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06 janvier 2014

Bleu comme l’enfer ?

Les apparences sont trompeuses, pour le meilleur comme pour le pire. On s’attendait à une cascade de plaisirs luxurieux ? On ne trouve qu’ennui et dépit. On imaginait des cris et des larmes ? Ce sont des cris de plaisir et des larmes de jouissance dont on s’abreuve. Ainsi n’imaginiez-vous probablement pas que le paradis se cache dans une sordide ruelle de Paris. Pour le trouver, il faut écarter le rideau pourpre d’un sex-shop, essuyer le regard cupide des professionnelles du sexe, ignorer les moues concupiscentes des clients, arriver jusqu’au comptoir entre les godemichés et les vidéos pornos, et demander une heure au paradis. On vous conduit alors dans un improbable dédale de couloirs et d’escaliers, jusqu’à une petite porte noire qu’on ouvre prestement, celle du paradis. En vérité, ce n’en est que l’antichambre bleu azur. Les portes du paradis terrestre, les vraies, il n’y avait que Mathilde pour me les ouvrir.

Quelques années auparavant, c’est sous la voute étoilée d’une chambre rococo de la villa-royale que nous touchâmes l’extase pour la première fois. La chambre paradis-tentation du love hôtel de la rue St Denis n’a certes pas le même faste, mais la décoration de cette alcôve providentielle, découverte au hasard de notre irrépressible désir, présageait aussi du septième ciel.

hôtel, paradisMathilde et moi nous assîmes sur le lit, presque timidement, avant que nos lèvres pèlerines retrouvent le chemin du plaisir. Les miennes se perdirent d’abord sur son épaule dénudée, et mes doigts à l’orée de son soutien-gorge vivement dégrafé, tandis que ses lèvres ardentes me brûlaient le cou et qu’elle déboutonnait ma chemise. A peine avais-je eu ses seins pointus dressés entre mes doigts que nos vêtements volèrent dans la pièce parmi les angelots et les nuages en cœur. Qu’il était bon de retrouver ma fervente amante, tremblante de désir et bientôt de plaisir quand je lui butinai la vulve puis y plongeai une langue goulue. Mathilde retourna rapidement la situation de peur de jouir trop vite, et elle me prit en bouche avec gourmandise, son intimité hors de portée de mes audacieuses caresses. Allongé sur le dos, je sentais les cheveux de Mathilde me caresser le ventre pendant qu’elle me suçait alternativement le gland et les couilles, tout en jouissant du spectacle de son corps élancé que me renvoyait le miroir accroché au plafond.

Je brulais d’envie de planter mon dard dans sa petite chatte crémeuse et mes yeux dans les siens. Je la pénétrai doucement, nos regards émus d’amour sur nos visages éperdus de plaisir. Mon Dieu qu’elle était belle quand elle me regardait comme ça ! Mon Dieu qu’elle était belle avec ces yeux-là ! Ils me donnaient une énergie d’éphèbe, à moi le vétéran de la baise. Quand on aime, on a toujours vingt ans. Le tenon de ma queue mortaisé à ses hanches, je la taraudais de jouissance tout en interprétant le Kamasutra sans nous déprendre, du bateau ivre à l’andromaque, du lotus au compas grand ouvert, inventaire à la pervers qui s'acheva en tendres petites cuillères pour accueillir notre orgasme. Je repris mon souffle tout en achevant de lui faire perdre le sien, d’un doigt dressé à débusquer son clitoris turgescent aussi surement qu’un chien d’avalanche retrouve les skieurs ensevelis. Le moins que je puis dire est qu’elle n’était pas de glace, et si j’étreignis entre mes bras son corps tremblant, c’était de l'extase que je venais de lui donner.

Les cérébraux insatisfaits pensent que « le meilleur moment de l’amour, c’est quand on monte l’escalier » ; pour les hommes de peu d’esprit, ce n’est ni avant, ni après, mais pendant, et certains mufles vont droit à leur pauvre but avant de jeter leur proie comme un kleenex usagé; pour les amoureux c’est dans la tendresse juste après. Non pas parce que ce serait enfin terminé, mais au contraire parce que le désir qui se nourrit l’un de l’autre peut renaitre de ses cendres. Ainsi  sentis-je ma Naïade se faire de plus en plus chatte au creux de mes bras, frottant ses fesses contre mes hanches tout en minaudant avec des regards de braise, alors que je m’interrogeais sur l’étrange volet roulant situé à la tête du lit Ce volet s’ouvrait-il sur une fenêtre donnant sur l’extérieur ? J’appuyai sur le bouton de commande et ma belle sur d’autres organes sensibles : le volet, pour ainsi dire la jalousie, s’ouvrit sur l’enfer.


