevet, une petite robe de fête. Elle le lui avait prêté, non sans fierté. Pour elle, pour une petite caissière sans avenir, il les avait appris par cœur, lui, le médecin étranger. Il lui rendait un peu de sa culture - sa culture à elle, elle qui n'en avait jamais eue - qu’il embrassait malgré tout, malgré toutes les différences. Elle sentit les larmes couler sur ses joues pales. Il ne pouvait pas les voir, mais il en goutta la saveur salée lorsqu’il posa ses lèvres sur sa peau. Alors elle oublia tout. Elle s’abandonna à la chaleur de ses baisers, à la force de son étreinte, à la brûlure de ce corps chaud qui l’embrasait, elle oublia le danger et même le couvre feu. Comme pour être plus près de lui, elle ferma les yeux, pour mieux rejoindre son âme, l’essence de son odeur vanillée, avant de caresser sa peau nue pour la première fois. Leur peau que tout séparait.

Elle fit courir ses doigts blancs sur les épaules musclées de son amant, et puis sur sa nuque, et dans ses cheveux crépus, guidant son souffle ardent vers une gorge offerte. Son visage ouvrit la robe blanche comme un brise-glace déchire la banquise, dans le fracas des passions libérées et du mot d'amour froissé. Ses mains puissantes étreignirent ses seins alors qu’elle ouvrait les cuisses aux lèvres affamées, pour qu’elles la dévorent. La petite culotte arrachée, il embrassa éperdument la vulve offerte, se rassasia de la liqueur que son calice lui offrait, célébrant ainsi la messe de leur amour interdit. Elle ne parvint plus à étouffer ses râles de plaisir, et elle s’en mord encore les lèvres.

A peine savourait-elle sa jouissance qu’un rire gras la fit sursauter. On lui arracha son aimé. Lorsqu’elle sortit des fourrés, la gifle qui l’accueillit fût si forte qu’elle en tomba par terre. Lorsqu’elle leva les yeux sur son amour, il était écartelé par deux miliciens, alors qu’un troisième s’acharnait sur lui à coups de batte de base ball. Son visage n’était plus qu’une plaie. « Regardez-moi cette putain à négros, elle a même pas de culotte ! » Elle n’entendait pas les insultes, seulement les coups qui pleuvaient sur lui. Ils s’arrêtèrent un instant pour reprendre leur souffle et s’occuper d’elle. Ils la traînèrent aux pieds de son aimé et ils baissèrent son pantalon. « Montre-nous comment tu suces les blackos, salope ! » Ils la forcèrent à le prendre dans sa bouche. Il était presque évanoui. « Alors le bamboula, tu bandes mou ? » Ils éclatèrent de rire et ponctuèrent leur plaisanterie d’un mauvais coup de masse. Elle entendit un craquement sinistre. Elle en hurla. « Pleure pas ma jolie, nous on en a une bien dure ». Elle perdit connaissance lorsqu’ils lui enfoncèrent dans le ventre la batte de base-ball ensanglantée.

Lorsqu’elle revint à elle, elle était toute seule derrière l’église. Elle ramassa ses affaires. Sa petite robe de fête était déchirée, maculée de sang et de haine. Elle savait qu’elle ne le reverrait plus jamais, alors, lorsqu’elle retrouva par terre la feuille de papier quadrillée, elle crut y sentir l'odeur de son amant malgré l’odeur âcre du sang qui la tachait. Elle glissa le papier sur sa peau nue, tout contre son cœur. Certains racontent qu’il y est encore.

Cela s’est passé en Provence, en 2010. Ce ne fut jamais relaté par la presse de l’époque. Il faut dire qu’il y avait trois ans qu'un fascisme inavoué avait subtilisé la démocratie. On était en pleine guerre civile implicitement déclarée. Tout commence par une déclaration de guerre : Je t’aime.

05 avril 2007

Les hyènes

medium_hyene.jpgC'était un jeudi soir, j'avais donné rendez-vous à Justine dans un restaurant aux alentours du Moon-City avec le projet immédiat de poursuivre agréablement la soirée dans les vapeurs d'un hammam. Le serveur était stressé, nous abrégeâmes le repas léger, et nous nous dirigeâmes vers ce complexe libertin grandiloquent.

Il y avait peu de monde à l'heure où nous arrivâmes, une petite dizaine de personnes tout au plus, essentiellement des hommes seuls et un couple d'apparence peu attractive. Nous optâmes d'abord pour le hammam. A peine y étions-nous entrés qu'une demi-douzaine d'hommes seuls nous y suivit. Notre masseuse et moi ne faisions pourtant qu'évoquer sagement nos connaissances communes, sans le moindre geste équivoque, la meute d'hommes seuls  rodaient autour de nous comme des hyènes autour de leur proie fatiguée en attendant qu'elle se couche. Un homme s'est assis face à nous. Dans son cocktail, de faux glaçons lumineux projetaient sur le bas de son visage un halo rougeâtre qui éclairait ses crocs. Il semblait retrousser les babines en émettant un ricanement sinistre à chacune de nos répliques, avide de s'immiscer dans notre conversation avant de s'introduire ailleurs. Nous ne parvenions plus à parler naturellement.

Nous quittâmes cet endroit étouffant pour aller prendre une douche. Enfin seuls. Nous nous savonnâmes mutuellement. Derrière la porte de la douche, les hyènes s'étaient rassemblées, ricanantes. Justine s'agenouilla devant ma verge dressée sous la douche tiède comme un orage tropical. Les hyènes poussaient sans cesse la porte de la douche que je rabattais aussitôt. Je finis par maintenir la porte d'une main pendant que je caressais la nuque de ma fellatrice de l'autre. Nous battîmes en retraite au bar où les hyènes ne nous suivirent pas: Elles n'y avaient aucune chance de se repaître d'une carcasse alanguie.

Il y a quelques jours, j'ai retrouvé Claire sur msn, avec laquelle je n'avais pas eu l'occasion de clavarder depuis des mois. Elle m'a expliqué avoir vécu une situation similaire au Moon-City, et elle m'a affirmé qu'il y a quelques années, les hommes seuls auraient été beaucoup plus respectueux qu'aujourd'hui. Est-ce bien vrai ? Cette ambiance - que je trouve pour ma part détestable - est-elle le seul fait de ces hommes seuls qui rodent en quête de curée, ou est-elle inhérente à une situation de facto déséquilibrée ? Je me souviens qu'un peu plus tard dans la soirée, j'évoquai brièvement ma première virée dans un sauna libertin, en tant qu'homme seul, justement. L'adjectif s'y était révélé déterminant: seul, seul contre tous, contre les couples qu'on dérange par sa simple présence, et les autres hommes seuls concurrents. Alangui au sauna, j'expliquai à Justine combien cette soirée là avait été pour moi déprimante, ce qui fit déguerpir un homme seul installé non loin d'elle. Je me suis mis un instant à la place de cet homme échoué là dans l'espoir de tirer un peu de plaisir d'une rencontre éphémère, d'y soigner un mal de vivre ou de noyer un chagrin d'amour dans la luxure.

Quel était le dénominateur commun entre cet homme là, et nous qui n'étions venus que pour un moment de détente et de plaisir à deux. Qui n'était pas à sa place ? Le comportement des hyènes était-il illégitime, ou bien était-ce notre présence dans cette jungle résolument mixte ? Y-a-t'il de la place pour les touristes au royaume des bêtes sauvages ?

30 mars 2007

La rédaction

Cet été, je suis partie à la mer avec papa, maman et mon petit frère.

 C'était rigolo. Tous les gens étaient tout nus sur la plage. Je jouais dans les vagues avec mon bateau. Ça c'était trop bien.

Mon petit frère faisait des châteaux de sable avec les autres garçons. Ils n'étaient pas très gentils. Ils ont même dit des gros mots, mais des très gros qu'on n'a pas le droit de répéter.

Je devais jouer avec eux quand même parce que leurs parents partaient souvent se promener dans les dunes. Alors là les garçons disaient plein de bêtises.

Un soir je les ai même gardés toute seule parce que j'étais la plus grande. C'était des petits de CE1 ou de maternelle. Au début c'était rigolo parce que les adultes s'étaient un peu déguisé. L'amie de maman avait même mis un collier de chien. C'était quand même bizarre.

On a mangé une grosse pizza pendant qu'ils regardaient des photos de gens qui se baisaient partout. Après on a regardé un DVD de Cendrillon. Quand maman, papa et leurs amis sont partis danser, alors là, les garçons ont vraiment fait de grosses bêtises. D'abord ils ont arrêté le dessin animé pour mettre un film porno. C'était un peu dégoûtant. Des dames suçaient le zizi d'un monsieur en criant et il en sortait du lait blanc.

Alors les garçons se sont mis tout nu pour faire la même chose avec leurs petites sœurs jumelles. Je leur ai dit que c'était interdit, et qu'ils allaient se faire disputer par leur maman mais ils m'ont répondu des gros mots. Un des garçons a même pris l'appareil photo de son papa pour prendre en photo sa petite sœur qui suçait le zizi de mon petit frère. Alors là je lui ai dit qu'il n'avait pas le droit de prendre les affaires d'un adulte sans demander la permission. J'ai téléphoné à maman qui m'avait dit de l'appeler si ça n'allait pas, mais c'était le répondeur.

Quand maman est rentrée, elle a pleuré mais elle ne m'a pas disputée.  

 

Amandine, 9 ans, CM1

___________________________

Cette fiction est librement inspirée d'une histoire malheureusement vraie: l'été dernier, alors qu'ils prenaient l'apéritif chez d'autres libertins, des parents en vacances au Cap D'Agde ont trouvé tous les enfants en train de simuler une partouze dans une chambre. Les plus jeunes n'avaient pas 6 ans.

26 mars 2007

Mon Delerm

Nous marchions dans une rue fatiguée du 18ème arrondissement, Mathilde et moi, une rue entre deux âges en manque de ravalement. Nous y marchions d'un pas alerte à la découverte d'être deux, d'être heureux à dénicher du voluptueux dans une petite librairie blasée. Nous avons fini par la trouver, cette librairie érotique étroite et courte, qui fleurait bon le papier jauni à l'encre indécente. Tous les bouquins s'y accouplaient dans un joyeux désordre, ils s'empilaient sans complexe, s'exhibaient toutes pages dehors: Pauline Réage turlupinait Apollinaire, Esparbec culbutait Verlaine, Milo Manara fessait françoise Rey, et Anaïs Nin cheikh Nefzaoui. Derrière sa caisse présidait le tenancier aux yeux usés. Il les connaissait tous, ses pensionnaires, des plus prudes aux plus lestes, et il ne se résignait à les laisser partir qu'après leur avoir caressé la tranche comme la croupe d'une pouliche. Mais du théâtre érotique du 19ème, non, vraiment, personne ne lui avait jamais demandé un truc pareil. Alors, pour Mathilde, j'ai pris un Gavalda en édition original: je l'aimais.

Nous sommes sortis bras-dessus bras-dessous, juste heureux même si le temps passe, et mes yeux se sont accrochés en haut d'une affiche: DELERM.

- Tiens, il chante maintenant, que je dis à Mathilde ?
- Qui ça, qu'elle me fait ?
- Mais Delerm, là bas !
- Mais oui, Vincent Delerm est un chanteur !
- Ah bon, je le connaissais écrivain.
- Mais l'écrivain, c'est le père: Philippe Delerm.
- Ah d'accord, je ne connaissais que lui, l'écrivain, mon Delerm.

Nous sommes passés devant un sex-shop à l'entrée béante, rouge sang, immense comme une bouche d'ogresse. J'ai poussé Mathilde à l'intérieur et la bête nous a avalés. Mathilde n'était pas fière. C'était sa première visite dans l'antre de la luxure commerciale. Nous ne nous sommes pas attardés sur les DVD et les godemichés, pour dévaler le boyau des escaliers qui menait au rayon lingerie. Nous avons choisi 3 ensembles, dont un bustier bleu-gris digne d'une chanteuse de cabaret dans le saloon d'un western spaghetti. Il me plaisait bien. Nous nous sommes engouffrés dans la cabine en espérant que la vendeuse ne vienne pas vérifier de trop près la nature de l'essayage. J'ai déshabillé Mathilde tout en commentant la lingerie alibi. Elle les a toutes essayées entre deux baisers, et lorsque j'ai mordillé ses fesses, Mathilde a gémi avant de me supplier d'arrêter. Finalement, on n'a rien pris.

Quand la bête nous a régurgités sur le trottoir, j'étais heureux comme un chenapan après un coup pendable. Il est comme ça, mon bonheur, fugace et dérisoire comme une fleur des champs arrachée aux herbes folles, dans l'instant de la vague au désir qui monte jusqu'au fracas du plaisir. Il ne s'inscrit pas dans le temps, dans la durée pérenne, dans la cuisine de mon Delerm. Chez Delerm, le bonheur est mélancolique, et se savoure simplement à l'horizon calme du présent au passé. Loin de ma fureur, Delerm écrit le bonheur, le bonheur quotidien d'un Sisyphe rêveur:

medium_leBonheur.jpgPrendre un grand cahier à carreaux d'écolier. Laisser tomber des mots qui rendent plus léger. Tout dire ligne à ligne, avec de l'encre bleu marine, de la souffrance et du bonheur...

Que les mots viennent, trempés d'encre. À Chaponval, on remplissait de poudre et d'eau la bouteille mince au bec verseur. Mon père présidait à cette alchimie rituelle du savoir. Et puis un élève avait la mission délicate de verser la poudre diluée dans les encriers ronds d'un blanc épais, crémeux, si lisse sous le doigt qui en dessine le contour.

Que les mots viennent, et griffent le papier. Je n'ai plus la plume Sergent-major qui râpe un peu le long des pleins, des déliés. Je n'ai plus de lignes et de marges, de lettres à répéter en ronde sous le calcul mental. Mon stylo glisse sans effort sur la page banquise où rien ne le commande, ne l'arrête. Mais les mots griffent quelque part, s'accrochent à la violence du passé, commandent dans l'absence un travail rude d'écolier. J'inventerai les pleins, les déliés, le rêve dans la marge et le bonheur de l'interligne. Avec des mots de poudre et d'eau je plongerai dans le silence qui fait un peu mal, dans le silence fort de mes mélancolies d'école; un soir, assis tout seul dans la classe des petits, à rêver d'Elle qui n'existe pas, à rêver seul des mots de pierre et d'eau, de poudre et de lumière. Je mènerai mon chemin d'écolier, au delà de la vitre, à l'encre fraîche, avec des mots qui me blessent de loin, retrouvent un peu trop fortes les odeurs, les tilleuls dans la cour, la poudre d'encre dans la classe.

J'écris, voilà ma pierre.

 

14 mars 2007

Le supplice de l'esthéticienne

chez camille...Je suivais Sarah le coeur battant. Je venais de la retrouver sur les marches d'une église où nous nous étions donné rendez-vous pour le défi qu'elle m'avait lancé: la suivre comme une escort-girl qui fait visiter le Paris underground au gagnant d'un concours improbable. Il pleuvait, nous étions réfugiés sous son parapluie, et nous marchions d'un pas alerte. Elle tenait bien son rôle, faisant preuve d'une retenue à la hauteur des débordements sensuels dont elle me gratifiait dans l'intimité. Seuls ses yeux bleus pétillants et son sourire en coin trahissaient une excitation contenue. Elle s'arrêta d'un seul coup à l'entrée d'un salon de beauté, et elle me tendit une enveloppe artisanale réalisée avec une page de magazine patiemment découpée et pliée, qui représentait un couple mixte enlacé. Sarah  était une femme de détails. L'enveloppe était cachetée avec un autocollant numéroté: le chiffre 1. J'ouvris l'enveloppe pour découvrir la première épreuve de la journée: "Avant de sortir de l'institut de beauté, remercier chaleureusement votre esthéticienne en l'embrassant"

J'ai tout de suite compris ce qui m'attendait. Sarah entra victorieusement dans la boutique, et je la suivis, hagard comme un condamné son bourreau. J'allais subir une épilation des testicules à la cire chaude, et je n'étais pas fier d’être livré tel un cobaye à une spécialiste des interrogatoires raffinés, fût-elle déguisée en jeune esthéticienne au profond décolleté pigeonnant. La porte claqua derrière moi, je fus entraîné dans les tréfonds du salon par la jeune beauté ricanante, pendant que Sarah montait la garde dans la salle d’attente. Fait comme un rat !

La libido masculine est certainement plus ambiguë qu'on veut bien le croire: j'ai été incapable de maîtriser une incontrôlable érection en me déshabillant face à ma future tortionnaire qui en avait certainement vu d’autres. L'esthéticienne me proposa alors un cache sexe bleu qui ne cachait pas grand chose mais donnait une touche cocasse à ma tragique situation. Le dialogue qui suivit s'inscrit d'ailleurs dans le grand comique avec répliques à la Audiard telles que : "Pouvez-vous soulever ces testicules s’il vous plait ?".
Un poil douillet, l’épilation acheva de me faire débander, en particulier les derniers poils arrachés à la pince à épiler. L’esthéticienne alla ensuite chercher Sarah comme un tortionnaire zélé va chercher l’officier lorsque sa victime semble prête à tout avouer. Sarah entra, impassible. Elle jeta sur mon corps nu et mutilé de sa pilosité un regard satisfait. L’ombre d’un instant, j'eus l’étrange impression d’être un homme objet, réduit à un sexe apprêté par une femme pour le plaisir d’une autre, comme s’il ne m'appartenait plus. J'étais dépossédé de ma virilité velue, les couilles aussi lisses que la peau d'une volaille déplumée, prête à cuir. En l'occurrence, c'était plutôt du prêt à jouir.

