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15 novembre 2015
Osez 20 histoires d’amour multiculturelles
Pas le goût d’écrire. Mon esprit dérive entre tristesse, colère et angoisse. Tristesse parce que la grande majorité d’entre nous sommes tous à moins de quatre connexions relationnelles d’une des victimes de vendredi. Colère parce que je ne peux m’empêcher de penser que si nous en sommes là, c’est parce que nos gouvernements successifs poursuivent une politique étrangère irresponsable, sinon criminelle, mais d’autres le diront bien mieux que moi. Angoisse parce que c’est bien beau de clamer « tous unis ! » ou « Not Afraid », il est bien clair que Daech a les moyens de frapper à nouveau dès demain comme nous le rappelle Marc Trevidic. Et je ressens à la fois colère, tristesse et angoisse en lisant que les « ratonnades » ont commencé.
Quel succès du terrorisme qui n’a d’autre but que d’instiller la peur et la haine dans nos cœurs ! Il est bien évident que si les terroristes ont frappé le Paris festif, jeune, cosmopolite, c’est bien par esprit communautariste et détestation de tout ce qui ressemble au modèle d’assimilation français. Ce qu’ils veulent c’est la défiance des quartiers, les zones de non droit sous le joug de leurs dealers, le racisme et la xénophobie qui fournit son lot de désespérés en quête d’idéal, c’est-à-dire de chair à canon. Ce qu’ils détestent, c’est l’ouverture d’esprit, l’acceptation des différences, l’harmonie dans la diversité. Non seulement islamistes et islamophobes s'instrumentalisent les uns les autres, mais ils partagent quelques points communs, qu’on peut résumer à la haine, la haine qui s’oppose naturellement à l’amour.
A notre petit niveau, que peut-on faire pour s’opposer à cette haine, nous autres auteurs plus ou moins amateurs spécialisés dans un genre bien frivole, sinon exalter l’amour et le sexe entre diverses cultures ? Osez 20 histoires d’amour multiculturelles est un fake, tout au moins pour l’instant. J’espère que la Musardine ne m’en voudra pas trop d’avoir imaginé un titre de leur fameuse collection, où deux de mes nouvelles seront d’ailleurs bientôt éditées. Cela est aussi un appel à texte informel pour un érotisme éthique, un érotisme de combat. Comme nous le rappelle Jean Zaganiaris "La littérature érotique est un genre socialement construit diront les sociologues. C’est aussi une formidable machine de guerre" .
Osons donc écrire des histoires érotiques dont les protagonistes sont de cultures différentes!
Osons prendre à revers les clichés et les préjugés raciaux!
Osons opposer aux obscurantistes de tous poils un éros solaire qui traversera leurs frontières iniques!
Ainsi demeurerons-nous fidèles aux Lumières dont les libertins devraient toujours se réclamer.
Edit du 18/11 : Je viens de découvrir cet entretien d'Eric-Emmanuel Schmitt qui exprime exactement la même idée :
"Les terroristes veulent nous diviser, que les Français non musulmans se mettent à haïr ou à suspecter les Français musulmans, ils veulent nous désolidariser, nous communiquer leur haine. Monsieur Ibrahim raconte l'inverse. C'est une histoire de tolérance, d'entente, d'amour. Je ne savais pas que parler d'amour, c'était faire de la résistance, mais samedi soir, je l'ai appris. Pour moi, le but de la littérature est d'abolir la distance entre soi et l'autre. Quand vous lisez un roman japonais, vous devenez Japonais. Mon objectif est que mon lointain soit mon prochain. Maintenant, aucun livre ne peut changer le monde, dit-il, mais un livre peut changer un individu complètement."
20:01 Publié dans In vivo, Réflexions | Lien permanent | Commentaires (12)
Commentaires
Le lundi 16/11/2015 à 11:59 par Ladyhawke :
Une connexion relationnelle en ce qui me concerne…
Même si le cœur n’y est pas, vous avez raison d’écrire car c’est un acte de résistance en soi et une forme de liberté qu’il ne faut pas cesser d’exercer pleinement.
Ce n’est pas tant par obscurantisme que par volonté d’imposer une idéologie politique et sociale que ces criminels agissent contre ce qui nous caractérise et nous unit. Diviser pour mieux régner, régner par le chaos, et de ce point de vue nous avons face à nous des stratèges parfaitement organisés dans une guerre dont la finalité, à l’instar de toute guerre, est le pouvoir.
On ne peut, pour tenter de comprendre ces événements, se contenter d’une seule grille de lecture, et foncer sur le chiffon rouge qu’on agite sous notre nez sous couvert de religieux alors que la réalité est ailleurs.