hôtel, enferDe l’autre côté de la fenêtre inamovible, une autre antichambre similaire à la nôtre mais inversement décorée en suite infernale, invitait succubes et incubes à la débauche. Je ne restai toutefois pas longtemps à contempler cette géhenne de pacotille, car mon attention fut captivée par un horizon autrement plus excitant au paradis : Mathilde, agenouillée sur le lit, les cuisses écartées et les bras en croix sur le matelas, m’invitait à la luxure :

-    Et mes fesses ? Elles te plaisent mes fesses ?
-    Elles sont somptueuses ma chérie.
-    Et mon petit trou aussi ?
-    A croquer !
-    N’hésites pas à joindre le geste à la parole !

Ma langue se jeta sur son œillet froncé comme la petite vérole sur le bas clergé, ce qui ne fit pas pour autant taire ma Naïade particulièrement bien inspirée : « Mouille le, oui, mouille bien ! Tu sais qu’il est à toi, rien qu’à toi ? L’entrée des artistes t’est exclusivement réservée… tu vas venir t’y produire, hein mon chéri ? Dis-moi que tu vas passer par là… dis-moi que tu vas y pénétrer… que tu vas me dilater… m’ouvrir comme un fruit mûr… regarde c’est déjà ouvert pour toi… viens ! N’attends pas, j’en peux plus… Encule-moi ! »

01 juillet 2007

Ma nuit mutine

Septembre 2004. À cette époque là, je fréquentais assidûment le forum Echangisme et Triolisme, avec la grosse envie de participer enfin au principal événement de ce forum : la fameuse « nuit mutine ». En gros, cela consistait à réunir tous les libertins et sympathisants, d’abord dans un café pour un apéritif vertical, puis dans un club libertin pour un repas que je qualifierais d’oblique, et enfin pour un moment de convivialité horizontale. Rien d’obligatoire, bien entendu, mais tout restant possible. L’entrée au club étant réservée aux couples, je parvins à trouver une accompagnatrice, Frédérique, quelques jours avant cette soirée afin de constituer le duo requis.

Sur le plan affectif, je me sentais, dans une situation transitoire selon l’expression consacrée par Jeanne. Jeanne, dont j’étais toujours amoureux, avait mit un coup de frein à notre liaison depuis notre désastre aux Chandelles. Alors que j’entretenais avec elle une relation exclusive, le sevrage auquel je fus soumis eut raison de mes velléités « monogames ». Ainsi avais-je cédé aux avances de Sarah, je m’étais perdu un soir d’ivresse entre les cuisses de Frédérique, et j’avais rencontré la pétillante Kundalini sans parvenir à la séduire. De ces écarts de conduite, je n’avais avoué à Jeanne que ma soirée de débauche en club avec Frédérique, puisque c’est ce qui me semblait le plus anecdotique, ainsi que ma prochaine participation à la nuit mutine. Jeanne avait pris la chose avec assez de philosophie, mais elle me fit une scène virtuelle sur messenger quelques jours plus tard en lisant le compte rendu de ma nuit mutine sur le fameux forum Echangisme et Triolisme :

Ce petit texte est profondément subjectif. Pas de synthèse, pas de digestion, mais quelques clichés in petto, instantanés d'impressions sur ma mémoire évanescente. Des rushs à couper au montage des mémoires d'un voyeur.

19h30, quelque part vers Montparnasse. Quelques taches de cirage liquide sur le carrelage d'un Franprix, mais mes chaussures brillent ! Après avoir soigneusement tamponné mes bottines, j'abandonne dans l'entrée de la supérette le tube tant désiré quelques minutes plus tôt, un peu comme un préservatif usagé qu'on aurait cherché dans le noir, à tâtons, pendant d'interminables secondes en priant tous les diables pour ne pas débander. Il est 19h35, je suis en retard mais pas encore à la bourre.