Sous le coup de l'émotion - et taraudé par une angoissante question: "Qu'est-ce que je vais bien pouvoir raconter à ma femme pour expliquer mon sexe déplumé" - je suis me suis rhabillé rapidement, et je suis sorti un peu honteux de la boutique. Sarah s'est alors tournée vers moi et m'a signifié l'échec de ma première épreuve: Qu'importe ma "bravoure" - celle-ci était naturellement due - j'avais oublié d'embrasser l'esthéticienne !

 ___________________________________

Tous mes remerciements à Camille pour avoir illustré cette note par un des ses sulfureux croquis.

12 mars 2007

Éloge des femmes mûres

Je les entends d'ici, celles qui grincent des dents, et j'imagine aussi le sourire esquissé sur le visage de celles qui ne s'avouent par encore mûres, mais qui apprécient déjà que je prenne leur parti. Stop ! Au royaume des amantes, la guerre des générations n'aura pas lieu, tout au moins pas dans ma province: chaque âge a ses charmes que je déguste assidûment. Éloge des femmes mûres est le titre du best-seller de Stephen Vizinczey, que vous avez probablement déjà lu. Inutile de dire combien je l'ai apprécié, avoir recopié une substantielle partie de son second chapitre - intitulé De la guerre et de la prostitution - est plus éloquent que toutes mes éloges. Laissez-moi vous en brosser rapidement le contexte: Au cœur de la Hongrie déchirée par de la seconde guerre mondiale, Andras Vajda se retrouve livré à lui-même après de douloureuses pérégrinations, et il est recueilli affamé par une caserne américaine en mai 1945. Adopté par les soldats, il apprend alors assez d'anglais pour devenir médiateur et interprète entre les GIs et les réfugiées hongroises qui en sont à se prostituer pour des pommes de terre ou des boites de corned-beef. Andras n'a pas encore douze ans...

"Le premier enseignement que je tirai de cette audacieuse activité fut que tout le discours moralisateur sur le sexe n'avait absolument aucun fondement dans la réalité. Ce fut aussi une révélation pour toutes ces bonnes petites bourgeoises étonnées, respectables, parfois même assez snob, que j'allais chercher dans le camp hongrois surpeuplé et misérable pour les amener à la caserne. À la fin de la guerre, alors que les Autrichiens eux-mêmes étaient dans un besoin extrême, les centaines de milliers de réfugiés arrivaient à peine à subsister - et leur situation était d'autant plus pitoyable que la plupart d'entre eux étaient habitués au confort d'un mode de vie bourgeois. La fierté et la vertu, qui avaient tant d'importance pour ces femmes dans leur ancien cadre de vie, n'avait plus aucun sens dans le camp des réfugiés. Elles me demandaient - en rougissant mais souvent en présence de leur mari muet et de leurs enfants - si les soldats avaient des maladies vénériennes et ce qu'ils avaient à offrir.

Je me souviens avec émotion d'une dame belle et bien née qui prenait la chose avec une dignité extraordinaire. C'était une femme brune avec de gros seins palpitants et un visage osseux rayonnant d'orgueil - tout juste la quarantaine dirais-je. Son mari était comte, chef d'une des familles les plus anciennes et les plus distinguées de Hongrie. Son nom et son grade dans l'armée, fût elle l'armée défaite de l'amiral Horthy, avaient encore assez de poids pour leur assurer une baraque en bois à l'écart des autres réfugiés. Ils avaient une fille d'environ dix-huit ans qui avaient de longs cheveux et ricanait sottement chaque fois que je pénétrais chez eux pour m'acquitter de ces missions relativement peu fréquentes, La comtesse S. n'acceptait le marché qu'avec un officier, et seulement à condition d'être payée deux ou trois fois le tarif habituel. Le comte détournait toujours la tête quand il me voyait. Il portait encore le bas de son uniforme d'apparat - un pantalon noir avec un large galon doré sur le côté -, mais par-dessus, au lieu de la veste à épaulettes frangée d'or, il mettait un vieux pull-over dépenaillé. [...] Il répondait rarement à mes salutations, et son épouse m'accueillait toujours comme une surprise désagréable - on n'aurait jamais cru que c'était elle-même qui me demandait de la prévenir chaque fois que j'avais des demandes de la part d'officiers bien propres n'ayant pas trop d'exigences.

"Encore lui!" s'écriait-elle d'une voix chagrine et exaspérée. Puis elle se tournait vers son époux avec un geste tragique. "Avons-nous absolument besoin de quelque chose aujourd'hui? Ne puis-je pas, pour une fois, envoyer au diable ce gamin immoral ? Sommes-nous vraiment si totalement démunis ?" En principe, le général ne répondait pas, il se contentait de hausser les épaules d'un air indifférent; mais il lui arrivait tout de même de répliquer sèchement: "C'est vous qui faites la cuisine, vous devriez savoir ce dont nous avons besoin.
- Si vous étiez passé du côté des russes avec vos troupes, je j'en serais pas réduite à cette souillure, à ce péché mortel, pour que nous puissions manger !" S'écria-t-elle un jour dans un soudain accès d'hystérie.

Je ne fais que traduire leur dialogue, mais c'est bien en ces termes désuets de "souillure", de "péché mortel", et de "gamin immoral" (ce qui me plaisait bien) que s'exprimait la comtesse. Outre le vocabulaire, elle avait aussi le maintien d'une dame formidablement vertueuse, et je la plaignais presque, devinant combien elle avait dû se faire violence pour s'abaisser à se "souiller". Pourtant, je ne pouvais pas m'empêcher de trouver qu'elle exagérait quelque peu son malheur, d'autant plus qu'elle rejouait si fidèlement la scène que je croyais entendre une actrice dans une pièce de théâtre. Le mari ne relevait jamais le défi rituel qu'elle lui lançait, mais, curieusement, la fille était toute prête à décharger sa mère et à assurer elle-même une part du sacrifice. "Mère, laissez-moi y aller - vous semblez bien lasse", disait-elle. Mais la comtesse ne voulait rien entendre.
"Plutôt mourir de faim!" déclarait-elle rageusement. "Plutôt te voir morte qu'en train de te vendre!" Et parfois, avec l'humour du désespoir, elle ajoutait: "Rien ne peut plus me corrompre, j'ai passé l'âge; ce que je fais n'a plus d'importance."
Nous attendions tous en silence tandis qu'elle se reprenait, se maquillait, et puis se levait en observant son époux, ou simplement en promenant son regard autour de leur petite pièce. "Priez pour moi en mon absence", disait-elle habituellement quand nous sortions, et je la suivais, presque persuadé qu'elle aurait volontiers accepté de mourir pour échapper au supplice qui l'attendait.

Pourtant, quand nous arrivions à la voiture, elle parvenait à sourire courageusement, et parfois, quand c'était un certain jeune capitaine qui l'attendait, elle riait joyeusement et sans contrainte pendant le trajet jusqu'au camp militaire. Mais quand soudain son visage s'assombrissait et devenait pensif, il me semblait que j'allais prendre feu rien qu'à être assis auprès d'elle. À ces moments là il était visible qu'elle avait une bouche très sensuelle. J'ai souvent observé de ces changements d'humeur chez les femmes que j'accompagnais à la caserne: elles quittaient leur famille en déesse de vertu partant pour le sacrifice, et puis, sans aucun doute, elles prenaient du bon temps avec les Américains, souvent plus jeunes et plus beaux que leur mari. Un bon nombre d'entre elles, je crois bien, n'étaient pas fâchées de  pouvoir se considérer comme de nobles et généreuses épouses et mères prêtes à tous les sacrifices,  alors qu'en fait il leur plaisait assez d'échapper un moment à l'ennui conjugal.[...]

Plusieurs jours s'écoulèrent avant que je ne recommence à cogiter sur le moyen de faire l'amour avec une des dames qui profitaient de mes services.

Mes pensées tournaient autour de la comtesse. Elle avait beau me traiter de "gamin immoral", elle ne pouvait, me semblait-il, que me préférer à ce lieutenant - un type du Sud avec de fausses dents - qu'elle allait voir quelques fois. Je ne pouvais pas espérer rivaliser avec le jeune et beau capitaine, mais je me disais qu'après une nuit avec le lieutenant j'avais peut-être mes chances. Un matin, le voyant partir en voiture, je restai à roder autour de ses quartiers jusqu'au lever de la dame. Quand j'entendis qu'elle faisait couler la douche, j'entrais tout doucement. Elle ne m'entendit pas. Entrouvrant discrètement la porte de la salle de bains, je la vis sous le jet, nue - À vous couper le souffle ! À la caserne, j'avais vu de nombreuses photos de pin up sur les murs, mais c'était la première fois que je voyais une femme nue en chair et en os. Non seulement c'était différent, c'était miraculeux."

A la FNAC...Seriez-vous frustré, ami lecteur ? Vous aimeriez donc connaître la suite de l'aventure du petit Andras auprès de la comtesse S., dont il est si plaisant d'imaginer le nom d'origine hongroise... Alors faîtes un geste pour la littérature ! Quitte à acheter un roman érotique dans une gare, ce best-seller disponible dans tous les relais H vaut mieux qu'un JFC, non ?

11 mars 2007

Des mots valises

Amandine était une Silphydèle abandonnée par un sentimenteur. En pleine crevaisonge elle alla jusqu'à clavarder avec l'abominable Vagant - cas avéré d'incartadiction - qui lui fit gémiroiter un apéritif gourgandinatoire aux chandelles. Chiche ! dit la jeune antisceptique, et elle décrocha ses porte-jarretelles. Mais n'est pas libidineuve qui veut ! À peine était-elle arrivée sur les lieux du crime, que ce fût la stupréfaction: Amandine était tombée aux mains d'un aristocrabe au beau milieu de cascadeptes festondus. Après moults turlupitudes, Amandine jura, mais un peu tard, qu'on ne la prendrait plus.

medium_murmures.jpg

Vous n'avez rien compris ? Rassurez-vous ami lecteur, il ne vous manque que l'incontournable dictionnaire des mots valises de Pénélope Timiste. A user et abuser sans modération...

06 mars 2007

Alter Ego (8)

medium_tuileries.jpgEn sortant du musée, l'air frais n'a pas remis nos idées en place.

Sur le pont Solferino, mes baisers se sont perdus dans ses cheveux.

Au jardin des tuileries, mes doigts se sont égarés sur son sein pointu.

Au café du sud-ouest, ma main fiévreuse a divagué sous la table jusqu'à son entre cuisse, jusqu'à repousser les limites de sa pudeur et sa dentelle humide.


À suivre...

chez Ysé

04 mars 2007

Alter Ego (7)

medium_l_air_du_soir.jpgNous avons poursuivi assidûment notre découverte mutuelle, et tant bien que mal la visite du musée, à la recherche des salles les plus désertes pour nous y embrasser d'autant plus ardemment. Les impressionnistes célèbres n'eurent droits qu'à de chastes baisers. Les architectes oubliés à mes mains baladeuses, qui remontaient en tremblant le chemin velouté de ses cuisses concupiscentes. Autour de nous, les étrangers qui nous regardaient sans nous voir ne risquaient guère de nous entendre.

- J'ai envie de ta petite chatte Ysé, dis-je le plus naturellement du monde.
- Pardon ? Répondit-elle ébahie par mon audace.
- Oui, j'ai envie de ta petite chatte, de la goutter, de la laper. Je suis sûr qu'elle est toute mouillée.
- Tu es fou, on pourrait nous entendre !
- Et alors, je suis sûr que tu es trempée, n'est-ce pas ?
- Oui...
- J'ai envie de m'abreuver à ta source de jouvence, de me rafraîchir de ta mouille.
- Moi aussi...
- De boire ta jouissance jusqu'à la lie, et d'en partager la saveur avec toi en un baiser goulu !
- Oh ! On s'en va ?

chez Ysé...À suivre...

02 mars 2007

Alter Ego (6)

medium_clock.jpgElle a ainsi accepté d'accompagner Jean-Jacques de Nemours dans sa visite culturelle, et nos pas nous ont menés derrière l'immense cadran.
C'est quand Chronos a eu le dos tourné qu'elle m'a volé ce baiser, à l'abri des regards et du temps dépassés. Et puis, voler n'est pas le mot juste. J'attendais tant qu'elle me le prenne que je lui ai tout donné, et ma bouche et ma langue, et des caresses fébriles. La seule aiguille qui comptait était désormais celle dressée dans ma culotte. Quand on bande, on a toujours vingt ans.


À suivre...chez Ysé...

01 mars 2007

De l'autocensure

Sur les forums de discussion, on à beau se cacher derrière un pseudonyme, on ne peut pas toujours tout écrire. Même si le forum en question est ouvertement libertin, certaines choses doivent rester cachées, secrètes ou habillement maquillées, en particulier le qui-baise-qui sorte de who's who libidineux et hautement confidentiel.
Il y a deux ans, je fus ainsi bien en peine d'écrire le compte rendu d'une nuit mutine, sortie en groupe organisée par un forum échangiste dans un club libertin, soit plus de 50 personnes qui se connaissent plus ou moins et qui en viennent à se connaître beaucoup mieux. On me le réclama à corps et à cris, mais comment faire sans révéler les secrets d'alcôve, ni produire un commentaire aussi insipide que complaisant ? Comment faire face à cette double contrainte ? Je me suis ainsi souvenu des fables qu'on apprenait par cœur à l'école primaire, et j'ai pondu ça...


Nuit Mirifique (1)

 

Il était une fois de merveilleux zéros qui avaient très envie d'élargir leur horizon. Sherazade rêvait de pommes empoisonnées rien que pour être réveillée d'un baiser; le petit chaperon rouge s'imaginait toujours rencontrer sept nains dans un sous bois; Pinocchio désirait chevaucher Bambi;  Cendrillon voulait faire dînette avec Mère-Grand, Blanche Neige et la Belle au Bois Dormant réunies; Bref, tous et toutes louchaient sur les histoires des autres, autrement plus palpitantes. C'est ainsi qu'ils demandèrent en chœur à la fée Clochette (2): "Fée Clochette, organise-nous un mirifique banquet pour que nous puissions nous rencontrer et échanger nos goûters !" (3)

 

Pas besoin de le dire deux fois à la fée Clochette qui adorait faire la bringue. Elle dégaina aussitôt sa baguette magique compatible imode (4), et en deux ou trois formules magiques, elle privatisa le palais de la zique tout entier (5).

 

Arriva le jour J. Les zéros et les zéroïnes vinrent en vrac sous le crépitement des flashs des photographes shootés. "Shrek!", "Aladin!", "Bambiiiiiiii" pouvait-on les entendre hurler sous les vivas de la foules extatique. Les employés du palais de la zique formaient une haie d'honneur, au garde à vous, alors que les merveilleux zéros montaient souverainement les marches festivalières. Enfin, ils et elles furent tous réunis tels les Dieux de l'olympe, au 3ème étage du palais de la zique qui, comme chacun sait, a une vue imprenable tout le royaume (6). Sur la poitrine de chacun brillait une étoile hollywoodienne où son nom scintillait (7).

 

Dans l'édition spéciale "Nuit Mirifique" de Royaume-Match publiée dès le lendemain, on peut ainsi reconnaître sans l'ombre d'un doute la Belle au Bois Dormant avec un Prince Charmant et son fringant écuyer (8); Ali Baba en plein conciliabule avec la fée Clochette qui sirote son verre de muscat (9); La ravissante Sherazade en compagnie de Pinocchio (10); Cendrillon bavardant avec Blanche Neige et Peter Pan (11); Le capitaine Crochet hilare entouré du Petit Chaperon rouge et d'une Mère-Grand bien juvénile (12); Aladin qui tient sa lampe intégrale et qui jette des regards inquiets vers le Grand Méchant Loup (13). Pas d'autre photos n'ont été publiées, le reste de la soirée était private de chez private.

 

D'ailleurs la fée Clochette sonna le départ tant attendu, et tous les zéros dévalèrent les fameux escaliers du palais de la zique. A leur tête Cendrillon, qui avait troqué ses pantoufles de verre contre les escarpins de Ginger Rogers, improvisait un pétulant numéro de claquettes (14). Imaginez la tête du troupeau de japonais qui croisa sur les champs la troupe hétéroclite d'une cinquantaine de joyeux zéros qui se poussaient du coude et jouaient déjà aux devinettes.

 

- Sais-tu qui est Merlin le désenchanté, demanda la Belle au Bois Dormant au petit Pinocchio ?(15)

- Je sais tout mais je ne dirai rien ! Répondit crânement Pinocchio dont le nez avait aussitôt pris une dizaine de centimètres.

- Tu ne perds rien pour attendre ! Nous afons les moyens de fous faire parler ! Rétorqua la Belle au Bois Dormant qui re rentrait pourtant pas d'Autriche.

 

Ils parvirent enfin à la caverne aux trésors où devait avoir lieu la fameuse seconde partie de soirée. Ali Baba se présenta à l'entrée.

 

- Sésame, ouvre-toi ! Déclama-t-il d'une voix théâtrale. Rien.

- Sésaaaaaaame, ouuuuuuvrrrrrre toi !!! Répéta-t-il de sa voix de stentor. Toujours rien.

- Sizam, ti vas l'ouvrir c'te porte !

- Ehhhh Jo, faut pas t'énerver comme ça là ! Sésame... Sésame... c'est pas doux dé! Tu ne sais pas que les temps sont durs ? Faut du blé! Et n'oublie pas les passeports en bonnets difformes ! Chuchota la porte avec un fort accent sub-saharien (16).

 

Ali Baba se tourna vers les zéros et décoda la demande de bakchich : "Glissez 50 dollars dans les bonnets de votre passeport, et tant pis s'ils sont déformés parce que vous n'avez que de la ferraille !"