A notre humble niveau et avec les moyens dont nous disposons, résister c’est défendre notre idéal, en persistant dans nos choix de vie, de liberté, de pensée et de valeurs. L’idée d’écriture que vous suggérez en serait déjà une très belle illustration.
Pour l'instant, une minute de silence...https://youtu.be/zDyw9U-flxg?t=6
Le mardi 17/11/2015 à 11:05 par Vagant :
@Ladyhawke: Oui, il est bien évident que la religion n’est pas le moteur principal dans cette affaire, ce n’est qu’un prétexte. Le problème est comme toujours l’accès aux matières premières au plus bas prix, relancer la croissance par l’industrie de l’armement, consolider le pouvoir et les bénéfices de quelques-uns au détriment du plus grand nombre. Vieux comme le monde. On voit où nous mène l’accroissement des inégalités ( http://www.regards.fr/qui-veut-la-peau-de-roger-martelli/article/se-sortir-de-la-guerre )
Qu’est-ce que je peux y faire, moi, sinon m’informer au lieu de me lamenter dans mon coin, essayer de comprendre le dessous des cartes ( http://prochetmoyen-orient.ch/lenvers-des-cartes-du-28-septembre-2015/ ) gratter un peu sous la propagande qu’on nous présente comme des « infos » pour voir que notre politique étrangère catastrophique date de Kouchner... Mais si je dis ça, on finira par me traiter de complotiste, le dernier anathème à la mode, en assimilant mes propos aux thèses les plus farfelues. On préfère laisser aux gouvernements le soin de nous donner du prêt à penser et des émotions préfabriquées...
Mieux vaut donc en rester à ce que nous pouvons effectivement faire au niveau individuel : Lutter contre les obscurantismes d’extrême droite et islamiques qui se rejoignent dans leur haine du mélange culturel. Opposer l’amour à la haine. D’où mon idée de 20 histoires d’amour multiculturelles, ou 20 histoires de sexe cosmopolites si vous préférez.
Le mardi 17/11/2015 à 16:08 par Camille Beaufils :
Pour une fois, ce billet me sidère :-!
Faire de la "discrimination positive" dans les textes érotiques pour promouvoir un black, un arabe, un chinois, un amérindien, etc. et prouver par là que "comme c'est beau, on se réunit tous dans le sexe" aurait, selon moi, 99,99% de tomber dans des clichés atroces.
Les mariages mixtes sont déjà une réalité énorme en France.
Les auteurs n'ont pas besoin de commandes pour dépasser tous les conformismes. Fabrice Guénier dans "Ann" édité par Gallimard raconte dans un récit (il assume ce terme de "récit") être tombé fou amoureux d'une thaïlandaise (sa peau est quasi noire) prostituée et atteinte du sida. Valérie Boisgel (hélas décédée il y a peu de temps) a écrit sa rencontre avec un jeune marocain, quand elle était une dame qui commençait à être "âgée" qui s'était fait construire une résidence pour sa retraite dans la banlieue de Marrakech : il était son jardinier, il avait 30 ans de moins qu'elle, ne parlait pas un mot de français et surtout, ne voulait rien partager de la culture française. Ils sont partagé un coup de foudre physique. A force de faire l'amour, ont dépassé leurs différences. Elle a finit sa vie dans ses bras.
Etc.
A côté de ça, je suis prête à parier que les nouvelles de La Musardine regorgeraient de bons sentiments guimauve "oh décidément, quand mon beau black se déshabille, je constate que le cliché des africains surmembrés ne doit rien à la légende"...
Le principe des textes érotiques sur commande m'a toujours laissée sceptique. Par nature. Pour moi, dans ce genre, on a quelque chose dans les tripes et ça devient un grand texte érotique (cf. La femme de Papier, Histoire d'O... qui étaient écrits par des femmes dans l'urgence d'envouter leur amant, sans penser une seule seconde à la publication). Sur commande, ça m'intéresse moins.
