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23 novembre 2015

Osez 20 histoires de sexe et de pouvoir

Osez20HistoiresDeSexeEtDePouvoir.jpgLa semaine dernière, j’étais si pressé de lire ce recueil que j’ai téléphoné deux fois à La Musardine pour savoir s’il était disponible à la librairie. Il l’était vendredi, je l’ai aussitôt acheté et je l’ai dévoré en un week-end. Pour ne pas risquer de vous lasser, je n’évoquerai pas dans cette note toutes les nouvelles de ce recueil, mais je vais en donner un large aperçu, en commençant par le début.

Dans Pour quelques pages de plus, Auguste Boson décrit les scrupules d’un directeur de thèse qui manigance un odieux chantage pour profiter d’une étudiante. J’ai été particulièrement sensible à la description des tourments psychologiques du corrupteur, dans un style agréable illustré d’images originales :

« Il glissa sa main dans sa culotte. Le sexe de Graciu était doux et fortement humecté dans l’entrebâillement de ses lèvres. Il n’osa pas enfoncer un doigt tout de suite. Il prit plaisir à patauger avec son index dans ce petit ruisseau de la vallée, comme un chien en liberté au-dessus d’une flaque. »

Viviane Faure signe une nouvelle touchante et subtile sur une relation homosexuelle entre un quadragénaire marié et un jeune marginal, intitulée Vendredi, ce qui est à la fois le jour où les amants se retrouvent et une référence au roman de Michel Tournier, Vendredi ou les limbes du pacifiques. Comme dans le roman de Tournier, la relation de pouvoir est ambivalente entre les deux hommes.

Côté efficacité, Juliette Di Cen atteint son but avec À vos ordres, mon colonel, une histoire de militaires dont la simplicité est compensée par une bonne dose d’humour :

« J’ai l’impression de travailler sous les ordres du diable en personne, sauf que le mien s’habille en treillis ».

Pour la perversité du scénario, on se régalera avec Les sœurs du sacrifice, de Léon de Griffes qui nous embarque dans un complot qui dépasse sa théorie.

J’ai apprécié grandement, au sens propre comme au figuré, Vice & Versa de Lizzie Hopkins, dont la plume distille une habile pornographie au vocabulaire choisi sans jamais sombrer dans la vulgarité, qui nous décrit comment un hypnotiseur sans scrupule abuse de sa cliente :

« Son index trouva sans peine le clitoris durci. Il continua à la doigter énergiquement tout en baissant la tête. De la langue, il taquina les salières de Vénus, ces adorables fossettes qu’elle arborait au-dessus des fesses, descendit le long de la crête sacrée, s’immisça dans la fente, se posa enfin sur la petite fleur mauve. Anne-Laure tressauta, mais il ne la lâcha pas. L’idée de sa laideur cramponnée à ce cul superbe pendant qu’il la fouillait à son aise lui procurait une sensation de puissance incroyable. »

Je regrette toutefois la description des souvenirs homosexuels dans l’esprit du thérapeute, mais tout est affaire de goûts. Ainsi n’ai-je pas pu lire Le prix du cul de Julien Ligny. Chacun son truc.

Toujours est-il qu’avec Le journal d’une stagiaire, de Nicolas Toukky, la tension sexuelle repart de plus belle, tout particulièrement avec une scène d’onanisme qui ne manque pas de... Seltz :

« Je me mets en tailleur sur la table, jambes ouvertes, je dévisse délicatement le bouchon, j’écarte mieux les jambes et je m’enfile aussitôt le goulot sans perdre une goutte d’eau gazeuse. Ma chatte est si mouillée que ça rentre très facilement, et même plus profondément que je croyais. Je suis surprise par un plaisir qui s’annonce intense. Mon idée est de secouer la bouteille si fort en va-et-vient que l’eau gazeuse va jaillir en moi à grands flots finement pétillants et créer une pression qui va faire gonfler mon vagin. Ce sera comme si Alban se vidait en moi en un geyser de foutre, mais frais et en fines bulles. »

L’autre histoire de stagiaire, signée Vespertille, qui est particulièrement bien construite, allie érotisme et suspens dans une succession de scènes vicieuses à souhait. Une stagiaire aux archives s’étale sur sept jours d'une semaine capiteuse et autant de péchés capitaux. On regrettera toutefois l’absence de la gourmandise.