 

Il en fallait plus que ça pour décourager la troupe, et les zéros glissèrent en gloussant leur obole dans la fente des bonnets, que les zéroïnes exhibaient fièrement en bombant le torse.

 

Alors la porte de la caverne aux trésors s'ouvrit largement pour accueillir les convives qui ne se firent pas prier.

 

A l'intérieur tout n'était que dorures et abondance. La fée Clochette avait tout prévu. Un banquet avait même été installé dans la salle de bal en attendant les choses sérieuses. Elle n'eut qu'à secouer sa baguette magique pour qu'une musique suave et entraînante résonne dans la caverne aux trésors. A l'image de Shrek, tous et toutes s'abattirent sur les canapés moelleux, se racontèrent leurs histoires zéroïques en se demandant déjà avec qui ils allaient partager leur goûter, et surtout où ! La caverne aux trésors ne recelait-elle pas quelques coins tranquilles à explorer, demandait Blanche Neige ? La fée Clochette leur révéla alors le secret de la caverne: "S'ils le voulaient tous très fort, alors une autre dimension de la caverne s'ouvrirait à eux". Ils n'eurent pas à se forcer pour avoir des pensées licencieuses, et des portes dérobées s'ouvrirent sur un long couloir qui serpentait entre de luxurieuses petites alcôves (17).

 

Dans une cohue indescriptible façon Goscinny, tous se précipitèrent dans le corridor comme au départ d'une course du PMU. Arrêt sur une image. Aladin caracole en tête de file, la bouche ouverte et la langue pendante. Perchée sur ses épaules, la fée Clochette hurle "suce aux amis !". A la corde, Blanche Neige embarque Peter Pan sous son bras. La Belle au Bois Dormant fait l'effort à l'extérieur, suivie de très près par le Prince Charmant à la lutte avec le Grand Méchant Loup. Derrière, Sherazade évite la chute rattrapée de justesse par le capitaine Crochet, mais Shrek piétine Pinocchio qui s'est pris les pieds dans le tapis. En queue de peloton, le Petit Chaperon casaque rouge est à la traîne, Mère-Grand est à la peine et Cendrillon est au taquet. Le quarté de tête, Aladin à 8 contre 1, Sherazade à 6 contre 1, Belle au Bois Dormant à 3 contre 1 et Prince Charmant à 6 contre 1, ne rapporta pas grand chose tant il était prévisible. Les Zéros victorieux s'enfermèrent aussitôt dans la première alcôve qui laissait miroiter le bien doux repos des guerriers (18).

 

Le capitaine Crochet invita Cendrillon en croisière pour Abou Simbel, dans une alcôve en forme de cabine de bateau (19). Elle lui offrit ses jolies galettes. Il lui fit goûter à son sucre d'orge. Grand seigneur, le capitaine Crochet invita même Pinocchio à les rejoindre, mais le petit Pinocchio était morose (20). Dans les grandes alcôves du fond, Shrek et le Grand Méchant Loup bouffaient à tous les râteliers.

 

Dépité, Pinocchio alla se plaindre au commissaire de course:

 

- Fée Clochette, c'est injuste, vraiment trop injuste !

- Qu'est-ce qui t'arrive mon petit Caliméro?

- Avec 1m25 au garrot, je n'ai absolument aucune chance face aux grands gabarits !

- Tu veux que je t'organise une course avec les 7 nains ?

- Non, mais heuuuu... vous qui avez tous les pouvoirs avec votre baguette magique, vous ne pourriez pas m'avantager un petit peu ? Vous pourriez me donner une certaine stature, je ne sais pas moi, 1m85, 80 kilos de muscle, 60 cm de tour de taille...

- Stooooooop ! Moi je ne fais pas dans le pot belge. Et pourquoi pas un sucre d'orge de 25 cm pendant que tu y es ?

- Ah oui, je veux bien aussi !

- Non! Non et Non! Après on va encore mettre en doute mon intégrité légendaire. Tu peux toujours aller voir Merlin le désenchanté, mais c'est à tes risques et périls.

- Je ne le connais pas ! Personne ne sait qui c'est !

- Va bouder sur une banquette, il viendra, rétorqua la fée Clochette déjà en retard pour la chasse au loup.

 

Pinocchio alla cuver son dépit dans un verre de Bordeaux:

 

- Si seulement je pouvais mesurer 1m85... 80 kgs de muscles... 130 de... tour... de... poi... trineuuuuu....

- Eh! Oh! Moi je peux te transformer en Prince Charmant si tu veux !

- Qu'est-ce qui me veut celui-là ? Dit Pinocchio en baillant. Celui-là, c'est le verre à pied qui s'agitait sur la table.

- Je suis Merlin le désenchanté, dans ton verre de vin ! Répondit Merlin avec un mauvais calembour. Alors, tu veux ressembler au Prince Charmant ?

- Ah oui, le Prince Charmant, c'est pas mal !

- Bon, je te propose un deal: Tu prends la place du Prince Charmant, il prend la mienne avec mon enchanteresse, et moi je prends la tienne! J'ai besoin de piquer un petit roupillon et l'enchanteresse ne me laisse pas dormir ! Dès que je me réveille, tout reprendra sa place. Tu n'as qu'à boire ce verre cul-sec jusqu'à la dernière goutte !

- Ca marche ! gloups ! hips !

- Abracadaswing !

 

C'est ainsi que Pinocchio intégra instantanément le corps du Prince Charmant, en pleine bacchanales. Shérazade suçait son sucre d'orge équin alors qu'il dégustait le petit pot de beurre de la Belle au Bois Dormant, laquelle se délectait du sucre d'orge d'Aladin qui se bâfrait avec les galettes de Sherazade.

 

Merlin le désenchanté piqua son petit roupillon dans la carcasse en bois de Pinocchio.

 

Quant au Prince Charmant, il se retrouva ligoté sur un lit dans la peau de Merlin, face à une ravissante enchanteresse visiblement résolue à utiliser le sucre d'orge vibrant dont elle était harnachée.

 

Aux anges, Pinocchio dévorait sans relâche galettes et petits pots. Il y glissait son sucre d'orge pour un mélange de saveurs ensorceleuses. Entouré de miroirs, il s'enivrait des multiples reflets de son éphémère corps athlétique de Prince Charmant. Soudain, l'horreur! Il se vit rapetisser en quelques secondes pour redevenir une pitoyable marionnette de bois ! Shérazade s'en évanouit de frayeur. Aladin tenta de la réanimer, alors que la Belle au Bois Dormant sautait à la gorge de Pinocchio. "C'est donc toi Merlin le désenchanté !" Hurlait-t-elle de rage. "Rends-moi mon Prince Charmant, vilain sorcier !" Ajouta-t-elle en secouant la marionnette comme un prunier.

 

- Toc! Toc! Toc! On frappa à la porte de l'alcôve transformée en foire d'empoigne.

- Qui c'est ?! Rugit la Belle au Bois Dormant qui n'avait pas lâché Pinocchio.

- C'est la fée Clochette qui vient faire la fête ! Champagne ! (21)

 

Shérazade qui avait entre temps repris ses esprits ouvrit la porte, et la fée Clochette apparue avec un gros gâteau surmonté de bougies scintillantes, suivie par le Grand Méchant Loup, Ali Baba et toute la joyeuse troupe. "Joyeux aaaaanniiiiiveeeeeersaiiiire !" Chantèrent-ils en choeur. De surprise, la Belle au Bois Dormant ouvrit ses petites menottes, et laissa tomber Pinocchio qui en profita pour filer à l'anglaise. Il se réfugia sous les jupons de Blanche Neige qui se dandinait sur la piste de danse. Il finit par hasarder un oeil vers la banquette où il s'était assoupi quelques minutes plus tôt. Il y vit Merlin le désenchanté excité comme un caïd du neuf trois dopé aux champignons dans une chanson tonitruante:

 

Mangez-moi! Mangez-moi! Mangez-moi!

Mangez-moi! Mangez-moi! Mangez-moi!

C'est la chant du psylo qui supplie

Qui joue avec les âmes

Et ouvre les volets de la perception

 

Merlin se jeta sur la barre d'un podium pour s'y exhiber, enchaînant des postures grotesques. Quatre sublimes sirènes harponnées se prosternaient à ses pieds en se tenant par la main. (22)

 

- Combien mesures-tu, Pinocchio ? Demanda Blanche Neige ?

- Heu... 1m25 répondit le petit Pinocchio, dans une position telle qu'il ne pouvait pas mentir sans se faire accuser de tentative de viol.

- Voilà qui est parfait pour un nain de jardin, répondit Blanche Neige. Avec Peter Pan et toi, il ne m'en manque plus que 5...

 

"Attrapez-le !" Entendit-on rugir dans la salle de bal, et Pinocchio chercha un nouveau refuge du côté des alcôves. Une fois de plus, il se prit les pieds dans le tapis et s'étala de tout son long, devant la cabine de bateau sur le point d'embarquer de nouveaux voyageurs en partance pour Abou Simbel. Heureusement, le Petit Chaperon rouge et la douce Mère-Grand relevèrent Pinocchio, et le firent asseoir dans la cabine. Encouragée par le Petit Chaperon rouge, Mère-Grand réconforta Pinocchio en lui faisant goûter ses galettes au miel, auxquelles le garnement fit honneur. Quant au Petit Chaperon rouge, elle fut prise d'une fringale qui la poussa à la chasse au sucre d'orge. Mère-Grand n'était pas rassurée car elle avait entendu les hurlements sauvages du loup, et elle ne voulait absolument pas figurer à son menu.

 

- Toc ! Toc ! Toc !

- Qui est là ? Demanda Mère-Grand tout doucement.

- C'est le Petit Chaperon rouge ! Entendit-elle répondre sur une octave étonnement basse.

 

Pinocchio tourna la chevillette et la porte s'ouvrit. Le Grand Méchant Loup surgit dans la cabine avec le Petit Chaperon rouge sous le bras. Bien que déjà repu, il jeta le Petit Chaperon rouge sur la couchette, pour lécher ses galettes au chocolat et son petit pot de beurre fondant, tout en posant ses grosses pattes velues sur Mère-Grand terrorisée. N'écoutant que son courage qui ne lui disait pourtant pas grand chose, Pinocchio s'interposa:

 

- Touche pas à Mère-Grand !

- Sinon quoi ? Rigola le Grand Méchant Loup narquois ?

- Heu... il faudra me passer sur le corps !

- Beurk ! T'as de la chance que je n'aime pas les sucres d'orge! Burp! Eructa le Grand Méchant Loup au bord de l'indigestion, avant de prendre congé (23).

 

C'est ainsi que Pinocchio, le Petit Chaperon rouge et Mère-Grand partagèrent tranquillement leurs goûters, sous le regard amusé de la Belle au Bois Dormant au travers du hublot de la cabine. Elle avait finit par attraper l'affreux Merlin, elle avait exigé un échange standard, et elle avait enfin récupéré son Prince Charmant profondément abusé, mais heureux !

medium_sexymickey.jpg


La morale de cette histoire, c'est que la contrainte de la censure ou de l'autocensure peut parfois être une muse facétieuse.

                                                                                           

(1) Le lecteur attentif notera que les initiales de Nuit Mirifique sont identiques à celles de Nuit Mutine du forum E&T, c'est à dire NM(c)
(2) Sous le pseudonyme de fée clochette se cache celui d'une animatrice du forum E&T voici quelques années. Petite par la taille mais grande par la gentillesse, elle était parvenue à organiser de nombreuses soirées échangiste, en négociant les tarifs et en faisant de son mieux pour le plaisir de tous.
(3) J'ai connu une libertine qui m'a écrit un jour: "en club, il faut venir avec un bon casse-croûte au cas ou on ne trouve rien de bien sur place". J'ai préféré l'image du goûter.
(4) Son portable compatible imode.
(5) Une nuit mutine se déroule au moins en deux parties: l'apéritif dans un lieu "vertical", et le reste de la soirée dans un lieu "horizontal". Pour la première partie, nous avions privatisé le bar au premier étage du Virgin sur les champs.
(6) Sur tout Paris.
(7) Nous avions eu droit à un joli post-it à coller sur notre chemise, histoire de bien savoir qui est qui.
(8) La belle au bois dormant est une très belle jeune femme qui m'a inspiré Rêve 911. Elle était accompagnée ce jour là par le prince charmant, son amant du moment qu'elle quitterait quelques semaines plus tard au profit du jeune écuyer.
(9) Ali baba est un homme charmant d'origine maghrébine. Le coeur sur la main, il avait secondé la fée clochette pour l'organisation de cette NM.
(10) J'avais eu l'occasion de bavarder avec Sherazade, une divine petite brune à la beauté méditerranéenne, qui vivait alors en couple avec Aladin.
(11) Cendrillon était mon accompagnatrice du moment. Je l'avais rencontrée quelques semaines auparavant  dans un sauna libertin, et cette jeune femme avait accepté de m'accompagner pour cette soirée exclusivement réservée aux "couples".
(12) J'ai tout de suite remarqué le petit chaperon rouge: Jolie jeune femme à la peau chocolat, elle portait une robe rouge Ferrari au décolleté avantageux. Elle était venue avec mère-grand qu'elle connaissait depuis peu. Je n'ai pas affublé mère-grand d'un tel pseudonyme à cause son âge réel ou apparent, mais pour des raisons de cohérence avec la fin de cette fable, et parce qu'elle était inséparable du petit chaperon rouge ce soir là: C'était leur première sortie libertine à toutes les deux, en tant que femmes seules de surcroît. Le capitaine crochet, amant occasionnel de la fée clochette avec le grand méchant loup, semblait ravi d'être en si bonne compagnie.
(13) Ce soir là, Aladin était venu en scooter et il tenait à la main son casque intégral. D'un naturel plutôt jaloux - je me souviens encore des regards assassins dont il me gratifiait alors que je bavardais innocemment avec sa dulcinée - il nourrissait à juste titre les pires inquiétudes face au grand méchant loup: incarnation parfaite du libidin cher à Georges, l'immense grand méchant loup avait la verge aussi ferme que l'intention de s'en servir autant que possible...
(14) Cendrillon, d'assez grande taille, n'avait pas l'habitude de porter jupe étroite et talons hauts...
(15) A cette époque, un troll écumait le forum E&T en répandant des calomnies à mots couverts. Il semblait trop bien renseigné sur les coulisses de ce forum pour ne pas l'avoir fréquenté. Deviner son identité était le jeu du moment.
(16) Les habitués du No Comment reconnaîtront peut être le portier de l'époque, grand Noir auquel j'ai prêté un accent ivoirien. Bien que prévenus, ils ont mis longtemps à ouvrir les portes de leur club, peut-être effrayés par la taille de la troupe.
(17)  La zone verticale du No Comment avait été privatisé avant son heure d'ouverture habituelle: un buffet froid y avait été installé à notre intention. Les coins-câlins n'étaient donc pas accessibles jusqu'à l'ouverture normale du club, vers 22h30.
(18) Le salon au miroir était le plus convoité. Dès que les coins-câlins furent ouverts, des groupes constitués s'y sont précipité, dont celui des beautiful peoples vers lesquels tout le monde louchait.
(19) Depuis la porte ouverte, je regardais le capitaine crochet  étendu aux côtés de mon accompagnatrice dans une alcôve en forme de cabine de bateau. "Je t'emmène en croisière à Abou simbel", qu'il lui dit avant de l'embrasser langoureusement. J'ai trouvé ça mignon.
(20) "C'est donc toi Vagant ? Je t'imaginais plus grand" venait de me dire Blanche Neige en constatant ma taille très moyenne. Cela avait vite fait de ranimer un vieux complexe, face à des princes charmants plus athlétiques.
(21) A ce moment là, je n'ennuyais copieusement. Cette soirée était aussi l'occasion de fêter l'anniversaire du grand méchant loup ainsi que celui de La belle au bois dormant, et la fée clochette avait eu bien du mal à les ramener dans la zone verticale.
(22) Ce soir là un gars qui ne devait pas être coupable que de délit de faciès faisait la bringue avec 4 escort-girls. Allez savoir pourquoi, ce spectacle me fascinait.
(23) Taquine, le petit chaperon rouge avait décidé d'épuiser le grand méchant loup. Elle y est parvenu, avant de jeter son dévolu sur moi...

28 février 2007

Alter Ego (5)

Elle n'a pas répondu à ma question. Même si je sentais qu'elle était à peu près certaine que j'étais son rendez-vous mystère, elle espérait que je l'avoue avant de me donner le baiser qui engagerait ses lèvres, voire plus si affinités. Elle voulait un signe. Je ne lui en donnerai pas. Je voulais que son baiser soit l'expression de sa liberté, de son désir, tout en lui laissant la latitude de partir si je ne lui plaisais pas. Je voulais qu'elle me montre qu'elle croyait au plaisir qu'elle pourrait partager avec un homme tel que moi, avec un homme de mon âge. J'attendais d'elle un acte de foi, en somme.

Devant moi, la sculpture confortait ma ligne de conduite avec éloquence: Claudel était belle et fraîche, Rodin était déjà usé. Il y avait autant d'écart entre ce couple là qu'entre mon interlocutrice et moi.

medium_gare_orsay.2.jpgSous l'égide de la monumentale horloge qui n'avait jamais cessé de rythmer des rencontres à l'abri de l'immense hall de gare reconverti en musée, nous avons continué à bavarder jusqu'à ce que le rendez-vous de mon interlocutrice soit trop en retard pour être attendu davantage.
chez Ysé

À suivre...

