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« Dura lex, sed lex (2) - Par Ysé | Page d'accueil | La vendeuse »

23 mai 2007

I got to see you again



C’est cette note d’Ysé qui m’y a fait penser, alors j’ai fouillé dans les cartons pour retrouver le vieux CD. Lorsque je l’ai glissé dans mon PC, les souvenirs ont afflué comme une bouffée de chaleur.

podcast

Novembre 2003. J’avais proposé à Jeanne de tourner un film porno. Quelque chose d’intime et minimaliste, par et pour nous deux, avec ma web cam pour tout matériel de prise de vue. Jeanne m’avait semblé excitée par cette idée, et j’avais même imaginé un petit scénario éculé, celui de l’entretien d’embauche bidon où la pauvre candidate est contrainte de se masturber avec une carotte. Rien ne s’est passé comme prévu. Jeanne est arrivée très en retard à l’hôtel. Elle avait fait plus de 400 kilomètres en voiture pour me retrouver à Paris. Elle a pris un bain pour se détendre. Ensuite, elle est venue s’allonger sur le lit, nue. C’est là que j’ai commencé à filmer. Ma web cam à la main, je me suis approché d’elle.

Jeanne est étendue sur le ventre, hilare de se voir en même temps sur l’écran de mon PC. On entend ma voix.

- On va faire le tour, lui dis-je, on va faire le tour du propriétaire !
- Oh non ! Quelle horreur !
- Si ! si ! Hum…

L’image glisse tout au long de son dos pour terminer sa course sur ses fesses rondes.

- Je ne me suis jamais vue sous cet angle là, s’étonne-t-elle.
- Alors je vais bien te prendre sous cet angle inavouable !
- Mais ce n’est pas inavouable !
- L’angle est inavouable. Non ?
- Non, ce n’est pas inavouable. Tu en vois autant sur les peintures. Tu prends un Boucher, elles ne sont pas plus habillées que moi en ce moment. Bon, je suis moins ronde…
- Et voilà !
- Tu as fais le tour du propriétaire ? me demande Jeanne en se tournant vers moi.

Sa voix se fait moins ironique, plus enjôleuse. Son sein gauche apparaît à l’image.

- Ah non, je n’avais pas complètement terminé, dis-je.
- Et bien tant qu’à faire…

Jeanne s’étend sur le flanc droit, les bras levés au dessus de sa tête. Travelling arrière.

- On va prendre une vue panoramique ! Magnifique !
- Je ne sais pas, je ne vois pas.
- On regardera tout à l’heure, ça va être rigolo. Ça va trembler ! Ça va bouger !
- Et tu vas le garder ? demande Jeanne en éclatant de rire alors qu’elle reprend sa position initiale.

Plan de coupe en noir et blanc en guise de réponse: une photo du visage de Jeanne, les yeux clos et la bouche ouverte. On entend un accord de piano. Oui Jeanne, je l’ai gardé.

- Non, ça m’est égal, tu peux faire ce que tu veux, me dit-elle sur une octave alanguie.
- C’est vrai ?
- Hummmm…

Plan fixe, plein champ sur le visage de Jeanne de trois-quarts. Elle ferme les yeux, et gémit de plaisir. Elle reprend son souffle un instant, regarde derrière elle, et j’apparais à l’image, mon buste chevauchant le sien. Je l’embrasse. Seules les ondulations de mon corps (dont seule la partie supérieure est visible) et nos visages extatiques suggèrent ma pénétration. Personne ne voit ma verge coulisser dans ses chairs mouillées. Reprise du même plan de coupe en noir et blanc, avec fondu enchaîné sur l’image vivante, en couleur : son visage aux traits tirés, aux yeux fermés, avec un de ses doigts sur sa bouche entrouverte. Elle soupire. Elle gémit. Défigurée par la jouissance, elle hurle maintenant face à la caméra. Le son est complètement saturé, insoutenable. Au vu de cette seule séquence, on pourrait croire qu’elle accouche. Personne ne peut savoir que je lui mets une main dans la chatte alors que de l’autre je filme son visage dévasté. Sans le son, avec certaines images et un peu d’imagination, on pourrait croire qu’elle chante. En se donnant à fond. Alors je n’ai gardé que ces plans là, j’ai coupé ses cris au montage que j’ai remplacés par la voix de Norah Jones dans I got to see you again. En guise de film porno, on ne peut guère trouver plus pudique. Ce qui devait être montré est resté caché.