Aux alentours de 21h, au Select. Le visage émacié d'un grand type aux lunettes carrées, journaliste en pleine overdose de carrosseries après sa longue journée au salon de l'auto. "T'aime écrire ?" qu'il me dit, "alors on échange nos jobs, et je te file mes articles, moi, j'en peux plus des mots". Mais moi, les voitures, je n'y connais rien, les seules carrosseries qui m'intéressent sont toutes en courbes souples, avec deux tétons pour toutes pointes et pour lignes brisées des plis gracieux tout en haut des cuisses, des liserés de dentelles à la place de celles des portières et des escarpins en guise de jantes. Après tout, il doit bien avoir raison quand il me dit que les femmes en petite tenue sur les stands font vendre les voitures. Mais il est venu seul. Dommage pour lui de ne pas avoir pu en dévergonder une pour l'accompagner au club.

Vers minuit, au sous-sol du club Emmanuelle. Zoom sur les bretelles design de Zorote qui vient d'atterrir sur le forum et dans le libertinage. Il voit qui je suis quand je lui dis qu'un de mes meilleurs souvenirs de club est une petite exhibition sur le podium de l'overside, mes reins collés à ceux d'une gogo danseuse. "En fin de compte, ce n'est pas parce qu'on passe à l'acte qu'on a les meilleurs souvenirs" lui dis-je en guise de conclusion prémonitoire.

medium_cabaret.jpg

1h du matin, encore plus au fond du sous-sol du club Emmanuelle. Photo de famille au naturel en mode panoramique, avec, de bas en haut et de gauche à droite, monsieur Doubleo les yeux rivés sur le centre de la piste de danse, Frederique911 en grande discussion avec Venitia75 et EnvieDoser, Titinette tentant vainement d'attirer l'attention de Huskill qui est en train de brancher RiresEtCalins, Kundalini3 à la barre avec sa robe rouge Ferrari et dans un show dont elle a le secret, madame Doubleo au centre de la piste de danse, Kalain et sa Kalinette qui montent les escaliers en direction du bar pour aller s'en jeter un, Les Missty27 pas loin de Madelba pas loin de Buli92 pas loin de son rugbyman de mari au crochet du droit dissuasif.

Un peu plus tard, torse nu sur la piste de danse, tout contre elle. Macro sur les reflets iridescents des spots bleu sur sa peau tabac, là, juste sous la paupière droite, en dessous de ses yeux cafés où je perds pied, incapable de me raccrocher aux reflets ambrés de ses cheveux bruns, un peu flous au premier plan. Elle respire la sensualité, m'inspire un violent désir plaqué sur son aine, ma jambe droite entre les siennes entrouvertes, juste entrouvertes. Elle allume, met le feu un peu partout, pyromane qui s'amuse du haut de ses 26 ans, et qui suivra son instinct jusqu'au bout de la nuit. Juste l'instinct de son plaisir. Elle a tout compris. Derrière elle, Kalain contre ses reins donne le tempo.

Aux alentours de 1h30, près du bar. Un homme charismatique prend un glaçon pour l'appliquer sur le téton de Kundalini3, histoire de voir s'il se dresse bien sous l'effet du froid. Il doit avoir fait sa connaissance à peu près 2 minutes 30 auparavant alors que je discutais avec elle. 1 heure plus tôt il avait fait mettre torse nu tous les garçons présents sur la piste de danse, ce qui a donné un bon coup de fouets à la soirée. Certaines personnes ont une audace admirable. D'ailleurs l'expérience est concluante.

Plus tard dans la nuit, au tréfonds des coins câlins. Huskill à genoux dans la mêlée, dressé tel le mat du radeau de la méduse, prend une inspiration tantrique avant de donner des coups de reins dévastateurs à biiiip qui embrasse biiiiip avec biiiiip pendant qu'elle se fait prendre par biiiip. Raconté comme ça, on ne se rend pas bien compte de la beauté du tableau, mais quatre couples enchevêtrés dans la pénombre et un plaisir contagieux, ça fait drôlement joli. Quelques esthètes pointilleux pourraient peut être reprocher la trop forte dominante rose accentuée par la lumière rouge, mais c'est être bien difficile. Moi, j'aurais bien volontiers fait partie du tableau.