26 février 2007

Alter Ego (4)

medium_orsay.5.jpg- Oui, j'ai un peu moins mal à la gorge, sans doute grâce à vous. Vous êtes en visite, lui demandais-je pour détourner la conversation de mon pauvre subterfuge ?
- En fait, j'ai un rendez-vous.
- Quel dommage, nous aurions pu visiter le musée ensemble. A quelle heure aviez-vous rendez-vous ?
- Midi
- Il est déjà midi et quart ! Quel mufle ose venir en retard à un rendez-vous avec une si charmante jeune femme ? A moins que ce soit une de vos amies ?
- Non, c'est un homme.
- Votre petit ami peut-être? Dites-moi si je suis indiscret...
- Non, en fait, je ne le connais pas.
- Voilà qui est amusant... J'imagine que vous avez convenu de quelques indices pour vous reconnaître, comme dans les rencontres par petite annonce: Il aura sous le bras le journal Libération et elle aura autours du cou un foulard à fleurs...
- Et non, pas de signe distinctif. Mais qui vous dit que je réponds à une petite annonce ?
- C'est la raison qui m'est venue à l'esprit pour expliquer un rendez-vous avec un inconnu dans un musée ? D'ailleurs, je suis peut-être votre rendez-vous mystère !
- Oui, peut-être... comment vous appelez-vous ?
- Jean-Jacques, répondis-je après un léger temps d'arrêt.
- Comme le philosophe ?
- Exactement !
- Et vous vous promenez souvent dans ce musée ?
- Non, c'est la première fois. Je suis en congés...
- Pour un parisien...
- J'habite à Nemours.
- Vous seriez donc Jean-Jacques de Nemours, et vous profitez d'une journée de congés pour visiter le musée d'Orsay à Paris. Je ne vous crois pas !
- Et pourtant, c'est bien le cas. Vous avez quelque chose contre les Jean-Jacques ?
- Non, mais je suis certaine que vous me racontez des histoires.
- En attendant, votre rendez-vous n'est toujours pas là. Comment deviez-vous le reconnaître ?
chez Ysé 

À suivre...

24 février 2007

Alter Ego (3)

medium_age_mur.jpg- Vous connaissez cette oeuvre ? Me demanda-t-elle d'un trait comme on se jette à l'eau.
- Pas très bien, non, chuchotais-je d'une voix aphone.

Elle a marqué un temps d'arrêt. Alors qu'elle s'attendait à reconnaître ma voix, elle n'avait entendu qu'un chuintement maladif à faire fuir tout interlocuteur en bonne santé. Dans le doute, elle a poursuivit l'exposé qu'elle s'apprêtait à faire malgré mes supposés microbes.

- C'est une oeuvre maîtresse de Camille Claudel. Elle s'est représentée elle-même, agenouillée derrière Rodin qu'elle essaie de retenir. Lui, c'est un homme déjà mûr. La quarantaine. Camille n'a qu'une vingtaine d'années. Il la quitte au profit d'une autre maîtresse plus âgée, qui deviendra par la suite son épouse. Vous voyez comment elle a représenté les stigmates de l'âge ?
- Elle n'a pas été tendre avec sa rivale, soufflais-je sur un ton moribond. Je ne peux pas beaucoup parler, j'ai très mal à la gorge.
- Camille Claudel est sans-doute mon sculpteur préféré. De l'originalité dans le traitement du sujet, et même de l'audace, mais aussi une finesse toute féminine.
- Vous êtes artiste ?
- Non j'ai étudié cette oeuvre. Mais je ne voudrais pas vous faire parler, vous semblez tant souffrir...
- Ne vous inquiétez pas, c'est un plaisir de converser avec vous.
- D'ailleurs, il me semble que ça va déjà mieux, insinua-t-elle.

chez Ysé
À suivre...

21 février 2007

Étienne

"John Flaherty-Cox est l'auteur de trois romans érotiques publiés aux éditions Blanche", apprenons-nous dans la biographie de l'auteur, dont Diane qui avait fait l'objet d'une note sur NOLDA. "Traduite dans plusieurs langues, cette trilogie est résolument moderne. Elle s'intéresse aux multiples formes de sexualité d'aujourd'hui, notamment celle des couples libérés qui distinguent très bien les plaisirs du sexe et ceux du cœur.". J'ai donc lu Étienne, le second ouvrage de la trilogie centrée sur le couple que forment Étienne et Diane. Selon moi, la seule modernité de ce roman est celle de sa pornographie très contemporaine: indigence de l'intrigue ponctuée de scènes pornographiques explicites, pauvreté psychologique des personnages inversement proportionnelle à leur richesse matérielle, infaillibilité des protagonistes auxquels tout réussi, festival de poncifs ethniques... Cela confère à ce livre quelques avantages: on peut le lire d'une main en enfilant les chapitres dans le désordre sans perdre le fil de l'histoire.

Prenons-en donc un ensemble, au hasard, le chapitre 10 par exemple, mais en défilement rapide pour ne pas trop vous lasser:

  • Diane est en voyage d'affaire. (p. 169)medium_Etienne.jpg
  • Etienne est invité à dîner chez Sophie et Alan. (p. 171)
  • Leur appartement est somptueux. (p.171)
  • Ils ont une jeune soubrette asiatique: Sue. (p.172)
  • Sophie a la taille fine et les seins des gros. (p.172)
  • Sophie exhibe son porte-jarretelles. (p.172)
  • Etienne danse langoureusement avec Sophie. (p.173)
  • Alan va chercher du cognac. (p.173)
  • Sophie embrasse Etienne. (p.173)
  • Sue déshabille et lèche Sophie, et puis Etienne. (p.174)
  • Sophie, Etienne, Sue, Alan et le cognac vont dans la chambre. (p.174)
  • Sophie suce Etienne dans un bassin saupoudré de pétales de rose au milieu de la chambre (p.175)
  • Sue suce Alan dans le bassin. (p.175)
  • Etienne et Alan jouissent tour à tour. (p.175) - Première éjaculation d'Etienne.
  • Sue quitte temporairement la scène. (p. 176)
  • Alan enlace Sophie qui se fait prendre par Etienne dans le lit. (p. 176)
  • Etienne apprend à Alan et Sophie qu'il est lui aussi libertin. (p.176) 
  • Sue revient en nuisette noire. (p. 177)
  • Etienne fouette Sophie. (p. 178)
  • Etienne sodomise Sophie. (p. 179)
  • Alan et Sophie quittent la scène. (p. 179)
  • Sue suce Etienne. (p.179)
  • L'auteur assène au lecteur le poncif de la jeune asiatique soumise et heureuse. (p. 179)
  • Etienne éjacule au visage de Sue. (p. 180) - Seconde éjaculation d'Etienne
  • Etienne sodomise Sue. (p. 181) - Troisième éjaculation d'Etienne
  • Etienne sodomise encore Sue. (p. 182) - Quatrième éjaculation d'Etienne
  • Sue quitte définitivement la scène. (p. 182)
  • Sophie revient en nuisette noire, avec Alan. (p. 183)
  • Alan et Etienne administrent une double pénétration à Sophie. (p. 183)
  • Alan et Etienne prennent Sophie dans tous les sens toute la nuit. (p. 184) - Nième éjaculation d'Etienne ?
  • Etienne s'en va au petit matin. (p. 185)

Raconté comme ça, ce n'est pas très excitant, et pourtant ça m'a fait bander. Un peu comme ces films pornos qui vous excitent malgré vous, parce qu'ils s'adressent à votre cerveau reptilien plus qu'à votre cortex.
J'ai acheté ce roman dans une gare. Je crois que je vais le ranger dans mes toilettes.

20 février 2007

Alter Ego (1)

medium_logo_musee_orsay.jpgJ'avais songé lui donner un défi à base de boules de geisha et de filatures, mais j'ai eu pitié de l'innocence de cette jeune femme rencontrée sur le net. Nous avions alors eu la sagesse de ne pas échanger de photos de nos visages, et cela m'a donné une idée de première rencontre originale, assez sage pour ne pas trop l'effaroucher, mais assez vicieuse pour la faire frissonner: Nous nous donnerions rendez-vous au musée d'Orsay, devant "l'âge mûr" de Camille Claudel, sa sculpture préférée, à midi sonnante, et elle devrait me reconnaître, m'aborder, et m'embrasser avant que je ne lui ai dévoilé mon identité. Cela était d'autant plus facile que nous avions déjà bavardé au téléphone, et qu'elle me reconnaîtrait certainement à ma voix. Trop facile, peut-être.chez Ysé

À suivre...

19 février 2007

Chez Pandore (3)

Résumons la situation. J'étais assis dans un siège avec une fille sublime sur les genoux, vêtue d'une veste et d'une petite culotte, rectification, d'une petite culotte seulement, et qui se dandinait face à moi, ses petits seins pointus à quelques centimètres de mon visage cramoisi, sa croupe effectuant d'amples mouvements circulaires alors qu'elle imprimait à son string un va et vient qui le faisait disparaître dans sa motte comme un fil à couper le beurre. Inutile de dire que je bandais comme un cerf. Allais-je faire l'amour à Eva là, dans ce club, sur ce fauteuil ? Sincèrement, j'en mourrais d'envie. Je posai le bout de mes doigts sur ses cuisses sans demander la permission. "On touche avec les yeux !" Son sourire ne parvint pas vraiment à adoucir son regard. Les choses, aussi claires furent-elles, n'émoussaient cependant pas mon désir brûlant. Elle arrêta de se dandiner un moment, me considéra avec une moue enfantine, et se pencha à mon oreille. "20 euros de plus et je te fais un petit cadeau" A ce moment là, j'aurais décroché la lune si elle me l'avait demandé. J'acquiesçai de la tête, incapable d'articuler un mot. Alors elle ôta sa culotte et me l'enfila sur la tête, le pif dans l'entrejambe, un oeil de chaque côté, les élastiques derrière les oreilles. Masqué comme un Zorro libidineux, j'assistais à la fin du spectacle en hyper ventilation, m'enivrant de ses effluves alors qu'elle me faisait un grand écart facial, debout, un pied sur le dossier du fauteuil, ouvrant sa chatte avec ses deux pouces en me disant "made in Italia" C'est ainsi que j'appris ses origines piémontaises. Mais les meilleures choses ont une fin. A peine avais-je ôté le slip de ma figure qu'elle en avait enfilé un autre ainsi que son tailleur. Elle glissa le slip usagé dans ma poche, en souvenir, me fit un bisou sur le nez et le monde chavira à nouveau.
 
Je retournai à ma table en titubant. Eva m'y adressa un clin d'œil complice avant de disparaître. Sauf que ce n'était pas ma table. C'était celle de mon beau-frère. Ce gros porc plein aux as faisait sauter la serveuse sur ses genoux, vous savez celle qui voulait me faire boire du champagne. D'ailleurs, il avait droit à toute la bouteille. Et histoire de me montrer qui il était, il en enfonça le goulot dans le sexe de la serveuse grimaçante. Elle se rattrapa en gloussant de rire jaune pour ne pas se faire virer. Il faut dire qu'il était le nouveau proprio de la boite, et l'idée de l'avoir enrichi du montant de mes consommations me faisait proprement enrager. Il daigna me donner une explication, histoire de prendre sa revanche sur moi qui avais fait des études et qui le faisait savoir. Il venait juste de gagner au loto et, grâce à ses fréquentations louches que j'avais toujours décriées, il avait saisi la bonne affaire : "chez Pandore" était à vendre, et il se l'était offerte, cette boite renommée, et tous les notables avec. Il renvoya la serveuse à ses clients avec une bonne claque sur les fesses avant de me faire une réduction royale de 10% sur ma note. "Quand Martine va savoir ça !" ajouta-t-il en rigolant. Que voulez-vous, la chance sourit aux audacieux.
 
Je quittais la boite, les épaules voûtées et la queue basse. Martine était la sœur jumelle de ma femme. Elle s'était entichée d'un apprenti boucher quand elle avait 16 ans, et cet abruti était devenu mon beau-frère. Notez que je n'ai absolument rien contre les bouchers, mais ce représentant ne faisait pas honneur à sa profession. D'ailleurs il n'était plus boucher depuis longtemps. Il avait aussitôt fait trois mômes à Martine pour toucher les allocs, il avait arrêté de bosser pour avoir le RMI, et il vivotait de petits trafics avec la mafia locale, passait des cigarettes et des prostituées albanaises au travers de la frontière italienne, n'hésitait pas à se faire payer en nature, bref, du genre glorieux. Les rêves adolescents de Martine avaient ainsi été réduits à torcher le cul de ses gosses et se faire sauter par ce sale type quand il n'avait pas de chair plus fraîche à sa disposition. L'acquisition de "chez Pandore" n'allait rien arranger, mais elle aurait au moins les moyens de passer ses nerfs sur une bonne portugaise, ça compense. En tous cas, dès que Martine saurait que j'avais passé la soirée avec une strip-teaseuse, ma femme le saurait aussi et je passerais un sale quart d'heure. Tout juste après avoir poussé la porte de la maison, je compris qu'elle savait déjà. Elle en savait même plus que moi. C'est ainsi que j'appris avoir une maîtresse, une certaine Eva que j'allais voir tous les soirs, une cocotte que j'entretenais depuis des semaines avec l'argent du ménage. Je laissais passer l'orage plutôt que de me confondre en inutiles arguties. C'est alors qu'elle me demanda où en était mon augmentation, parce que Martine, elle roulait en Mercedes classe A métallisée ce qui est très pratique pour faire les courses au supermarché. Je sentis la sueur inonder mon front et je m'épongeais par inadvertance avec le slip d'Eva que j'avais sous la main. C'est là que ma femme a vraiment vu rouge. 
 
Le lendemain matin, j'allais au boulot en bus, pour la première et dernière fois. Ma femme était partie chez sa mère avec ma vieille AX bancale qui était maintenant la sienne. Ma dernière journée fût assez productive. Je parvins à terminer mon CV et à envoyer un mail à tout mon service: tout le monde était invité à un pot de départ informel chez bibi, le café du coin. Personne ne vint, à croire que ma disgrâce pouvait être contagieuse. Personne ne vint à part Jean-paul, cette vieille tantouze alcoolique prêt à braver tous les tabous pour se torcher à l'œil. Non content d'ingurgiter tout ce qui restait de mon budget, il crût la source inépuisable et me proposa de finir la soirée "chez Pandore" Non ! Pas question ! Á cause de cette maudite boite j'avais perdu ma voiture, ma femme, mon job, quelle nouvelle catastrophe allait encore fondre sur moi ? Serais-je contraint d'y accepter un poste de groom aux ordres de mon beau-frère pour entrevoir ma dulcinée, Jean-Paul allait-il me sodomiser en me confondant avec un éléphant rose ou pire encore, Eva serait-elle partie en congés ? Non, je n'irais pas y noyer mon désespoir, car tous mes rêves s'en étaient allés. Envolées mes légitimes aspirations de petit bourgeois dignes d'un discours électoral démocrate chrétien, éteintes mes velléités d'assouvir de sombres désirs illicites, évanoui mon espoir de connaître un jour Eva. Je rentrai dans ma maison vide et m'affalai dans un fauteuil. J'hésitai entre ingurgiter la première bouteille ou le premier bouquin venu. Vu mon état, je décidai de ne pas décider, et je tombai sur une bouteille de whisky et un bouquin sur la mythologie. Au premier verre, j'en étais au talon d'achille. Au deuxième verre, Tantale, ce qui me fit prendre aussitôt le troisième verre pour aborder Eros et Psyché. Je ne comptais plus lorsque je me suis affalé sur la page 134. Il y était question d'une certaine Pandore...

"Un matin, Pandore profita de l'absence de son mari Épiméthée pour se glisser dans la pièce où était dissimulée la boîte. Elle la contempla longuement, puis se décida à l'ouvrir.
Elle brisa la serrure, puis, osant à peine respirer, elle souleva lentement le couvercle. Mais avant même qu'elle puisse regarder à l'intérieur, il s'en échappa un hurlement terrible, un long sanglot de douleur. Elle recula d'un bond, épouvantée. De la boîte se mirent à sortir toutes sortes de calamités: la haine et la jalousie, la cruauté et la colère, la faim, la pauvreté, la douleur, le vice, la vieillesse et la mort. Pandore essaya bien de refermer le couvercle, mais il était trop tard. C'est alors que, discrètement, sans faire de bruit, en sortit l'espérance."

18 février 2007

Chez Pandore (2)

Cette vieille fille frustrée avait ses entrées chez le PDG qui ne l'était pas moins, et ces deux corbeaux passaient une bonne partie de leur temps à faire la chasse aux calendriers playboy qui fleurissaient dans les vestiaires des ouvriers plutôt que de redresser les comptes calamiteux de l'entreprise. Si elle m'avait reconnu, j'étais foutu, le PDG puritain me sabrerait sans état d'âme, invoquant un quelconque écart de conduite. J'adorais les femmes, c'était mal vu, et il ne me restait plus qu'à prier tous les seins de la terre pour que cette vieille pie ne m'ait pas vu. Je rentrai chez moi la bouche pleine d'excuses, et allai me glisser au lit prétextant une migraine. Je dormis mal. Le lendemain matin, il ne me restait de la soirée que l'image de la vulve d'Eva à demi masquée par sa petite culotte, et je me rendis au bureau d'humeur guillerette, fin prêt à reprendre l'exploration exhaustive des sites pornographiques francophones. Quelques regards en coins me restituèrent l'intégralité de mes souvenirs. A mon poste de travail, une lettre avait remplacé mon clavier. L'entretien qui suivit fût pénible. Faute lourde. L'historique des accès internet m'accusait. Je plaidais les circonstances attenuantes. En vain. Demain serait mon dernier jour. Je passai ma journée à taper mon CV. Le soir arriva plus vite que prévu. J'allais devoir rentrer chez moi et expliquer à ma femme ma nouvelle situation de chômeur sans l'ombre d'un droit. Ce serait délicat, et je retardai l'épreuve au maximum. Sans même m'en rendre compte, mes pas me portèrent à l'entrée de "chez Pandore". Le souvenir d'Eva surgit alors comme un bouton de fièvre, et je pénétrai à nouveau dans la boite de strip-tease.
 