Héloïse Lesage nous dresse, que dis-je, nous érige le portrait d’une bonne famille versaillaise dont la mère est prête à tous les sacrifices pour inscrire son rejeton dans une pension catholique courue. Ainsi Marie-Charlotte allie l’humour à l’érotisme avec un remarquable style propre à toutes les suggestions :

« M. Barthélémy se leva et s’assit sur le siège près duquel était installée Marie-Charlotte. Le cœur de celle-ci se remit à battre fort et vite, le sang qu’il éjaculait dans ses artères alimentait directement son sexe, son clitoris tambourinait aussi fort que son myocarde. »

J’avais déjà remarqué le talent de Vincent Rieussec dans Osez 20 histoires de punitions sexuelles. Avec l’année du Bac, il enchaîne d’un style alerte les scènes les plus débridées où une jeune lesbienne se déchaîne :

« Ma main part au-delà des bas. Pas de barrière pour les caresses les plus profondes ! Mes doigts s’enlisent dans le mucus qui trahit son excitation. Appuyée au dossier, passive, les cuisses ouvertes, elle se laisse faire. Vaincue d’avance, elle tente une dernière dénégation :
- Je t’en prie, arrête… j’ai honte, tu es si jeune… Tu pourrais être ma fille…
- Chut… Ne dis rien… Viens explorer le con de la petite salope qui a dû hanter tes nuits d’insomnie. »

Le recueil se termine sur une main de maîtresse, avec Maîtresse d’Ornella Caldi, récit aussi excitant que bien mené, qui laisse au non-dit le soin de suggérer le plus graveleux :

« Je ne sais pas ce qui me trahit alors, la fragrance caractéristique qui s’échappait déjà de ma jupe chaque fois que je décroisais les jambes, ou le fait justement que j’avais choisi de porter cette jupe, irrévérencieuse au possible, le jour où je décidai de commettre ma première erreur professionnelle. Quoi qu’il en soit, M. Verdier, en son statut d’homme très occupé, ne prit pas de détours. J’étais assise depuis à peine cinq minutes qu’il me demanda soudain si je préférais expier ma faute par sa main ou par sa verge. En bonne repentante, je lui répondit que c’était lui le mieux placé pour juger de la justesse de mon blâme. Une réponse qui sembla le ravir puisque je profitai, ce jour-là, de ma première pénétration anale, accoudée contre le bureau, exactement comme j’avais imaginé qu’il prenait mes prédécesseurs. C’est ainsi, le cul encore dilaté et la bouche imprégnée d’une amère sanction, que je retournai à mon travail, bien décidée à tout mettre en œuvre pour susciter à nouveau les foudres de mon supérieur ».

Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais pour moi, c’est du grand art.

YouCanLeaveYourHatOnVagant.pngIl est temps d’évoquer ma nouvelle You can leave your hat on dont je ne vous ferai pas l’article, d’autant que les plus fidèles de mes lecteurs pourraient reconnaître… je n’en dis pas plus. Toujours est-il que trouver son texte imprimé dans un vrai bouquin est un plaisir bien égoïste, au sens étymologique du terme.

Je terminerai avec la nouvelle la plus étonnante d’entre toutes, Wonder Croupe contre les hommes d’Aude Alisque. C’est tout simplement surréaliste, et dans cet adjectif il y a le mot réaliste, tel le regard de la trentenaire libérée sur ses plans Tinder :

« Je l’y rejoins. J’enchaîne les bières. Je sais que la boisson n’est pas réputée pour représenter le top de la féminité, mais j’ai envie d’avoir l’air de cette fille parfaite, à la fois ton pote et ta pute. Ça marche assez moyennement, voire pas du tout. Je me suis faite à l’idée que ces hommes rencontrés sur Internet ne cherchent pas en moi la femme qu’ils pourront aimer. Je ne suis que le vaisseau de leur plaisir d’un soir, et je prends le mien au passage. Ces hommes ne cherchent plus l’amour, ils picorent, prennent peur, et se rassurent dans le confort de leur solitude, sans prise de risque, jamais. »

Qui a dit qu’on ne pouvait pas écrire avec ses tripes dans un appel à textes ?