Un peu avant 3h du matin, aux pieds de la piste de danse. Deux couples à moitié nus tentent vainement de s'accrocher des serviettes autour des reins. Frédérique911 me masse les épaules, et je me laisse faire. Elle a de très beaux yeux Frédérique. Des yeux d'un bleu délavé poignant. Il est temps que je parte moins pour l'imminence de mon vol pour Londres que pour ne rien gâcher. Huskill me dit souvent qu'éjaculer c'est mourir un peu, que le sperme ça se contient, et que l'énergie vitale remonte alors le long du dos jusqu'à la tête. Moi, faut que ça sorte, ne serait-ce que par une salve de mots.

C’est donc ce récit d’une frustration sublimée qui avait entraîné la crise de jalousie de Jeanne. Elle n’avait pas supporté de lire ces mots là sur le forum, en même temps que tout le monde, sans que je ne lui en parle avant. À ce moment là, j’avais ressenti sa réaction comme une profonde injustice (après tout, je n’avais rien fait avec Kundalini) et une entrave à ma liberté d'expression. Je comprends aujourd’hui qu’on peut être plus jaloux d’un désir  frustré que d’un désir assouvi : il conserve son énergie potentielle dévastatrice.

25 juin 2007

Descente aux chandelles (5)

Patrice s’allongea sur le dos. Jeanne le chevaucha. Je regardai un moment leurs sexes emboîtés, et puis je sodomisai Jeanne, très facilement malgré ma position plutôt sportive : debout, les jambes fléchies, genre cours d’aérobic, juste en appui sur les pieds pour ne pas les écraser. Les cris de plaisir de Jeanne arrosèrent toute la pièce. Tandis que je me retirai, elle voulu aussi arrêter. Elle n’en pouvait plus. Mais son partenaire en voulait encore, répétant qu’il allait bientôt jouir. Alors elle resta encore un peu dans ses bras. À côté de moi, un autre homme se masturbait, prêt à entrer en jeu. Je lui dis que c’était fini. Le bassin de Jeanne finit par se séparer de celui de Patrice. Je regardai son sexe, un peu mou. Il pressa son gland entre ses doigts et finit par lâcher quelques gouttes de sperme. Il ne devait pas en être à son premier jet. Il fit quelques commentaires sur la « figure de style » que nous venions de réaliser, d’autant plus élogieux pour Jeanne que c’était sa toute première double pénétration. Il nous rappela son prénom, dès fois qu’on l’oublie. « Au plaisir de ne jamais te revoir »  pensai-je très fort.

Le temps de récupérer mes petites affaires semées ici et là, et je retrouvai Jeanne dans la salle principale en conversation avec Sonia. Nous échangeâmes quelques banalités avec elle, puis Jeanne et moi nous assîmes tous les deux. Je la retrouvais enfin. Je l’étreignis, fort, comme un noyé serre sa bouée de sauvetage. Je m’ouvris à elle, peu à peu, je lui  fis part de mes sentiments confus, de la tempête émotionnelle qui m’avait submergé. Je fus surpris qu’elle me dise ne pas avoir aimé cela, même si la situation était excitante, « parce que les hommes bandaient plutôt mou, et même si c’est pas mal d’avoir plusieurs mains sur soi, c’est quand même mieux à deux avec son amoureux ». Et surtout elle me dit que jamais, oh grand jamais, elle ne m’aurait quitté pour un de ces hommes là. Cela me rassura, même si je savais qu’il me faudrait du temps avant de digérer cette expérience, pour ne pas dire cette épreuve, qui m’avait aussi permis de réaliser combien je tenais à elle. Et pourtant, alors que je comprenais mieux ce qui me liait à Jeanne, ce que je venais de toucher du doigt allait se déliter.

medium_Libertine_II.jpgNous rentrâmes à l’hôtel. Jeanne jeta ostensiblement le bout de papier sur lequel Patrice avait noté son numéro de téléphone à mon insu. Elle me raconta même comment il lui avait demandé en pleine étreinte : «Embrasse-moi ! Embrasse-moi comme si tu m’aimais !». Ainsi sa tentative d’appropriation de Jeanne, tentative que j’avais immédiatement perçue et dont j’avais souffert, était bien réelle et motivée par une confusion malsaine. Patrice n’était pas dans le partage, ni même dans le pillage, mais dans l’annexion pure et simple. Dans cette guerre, Sonia n’était que son cheval de Troie. Jeanne et moi nous couchâmes, nus, l’un contre l’autre. Dieu que c’était bon de la sentir entièrement contre moi. J’eu envie de lui faire l’amour, faire l’amour sans doute pour la première fois de la soirée. Épuisée, elle s’endormit dans mes bras. Moi, je ne dormis pas beaucoup cette nuit là. Le film de la soirée passait et repassait en boucle sur l’écran noir de ma nuit blanche. Dans son sommeil, Jeanne marmonnait la bande son : « J’ai trop bu… J’ai fait des bêtises avec mon corps… »