Je fus accueilli par une slave d'applaudissement. Il y avait beaucoup plus de monde que la veille et, bizarrement, j'arrivais juste à la fin du show d'Eva, comme si ma vie en dehors de cette boite n'avait été qu'une parenthèse. Si je n'étais pas fâché d'avoir échappé au spectacle des parties génitales du transsexuel, j'étais découragé de ne pas avoir la chance de la revoir, elle. La serveuse me trouva une table dans un coin de la salle, à côté des toilettes. Je m'écroulai dans le siège, vaincu d'avance. Oui, une petite coupe, au point où j'en étais. Et un whisky aussi. Un frisson me parcouru l'échine lorsqu'une femme en tailleur-petite culotte passa à côté de ma table. Eva s'arrêta à une table voisine, obtempérant à l'invitation d'un bel idalgo. De là où j'étais, je ne  pouvais entendre leur conversation. Je ne voyais que son profil, à elle, tout en ombres, et qui masquait une partie de la scène où une chinoise se trémoussait. Il avait l'air exubérant. De loin, on avait l'impression qu'il faisait une chanson de geste. Elle parlait peu, le regardait, en souriant. D'un coup, ils se levèrent et se dirigèrent vers le fond de la salle. Il s'assit sur un étrange fauteuil rond, dos au mur. Elle resta debout, tout près de lui, presque sur ses genoux. Et le fauteuil bascula d'un seul coup, faisant un demi-tour rapide pour ne présenter à la salle que son dossier en demi-cercle, presque aussi haut qu'un homme, formant ainsi une alcôve impénétrable. D'Eva, je ne voyais plus que le sommet des cheveux, qui montait et qui descendait.
 
J'étais hypnotisé par ce va et vient, par ces apparitions capillaires plus ou moins régulières, ignorant complètement les shows qui se succédaient sur scène. Parfois elle disparaissait complètement, avant de refaire surface quelques secondes plus tard. J'avais l'impression d'entendre leurs rires étouffés. Cela dura 5 bonnes minutes qui me semblèrent des heures. Enfin, sans préambule, le siège effectua un nouveau demi-tour, et tout était comme avant. Sauf que le type était rouge écarlate. Il retourna à sa place, suivit d'Eva qui le salua et rejoint le ballet erratique des filles entre les tables. J'attendis patiemment de croiser son regard pour esquisser un geste en sa direction. Elle approcha en souriant. 
 
- Bonsoir dis-je.
 
Ma propre voix me surprit. Je parvenais à peine à articuler.
 
- Bonsoir, repondit-elle, vous voulez un peu de compagnie ?
- Oui
- Moi c'est Eva
- Enchanté. Christophe.
- Vous m'offrez un verre ?
- Heu, Oui, bien sûr... qu'est ce que vous prenez ?
- Une petite coupe
- Et un autre whisky pour moi, mademoiselle...
 
Eva avait une voix chaude et grave. Je vous restitue le dialogue comme ça, en gros, mais il était entrecoupé de silences terribles. J'étais à la fois excité et mal à l'aise. Son regard impénétrable me tenait en respect, la queue en l'air et les mains bien à plat sur la table. Je crevais d'envie de lui demander ce qui se passait derrière les fauteuils ronds, et je ne parvenais qu'à aligner des platitudes. Pour circonstances atténuantes, le galbe de ses seins qui apparaissait entre les pans de son tailleur me déconcentrait considérablement.
 
- Tu veux que je te fasse un show privé ?
 
Je ne fus pas mécontent qu'elle aborde la question cruciale par sa réponse. C'était donc un show privé. Mais je n'en savais guère plus, et les questions qui me brûlaient les lèvres ne passaient pourtant pas leur barrière.
 
- Heu, pourquoi pas
- 40 Euros.
- Ah ?
- On y va ?
- Oui.
 
Ce fût aussi simple que cela. Je la suivis vers le fond de la salle, avec le sentiment étrange que l'histoire était en train de basculer, non pas l'Histoire avec un grand H, juste la mienne, la minuscule. Je m'assis dans le fameux fauteuil, le cœur battant, et elle s'approcha de moi, tout près, si près que ses jambes frôlaient les miennes, si près qu'en fermant les yeux j'aurais sûrement pu sentir le parfum de sa peau. Le monde chavira d'un seul coup.

A suivre...

17 février 2007

Chez Pandore (1)

Il faisait chaud à en suer du vice. D'ailleurs, je le sentais couler entre mes omoplates, glisser dans mon dos comme une sueur froide, mouiller mes fesses et gonfler ma queue. J'étais assis face à l'écran, l'œil hagard et la main moite, tripotant fébrilement du majeur la molette de ma souris comme s'il s'agissait d'un clitoris, faisant défiler des chairs multicolores avec pour seule constante le pourpre des vulves écartelées. Oui, je sais, ces photos ne risquaient pas d'améliorer la situation, mais je n'y pouvais rien, c'était plus fort que moi. La moiteur du soir m'accueillit sur le trottoir en sortant du bureau. J'avalais péniblement ma salive. Je reconnaissais cette sensation d'excitation, lorsqu'elle est encore coincée dans la gorge, avant de descendre dans le bas du ventre en passant par le cœur, le faisant battre un peu plus fort au passage. Elle me donnait soif, envie de boire une bière ou n'importe quoi susceptible de me fournir une mauvaise raison pour franchir rapidement l'entrée de "Chez Pandore", et y assouvir ma curiosité entre autres bas instincts.
 
"Chez Pandore" était, selon ses mœurs, le haut lieu départemental du vice et du stupre, ou ses bas-fonds. Les bourgeois rivalisaient d'indignation à propos de cet établissement, et susurraient à qui voulait l'entendre que bien des notables y avaient leurs entrées lors de soirées infernales, auxquelles ils omettaient de mentionner leur présence. Une bonne partie de la gent masculine locale y avait donc été vue, et c'était là le meilleur rempart contre les calomnies. J'évitais cependant de tergiverser aux portes de cet enfer pour ne pas être remarqué par les vipères du coin qui s'empresseraient d'amplifier mon forfait jusqu'aux oreilles de ma femme. Sitôt la frontière de velours rouge franchie, je fus accueilli par l'odeur caractéristique des lieux pour mâles en perdition, une odeur musquée comme un parfum de femme cueilli au creu des reins, fragrance un rien épicée, dont il devait exister des bombes aérosols à base d'essence de bordel comme il existe des bombes de neuf pour mieux vendre les voitures d'occasion. J'en étais à ces réflexions lorsque je réalisai que mes pas m'avaient mené jusqu'au bar, au cœur de l'antre des femmes légères, pour la première fois.
 
Il n'y avait pas grand monde, trois ou quatre clients au regard blasé et une entraîneuse noire juchée sur un haut tabouret, sa robe longue ouverte sur un gros manque de vertu. Probablement trop tôt dans la soirée. Une jeune femme vêtue de court m'indiqua une place au bord de la scène vide, obscure comme un puits sans fond, avant de me tendre une carte aux prix hallucinants. Je compris rapidement les règles du jeu, et j'optai pour une bière plutôt que la petite coupe de mauvais champagne qui m'était proposée, résistant héroïquement à la serveuse et sa moue équivoque desservie par un regard dédaigneux. Le jeu consisterait à boire le plus lentement possible, afin de ne pas avoir à commander une autre boisson. Je trépignais d'impatience de me rincer l'œil et la gorge. La guerre d'usure avait commencé. Une voix off masculine et empressée ouvrit les hostilités en annonçant le prochain spectacle.
 
Eva apparu dans un halo de lumière rouge projetée sur le nuage d'azote qui se répandait complaisamment autour d'elle. Elle ne portait pas une tenue de scène classique, une de ces robes moulantes en lycra dont les bretelles glissantes auraient rapidement libéré des seins meurtriers comme des obus, ni même une de ses tenues exotiques d'infirmière ou de bonne sœur, blasphème aux soins des âmes aux corps perdus. Non, elle portait un tailleur. Un tailleur strict, gris anthracite, une tenue au classicisme exubérant, une tenue de commerciale innocente, totalement déplacée et d'autant plus excitante. Elle avait même poussé la provocation jusqu'à porter un pantalon. Si ce n'était sa démarche chaloupée sur un air suave de Sade "I Never Thought I'd See The Day", si ce n'était son regard à la fois trouble et résolu, on aurait pu croire qu'elle se rendait à un conseil d'administration. Sauf qu'on était "chez Pandore".
 
Eva esquissa un sourire servile en ôtant sa veste avant de l'accrocher au dos d'un fauteuil de bureau qui apparaissait sous les spots, et dont elle flatta le cuir noir de la paume de la main.

- Vous êtes en retard Eva !

La voix qui résonna dans la salle me fit tressaillir. Une voix féminine, jeune, teintée de ce léger et délicieux accent méridional qui n'entamait pourtant en rien son ton autoritaire et cinglant. La voix renchérit à nouveau
 
- Je ne veux pas entendre vos sempiternelles excuses ! Et quelle est cette tenue ? Vous vous imaginez déjà à ma place, dirigeant cette entreprise en costume Yves St Laurent ?
 
Eva se tenait comme une petite fille, tête baissée, les mains croisées devant elle, le rouge aux joues.
 
- Vous n'êtes que ma secrétaire, ne l'oubliez pas. Et à ma merci ! Déshabillez-vous mon petit...
 
L'ordre avait été donné, sans appel, sur une octave imperceptiblement plus basse, d'une voix légèrement voilée où transparaissait un noir désir, laissant déjà imaginer les turpitudes auxquelles Eva serait soumise. Eva leva un visage larmoyant, j'eus l'impression qu'elle m'implorait du regard comme si cet ordre était le mien, elle fit non de la tête, négation aussi effrayée qu'inutile car déjà capitulaient les premiers boutons de son chemisier blanc sous ses doigts tremblants.
 
- Allons mon petit, détendez-vous, je ne vais pas vous manger, mais ne me décevez pas !
 
Le chemisier s'ouvrit sur une lingerie de dentelle blanche qui moulait de petits seins hauts placés.  Son ongle carmin effleura la lisière de dentelle, repoussant lentement ses limites dévoilant une chair pâle, frissonnante, jusqu'à libérer un téton rose et pointu. De loin, j'eus même l'impression qu'une larme venait de couler sur ce sein émouvant. D'un seul coup, Eva rabattit les pans de sa chemise sur sa poitrine et baissa à nouveau son visage cramoisi de honte.
 
- Maintenant, enlève le bas !
 
Retenant de la main gauche les pans son chemisier fermé sur ses seins, la droite glissa mollement le long de sa cuisse, ses doigts hésitèrent un instant, ouvrirent sa ceinture, firent lentement glisser la fermeture de son pantalon, et avec une infinie langueur, elle le repoussa vers le bas jusqu'à ce qu'il tombe à ses chevilles. Elle n'eut qu'un pas à faire pour laisser les oripeaux de sa pudeur sur le sol, alors que la musique qui s'emballait semblait monter comme un frisson le long de ses cuisses fuselées, achevant de transfigurer l'employée soumise en strip-teaseuse lubrique. La voix off semblait celle d'une fille au bord de l'orgasme.
 
"Caresse-toi !" Les pans de son chemiser s'ouvrirent à nouveau sur son ventre, et ses mains qui glissaient sur sa peau, vers ses seins. Eva dégrafa son soutient gorge par-devant, remplaçant les bonnets par la paume de ses mains caressantes, et puis violentes lorsqu'elle tritura ses tétons entre ses doigts, rejetant sa tête en arrière, avant de me jeter au visage un regard fauve. Je sifflai ma bière d'un seul coup. "Montre-moi ton cul !" Elle se retourna, s'accroupit, releva sa chemise comme si elle allait uriner, avant de la jeter au travers de la salle. Sa petite culotte saillait entre ses fesses rondes, deux globes entre lesquels la dentelle n'en finissait pas de glisser. "Branle-toi !" Elle se dirigea vers le siège à quatre pattes comme une chatte en chaleur, s'y agenouilla face au dossier, cuisses écartées, cambrée au maximum, se penchant toujours plus en avant jusqu'à ce que le siège bascule, sa petite culotte tendue à éclater sous la pression de sa vulve gonflée. Sa main glissa entre ses suisses et elle frôla son entre-jambes d'un doigt taquin, qui jouait à repousser l'élastique, toujours un peu plus loin, faisant saillir ses lèvres gonflées. Je déglutissais la petite coupe de champagne sans même m'en rendre compte.
 
Soudain, un spot éclaira une autre partie de la scène. Derrière un bureau cossu, une blonde platinée fumait un cigarillos, une main enfouie sous sa robe rouge sang qui farfouillait entre ses cuisses. Grande, son visage émacié et sévère était outrageusement maquillé. Une bretelle de sa robe avait glissé, libérant un sein lourd et ferme. La blonde se leva, se dirigea vers Eva qui gardait la pose, et approcha de son visage abandonné sur le cuir du fauteuil. Il écarta les pans de sa robe. "Suce-moi !" Entre ses cuisses pendait une queue de vingt bons centimètres. Je faillis m'étrangler avec le cognac. La lumière s'éteignit sur cette vision infernale qui eut le mérite de me faire débander, me permettant ainsi de me lever en titubant. La note acheva de me remettre les idées en place et je me dirigeai promptement vers la sortie.
 
Je franchis les rideaux rouges comme une balle perdue et percutais une passante qui s'écroula sur le trottoir. Je la regardai se lever, tétanisé avant de tourner les talons et prendre la fuite comme si le diable était à mes trousses. Ce n'était pas complètement faux. Je venais de bousculer Madame Michaud, mon chef comptable, une vraie diablesse.

A suivre...

14 février 2007

Rêve 911

C'est un rêve.
Toujours le même.
D'abord une brume. Une brume opaque, opalescente, onirique. Il me semble que j'y avance, lentement, bras tendus probablement, mais je ne peux rien distinguer dans cette clarté diffuse, même pas le bout de mes doigts. D'ailleurs je ne sens rien, ni chaud, ni froid, ni aucun obstacle. Je suis le spectateur d'un travelling avant léthargique, jusqu'à ce qu'une forme apparaisse devant moi.
Une forme diffuse, presque une ombre.
J'en distingue à peine les contours, mais cela ressemble à une femme. Une femme de profil, agenouillée. Ou plutôt prosternée, sa longue chevelure jetée en avant sur ses bras tendus. Immobile, comme dans l'attente d'un Dieu jaloux. De sa nuque à ses reins, la ligne rigoureuse de son dos courbé semble tracée au compas, avant de se perdre dans la brume de ce rêve indolent.

Dans mon rêve, toujours le même, depuis des années, depuis mon enfance, ou plutôt mon adolescence, dans mon rêve je m'approche de cette forme féminine, tout en la contournant, les yeux rivés sur elle. Comme si elle était le centre et l'aboutissement d'une longue spirale. Par derrière, je crois discerner le galbe de ses hanches, tendres rondeurs flottantes. Il me semble bien qu'elle est nue, ou peut-être recouverte d'un simple voile, d'une mousse enveloppante, vaporeuse, translucide, qui ne masquerait rien, sinon les angles les plus vifs, et le tendre pli de son aine à la base de sa cuisse repliée. Il me semble que je pourrais la toucher.
Je tends le bras.

Je m'approche encore un peu plus. Les formes se précisent maintenant, symétriques. Ma main en souligne l'harmonie. Mais je ne la touche pas, par peur de la réveiller, ou de me réveiller, enfin, de la perdre. Je la frôle à peine. Pourtant qu'ai-je à craindre ? Dans mon rêve, je sais qu'elle est mienne. Elle m'attend. Je sais qu'elle m'attend. Elle est là, prosternée, immobile, offerte au plus offrant. Et le plus offrant, c'est moi. Elle est comme une pute de luxe et elle m'appartient. Je la possède. Oui, dans mon rêve, je la possède. C'est un rêve intime. Je n'en parle à personne. Sauf à ma femme. Enfin, mon ex femme. Je lui en parlais, mais elle ne voulait rien entendre, elle ne voulait pas comprendre. Peut-être qu'elle ne pouvait pas. Parce que cela lui rappelait ses propres cauchemars. Mon ex ne voulait absolument pas entendre parler de ce rêve. Comme si c'était une rivale.

Dans mon rêve, je la prends, lentement. Pour ne pas la brusquer, et surtout bien savourer ce moment. Pour que mes souvenirs affluent, ceux de la première fois, quand je l'ai ouverte. Pénétration. Une fois lové à l'intérieur, dans sa douce chaleur, je ne bouge plus. C'est étroit mais confortable, moelleux et enveloppant. J'exulte. Il faut que je me calme. Ne pas partir tout de suite. Dans mon rêve, j'inspire un grand coup. Il me semble même percevoir son parfum délicat. L'odeur du luxe. Du fric. Quel abruti a dit que l'argent n'a pas d'odeur. L'odeur de l'argent, c'est la sienne. C'est aussi pour ça que je l'aime. J'attends encore un peu. Je la connais. Dans ses moindres détails. Je sais que lorsque je serai prêt, elle démarrera, au quart de tour. Elle rugira comme un fauve. Mon plaisir sera alors à son comble. Mais il faudra tenir la route. Aller jusqu'au bout. Avec elle. Maintenant. Je tourne la clef de ma Porsche 911.