15:59 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (12)

15 novembre 2015

Osez 20 histoires d’amour multiculturelles

Pas le goût d’écrire. Mon esprit dérive entre tristesse, colère et angoisse. Tristesse parce que la grande majorité d’entre nous sommes tous à moins de quatre connexions relationnelles d’une des victimes de vendredi. Colère parce que je ne peux m’empêcher de penser que si nous en sommes là, c’est parce que nos gouvernements successifs poursuivent une politique étrangère irresponsable, sinon criminelle, mais d’autres le diront bien mieux que moi. Angoisse parce que c’est bien beau de clamer « tous unis ! » ou « Not Afraid », il est bien clair que Daech a les moyens de frapper à nouveau dès demain comme nous le rappelle Marc Trevidic. Et je ressens à la fois colère, tristesse et angoisse en lisant que les « ratonnades » ont commencé.

Quel succès du terrorisme qui n’a d’autre but que d’instiller la peur et la haine dans nos cœurs ! Il est bien évident que si les terroristes ont frappé le Paris festif, jeune, cosmopolite, c’est bien par esprit communautariste et détestation de tout ce qui ressemble au modèle d’assimilation français. Ce qu’ils veulent c’est la défiance des quartiers, les zones de non droit sous le joug de leurs dealers, le racisme et la xénophobie qui fournit son lot de désespérés en quête d’idéal, c’est-à-dire de chair à canon. Ce qu’ils détestent, c’est l’ouverture d’esprit, l’acceptation des différences, l’harmonie dans la diversité. Non seulement islamistes et islamophobes s'instrumentalisent les uns les autres, mais ils partagent quelques points communs, qu’on peut résumer à la haine, la haine qui s’oppose naturellement à l’amour.

Osez20HistoiresDeSexeMulticulturel.pngA notre petit niveau, que peut-on faire pour s’opposer à cette haine, nous autres auteurs plus ou moins amateurs spécialisés dans un genre bien frivole, sinon exalter l’amour et le sexe entre diverses cultures ? Osez 20 histoires d’amour multiculturelles est un fake, tout au moins pour l’instant. J’espère que la Musardine ne m’en voudra pas trop d’avoir imaginé un titre de leur fameuse collection, où deux de mes nouvelles seront d’ailleurs bientôt éditées. Cela est aussi un appel à texte informel pour un érotisme éthique, un érotisme de combat. Comme nous le rappelle Jean Zaganiaris "La littérature érotique est un genre socialement construit diront les sociologues. C’est aussi une formidable machine de guerre" .

Osons donc écrire des histoires érotiques dont les protagonistes sont de cultures différentes!

Osons prendre à revers les clichés et les préjugés raciaux!

Osons opposer aux obscurantistes de tous poils un éros solaire qui traversera leurs frontières iniques!

Ainsi demeurerons-nous fidèles aux Lumières dont les libertins devraient toujours se réclamer.

 

Edit du 18/11 : Je viens de découvrir cet entretien d'Eric-Emmanuel Schmitt qui exprime exactement la même idée :

"Les terroristes veulent nous diviser, que les Français non musulmans se mettent à haïr ou à suspecter les Français musulmans, ils veulent nous désolidariser, nous communiquer leur haine. Monsieur Ibrahim raconte l'inverse. C'est une histoire de tolérance, d'entente, d'amour. Je ne savais pas que parler d'amour, c'était faire de la résistance, mais samedi soir, je l'ai appris. Pour moi, le but de la littérature est d'abolir la distance entre soi et l'autre. Quand vous lisez un roman japonais, vous devenez Japonais. Mon objectif est que mon lointain soit mon prochain. Maintenant, aucun livre ne peut changer le monde, dit-il, mais un livre peut changer un individu complètement."