Mais alors sur commande + sur un thème antiraciste... j'anticipe le pire :-)
Le mardi 17/11/2015 à 17:36 par Vagant :
@Camille Beaufils: Je crois que vous sous-estimez l’imagination des auteurs. Le principe de cette collection, comme vous le savez, consiste à proposer un thème, et les auteurs qui se bousculent pour envoyer leur production doivent avant tout faire preuve d’originalité. Un thème comme « Osez 20 histoires de sexe avec des pompiers » me paraît autrement plus réducteur et propice aux clichés, c’est pourquoi Elise avait alors explicitement demandé de les battre en brèche : http://osez-vos-histoires-de-sexe.com/?p=1024
Votre critique de discrimination positive m’apparaît infondée. Il ne s’agit pas de promouvoir telle origine ou telle autre, mais de proposer des textes dont les protagonistes auraient une origine qui reflète la diversité culturelle française d’aujourd’hui, ou tout au moins la diversité de la population du 10ème arrondissement de Paris visée par l’attentat de Vendredi dernier. Je suppose que tous les lecteurs de cette collection ne s’appellent pas Jean-Pierre ou Valérie, pourquoi ne devrait-on pas trouver des Fatou ou des Mohammed dans ce genre de nouvelle ?
Enfin, je conçois tout à fait que vous soyez réfractaire par principe aux AT, et que les récits autobiographiques de certains auteurs tels que ceux que vous citez n’entrent absolument pas dans le cadre d’un AT. Heureusement, tous les couples mixtes ne sont pas aussi particuliers et j’ai la conviction qu’on peut écrire quelque chose d’excitant qui évite les clichés, y compris celui de la thaïlandaise prostituée et séropositive (pourquoi ne serait-elle pas chirurgien puisque la Thaïlande est aussi une destination connue pour la chirurgie esthétique ?), ou celui du jeune marocain jardinier mais peu cultivé (pourquoi ne serait-il pas professeur d’université spécialiste de Gilles Deleuze ?)
Le mardi 17/11/2015 à 17:58 par Camille Beaufils :
Je me rends compte que mes deux exemples semblent montrer des occidentaux "riches" par rapport à des "pauvres" thaïlandaise / marocain.
Mea culpa, ce n'est pas une seule seconde ce que j'avais en tête.
Dans mon 1er exemple, l'auteur a proclamé lui-même à longueur d'ITW que, tout publié chez Gallimard qu'il soit, il ne vit que du RSA. Et qu'il ne retourne pas en Thaïlande, malgré son désir, que pour une question matérielle : pas les économies pour le billet d'avion.
Il dit lui même que sa rencontre "est celle de deux paumés malmenés par la vie".
Donc aucune "supériorité sociale" dans cet exemple.
Dans le second, idem. Valérie Boisgel a écrit dans son autobio avoir été arnaquée de partout (c'est une ex star des tous débuts du porno, époque Brigitte Lahaie) et avoir fini sa vie avec si peu d'argent qu'elle ne pouvait assumer un loyer, même dans une petite ville française où ils sont peu onéreux. D'où son départ au Maroc, où elle a pu acquérir une petite maison très loin du centre ville pour une bouchée de pain.
Donc c'est un pur hasard si cela vous a semblé deux "étrangers" pauvres (prostituée / jardinier).
Ca aurait en effet tout à fait pu être des universitaires, des chirurgiens, etc
Pas une seconde je ne pensais au social dans mes exemple ! Vous me faites un faux procès !!
Le mardi 17/11/2015 à 18:01 par Camille Beaufils :
Pour le reste :
"Il ne s’agit pas de promouvoir telle origine ou telle autre, mais de proposer des textes dont les protagonistes auraient une origine qui reflète la diversité culturelle française d’aujourd’hui, ou tout au moins la diversité de la population du 10ème arrondissement de Paris visée par l’attentat de Vendredi dernier."
Pardon d'être aussi franche, mais je pense que vous faites des bons sentiments, qui, ici (les attentats de vendredi) sont à des années lumière de la réalité de l'opposition entre des fondamentalistes du Coran endoctrinés pour tuer, et un idéal de diversité culturelle érotique...
Le mardi 17/11/2015 à 23:12 par Vagant :
@Camille Beaufils: Je ne vous faisais pas ce procès d’intention à propos de la situation financière des deux français. Je n’ai fait que constater, qu’une fois de plus, les deux étrangers correspondaient aux clichés habituels.
J’ai en revanche parfaitement conscience de faire dans les bons sentiments, parce que c’est justement ce dont on a besoin. On a besoin d’amour. Il est bien clair que je ne m’adresse pas directement aux terroristes qui ne lisent certainement pas de nouvelles érotiques, ou peut-être des histoires de houris pour se mettre en condition avant de se faire sauter le caisson, qui sait. J’envisage juste de produire des textes qui contribueraient, ne serait-ce qu’un tout petit peu, à atténuer la défiance envers les autres dans l’esprit de Monsieur et Madame Tout-le-monde. Parce que le principe d’amour est contraire au principe de haine. Parce que s’exciter sur une histoire avec Mouloud Ben Mokhtar plutôt de Christian Grey changera un instant nos images mentales et modifiera un petit peu la perception de la réalité.