12 février 2007

L'enfer - Epilogue

Ami lecteur, je dois vous avouer quelque chose: cette histoire n'est pas totalement vraie. Bien qu'elle soit classée dans la catégorie "défis", tout ne s'est pas passé exactement comme ça. Disons que pendant tout le temps où j'ai attendu Catherine à la sortie du cinéma (car jusque là, tout est véridique), j'ai imaginé ce qui pouvait se passer à l'intérieur. Catherine s'était-elle jetée au cou - enfin, quand je dis au cou, c'est une façon de parler - de son voisin en le prenant pour Vagant ? Allait-elle sortir au bras d'un jeune premier et m'ignorer superbement ? Allait-elle passer devant moi comme une étoile filante, mais une étoile du type naine rouge de confusion après avoir réalisé sa méprise ? Bref, pendant que Catherine, entre un strapontin vide et un grand chauve, se morfondait devant son film, je me faisais le mien avec ma pancarte à la main. Ce que je ne me suis jamais expliqué, c'est comment nous avons pu nous louper. Comment ne m'a t'elle pas vu à la sortie de la salle avec ma grosse pancarte ?

Ami dragueur, sache que le coup de la pancarte est un très bon plan: J'ai perçu quelques regards intéressés, et une femme s'est même plantée devant moi, avec ses yeux bleus pétillants. "C'est moi, Catherine !", qu'elle me dit avec un grand sourire, alors que sa bonne copine hilare regardait la scène en retrait. Je l'ai dévisagée des pieds à la tête, et j'ai répondu "non, je ne crois pas". Elle avait le crane complètement rasé.

Lorsque je suis rentré chez moi, à la fois déçu est frustré, j'avais le message suivant:

"Cher C***,
Bien sûr, j'ai envisagé -je pense- toutes les possibilités...

1- le nombre de personnes aux files d'attente ne permettait pas à nos regards de se croiser
2- la petitesse et la configuration de la salle ne permettaient pas à nos regards de se croiser
3- nos regards se sont croisés, et tu as pris tes jambes à ton cou
4- tu as eu un empêchement (et là je te maudis de ne pas avoir de portable, le film était chiant au possible !)

Quoi qu'il en soit, j'espère savoir un jour...

Bisous

Catherine"

Je lui ai alors expliqué ma mésaventure, et Catherine m'a écrit ce qui c'était vraiment passé dans la salle:

"Bon, quelque part ce mail me rassure, moi qui n'en menais vraiment pas large en voyant l'heure passer, puis les bandes-annonces arriver (je n'ai pas la moindre idée de ce qui est passé, j'avais les yeux rivés sur l'entrée), puis la place que je t'avais "réservée" prise d'assaut (j'avais néanmoins gardé l'option "strapontin" juste à côté de moi, mais il semble qu'ils ne l'acceptent plus...), puis l'extinction des feux... et le début du film...
Je suis sincèrement navrée que tu aies dû subir l'épreuve (involontaire, donc beaucoup moins drôle) de la "pancarte"... Sortie à 22H24... de la salle 8, latérale, par l'étage supérieur au niveau des caisses... Je dois avouer que parmi les options envisagées, celle de la prise de (tes) jambes à ton cou me semblait la plus réaliste (eh oui, j'ai encore des problèmes avec mon image dans certains moments :-(...) En repassant devant les caisses je regardais donc, au cas où, on ne sait jamais... mais sans y croire du tout... Je n'ai donc pas tardé à filer vers le métro la queue entre les jambes (si je puis m'exprimer ainsi...)"

medium_A42CLIDO161R.jpgCatherine et moi avons donc décidé de renouveler l'expérience, mais selon ses règles: Elle choisissait le film, j'arrivais dans la salle avant elle, je m'y bandais les yeux (!), elle venait s'asseoir à mes côtés, et quoi qu'il advienne je ne devais pas poser ma main sur elle. J'avais l'air malin avec mon cache-yeux Air France au fond de la salle de cinéma. Probablement m'a t'on pris pour un abonné qui venait piquer son roupillon. J'ai entendu quelqu'un s'asseoir à côté de moi, j'ai senti une main explorer mon corps, et j'ai entendu sa voix très suave. J'ai respecté notre contrat à la lettre. Je n'ai pas posé ma main sur elle: j'ai fourré mon nez dans son décolleté prodigieux...

J'ai ainsi imaginé un scénario de rencontre original: Libertins qui nous ne nous se connaissons pas "de visu", donnons-nous rendez-vous dans un cinéma, sans autre moyen de nous reconnaître que le jeu des regards et l'expression non verbale. A nous de nous découvrir dans la pénombre de la salle, sans demander explicitement à celui ou celle auquel nous faisons du genou s'il fait partie ou non de cet extravagant défi !

03 février 2007

Le désir du pouvoir

medium_hilton.jpgQuelques semaines plus tard, j'ai invité Coralie à passer une soirée à Londres avec moi. Hôtel de grand luxe, dîner à Soho dans un thaï branché de chez smart, promenade en vélo-taxi (à 23h au mois de janvier, cela frise le masochisme, mais c'est si romantique...), tout allait pour le mieux jusqu'au moment fatidique. Curieusement, je la trouvais bien moins sensible à mon massage sur le lit de la chambre d'hôtel qu'au sauna, et mes préliminaires ne semblaient pas atteindre leur but. Elle dédaignait mon cunnilingus, préférant mes caresses manuelles auxquelles elle ne réagissait qu'avec un plaisir modéré, bref, j'avais bien du mal à trouver mes marques avec cette femme insaisissable. Incapable de la faire jouir au cours de ces préliminaires marathoniens, je me suis résigné à la pénétrer, pensant que j'avais à faire à une irréductible vaginale. Au début, elle y a réagit positivement, et naturellement, j'ai augmenté la cadence en pensant qu'au grand galop, je l'emporterais dans ce pays où on ne voyage que les yeux révulsés par l'orgasme. Mais c'est d'un regard noir qu'elle me fustigeait, la mine impassible et les traits serrés, alors que je me déchaînais dans son ventre au point d'y jouir tout seul, comme un con, au fond de mon préservatif. Le fiasco ! Confus, je me suis allongé à bout de souffle à ses côtés. Elle a allumé la cigarette post coital faut d'être post orgasmique. "J'aurais au moins réalisé un fantasme, me dit-elle. - Ah oui, et lequel, lui ai-je répondu surpris ? - Celui de l'épouse qui reçoit son légionnaire de mari à son retour de mission, et qui se fait défoncer sauvagement...".
 
Comme vous pouvez vous y attendre, ami lecteur, Coralie et moi avons perdu le contact. Et puis je l'ai revue l'été dernier au cours d'un dîner mémorable qui s'est terminé dans un sauna, encore une fois, le Sultana quelques jours avant sa fermeture. L'ambiance était étrange, certainement moins bon enfant qu'à l'hyppocampe mais néanmoins agréable, et nous nous sommes isolés dans une cabine de massage. Après avoir oeuvré sur son corps alangui, Coralie a pris les choses en main, au sens propre comme au figuré: "Je vais te donner une leçon, me dit-elle, une leçon de micro-mouvements. Laisse toi faire !". Je me suis allongé sur le dos, avec l'interdiction formelle de donner un seul coup de rein. C'est elle qui m'a baisé, et elle est parvenue à ses fins. J'ai compris ce soir là que son désir était de dominer la situation et imposer son rythme... lent! En m'y soumettant, je lui ai ainsi laissé une impression plus positive que celle du légionnaire en rut.

Ainsi se termine ma trilogie avec les saunas en toile de fond et les enjeux sensuels au premier plan: le pouvoir du plaisir, le plaisir du désir, et le désir du pouvoir.

30 janvier 2007

Ma soirée CFNM

Août 2006. Je n'avais pas imaginé que cette soirée finirait ainsi. Tout avait commencé dans un bar trendy. J'étais là le premier, avec dix bonnes minutes d'avance, une fois n'est pas coutume. Catherine est arrivée avec une bonne demie-heure de retard, suivie en ordre dispersé par les quelques amis qu'elle avait conviés pour son anniversaire improvisé: Alexandre, Nathalie, et puis Marie. Même le propriétaire du bar était de la partie. Il faut dire que Catherine y avait ses habitudes. Nous nous sommes installés dans un recoin douillet. Nous n'étions venus que pour boire un verre, mais nous y étions si bien qu'on y a passé toute la soirée, à papoter, manger et boire. Surtout boire. Alexandre est parti le premier, et nous nous sommes donc retrouvés à quatre: trois charmantes jeunes femmes et moi.

Catherine a quelque chose de spécial. Elle attire la sympathie, et dans le milieu libertin, la sympathie se manifeste bien souvent par de voluptueuses caresses. Nous ne nous en sommes pas privés, Nathalie et moi. Catherine était assise sur une banquette, entre nous deux qui rivalisions de taquineries: Un bisou dans le cou par-ci; une main sur la nuque par-là; le zip d'une robe qui glisse, aussitôt suivi de doigts taquins qui laissent des frissons partout... Catherine était entre de si bonnes mains que nous la sentions défaillir, pour se reprendre aussitôt. Il faut dire que nous n'étions pas dans un club libertin privé qui autorise toutes les privautés, et même si cela avait été le cas, Catherine ne pouvait pas aller beaucoup plus loin pour des raisons féminines bien connues.

Le bar a fermé aux alentours de minuit et nous sommes allés prendre un dernier verre chez Catherine qui habite à deux pas. Là, notre petit jeu a repris de plus belle sous les yeux complices de Marie qui avait décidé de rester chaste. Entre Nathalie et moi, la résistance de Catherine était d'autant plus héroïque que ses abandons étaient manifestes. Je prenais un malin plaisir à l'embrasser, à l'embraser, à repousser les oripeaux de sa pudeur dont les sursauts se perdaient en timides caresses sur ma peau. Elle ne tarda pas à se retrouver en lingerie, et moi dans le plus simple appareil pour lui montrer la voie à suivre, vautré sur son tapis, mes lèvres soudées aux siennes et sa main sur ma queue raide. Et d'un seul coup, dans un ultime élan de pudeur, elle a décidé de se soustraire à nos caresses et elle a remit sa robe en moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire! C'est ainsi que je me suis retrouvé nu comme un vers et la bite au garde à vous, parmi trois femmes qui papotaient comme si de rien était. Elles m'invitèrent à ne pas me rhabiller et à m'asseoir sagement sur la banquette à coté de Marie, pour prendre part à la conversation. Cette situation surréaliste m'excitait profondément. Je n'en débandais pas. De temps en temps, une des filles posait sur moi un regard circonspect, et devisait avec ses amies de l'intérêt décoratif d'avoir un homme nu dans son salon. J'étais devenu un homme objet, et le pire, c'est que ça me plaisait.

Tout sur CFNMSi vous ne l'aviez pas encore deviné, CFNM est l'acronyme de "Clothed Female Nude Male", c'est à dire "Femmes habillées et Hommes nus", et c'est ainsi que je me suis retrouvé dans une soirée CFNM improvisée. Je pensais que les choses en resteraient là, qu'au lieu de jouer à l'étalon de canapé j'allais faire le bibelot de salon jusqu'au petit matin, et je devisais à mon tour sur la fragilité du désir masculin en contemplant ma virilité qui perdait peu à peu de sa fierté, lorsque Catherine, par compassion sans doute, mais certainement par plaisir aussi, a entrepris de me redonner vigueur. Il faut dire que Nathalie avait repris ses chatouillis et Catherine n'en pouvait vraiment plus. La situation a rapidement été torride. Assis sur la banquette, j'avais les cuisses ouvertes sur la généreuse poitrine de Catherine qui me masturbait en gémissant de plaisir sous les caresses d'une Nathalie survoltée. Catherine me gratifiait d'une merveilleuse fellation, lorsque Nathalie lui a chuchoté quelques mots à l'oreille. Catherine a acquiescé, et j'ai bientôt eu quatre mains sur mon sexe, et deux bouches qui s'y rejoignaient en un langoureux baiser. A un tel régime, je ne pouvais tenir longtemps, et j'ai répandu ma sève sur mon ventre et les seins de la belle Catherine, dont le visage était ravagé par le plaisir qu'elle prenait à m'en donner autant.

Sans doute Catherine a-t-elle joui du pouvoir qu'elle a eu sur moi à travers mon plaisir  - elle me tenait littéralement par les couilles - jouissance cérébrale plus typiquement féminine que masculine. La situation CFNM en est symbolique si on considère que le vêtement (le propre de l'Homme, et notamment ce qui caractérisait ces trois femmes) domine la nudité (le propre de la bête, en l'occurence moi). Cette situation est l'inverse de celle du bordel du 19ème siècle avec ses femmes dénudées parmi des hommes très habillés: dans ce cas phallocratique, l'homme client jouit du plaisir sexuel que lui procure la femme prostituée mais aussi de son pouvoir apparent sur elle, alors que la prostituée tente de rétablir l'équilibre des pouvoirs dans le marchandage de sa prestation et en ne s'abandonnant pas au plaisir avec son client pour garder le contrôle de la situation. Dans ce nouveau cas "gynécratique" - y a t'il un autre mot ou ai-je bien fait d'en inventer un ? - non seulement la femme peut jouir du plaisir que lui procurera cet homme objet, jouir du plaisir de son pouvoir sur lui (il est visiblement désirant et elle a le choix), jusqu'à jouir du contrôle qu'elle a sur lui jusqu'au bout de l'orgasme qui se soldera, inéluctablement, par une débandade. Qui est le sexe faible ?

29 janvier 2007

Gilda

Les gouttes de pluie éclataient sur le pare brise depuis des heures. Depuis des heures, Johnny fumait cigarette sur cigarette. En fait, il ne les fumait pas vraiment. Il les laissait plutôt se consumer, comme des bâtons d'encens, pour le plaisir de voir les volutes grises, pour l'ambiance. Dehors, l'interminable ruban d'asphalte s'étirait devant ses yeux, jusqu'au bout de la portée de ses phares, jusqu'à se confondre avec l'horizon brumeux. De la grisaille crépusculaire à perte de vue. Parfait. Johnny n'aimait pas les couleurs.

L'essuie-glace passait et repassait devant ses yeux, émettant à chaque fois un couinement de tristesse qui se mêlait au ronronnement chaleureux du camion, grave et régulier. Réconfortant. Il y avait bien la radio, mais il aurait dû parcourir toute la bande FM, avec ses musiques de sauvages et ses pubs nasillardes, tout ça pour un improbable morceau de Jazz, et cette idée le révulsait. Johnny n'aimait pas vraiment la musique, tout au moins pas assez pour risquer de gâcher son bonheur, puisqu'il était déjà heureux. Enfin, un peu. Un bonheur ténu, mais tenace: cette nuit, il verrait Gilda.

Derrière lui, quinze tonnes de citrouilles, d'un orange abominable, mais bien tranquilles. Dans quelques heures, il les livrerait à une grande surface provinciale, pour Halloween, les jeunes aimaient ça paraît-il. Sa remorque enfin vidée, il pourrait y voir Gilda, en grand secret, juste avant le petit matin, aux heures où tout le monde dort. Johnny ne vivait que pour ce rendez-vous et il voyait Gilda de plus en plus souvent. Au début, c'était irrégulier, quand il avait un coup de blues. Et puis, les coups de blues aidant, c'était devenu hebdomadaire. Maintenant c'était quotidien. Pas une nuit sans Gilda. Si ses collègues l'avaient su, ils auraient dit qu'il était fou; Il n'aurait pas pu leur donner tort.

Alors que les kilomètres succédaient aux kilomètres, une lueur d'inquiétude commença à entacher son obscure sérénité. La jauge baissait avec obstination, et il ne pourrait pas éviter de prendre de l'essence à la prochaine station. Il n'aimait pas cette station là. Elle lui rappelait de mauvais souvenirs. En réalité, les mauvais souvenirs l'y attendaient. Il eut la chance de ne croiser personne à la pompe mais constata avec désarroi que la pluie avait cessé. Elles seraient toutes dehors. Il paya en catimini, avant de s'engouffrer dans sa cabine. Maintenant, il devait s'engager sur l'aire de repos réservée aux poids lourds, pas moyen de faire autrement. Une zone étroite et encombrée de camions garés n'importe comment, où il devrait rouler au pas pour ne pas en écraser une. Cela faisait des mois qu'il n'avait pas eu à passer par-là. Et depuis, la situation ne s'était pas améliorée. La mort dans l'âme, Johnny s'apprêta à traverser le baisodrome.

C'est comme ça qu'ils appelaient ce parking. Pourquoi celui-là et pas un autre ? Pourquoi toutes les putains et tous les routiers du monde s'étaient donné rendez-vous ici et pas ailleurs ? Pourquoi s'y était-il arrêté, lui aussi, au moindre prétexte, pour y rester en embuscade, pendant des heures, la bouche pleine de salive, les yeux hagards, jaugeant les gueules et les culs, se demandant si celle-ci le ferait jouir comme jamais, ou bien plutôt celle-là, avant d'en faire monter une, en urgence, n'importe laquelle, pourvu qu'elle semble belle, la payer, et puis la trouver moche, se faire quand même tailler une pipe, et éjaculer la bite molle, pourquoi ? Pourquoi ne pas être rentré chez lui où l'attendait sa femme, avant qu'elle ne l'attende plus, et le laisse, tout seul ? Pourquoi ? Et puis... et puis il avait finit par voir Gilda, et ça non plus, il ne savait pas trop pourquoi. Il se concentra sur cette dernière idée pour regarder droit devant lui, les mains crispées sur le volant, ignorer les clins d'œil aguicheurs, surtout ne pas regarder sur les côtés, ces filles peinturlurées, ne pas sombrer à nouveau...