02 novembre 2015

Pour un érotisme éthique

Samedi soir dernier j’ai relevé un défi littéraire: écrire un texte érotico-fantastique dont le personnage principal serait une femme dotée d’une queue. Afin de me compliquer la tâche, je ne devais pas utiliser les mots suivants : « sexe, seins, membre, bouche, langue, désir, peau, caresse ».

PlugQueue.png

Cet exercice de style m’a semblé adapté à la fête d’Halloween, et je me suis inspiré d’un gadget mentionné sur le blog de Comme une image. Je n’en savais guère plus en commençant l’écriture. Au lieu de tout planifier à l’avance, j’ai laissé vivre mes personnages selon ce que m’inspiraient les lieux, notamment le trajet de la ligne C, le passage par Chaville, la proximité du bois de Meudon. J’ai ainsi fait tout le trajet de Camille vers l’Allée Noire sur Google Map en mode StreetView, j’ai découvert l’Étang des écrevisses, la proximité du cimetière. Je me doutais bien que l’homme-chien allait finir par rattraper la femme-chat puisqu’il me fallait aboutir à la scène sexuelle, mais je ne savais pas vraiment comment les choses allaient tourner avant de les écrire.

Compte tenu de la nature hybride de mes personnages, j’ai voulu éviter l’écueil zoophile en leur faisant retrouver leur humanité. C’est à ce moment-là que j’ai eu l’idée du geste de Camille qui tente de réveiller en douceur la sexualité humaine du monstre pour ne pas se faire dévorer. J’ai terminé mon histoire par une pirouette onirique et j’ai mis en ligne Terreur à Chaville sans me poser plus de questions.

C’est le lendemain que j’ai réalisé la portée de cette courte nouvelle et sa dimension malsaine. Si on considère ce conte comme une allégorie, la réalité sous-jacente est celle du viol : une jeune femme est poursuivie par un prédateur sexuel qui finit par l’attraper, et pour éviter la violence elle préfère négocier une fellation ce qui transforme l’abominable agresseur en gentil amant au cours d’une étreinte au plaisir partagé. Cette « morale » est purement et simplement abjecte. Elle est d’autant plus abjecte qu’elle est sournoise puisque le conte insinue, suggère la « bonne » attitude à adopter pour la jeune femme, justement celle attendue par le violeur qui estimera toujours que sa victime «l’a bien cherché».

J’aurais pu effacer mon texte mais il m’a semblé intéressant de le laisser pour démonter son fonctionnement et souligner sa perversité, afin d’encourager l’esprit critique du lecteur, potentiellement un jeune adulte. Je crois que l’esprit critique doit être encouragé, y compris dans le domaine de l’érotisme qui stimule la sexualité. Il aurait été irresponsable de ma part de laisser ce texte sans souligner son propos sournois, tout comme il aurait été dommage de ne pas en profiter pour poser la question de la responsabilité de l’auteur érotique vis-à-vis de ses écrits. Il ne s’agit pas d’encourager un retour à l’ordre moral à grands renforts de censure et de législations, mais je me demande si le bon sens ne devrait pas conduire les auteurs à un érotisme éthique, ce qui peut être paradoxal si on considère que l’érotisme doit être transgressif. Je me souviens m’être élevé contre le dernier roman d’Alain Robbe-Grillet et les jusqu’au-boutistes de la liberté d’expression, peut-être à tort puisque le romancier est censé avoir tous les droits dans les limites circonscrites par le Droit, même si je trouve dommage d’abandonner le bon sens à la légifération. Cette question demeure pour moi totalement ouverte, et je vous invite, ami lecteur, à partager votre opinion.

La question subsidiaire qui me taraude maintenant, c’est pourquoi Camille, mon personnage issu de ma seule imagination, a agi ainsi ? Je crois que cela signifie que mon inconscient a tout simplement intégré le modèle de la soumission féminine à la domination masculine, même si j’abhorre le viol et les rapports non consentis. Je n’ai tout simplement pas été capable d’imaginer la rébellion de Camille, ou encore qu’une chasseuse de passage dézingue le clébard pour libérer sa victime, l’accueillir dans son lit et lui faire retrouver forme humaine de la plus tendre des manières conformément aux tendances LGBT du moment.

 

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