C'est une goutte d'eau.
C'est ma part de colibri: https://www.youtube.com/watch?v=nQ9fCekVr8o
Le jeudi 19/11/2015 à 02:49 par Brigit :
franchement, je ne sais pas si quand je lis Murakami je deviens japonaise. ni si quand je vois un film de bollywood, je deviens danseuse indoue (pourquoi ça ne marcherait que pour les livres ???)
cela dit, avec Kazuo Ishiguro, Un Artiste du monde flottant, ça fonctionne presque. et je ne vous dis pas pour les mangas zentai et une amie que nous avons en commun... IRL
bref, pour cette idée d'histoires érotiques multiculturelles, je ne suis pas convaincue qu'on n'ai pas déjà quelques trucs en magasin et que ça ait fait avancer l'affaire. L'Amant, il me semble est l'archétype du genre, non ? et pourquoi pas Notre Dame de Paris (une gitane, un prêtre et un infirme, là c'est plus que multiculturel)
ou... Pocahontas ?
et Othello le Maure de Venise ? avouez que s'exciter sur un couple Othello-Desdémone, ça serait pas mal du tout non ? surtout si se référant à wiki, on connait le personnage réel, le dénommé Abd el-Ouahed ben Messaoud qui aurait inspiré l'Othello.
tiens, ça me fait penser à Roméo et Juliette. pas besoin d'être très différents pour que l'amour succombe à la haine.
enfin, je ne vous décourage pas de toute inspiration littéraire dans cette voie. j'aime ce qui est décalé, n'allez pas croire. j'ai beaucoup aimé l'une de vos histoires (elle commençait par "ça roule ?" il me semble. très subtil dans l'apologie de la différence)
Le jeudi 19/11/2015 à 09:19 par Vagant :
@Brigit : Je ne dis pas qu’il n’y a pas de tels textes dans la littérature, et l’Amant est sans aucun doute l’archétype du genre. Je me demande juste si, dans la production érotique française actuelle, la diversité des protagonistes est représentative de la diversité de la population francophone. J’en doute, mais je peux me tromper. Il n’y a à ma connaissance que Yannis Z (http://www.babelio.com/auteur/Yannis-Z/334414 ) qui ce soit spécialisé sur le thème du multiculturalisme dans le genre érotique. Je pense pour ma part qu’il serait opportun d’essayer de contribuer à la paix civile avec la promotion de ce genre de thème dans la littérature érotique contemporaine.
Je vous remercie pour « ça roule » qui contribuait effectivement à l’apologie de la différence : http://extravagances.blogspirit.com/archive/2014/05/12/ca-roule-3004877.html
Le dimanche 22/11/2015 à 14:59 par noir intense 35 :
Idem...
Le mardi 24/11/2015 à 10:51 par Lady Shagass :
J'aime bien l'idée "Osez 20 histoires d'amour multiculturelles" et d'un autre côté, le mettre en avant ainsi, c'est en faire un sujet. Or pour moi l'amour multiculturel n'est pas un sujet, il n'y a rien à "0ser", c'est simplement un fait naturel. Les couples mixtes sont là et ne se posent pas la question quand ils sont ensemble. Et oui, c'est triste que de tels événements, nous donnent envie d'imaginer un roman de ce type, alors que c'est juste le quotidien habituel de beaucoup de Français. C'est d'ailleurs le mien. Je suis noire, française d'origine camerounaise, mon compagnon est blanc, franco-belge. Je l'écris là, mais au quotidien, on y pense pas à tout ça. Il n'y a pas à y penser.
La littérature est effectivement une arme douce et puissante pour changer les moeurs, mais l'Amour de l'Autre l'est encore plus. Et si pour certains la religion se nourrit de haine, ils devraient juste revenir à ce fondamental "Aimes ton prochain comme toi-même". Et si pour certains, c'est un plaisir de rentrer dans des amalgames haineux et irréfléchis, ils devraient se replonger dans la philosophie platonicienne et se rappeler que la sagesse c'est d'être capable de se dire "je ne sais qu'une chose, c'est que je ne sais rien".
Le samedi 19/12/2015 à 09:34 par Carnets d'Eros :
Honnêtement, et je ne parle là que de littérature, je n'ai jamais compris ce que l'ineterracial apportait de particulier à l'érotisme... hormis le plaisr de voir un corps d'une autre couleur que la sienne. Ma foi, c'est un genre qui m'est étranger !