`Hé ! Mais c'est mon Jeannot ! Alors chéri, tu m'aimes plus ?'. Il respira fort pour ne pas tourner la tête, accéléra et sortit de cette fange. Gilda... Gilda... Il répéta son nom à mi-voix comme pour exorciser les vieux démons qui rôdaient encore, jusqu'à se calmer, complètement. Plus jamais Jeannot... Johnny... Oui, Johnny et Gilda... Plus que cent kilomètres... cent petits kilomètres...

Johnny arriva juste à temps pour l'ouverture de l'entrée fournisseur du grand magasin. Il ouvrit sa remorque, sauta sur le fenwick, et entreposa lui-même les citrouilles dans le hangar, histoire de gagner un peu de temps, et de ne pas dévoiler ce qui était caché au fond du camion. Le manœuvre rigolait en regardant ce pauvre fou faire son boulot à sa place au lieu de se reposer après des heures de route. Il ne pouvait pas comprendre. D'ailleurs il n'y avait rien à comprendre. Dès que le camion fût déchargé, Johnny repartit aussi vite qu'il était venu.

Le soleil n'était pas encore à l'horizon lorsque le camion s'enfonça doucement dans un chemin de traverse, juste assez loin pour ne plus entendre les bruits de la route. C'est là qu'il verrait Gilda. N'importe où pourvu qu'il ne soit pas dérangé. Le cœur battant, il s'enferma dans la remorque. Dans la pénombre, il retira la bâche qui protégeait son installation, et mit tout en place. Enfin, il s'assit dans un confortable fauteuil. Johnny alluma une cigarette. Il savourait tout particulièrement ce moment de détente, juste avant de la voir. Il se prenait à rêver d'être à ses côtés, d'être bien habillé, des souliers vernis, un costume trois pièces au pantalon amidonné, le pli si affûté qu'on aurait pu y couper une tomate, oui, c'est ça, un gangster, un mafieux, ou même un flic, pourvu qu'il soit avec Gilda. Il appuya sur la télécommande de la vidéo. Une lumière gris-bleue envahit les lieux, s'incarnant dans les volutes de fumées, comme dans le casino d'un vieux film des années 40...

medium_Gilda.3.jpg

"When Mrs. O'Leary's car kicked the lantern-in Chicago town,
They say that started the fire-that burned Chicago down.
That's the story that went around, but here's the real lowdown,
Put the blame on mame boys,
put the blame on mame
Mame kissed a buyer from out of town,
that kissed burned Chicago down.
So you can, Put the blame on mame boys,
put the blame on mame."

Gilda (1946)

08:50 Publié dans Fictions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Littérature

27 janvier 2007

Poêt Poêt (1)

medium_aubade.jpgJ'ai découvert le boudoir de mademoiselle K , dont de délicieux petits textes relatifs au bas rein. Je me suis permis d'y laisser le commentaire suivant...

 

A une femme encore vierge de toute opinion sur les délices culinaires du bas rein, j'avais tenté de décrire en quelques vers gourmands la recette de cette spécialité régionale:

 

De ces préliminaires, de cette préparation,
N'ai-je pas déjà fait toute une description,
Avec force détails dont vous vous régalâtes ?
Ce tendre anneau que vous voudriez que je gâte,
Serait-il le vôtre, vierge de tout assaut ?
Puisque vous insistez, je ne serais pas sot
Pour donner la recette de la cuisson d'un autre !
D'abord bien le choisir, j'ai donc choisi le vôtre:
Débarrasser vos fesses de toutes leurs dentelles,
Soieries, lycra, coton et toutes autres ficelles,
les ouvrir largement dans une pose confortable,
En vous agenouillant, par exemple sur une table.
Bien assouplir vos fesses par de douces caresses,
Et puis les malaxer avec force, mais tendresse.
Attiser votre raie d'un souffle, d'une bise,
Avant d'y répandre toutes les mignardises:
Salive onctueuse, langues fourrées, doigts taquins,
Et autres fantaisies sans être mesquin.
Continuer ainsi jusqu'à ce qu'il en palpite,
Votre anus bien humide en attente de la bite.
L'assouplir à loisir avec un ou deux doigts,
Avant de sortir un phallus de bon aloi.
En appliquer le gland sur votre trou dilaté,
Et appuyer lentement sans vous contracter,
Tout en titillant votre clitoris durci.
Voilà la recette d'une sodomie réussie,
Tous les préliminaires pour bien vous enculer,
Et d'un plaisir incontestable, vous faire hurler.

 

C'est ce qu'on appelle des vers de mirliton, d'autant plus qu'en la matière je ne suis pas maître queue...

 

Au moment où j'ai écrit ça, je relisais "Cyrano de Bergerac" avec un plaisir toujours aussi vif. Ce sont sans doute les vers du pâtissier qui m'auront inspiré. Edmond Rostand doit s'en retourner dans sa tombe. J'espère que Mlle K me pardonnera cette facétie, elle aussi. Et puis quitte à faire des bêtises, autant les faire jusqu'au bout, j'ai envoyé ma jolie poésie au grand concours international de poésie érotique...

25 janvier 2007

Le bonheur était dans le pré

Septembre 2002. J'étais arrivé vers midi à l'aéroport de Genève où j'avais rendez-vous avec Jeanne, pour la toute première fois. Nous nous étions dit que nous jouerions à l'auto-stoppeur, mais Jeanne n'a jamais respecté mes scenarii. Il faut dire qu'à l'époque, ils étaient moins précis. Elle m'a retrouvé dans le hall de l'aéroport où nous nous sommes enlacés. Pour me souvenir de ses bras autours de moi ce jour là, je n'ai qu'à fermer les yeux. Nous sommes montés dans sa voiture et nous sommes partis dans la montagne, du côté d'Annecy. Elle y avait repéré un pré qui surplombait une petite route peu fréquentée, et qui lui semblait idéal pour un pique-nique éventuellement coquin. En moins d'une heure de route, sage, avec virages, mais sans dérapages, nous y étions. Je n'étais pas son premier amant, mais c'était là sa première rencontre internet, et elle était un peu intimidée, ce qui, comme le rire, s'avéra communicatif. Elle étala une couverture sur l'herbe verte, et nous nous y étendîmes. A partir de là, mes souvenirs sont plus flous. Impossible de savoir si nous avons échangé un premier baiser avant, pendant, ou après la première bouchée. Tout ce dont je me souviens, c'est de l'avoir déshabillée au milieu des victuailles. Je l'ai croquée comme un fruit mûr. Les tétons de ses seins blancs brillaient de ma salive sous le soleil radieux. Moi aussi je me suis retrouvé tout nu. Entre ses cuisses, je me suis mis à l'abri des rayons du soleil, et j'ai léché son miel alors qu'elle engouffrait mon dard. Elle pompait assidûment ma queue dressée, gorgée de sève, lorsque nous avons entendu un bruit, en provenance de la route, à quelques mètres en contrebas. Deux cyclistes montaient péniblement la côte:


- Ah qu'est-ce qu'elle est dure, s'exclama le premier !medium_crw_0023_1_.jpg
- Dure, et puis longue aussi rétorqua le deuxième !

Je ne sais pas trop comment nous sommes parvenus à ne pas éclater de rire. La peur d'être surpris, sans doute. Les cyclistes sont passés péniblement et nous avons repris nos ébats. Nous les avons repris maintes et maintes fois en différentes occasions. La dernière fois, c'était en Août dans une bête chambre d'hôtel. Ce n'est plus comme avant. La vie l'a changée. Pas moi. Et puis la passion, ce n'est pas fait pour durer. Selon Beigbeder, l'amour même ne dure que 3 ans.

24 janvier 2007

Nuit d'ivresse

Décembre 2003. J'avais décidé d'écourter mes vacances familiales pour réveillonner avec Elsa, ma jeune maîtresse, la femme de ma vie du moment, une splendide mythomane qui s'était inventé une activité d'escort girl pour mieux me séduire, et dont j'étais tombé follement amoureux. J'avais renoncé à trouver un gros mensonge conjugal pour justifier mon départ anticipé et rentrer seul en France. Ma femme, princière, avait décidé de fermer les yeux sur la seule frasque que je ne lui ai jamais avouée. Elsa n'est jamais venue à notre rendez-vous gare du Nord. C'est triste, un quai désespérément vide, qu'on scrute, les yeux au bord du gouffre, et qui s'attachent à la moindre silhouette qui pourrait être elle. Pourtant, je savais à quoi m'attendre, elle m'avait prévenue que c'était une folie, qu'elle devait rester avec son mec. Allez savoir pourquoi je m'étais imaginé que les horloges de la gare contempleraient une fois de plus nos étreintes forcenées.

medium_shortBus.jpgDans une réaction de revanche convenue, je décidai sur-le-champ de noyer cette rupture dans l'ivresse. Petit bémol, je n'aime pas l'alcool. Qu'à cela ne tienne, je trouvai une soûlerie à ma mesure. Le soir même, j'aurai sombré corps et âme dans la luxure. Je me serai vautré dans une partouze pour oublier mes états d'âme, je me serai abreuvé de chattes ruisselantes, j'aurai arrosé des lèvres accueillantes, elles. Un seul problème, j'étais seul. Après une ridicule tentative désespérée sur MSN pour me trouver une charmante compagnie à l'impromptu, je me résignai à opter pour un club échangiste qui accueillait les hommes seuls. Ce serait l'hyppocampe de St Maur, un sauna, faute de mieux.

J'eu du mal à trouver la ruelle nichée dans une banlieue morose, puis une place pour me garer, et je me pointai enfin à l'entrée du dispensaire aux alentours de 23h. Une myope m'ouvrit et son sourire se mua en un rictus rébarbatif lorsqu'elle constata que j'étais seul. "Je ne peux pas vous accueillir. Il n'y a pas assez de couples ce soir !", me dit-elle sèchement. Ce n'était certainement pas ce cerbère à lunettes qui allait m'interdire l'accès à mon orgie infernale! Je lui annonçai que je reviendrai plus tard, et j'allai me poster dans ma voiture, aux aguets, prêt à emboîter le pas au premier couple venu. Je n'eus pas trop longtemps à attendre, une petite brune pimpante et un colosse passèrent le sas avec les honneurs. Je sonnai à nouveau. Cette fois, l'accueil fut franchement meilleur, d'autant plus qu'un autre couple que je n'avais pas vu arriver m'emboîtait le pas. Je me retrouvai ainsi dans le couloir qui servait de vestiaire, avec une blonde joviale et un ténébreux tristounet. Un peu gêné par la promiscuité, je n'osai pas croiser leur regard. Je me déshabillai rapidement, je m'attachai maladroitement une serviette autour des reins, l'uniforme des hommes seuls qui n'avaient pas droit au peignoir - attribut distinctif du couple - et j'atterris dans la zone bar du sauna.

medium_hyppocampe.2.jpgJe commandai tout de suite un coca que j'avalai d'un trait d'une main tremblante. A côté, un homme sûr de lui me regarda en souriant. Je n'étais pas fier et ça se voyait. L'instant de panique passé, j'évaluai l'étendue des dégâts d'un coup d'œil navré. Une douzaine d'hommes seuls traînaient ça et là, du sauna au hammam avec entre les jambes le poids d'un ennui palpable. Un couple de quinquagénaires en surcharge pondérale était assis devant le porno qui trônait près dur bar. L'homme affichait un sourire épais. Sous la douche, je vis la petite brune pimpante avec son partenaire taillé comme un gorille. Au hammam, un jeune homme seul se lamentait sur son triste sort. "Misère! Misère!" Psalmodiait-il en vain après chaque nouveau râteau. Les autres ne pipaient pas mot. En procession silencieuse, ils suivaient les rares couples à la trace comme des badauds suivent les obsèques d'une célébrité sans en avoir l'air. Il y avait autant d'ambiance que dans le métro à 8 heures du matin, avant la compétition quotidienne. Ce soir là, la compétition serai autrement plus tendue, sans mauvais jeu de mot. Il était clair qu'il n'y en aurait pas pour tout le monde. Les autres hommes étaient des concurrents, des adversaires. Moi, j'étais hors jeu.

De retour du hammam, j'allai m'asseoir sur un matelas, seul. Je n'étais pas dans une partouze échevelée, mais dans un groupe éphémère de mammifères dont les mâles dominants accepteraient ou non de partager leur femelle attitrée. Tout cela reflétait plus des instincts grégaires qu'un hédonisme libéré. Un nabot grisonnant vint s'asseoir non loin de moi. Si je ne me faisais guère d'illusion quant à tirer la moindre satisfaction sexuelle de cette compétition, le pauvre vieux semblait vaincu d'avance avec ses petites moustaches et ses lunettes en cul de bouteille. Pour passer le temps, j'allai me faire suer au Sauna. A mon retour, la petite brune pimpante et le grand brun simiesque avaient pris ma place. Le vieux nabot avait réussi à se placer auprès du couple. C'était un habitué des lieux, il avait la tchatche tout en observant une position obséquieuse face au mâle dominant. Ce n'est pas à un vieux singe qu'on apprend à faire des grimaces. Ils se levèrent tous les trois, bras-dessus bras-dessous, le nabot au milieu. C'était cocasse. Il tenait la petite brune par la taille, et avait le bras tendu en l'air pour atteindre l'épaule du colosse. Plus tard, je les vis tous les trois dans un coin câlin. Elle était 4 pattes, la tête du nabot entre ses cuisses écartées. Elle suçait son mec qui semblait avoir plus de mal à gonfler l'organe décisif que ses biscotos agressifs.

medium_vivres.jpgUn peu plus loin le gros des troupes était au garde à vous devant un grand matelas où oeuvraient deux hommes sur la blonde joviale. Je regardais les hommes seuls qui jouaient des coudes et du poignet pour être au premier rang au meilleur de leur forme, au cas où le trio tournerait au gang-bang. Je n'avais rien à faire parmi ces morts de faim qui brandissaient leur quéquette comme des réfugiés brandissent leur marmot affamé devant un convoi humanitaire. Une fois les deux acteurs achevés, la femme signifia la fin de la scène aux figurants déçus qui débandèrent dans tous les sens du terme. J'optai pour une retraite définitive vers les vestiaires. Je rendis ma serviette au gérant qui me demanda ingénument si j'avais apprécié la soirée et si je reviendrais. "Non, je crois que ce n'est pas mon truc", répondis-je franchement. Je n'ai pas pris de douche quand je suis rentré chez moi. Inutile. J'aurai dû me décaper l'intérieur au Karcher.

10 janvier 2007

Comment se débarrasser de sa femme

Hector75: Bonjour ma chérie, comment vas-tu ce soir ?
Hermione28: Mon amouuuuuur, tu m'as manqué aujourd'hui. Plus que 5 jours.
Hector75 :Oui
Hermione28: Dans 5 jours tu seras là, jeudi prochain tu seras là, enfin!
Hector75: Oui, enfin...
Hermione28: Tu as trouvé une solution?
Hector75: Solution?
Hermione28: Pour ta femme
Hector75: Non, pas encore
Hermione28: Tu ne m'aimes plus.
Hector75: Mais si ma chérie, mon amour, mais si...
Hermione28: Tu aurais trouvé une solution si tu voulais vraiment me voir.
Hector75: Mais je viens en vacance avec ma femme, et elle est jalouse comme une teigne...
Hermione28: Ah? Parce que tu penses pouvoir venir seul un jour?
Hector75: Peut être, je sais pas...
Hermione28: Tu ne veux surtout pas risquer de compromettre ton petit confort, pas pour moi en tous cas, parce que sur le forum Séduction...
Hector75: Sur le forum quoi?
Hermione28: Je n'ai peut être pas l'air très maline, mais tu réponds toujours aux posts d'Electre51.
Hector75: Electre51! Tu rigoles, elle a 60 ans!
Hermione28: Tu lui réponds à Elle. La dernière fois, tu n'as pas répondu au mien.
Hector75: Lequel?
Hermione28: "Messieurs, quel alibi inventez-vous pour voir votre maîtresse?"
Hector75: Je n'avais rien d'intéressant à dire.
Hermione28: Et pour cause. Tu as lu au moins les réponses?
Hector75: Oui, j'ai survolé, le coup des cigarettes, sortir le chien et tout un tas de bêtises.
Hermione28: Ulysse31 au moins, il a des idées !
Hector75: Tu parles, cet abruti passe son temps à ça, on dirait qu'il n'a que ça à foutre.
Hermione28: Je me demande si je n'aurais pas du céder à ses avances. Il aurait eu du temps à me consacrer, Lui.
Hector75: Il doit en avoir au moins douze en parallèle. Tu aurais aimé être la numéro 9? Pour moi, tu es la première.
Hermione28: Parce que je ne suis pas la seule? Il y a une autre femme dans tes mails !
Hector75: Mais si tu es la seule.
Hermione28: Je viens de te voir dans le salon Drague:2!
Hector75: Ah? et qu'est ce que tu faisais là?
Hermione28: Je demandais un conseil à Ulysse31, c'est tout.
Hector75: Et qu'est ce qu'il raconte de beau, vous êtes le phœnix des hôtes de ce tchat, ce genre d'ânerie?
Hermione28: Non, il t'a trouvé un alibi.
Hector75: Sa majesté est trop bonne.
Hermione28: Imparable. Tu prends rdv chez le dentiste, je serai dans la salle d'attente.
Hector75: Quoi?
Hermione28: C'est mieux que rien. Que pour me voir, tu ne puisses pas affronter ta femme... mais même pas le dentiste!
Hector75: Mais je ne peux pas prendre rendez-vous chez un dentiste à l'autre bout de la France!
Hermione28: Tu auras une rage de dent. Ce sera une urgence.
Hector75: C'est romantique !
Hermione28: Si tu ne peux même pas faire cet effort là, je crois que...
Hector75: D'accord, on fera comme tu veux.
Hermione28: Comme JE veux?? Tu n'as donc pas ENVIE de me voir?
Hector75: Si si, je simulerai une rage de dent, et enfin nous pourrons nous voir mon amour, ma chérie...
Hermione28: Enfin. C'est le mot.
Hector75: J'ai envie de toi...
Hermione28: Oui mais là je ne peux pas rester trop longtemps, faut que je couche les petits, faut que j'étende le linge...
Hector75: Je te fais des bisous dans le cou, qui glissent partout...
Hermione28: Oui mon amour. Tu me diras tout ça mardi. Baille baille
Hector75: bisous bisous bisous
Hermione28: baille baille :-* clic !
Hector75: clac !

