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01 juillet 2007
Ma nuit mutine
Septembre 2004. À cette époque là, je fréquentais assidûment le forum Echangisme et Triolisme, avec la grosse envie de participer enfin au principal événement de ce forum : la fameuse « nuit mutine ». En gros, cela consistait à réunir tous les libertins et sympathisants, d’abord dans un café pour un apéritif vertical, puis dans un club libertin pour un repas que je qualifierais d’oblique, et enfin pour un moment de convivialité horizontale. Rien d’obligatoire, bien entendu, mais tout restant possible. L’entrée au club étant réservée aux couples, je parvins à trouver une accompagnatrice, Frédérique, quelques jours avant cette soirée afin de constituer le duo requis.
Sur le plan affectif, je me sentais, dans une situation transitoire selon l’expression consacrée par Jeanne. Jeanne, dont j’étais toujours amoureux, avait mit un coup de frein à notre liaison depuis notre désastre aux Chandelles. Alors que j’entretenais avec elle une relation exclusive, le sevrage auquel je fus soumis eut raison de mes velléités « monogames ». Ainsi avais-je cédé aux avances de Sarah, je m’étais perdu un soir d’ivresse entre les cuisses de Frédérique, et j’avais rencontré la pétillante Kundalini sans parvenir à la séduire. De ces écarts de conduite, je n’avais avoué à Jeanne que ma soirée de débauche en club avec Frédérique, puisque c’est ce qui me semblait le plus anecdotique, ainsi que ma prochaine participation à la nuit mutine. Jeanne avait pris la chose avec assez de philosophie, mais elle me fit une scène virtuelle sur messenger quelques jours plus tard en lisant le compte rendu de ma nuit mutine sur le fameux forum Echangisme et Triolisme :
Ce petit texte est profondément subjectif. Pas de synthèse, pas de digestion, mais quelques clichés in petto, instantanés d'impressions sur ma mémoire évanescente. Des rushs à couper au montage des mémoires d'un voyeur.
19h30, quelque part vers Montparnasse. Quelques taches de cirage liquide sur le carrelage d'un Franprix, mais mes chaussures brillent ! Après avoir soigneusement tamponné mes bottines, j'abandonne dans l'entrée de la supérette le tube tant désiré quelques minutes plus tôt, un peu comme un préservatif usagé qu'on aurait cherché dans le noir, à tâtons, pendant d'interminables secondes en priant tous les diables pour ne pas débander. Il est 19h35, je suis en retard mais pas encore à la bourre.
Aux alentours de 21h, au Select. Le visage émacié d'un grand type aux lunettes carrées, journaliste en pleine overdose de carrosseries après sa longue journée au salon de l'auto. "T'aime écrire ?" qu'il me dit, "alors on échange nos jobs, et je te file mes articles, moi, j'en peux plus des mots". Mais moi, les voitures, je n'y connais rien, les seules carrosseries qui m'intéressent sont toutes en courbes souples, avec deux tétons pour toutes pointes et pour lignes brisées des plis gracieux tout en haut des cuisses, des liserés de dentelles à la place de celles des portières et des escarpins en guise de jantes. Après tout, il doit bien avoir raison quand il me dit que les femmes en petite tenue sur les stands font vendre les voitures. Mais il est venu seul. Dommage pour lui de ne pas avoir pu en dévergonder une pour l'accompagner au club.
Vers minuit, au sous-sol du club Emmanuelle. Zoom sur les bretelles design de Zorote qui vient d'atterrir sur le forum et dans le libertinage. Il voit qui je suis quand je lui dis qu'un de mes meilleurs souvenirs de club est une petite exhibition sur le podium de l'overside, mes reins collés à ceux d'une gogo danseuse. "En fin de compte, ce n'est pas parce qu'on passe à l'acte qu'on a les meilleurs souvenirs" lui dis-je en guise de conclusion prémonitoire.
1h du matin, encore plus au fond du sous-sol du club Emmanuelle. Photo de famille au naturel en mode panoramique, avec, de bas en haut et de gauche à droite, monsieur Doubleo les yeux rivés sur le centre de la piste de danse, Frederique911 en grande discussion avec Venitia75 et EnvieDoser, Titinette tentant vainement d'attirer l'attention de Huskill qui est en train de brancher RiresEtCalins, Kundalini3 à la barre avec sa robe rouge Ferrari et dans un show dont elle a le secret, madame Doubleo au centre de la piste de danse, Kalain et sa Kalinette qui montent les escaliers en direction du bar pour aller s'en jeter un, Les Missty27 pas loin de Madelba pas loin de Buli92 pas loin de son rugbyman de mari au crochet du droit dissuasif.
