13 décembre 2015
De Proust au candaulisme
Je lis actuellement avec ravissement Mensonge romantique et vérité romanesque, de René Girard. Je ne développerai pas la théorie du désir mimétique sur ce blog, ni la démonstration magistrale qu'en fait René Girard dans l’art du Roman, mais en donnerai un avant-goût avec La Prisonnière de Marcel Proust :
Il arriverait, si nous savions mieux analyser nos amours, de voir que souvent les femmes ne nous plaisent qu’à cause du contrepoids d’hommes à qui nous avons à les disputer, bien que nous souffrions jusqu’à mourir d’avoir à les leur disputer ; le contrepoids supprimé, le charme de la femme tombe. On en a un exemple douloureux et préventif dans cette prédilection des hommes pour les femmes qui, avant de les connaître, ont commis des fautes, pour ces femmes qu’ils sentent enlisées dans le danger et qu’il leur faut, pendant toute la durée de leur amour, reconquérir ; un exemple postérieur au contraire, et nullement dramatique celui-là, dans l’homme qui, sentant s’affaiblir son goût pour la femme qu’il aime, applique spontanément les règles qu’il a dégagées, et pour être sûr qu’il ne cesse pas d’aimer la femme, la met dans un milieu dangereux où il lui faut la protéger chaque jour. (Le contraire des hommes qui exigent qu’une femme renonce au théâtre, bien que, d’ailleurs, ce soit parce qu’elle avait été au théâtre qu’ils l’ont aimée.)
Le candauliste utilise-t-il ce ressort de la jalousie pour raviver sa passion ? La question mérite d’être posée.
20:41 Publié dans Livre, Réflexions | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : candaulisme
02 juillet 2008
La nuit démasque (6)
Alexandre accepta volontiers le rôle de dominateur dont il venait d’être investi. Grâce au tutoiement qu’elle venait d’utiliser – mais pourquoi cette petite garce s’était-elle ainsi adressée à lui, et en Français de surcroît ? - il imagina qu’elle n’était autre que sa femme. Mais une femme générique, sans identité véritable, légère et interchangeable. Pas Aurore. L’ombre d’un instant, l’espace d’un jeu, sa femme était devenue cette libertine excitante en diable qui s’abandonnait à plusieurs hommes à la fois. Sans même s’en rendre compte, il avait exclu Aurore du champ de sa pensée, pour pouvoir jouer au candauliste avec cette inconnue qui adoptait si bien le rôle d’épouse lubrique, et fuir lâchement ses angoisses dans l’obscénité du sexe.
12:00 Publié dans Fictions | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : La nuit démasque, venise, Erotisme, Littérature, Ysé, note à 4 mains, candaulisme
08 janvier 2007
Du Candaulisme
Vous connaissez sans doute la définition du candaulisme qui consiste à aimer regarder son/sa partenaire avoir des relations sexuelles avec une autre personne, sans toutefois y participer. Un débat avait fait rage sur mon forum préféré, afin de savoir quelle pouvait être la motivation du candauliste. Je soupçonnais d'ailleurs l'auteur de ce topic d'avoir à la fois des désirs candaulistes et d'être en même temps sujet à une certaine jalousie. Il faut dire, détail piquant, que nous partagions bon gré mal gré la même maîtresse.
J'ai ainsi écrit, non sans vice, que le candaulisme est à mon avis une forme de pseudoaltruisme, et que cela exprime une sublimation du besoin de contrôle. Le candauliste souffre de savoir sa partenaire prendre du plaisir avec un autre en son absence, alors qu'en sa présence c'est lui qui offre du plaisir à sa partenaire à travers un autre homme. Dans le premier cas, l'autre homme est une menace car il montre au candauliste que ce dernier n'est pas le seul à détenir le pouvoir du plaisir de la partenaire. Dans le second cas, l'autre homme n'est qu'un relais, un objet soumis au désir du candauliste et de sa partenaire. Le fait que le roi Candaule qui est à l'origine de ce mot utilisait des valets pour satisfaire ses pulsions n'est pas anodin: il avait tout pouvoir sur eux.
Je me suis un jour retrouvé dans la position du valet: J'avais pour rôle de sodomiser une très belle femme aux yeux bandés dans une chambre d'hôtel sous les yeux du candauliste. Auparavant, cet homme avait pris soin de me dire l'étendue de son pouvoir: Il était riche et puissant, membre du conseil d'administration d'une société dont j'aurais pu être l'employé, avec la certitude de me tenir par le désir que sa partenaire allait m'inspirer. Lorsque je suis entré dans la chambre, la télé diffusait les jeux olympiques. J'ai salué la jeune femme étendue sur le lit - une très belle fille métisse - conformément au scénario qu'il avait défini, mais il m'a coupé lorsque j'ai entrepris l'embryon d'une conversation avec elle. Il s'est alors assis dans un fauteuil et il a regardé les séries de course de 100m alors que je prodiguais un cunnilingus à la jeune femme. J'ai éprouvé de la haine pour cet homme dont l'irrespect impuni manifestait son pouvoir sur moi et sur elle, et de la pitié pour cette femme qui s'y soumettait aveuglément au sens propre comme au figuré. Le candauliste a interrompu mes préliminaires entre deux courses pour me demander de passer à l'étape suivante. La jeune femme n'était visiblement pas prête à cet acte, et je l'ai prise en levrette sous les encouragements du commentateur sportif qui braillait à la télé. Ni elle ni moi n'avons éprouvé de plaisir. Lorsque ce fut terminé, le candauliste m'a prié de sortir et je ne les ai jamais revus.
Cette triste histoire m'a inspiré un profond dégoût pour une telle situation dont j'avais été le complice servile, et dès lors, j'ai décidé que je ne serai plus jamais le valet. Et pourtant, quelques années plus tard, je me suis retrouvé en quelque sorte dans la situation inverse malgré moi ...
13:55 Publié dans Réflexions | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : Expériences, candaulisme, libertinage, cunnilingus