Ainsi partirent en vacances de printemps Hector75, sa femme, sa fille, son fils et snoopy. Hector75 allait enfin rencontrer Hermione28, sa maîtresse virtuelle, la femme en Times italique rose qui faisait battre son cœur à 1Mhz depuis qu'il s'était abonné à Wanadoo, sous des prétextes fallacieux dont la recherche de nouvelles recettes de cuisine. Hector75 avait bien fait les choses. Il avait réservé un bungalow au VVF de Contrexéville, avec tous les équipements sportifs, terrain de foot et pédalos, pour que ses enfants et snoopy puissent prendre un bon bol d'air et lui foutre la paix, alors que sa chère Hermione28 ne serait qu'à un quart d'heure de route. Mais il lui restait à gérer le gros morceau, le plat de résistance: sa femme. Comment se débarrasser de sa femme ? Telle était la question obsédante qui apparaissait de plus en plus souvent entre Hermione28 et lui, et qui lui pourrissait la vie. Finis les torrides ébats nautiques aux caraïbes, terminées les sodomies sauvages sur un cheval au galop, les coïts virtuels et délicieux semblaient définitivement envolés, tout au moins jusqu'à la rencontre fatidique. Et quelle rencontre. Point de ballade en amoureux, nus, main dans la main dans les petits chemins escarpés; point de galipettes dans la paille entre veaux, vaches, cochons couvées; point d'hôtel de charme oú ils se seraient envoyés en l'air des heures durant. Non, cette rencontre sauvage aurait lieu au cabinet du Dr Achille à 17h, là où il y a le plus de monde pour que ça dure le plus longtemps possible.

Comme convenu, Hector75 eut son imprévisible rage de dent à la Cafétéria Casino le lundi soir. Hector75 étant perfectionniste, il crut bon de passer une nuit blanche à gémir constamment, pour bien montrer à son épouse l'urgence de la situation. Il simula le lendemain matin un appel au cabinet du Dr Achille trouvé par hasard sur le bottin téléphonique, afin de se faire soigner de toute urgence, mais pas avant 18h, car tout était complet, qu'il vienne plus tôt et qu'il attende on ne sait jamais. C'est ainsi qu'Hector75 monta dans sa voiture à 16h50 après avoir fait mains et pieds pour que sa femme ne l'accompagne pas. Rien de grave, vraiment, probablement une carie aiguë, mais rien de grave, non, on n'allait pas l'opérer, oui il pouvait y aller seul. À 17h, il sonna à la porte du cabinet. À 17h01 il entra dans la salle d'attente, la mine pale et les yeux cernés mais le sourire aux lèvres. Hermione28, enfin, il allait voir Hermione28.

Il ne la reconnut pas tout de suite.
Son regard balaya la salle d'attente angoissée, de petits vieux en femmes enceintes en passant par des cadres en costar, tout un échantillon représentatif de la population française dont Hermione28 n'émergeait malheureusement pas. Enfin, son regard se posa sur une femme entre deux âges, aux joues pourpres et au regard brillant. C'était elle! Son merveilleux amour l'attendait au fond à droite, à côté du radiateur, où elle lui avait gardé une place bien au chaud, camouflée derrière une plante verte qui leur ferait un peu d'intimité. Hector75, souverain, s'y dirigea sans se douter que ce douillet nid d'amour était le fruit d'un combat homérique entre Hermione28 et madame Priam, une vieille rombière pétrit d'arthrose qui avait toujours cette place là eu égard à ses vieux os. Sans quitter Hermione28 des yeux, il s'installa tel un félin dans le fauteuil en skaï dans un ample mouvement à la noblesse calculée. Il fit glisser sur son nez ses lunettes noires pour planter son regard bleu acier sur les paupières papillonnantes d'Hermione28 qui se trémoussait sur son siège. Il plaça habilement son mollet tout contre celui de sa maîtresse, qui avait laissé son pied en pâture à son grand fauve, et il sentit enfin la douce chaleur de cette femme qu'il avait depuis longtemps perçu derrière les caractères en Times italique rose...

Dzzzzzzzzzoingzzzzoingzzzzzzoing... Aaaaaargh...

Une fugace inquiétude traversa le regard d'Hector75 qui se douta que le Dr Achille ne devait pas être un ange douceur au vu des mines défaites des patients qui l'entouraient. Seule Hermione28 coulait sur lui un regard d'une infinie tendresse.

- Mon amour, tu es venue, pour moi, chuchota-elle en traînant imperceptiblement sur la dernière syllabe qui s'éteignit en un souffle sensuel.
- Ma chérie, enfin, enfin...

Didoudidadidoudidop! Didoudidadidoudidop!

La sonnerie guillerette de son portable le ramena brutalement sur terre. Sa femme. Ce ne pouvait être qu'elle. "Allô !... oui ma chérie... je suis... oui dans la salle d'attente... du monde, oui... non... pas grave... ne t'inquiète pas... à tout à l'heure... je t'embrasse". Il rangea la maudite bestiole dans la poche de son blouson.

- C'était ma femme dit-il d'un air contrit
- Oui, ta chérie, rétorqua t'elle d'un air pincé, avant de se raviser, ils n'allaient tout de même pas gâcher leur merveilleuse rencontre pour une broutille.
- Je suis désolé, tu sais comment elle est...
- Ce n'est pas grave mon amour, l'important c'est nous, ici, maintenant, si tu savais combien je suis heureuse...

AU SUIVANT ! hurla l'infirmière revêche qui venait de débouler dans la salle d'attente. Un homme livide se leva lentement, et approcha de la matrone à pas comptés. Le menton saillant comme une insulte, elle toisa le pauvre ère d'un regard glacial, ouvrit brutalement la porte de la salle de torture et y poussa la loque liquéfiée. Hector75 sentit une goutte de sueur froide glisser sournoisement le long de sa tempe.

- Ne t'inquiète pas mon cœur, il y en a encore deux avant toi.
- Oui, répondit-il doucement.
- Je n'avais pas le choix, tous les autres dentistes de la ville sont partis en vacances...
- Je vois, dit-il d'une voix blême.
N'écoutant que son courage, qui ne lui disait rien, Hector75 approcha son auriculaire de celui de sa belle, le frôla, le titilla, s'y enroula en une torride étreinte digitale aussi rassurante que discrète. Hermione28 clos doucement les paupières alors qu'un sourire à la mona lisa s'esquissait sur son visage alangui. Phalange contre phalange, ils s'adonnèrent à ces attouchements dont la sensualité débridée faisait frémir les narines de la belle. Et dire qu'Hector75 n'y avait mis qu'un doigt.

La porte de l'antre du tortionnaire s'ouvrit avec fracas, devant l'infirmière qui portait sa dernière victime sur l'épaule avec autant de précaution qu'un boucher porte un quartier de bœuf. Elle lâcha le patient évanouit dans son siège encore chaud, se retourna vers l'assistance éberluée et dit avec un sourire sardonique "Ne vous inquiétez pas, c'est juste une petite nature. Il s'est évanouit avant même que le Docteur n'ait eu le temps de le toucher. A QUI LE TOUR !". La mort dans l'âme, une brave mère de famille se leva et tira son gamin vers l'antre du Dr Jeckil, heu Achille. NOOOOOOOON! hurla le pauvre gosse, MAAAAAAMAAAAN...
"Courage mon garçon, tu es un homme !", rétorqua la matrone qui ponctua son discourt à la psychologie si féminine par un "Hop! Et que ça saute !". Les deux femmes tirèrent l'enfant vers l'abattoir dont la porte fût claquée d'un coup de pied. "Tenez-lui les jambes! Moi je m'occupe des mains!", put-on entendre distinctement depuis la salle d'attente.

Dzzzzzzzzzoingzzzzoingzzzzzzoing... MaMaaaaargh...

Hector75 jeta un regard hagard vers Hermione28 impassible, aux portes du septième ciel, captivée par le moite doigté de son divin amant. Il essuya les grosses goûtes qui perlaient sur son front.

Ouiiiiiiiinn ! Tais-toi ! Tais-toi ! Ouvre la bouche ! Dzzzzzzzzzoingzzzzoingzzzzzzoing...

- Partons d'ici, bégaya Hector75
- Ce n'est pas possible, mon amour, songe à ton alibi...
- Mais ce docteur est un monstre !
- Mais c'est juste le Dr Achille, tu ne peux pas affronter un petit détartrage pour moi ?
- Peut importe le détartrage, allons-nous-en !
- Mais j'ai payé d'avance ! Le Dr Achille va te détartrer, tu en as grand besoin ! Regarde-moi ce sourire jaunâtre !

AU SUIVANT !!! Didoudidadidoudidop! Didoudidadidoudidop! Didoudidadidoudidop...

Hector75 se réveilla en sueur et éteignit le réveil. La douce odeur de café qui flottait dans la chambre le rassura un peu alors qu'il reprenait ses esprits. Son épouse entra dans la chambre et finit de lui remettre les idées en place. "Dépêche-toi! On part à Contrexéville et on a de la route à faire!"

09 janvier 2007

Le mot magique

Certains couples libertins utilisent un "mot magique" pour indiquer discrètement à leur conjoint qu'ils ne s'imaginent plus avoir des relations horizontales avec le couple chez lesquels ils ont été invités à passer une soirée potentiellement coquine. Il s'agit d'un code définit à l'avance, un mot anodin mais néanmoins improbable, comme "crocodile" ou "hippopotame", qui est subrepticement glissé dans la conversation pour dire à son conjoint "sauve qui peut !" sans vexer ses hôtes. Dès que le mot magique a été prononcé, le couple doit prendre la tangente, en simulant par exemple l'appel affolé de la nounou due à la varicelle éclair du petit dernier. Toutes ces techniques sont éprouvées, mais à l'inverse, comment peut-on au sein d'un couple, signifier discrètement à son partenaire le désir qu'on éprouve pour un tiers alors que de simples regards équivoques ont été échangés ? Peut-on aussi employer un mot magique ?

medium_massage.2.jpgLe sauna/hammam l'hyppocampe peut être propice à la détente. Exclusivement réservé aux couples le vendredi après midi, j'ai eu l'occasion de m'y rendre plusieurs fois, dont une avec Béatrice, une jeune célibertine qui souhaitait néanmoins que je m'occupe exclusivement d'elle. Il y avait peu de monde ce jour là, trois ou quatre couples tout au plus. Après la douche et le hammam, nous avons dérivé vers les coins câlins, et nous avons jeté l'ancre auprès d'une sorte de podium, surplombé par une mezzanine. Béatrice s'est étendue sur le grand matelas qui recouvrait cette estrade, j'ai fait couler sur son dos d'odalisque quelques gouttes de la bouteille d'huile que j'avais pris soin d'amener avec moi, et j'ai commencé à lui prodiguer un doux et voluptueux massage. Béatrice a une beauté raphaélique: une peau laiteuse, des seins petits et fermes, des hanches larges dont le galbe féminin se prolonge jusqu'aux cuisses, avec entre les deux une croupe somptueuse: ronde, ample, ferme, un délice à caresser et auquel nous prenions d'ailleurs un vif plaisir partagé, lorsqu'une femme apparemment seule est entrée dans la pièce.

La trentaine, noire, son buste pulpeux recouvert d'un paréo, elle s'est avancée d'un pas hésitant, voire timide. Béatrice, les paupières closes, n'a pas vu venir cette femme que j'observais en souriant: elle s'est aventurée dans les escaliers pour jeter un coup d'œil à la mezzanine, vide, et elle est redescendue pour s'approcher un peu plus près de nous. Moi, je ne savais plus où poser les yeux. Sous mes doigts, deux demi-sphères à la blancheur lunaire, entre lesquelles palpitait un oeillet pourpre qui ne demandait qu'à s'épanouir sous mes baisers fiévreux. A côté, presque au point de s'asseoir, une charmante jeune femme visiblement attirée par le spectacle nous offrions, je dis bien nous, car intégralement nu entre les cuisses de Béatrice, j'y bandais comme un cerf. J'avais beau gratifier la placide jeune femme de mes plus charmants sourires, je ne parvenais pas à savoir qui de nous deux pouvait éventuellement l'intéresser. Béatrice a ouvert les yeux lorsque l'inconnue s'est assise sur le podium, à quelques centimètres de nous, à quelques centimètres d'un trio que je n'osais espérer. Aucun d'entre nous n'a amorcé le geste qui l'aurait esquissé. L'inconnue s'est levée et elle a quitté la pièce.

Quelques semaines plus tard, j'ai évoqué ce souvenir avec Béatrice. Après lui avoir rappelé ses souhaits du moment, souhaits que j'avais scrupuleusement respectés, je lui ai demandé si elle aurait aimé que je propose à cette inconnue un massage à quatre mains, les siennes et les miennes s'aventurant sur sa peau tabac, nos corps électrisés par le désir sur son corps alangui, nos baisers voluptueux sous son regard ténébreux... Et bien figurez-vous qu'elle aurait adoré ! Si seulement je le lui avais proposé à ce moment là au lieu de rester empêtré dans des désirs muets ! Mais comment le dire sans rompre le charme du moment ? Notre drame était sans doute de ne pas avoir convenu d'un mot magique, pour dire secrètement que le désir pourrait bien évoluer, sans entrer dans un conciliabule rédhibitoire. La prochaine fois, s'il y en a une, nous opterons pour le mot "biscotte". C'est discret, original, et pas si difficile à placer: "Ah que j'aimerais étaler de l'huile sur la peau dorée de cette femme, comme du beurre sur une biscotte !"

08 janvier 2007

Le fantasme de l'hooliganette

Après la fliquette à casquette et galons dorés sur les épaules carrées de sa chemise bleue électrique, fliquette qui fouillerait sans ménagement mais avec un rictus concupiscent, mon petit corps à demi nu, cuisses écartées en garde à vue dans un bureau sordide, après la fliquette disais-je, une bonne amie vient de susciter en moi le fantasme de l'hooligannette ! Mon blog n'ayant pas d'autre objet que de saisir au vol mes pensées impertinentes ou mes récits débauchés, pourquoi ne pas le commencer avec une plaisanterie. Après tout, ce ne sera pas la première fois qu'un destin se joue là dessus, que ce soit le mien ou celui des personnages Kunderiens.

L'hooliganette m'a invité à suivre la finale de la coupe du Monde dans sa chambre d'étudiante. A l'affiche: France-Brésil ! Comme d'habitude, je me suis perdu et je suis en retard, mais je n'ai aucun mal à trouver son petit studio au vacarme qui en émane. J'ouvre la porte. Quel choc ! De part et d'autre de la télé où s'époumone thierry Rolland, des fumigènes crachent une épaisse fumée qui masque les murs recouverts de posters France Football. Face à la télé, mon hooliganette s'agite toute seule sur son Sofa. Elle ne m'a pas entendu arriver. Je m'approche précautionneusement en évitant les canettes vides qui jonchent le sol. Elle se retourne brusquement et me jette un sourire bleu-blanc-rouge halluciné. Sous sa perruque rose frisée, son visage peinturluré me scande "allez les bleus !" en guise de bienvenue. Ses seins tressautent sous son maillot de l'équipe de France qui lui tombe à mi-cuisse, en recouvrant son collant filets homologué par la FIFA. Ses chaussures Adidas à crampons rayent le parquet. "T'es pas en tenue de supporter !" Eructe t'elle d'une haleine Heineken. "A poil les Brésiliens !" Hurle t'elle alors en se jetant sur moi pour arracher mes vêtements. Inutile de résister, et me voilà en deux temps trois mouvement prêt à courir sur la pelouse dans le plus simple appareil. Pendant ce temps là, Zidane envoie la balle au fond des filets. C'est la liesse. "Baise-moi à la footbaleur !" qu'elle me crie en brandissant un condomi spécial footmedium_condomifoot.jpg.
- C'est quoi, à la footbaleur, que je lui demande éberlué ?
- Droit au but et sans les mains, qu'elle me répond en sautant à genoux sur le canapé !

D'un geste vif, elle remonte jusqu'à la taille son maillot de l'équipe de France. A travers les larges mailles de son collant fillet, je constate qu'elle ne porte pas de petite culotte. Ses cuisses à la verticale sont comme deux poteaux blancs entre lesquels je vais tirer mon coup. "J'vais te tirer comme un penalty" que je lui annonce en chaussant le condomi, entre deux rasades de bibine pour me mettre dans l'ambiance. "Tire pas avant que j'ai sifflé", beugle t'elle avant de siffler sa septième canette. Face aux trous, j'opte pour le contre pied. Je fais glisser le ballon du condomi sur son anus qui se contracte aussitôt, pour mieux m'enfoncer d'un seul coup dans sa chatte béante. "Et un, et deux, et trois zéros !" que je me mets à brailler en lui enfilant autant de coups de queue ! Elle se retourne vers moi avec un rictus mauvais, me brandit sous le nez une matraque non homologuée et elle me dit entre ses dents "Attends un peu que je te la mette dans la lucarne !"