Nous ne sommes jamais retournés en club libertin, Jeanne et moi. Elle ne l’aura fait qu’une seule fois en fin de compte, « pour voir si j’en étais capable » me dira-t-elle quelques mois plus tard, mais sans la moindre envie de recommencer : « J’ai survécu au Koh-Lanta du libertinage, moi ! ». En évoquant dernièrement cette malheureuse expérience avec elle, Jeanne m’a dit n’avoir toujours pas compris ma débâcle : « Après tout, on ne va pas dans un club échangiste pour enfiler des perles ! »

 

23 juin 2007

Descente aux chandelles (4)

Tandis que j’arrivai sur le nouveau théâtre des opérations, après avoir enlevé mes chaussures et enjambé les corps agglutinés en regardant bien où je posais les pieds, Patrice prenait sa partenaire, ma Jeanne, dans la position du missionnaire. J’étais vidé. Je posai la main sur elle, tendrement. En pleine extase, les yeux mi clos, elle me dit « c’est toi mon ange ? ». Oui, c’était moi, je n’allais pas la laisser toute seule avec ce type là, il fallait que je reste avec elle, avec elle qui n’était plus vraiment là et qui me manquait déjà. Je voulais que cet homme parte, qu’il nous laisse. D’un autre côté, je ne voulais pas la frustrer du plaisir qu’il semblait lui donner. Une femme vint roder autour de nous. Elle fouillait fébrilement les matelas, puis elle finit par lâcher : « Excusez-moi, je ne veux pas m’incruster, mais c’est très important, j’ai perdu mon tube de rouge à lèvre !medium_Pile_ou_Face.2.jpg

- Je vous en prie ! » Répondit Jeanne sur un ton calme et policé en lui laissant la place. Elle semblait avoir repris tout d’un coup ses esprits. Décidément, elle n’en finissait pas de me surprendre.

Cette anecdote est révélatrice de l’état d’esprit de Jeanne. Elle se conformait au modèle social attendu tel un caméléon qui se confond avec les couleurs du décor. Dans ce club, la norme sociale était celle de l’échangisme et elle livrait donc son corps à cet homme conformément à son idée préconçue de l’échangisme, et à laquelle elle s’était préparée, au point d’abraser ses envies spécifiques plus proches du mélangisme comme elle me le dirait plus tard et dont les tentatives de caresses à l’endroit de Sonia l’avaient attesté. Le comportement de Jeanne était donc exactement en phase avec l’image de la parfaite libertine promue par ce club, mais peut être pas avec ses désirs profonds et certainement pas avec les miens. Quant à Patrice, il avait su tirer parti de cette parfaite adaptation de Jeanne qui la conduisait à se faire baiser en ronronnant de plaisir, comme un bon client bien poli se fait baiser avec le sourire par un commercial sans vergogne.

La femme retrouva son précieux tube de rouge à lèvre et nous laissa à nos petites affaires qui reprirent là où elles avaient été interrompues. Patrice souleva les jambes de sa partenaire à la verticale et il les plaqua le long de son torse. A la sonorité des gémissements de Jeanne, plus aigus, je cru comprendre qu’il la sodomisait. Je ressentis alors l’impérieuse nécessité de sortir du désarroi insondable dans lequel je sombrais.

On peut envisager plusieurs comportements face aux situations de conflit, et c’est d’ailleurs l’étude de ces mécanismes de défense qui permettent de dresser le profil psychologique de chacun. Ces comportements sont plus ou moins archaïques ou adaptés au contexte et aux contraintes. Or je me trouvais bien dans une telle situation conflictuelle puisque j’avais assimilé l’attitude de Patrice à une agression envers le couple que je formais avec Jeanne, intrusion néanmoins consentie par Jeanne dans ce contexte échangiste. Par conséquent, ma principale contrainte demeurait le plaisir visible de Jeanne. Aussi n’envisageai-je pas l’affrontement direct, c’est à dire la rébellion face à cette scène violente à mes yeux, et qui aurait consisté à ordonner à Jeanne d’arrêter, ce qui revenait de facto à chasser Patrice. Il me sembla tout autant inconcevable de prendre la fuite, ce qu’elle aurait considéré à juste titre comme un lâche abandon incompatible avec mon estime de soi. Je régressai donc jusqu’au déni : Tout était parfaitement normal, Jeanne et moi allions très bien, et je sortis ma queue mollassonne pour qu’elle me la suce. Ce comportement offrait pour bénéfice secondaire une apparente adaptation aux règles du jeu dans cet établissement : J’étais blanc comme un linge mais j’avais sorti ma verge comme une civilité. Quant au dernier bénéfice secondaire, mon éventuel plaisir, il était quelque peu anecdotique.