Un peu plus tard, torse nu sur la piste de danse, tout contre elle. Macro sur les reflets iridescents des spots bleu sur sa peau tabac, là, juste sous la paupière droite, en dessous de ses yeux cafés où je perds pied, incapable de me raccrocher aux reflets ambrés de ses cheveux bruns, un peu flous au premier plan. Elle respire la sensualité, m'inspire un violent désir plaqué sur son aine, ma jambe droite entre les siennes entrouvertes, juste entrouvertes. Elle allume, met le feu un peu partout, pyromane qui s'amuse du haut de ses 26 ans, et qui suivra son instinct jusqu'au bout de la nuit. Juste l'instinct de son plaisir. Elle a tout compris. Derrière elle, Kalain contre ses reins donne le tempo.
Aux alentours de 1h30, près du bar. Un homme charismatique prend un glaçon pour l'appliquer sur le téton de Kundalini3, histoire de voir s'il se dresse bien sous l'effet du froid. Il doit avoir fait sa connaissance à peu près 2 minutes 30 auparavant alors que je discutais avec elle. 1 heure plus tôt il avait fait mettre torse nu tous les garçons présents sur la piste de danse, ce qui a donné un bon coup de fouets à la soirée. Certaines personnes ont une audace admirable. D'ailleurs l'expérience est concluante.
Plus tard dans la nuit, au tréfonds des coins câlins. Huskill à genoux dans la mêlée, dressé tel le mat du radeau de la méduse, prend une inspiration tantrique avant de donner des coups de reins dévastateurs à biiiip qui embrasse biiiiip avec biiiiip pendant qu'elle se fait prendre par biiiip. Raconté comme ça, on ne se rend pas bien compte de la beauté du tableau, mais quatre couples enchevêtrés dans la pénombre et un plaisir contagieux, ça fait drôlement joli. Quelques esthètes pointilleux pourraient peut être reprocher la trop forte dominante rose accentuée par la lumière rouge, mais c'est être bien difficile. Moi, j'aurais bien volontiers fait partie du tableau.
Un peu avant 3h du matin, aux pieds de la piste de danse. Deux couples à moitié nus tentent vainement de s'accrocher des serviettes autour des reins. Frédérique911 me masse les épaules, et je me laisse faire. Elle a de très beaux yeux Frédérique. Des yeux d'un bleu délavé poignant. Il est temps que je parte moins pour l'imminence de mon vol pour Londres que pour ne rien gâcher. Huskill me dit souvent qu'éjaculer c'est mourir un peu, que le sperme ça se contient, et que l'énergie vitale remonte alors le long du dos jusqu'à la tête. Moi, faut que ça sorte, ne serait-ce que par une salve de mots.
C’est donc ce récit d’une frustration sublimée qui avait entraîné la crise de jalousie de Jeanne. Elle n’avait pas supporté de lire ces mots là sur le forum, en même temps que tout le monde, sans que je ne lui en parle avant. À ce moment là, j’avais ressenti sa réaction comme une profonde injustice (après tout, je n’avais rien fait avec Kundalini) et une entrave à ma liberté d'expression. Je comprends aujourd’hui qu’on peut être plus jaloux d’un désir frustré que d’un désir assouvi : il conserve son énergie potentielle dévastatrice.
08:35 Publié dans Réflexions | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : jeanne, Expériences, jalousie, club échangiste, Littérature
Commentaires
Le lundi 02/07/2007 à 00:03 par Lib :
Magnifique conclusion.
C'est tellement vrai.
Le lundi 02/07/2007 à 13:47 par pateric :
Biiip, biiip, biiip, biiiip...
Le radeau de la méduse n'était pas si perdu que ça : le radar !
Autrement : joli texte !
Et pis, le désir frustré, c'est comme un naufrage :
Touché - coulé !
Le lundi 02/07/2007 à 14:52 par yoyostereo™ :
le speintures de ce blog sont magnifiaues… d'ou viennent elles?
Le lundi 02/07/2007 à 15:09 par Vagant :
- Oui Lib, je continue de pense que la jalousie est l’expression d’une peur, celle de la perte d’un être cher. Et il est plus probable qu’un désir frustré entraîne cette perte plutôt qu’un désir assouvi. Car si l’être aimé est encore là après avoir assouvi ailleurs ses désirs, que reste-t-il à craindre, finalement ?
- Pateric, tu me sembles prêt pour la bataille navale !
- Yoyostero, clique sur les peintures et tu tomberas sur le site du peintre !
Le dimanche 03/02/2008 à 01:00 par Erotica51 :
Les femmes sont surprenantes ....L'aviez vous oublié ?
M.A
Le dimanche 03/02/2008 à 20:45 par Vagant pour Erotica :
Si elles n'étaient pas aussi mystérieuses, et par conséquent surprenantes, sans doute ne les aurais-je pas autant aimées.