Le plus étrange est que mon corps, comme s’il avait été indépendant de mes états d’âme, réagissait positivement et Jeanne parvint à me redonner une certaine vigueur. Patrice dit : « quand tu es prêt, on fait une double ! ». J’acquiesçai poliment, reconnaissant envers lui de le laisser m’intégrer à leur couple. Lui et moi avions totalement intervertis nos rôles.

A suivre...

 

21 juin 2007

Descente aux chandelles (3)

Jeanne ne comprit pas ce qui venait de m’arriver. Jusqu’alors, je représentais l’homme de tous ses fantasmes, des pique-niques coquins aux ébats scénarisés, le libertin tout terrain qui cachait sous son capot rutilant un cœur d’amant sentimental, et qui lui permettait d’échapper à l’horizon bouché de sa vie de mère au foyer coincée dans un mariage en bout de course. Pour cette soirée, Jeanne s’était préparée à toutes les extravagances afin d’être à la hauteur de ma réputation sulfureuse. Elle, elle avait revêtu sa robe de soirée comme un gladiateur met son plastron, et voilà que l’homme censé la conduire sur le chemin des plaisirs extrêmes se dérobait soudain. En quelques minutes, j’avais perdu auprès d’elle mon statut d’amant infaillible, et par la même une partie de mon attrait érotique. À l’inverse, je découvrais en elle une libertine aux ressources insoupçonnées qui dansait comme si de rien était après sa première expérience pluraliste.

medium_ClementineII.2.jpgUn peu groggy, je m’assis pour regarder Jeanne au milieu d’autres ravissantes créatures sur la piste. Je me sentais encore un peu déconnecté mais je voulais reprendre le cours de la soirée comme on saute dans un train en marche, ce que se manifestait par une furieuse envie de baiser. Je remarquai une fille métisse qui semblait un peu paumée, assise au bar sur un grand tabouret, sacrément sexy et curieusement seule. Jeanne qui ne dédaignait pas les femmes s’approcha de moi et me parla d’elle, ou plutôt de ses seins rehaussés par sa guêpière, pulpeux comme des fruits murs, « où elle aimerait planter les dents », me dit-elle. Je ne demandais pas mieux. Lorsque cette fille partit dans les salons câlins, visiblement à la recherche de son partenaire – rétrospectivement je me demande si elle n’était pas à la recherche de son client pour lui signifier des dépassements d’honoraires – je proposai à Jeanne de suivre le même chemin. Comme nous tentions de nous frayer un passage entre les corps entrelacés, une grande blonde qui siégeait au détour d’un étroit couloir nous barra le passage. Elle affichait la posture désinvolte d’un douanier africain corrompu dominant son bout de macadam, mais la kalach aux yeux plutôt qu'à l'épaule: Ses jambes tendues en appui sur le mur face à elle, sa jupe relevée sur une belle impudeur, elle cribla Jeanne de regards égrillards. « On ne passe plus ! », sortit-elle sur un ton de défi. À ses côtés, un homme regardait Jeanne comme une gourmandise dans la vitrine d’une pâtisserie. J’imagine qu’il fallait actionner la manivelle de ce garde barrière pour que sa comparse ouvre tous les passages, et ils semblèrent bien dépités de voir Jeanne rebrousser chemin sans entrer dans leur jeu. Nous échouâmes finalement dans la grande salle où la partouze battait son plein.

Nous regardions la scène, passablement excités, lorsque le couple que nous avions croisé dans le sas d’entrée nous aborda. « Et bien on se retrouve » me dit l’homme en souriant, sourire auquel nous répondîmes. Prendre garde à ses sourires est certainement la chose la plus importante à expliquer aux apprentis libertins. Cet homme prit probablement le nôtre pour une invitation car il enlaça Jeanne sans autre forme de procès pour l’embrasser fougueusement. J’étais sidéré par la vitesse à laquelle l’affaire s’emballait. Serrés dans la foule toujours plus compacte, j’essayais de garder le contact avec Jeanne alors qu’il la contournait pour la caresser par derrière. Je sentis une main s’égarer sur la bosse de mon pantalon. Ce n’était pas celle de Jeanne mais celle de la compagne de cet homme, apparemment ravie, qui s’approcha de Jeanne pour l’embrasser à son tour, à pleine bouche. Nous nous présentâmes entre soupirs et baisers : lui Patrice, elle Sonia. J’étais à la fois terriblement excité et inquiet. J’embrassai timidement les lèvres offertes de cette inconnue, et ma main plus hardie s’égara sous sa jupe, sur ses fesses nues, fermes et rebondies. Malheureusement, Patrice ne semblait pas goûter au plaisir des préliminaires mélangistes qui m’auraient amplement suffit. Il détourna à son profit les tentatives de Jeanne pour caresser Sonia, ce dont je ne me rendis pas compte. Je ne voyais qu’une chose : le visage haletant de Jeanne que Patrice prenait debout, par derrière, une minute à peine après nous avoir abordés !

Il attira sa proie consentante dans un recoin tranquille pour mieux jouir d’elle. J’y entraînai aussi Sonia pour ne pas perdre Jeanne de vue. En voyant Patrice prendre mon amour encore et encore, contre ce mur de pierres où elle gémissait de plaisir – oui, c’était bien du plaisir, je reconnaissais ses soupirs - j’essayai de la haïr. Débauche des corps et débâcle des sentiments. L’ombre d’un instant j’essayai de reconsidérer la situation sous un autre angle : Jeanne n’était pas la femme dont j’étais amoureux, non, ce n’était qu’un simple passeporc pour entrer dans ce club et me taper toutes les nanas qui me tomberaient sous la main. Sonia tombait plutôt bien. J’écartai son string par derrière et je caressai son sexe encore sec. De l’autre main j’enfilai un préservatif, prêt à la prendre façon soudard. Quelques allées et venues le long de sa vulve, et je la sentis tout d’un coup toute humide sous mes doigts qui s’acharnaient sur son clitoris comme sur le bouton d’un ascenseur récalcitrant. Alors je l’enfilai d’un coup sec et je l’a besognai sans ménagement, un peu comme une vengeance. Elle était étroite et j’éjaculai très vite, sans plaisir mais sans débander non plus tant mon corps était excité. Je continuai à la ramoner vigoureusement tandis qu’une autre femme s’approcha de Sonia pour la caresser. Elle finit bien par jouir sous mes coups de boutoir. De temps en temps, le cœur vide, je regardai Jeanne se faire bourrer aussi. Je crois que j’éjaculai une seconde fois au fond de Sonia, sans vraiment en jouir, puis je me retirai. Mon préservatif pendait au bout de ma queue en berne. Sonia m’adressa un sourire élogieux. En retour, mon rictus dut etre mis au compte de la fatigue. Patrice voulut prendre ses aises sur une banquette et je les suivis, comme un troisième. Je ne réalisai même pas que Sonia avait disparu.

À suivre

19 juin 2007

Descente aux chandelles (2)

medium_Le_temps_des_cerises_II.jpgEtait-ce la programmation musicale qui commençait à s’améliorer, l’ambiance qui s’échauffait ou notre taux d’alcoolémie qui montait, mais Jeanne m’entraîna sur la piste pour nous trémousser un peu. Dieu qu’elle était excitante avec ses yeux brillants et sa moue inimitable. Elle me donnait une irrésistible envie de la caresser alors qu’elle virevoltait entre mes bras timides, avant de se serrer contre moi, de m’embrasser fougueusement, de sentir mon érection au travers de mon pantalon et de m’entraîner vers les fameux salons câlins. A peine arrivés, je la plaquai face à la fenêtre devant laquelle nous étions passés quelques minutes plus tôt, et dont elle saisit les barreaux. Mes mains étaient avides de sa peau, et puis pleines de ses seins, mes lèvres sur sa nuque, mes reins contre ses fesses… Mutine, Jeanne se dégagea de ma prise traîtresse pour aller de l’autre côté du mur, là où une banquette encore chaude semblait attendre de nouveaux ébats.

Elle s’y étendit sur le dos, et moi sur elle. Ivre de désir je remontai sa robe sur son corps enfiévré pour m’emparer de ses fesses, à pleines mains. Mes lèvres papillonnèrent entre ses seins, puis sur son ventre, reconnaissant le chemin qui menait à sa source où j’aimais tant m’abreuver. Elles le suivirent, comme prises d’une soif inextinguible. Je glissai peu à peu à ses pieds, entre ses cuisses ouvertes. En levant les yeux vers elle, je vis un homme dans la pénombre, qui avait aventuré une main entre les barreaux de la fenêtre afin de cajoler les seins de Jeanne. J’ai alors aimé qu’il lui fasse cette caresse là, au point de regretter de le voir disparaître furtivement. Mes lèvres étaient arrivées au bout de leur course, et mes doigts fébriles venaient à la rescousse pour écarter l’ultime dentelle qui me séparait de sa source. Ma langue y plongea, débusqua son nectar qui inonda bientôt mes lèvres, ce qui ne faisait qu’attiser ma soif de son plaisir. Je l’entendis gémir tandis que j’aspirai son bouton entre mes lèvres avides.

Il y a des images dont on se souvient toujours, avec une acuité telle qu’on pourrait les dessiner. Comme celle de cette liste des noms des bacheliers, agrafée sur le mur d’un lycée, si proche et si lointaine à la fois, tandis que j’étais pris dans la cohue de ceux qui l’avaient et de ceux qui ne l’avaient pas. Ou comme celle que mon cerveau a irrémédiablement enregistrée ce soir là lorsque j’ai levé les yeux vers Jeanne en l’entendant gémir. Au centre, son visage à contre jour, tourné vers la droite, découpé comme une ombre chinoise, ses lèvres tendues sur la queue d’un inconnu agenouillé à côté d’elle. Probablement était-ce le type qui l’avait caressée entre les barreaux, et qui avait dû trouver plus commode de faire le tour de la cloison. A sa gauche, dans la pénombre, un autre homme qui était venu s’occuper de ses seins temporairement délaissés. Je me rapprochai de Jeanne: « Ca va ? Chuchotai-je à son oreille.
- Oui ça va ! », me répondit-elle dans un souffle. Je glissai deux doigts inquisiteurs dans sa chatte trempée, troublé par le spectacle de son corps qui vibrait sous mes doigts. Sous nos doigts. L’homme de gauche l’embrassait maintenant goulûment, et Jeanne n’abandonnait sa bouche que pour sucer l’homme de droite quand il s’impatientait. Quant à ses seins, ils se les partageaient.

En nous laissant ainsi aller, dans cette promiscuité certes recherchée mais à laquelle il était impossible d’échapper, je sentais confusément que je perdais le contrôle de la situation. Je ressentis un profond malaise, au sens figuré du terme, puisque mon corps suivait : mon sexe bandait plus que jamais. Le même malaise que quand j’avais 8 ans, et que je voyais approcher les autres, à peine plus grands : Je savais bien qu’ils voulaient m’arracher mon bateau avec lequel je m’amusais seul, toujours seul au bord du bassin, sous prétexte de jouer avec moi. Je fus submergé malgré moi par cette émotion égoïste, archaïque, atavique, inopportune jusqu’au ridicule dans un tel contexte, mais qui m’étouffa. Alors sur le sexe de Jeanne, j’avais la main mise, protectrice. Mes doigts possessifs y entraient, en sortaient, m’amarraient à Jeanne déjà en voyage, et l’y poussaient même, mais sans pourtant la lâcher. Jusqu’au moment où j’ai fini par lâcher prise. La suite, je ne m’en souviens plus très bien. L’homme de gauche lui fouilla le sexe sans vergogne. Jeanne lui dit « doucement ! ». Je me couchai aussitôt sur elle comme un garde du corps, et ils se volatilisèrent. Je n’avais même pas vu le signe qu’elle avait dû leur faire pour leur signifier d’arrêter, lorsqu’elle avait perçu que je ne la suivais plus. Mais je me souviens très bien de ses mains sur mon dos, légères, si légères qu’elles semblaient voler, au point que je me suis demandé si elles lui appartenaient. Jeanne m’a dit que l’homme de gauche embrassait bien, et que pour un peu elle lui aurait demandé de finir la nuit avec nous. Et puis nous sommes retournés danser.

A suivre...