Je ne sais pas si je reverrai Jeanne un jour. Il me reste ces souvenirs là, et ceux que j’ai gravés au fond de ma mémoire. Lorsque nous nous sommes réveillés le lendemain matin, je l’ai prise debout, contre la fenêtre entrouverte de la chambre d’hôtel. Nous n’étions qu’au premier étage avec une vue imprenable sur la place de la République. On gémissait de plaisir en regardant les parisiens pressés, leur nez rivé au sol. Il aurait suffit qu’un d’entre eux lève la tête, pour voir. Ce qui devait rester caché a été montré, mais personne n’a rien vu non plus.

Commentaires

Le mercredi 23/05/2007 à 09:10 par Sapheere :

Vagant en mode nostalgique?
C'est touchant ce que tu écris là, j'imagine que Jeanne ne lit pas ton blog, c'est bien dommage.

Le mercredi 23/05/2007 à 09:11 par Sapheere :

j'allais oublier: j'aime beaucoup cette chanson

Le mercredi 23/05/2007 à 09:11 par Sapheere :

et je t'embrasse :-)

Le mercredi 23/05/2007 à 09:28 par amIwrong? :

Nostalgie positive. Fort agréable à lire, dès le réveil, et la voix de Norah Jones... miam ! Merci !

Le mercredi 23/05/2007 à 10:00 par Madame B :

J'adore moi aussi, ça donne envie d'avoir un amant ;)

Le mercredi 23/05/2007 à 10:27 par secondflore :

J'aime (encore plus) la fin : pas de jeu de domination, mais les deux amants qui dominent le monde. Vive la République ! ;)

Le mercredi 23/05/2007 à 13:23 par Un mot scénario :

ça au moins, c'est du cinéma ! La preuve qu'un film low budget peut embraser autant que "La Pucelle d'Orléans".
(j'aurais bien voulu tenir l'objectif...)

Le mercredi 23/05/2007 à 15:11 par Georges :

J'ai été très touché par ce récit, vaguement "nouvelle vague". Très jaloux, car vous avez réalisé ce que je rêve de "réaliser" depuis longtemps: un petit film porno. Ne vous reste-t-il pas des images de ce petit film de sexe et essai?

Le mercredi 23/05/2007 à 19:00 par Propo pour Vagant :

Et c'est ainsi que vagant créa le Dogme...
Amitiés amusées

Le mercredi 23/05/2007 à 20:11 par le rat vit :

hum! ça ma donne l'envie de me faire une toile perso. On y pense avec madame, immortaliser un moment intime rien que pour nous.

Le mercredi 23/05/2007 à 20:20 par pateric :

Fort joli !
Et les "petits films porno-persos", sont toujours de merveilleux souvenirs.
Et ils sont aussi une "facilitation de mise en scène" avec son partenaire.

Le mercredi 23/05/2007 à 21:33 par bellecamille :

... juste un bon moment.

Le jeudi 24/05/2007 à 20:58 par seconde :

cher vagant,

tout simplement merci pour ta plume si belle et légère.......


heuuuuuuuuu si t'as le temps tu peux faire mon mémoire ???

Le vendredi 25/05/2007 à 18:54 par Vagant :

- Sapheere, je ne sais pas si Jeanne lit ou non mon blog. Elle sait qu’il existe. Je ne lui en ai pas communiqué l’adresse, mais il n’est pas difficile à trouver.

- AmIWrong, comment fais-tu la distinction entre la nostalgie positive et la nostalgie négative ?

- Madame B, avez-vous envie d’avoir un amant pour le regretter lorsqu’il ne le sera plus ?

- Second Flore, je ne crois pas que Jeanne et moi n’ayons jamais dominé quoi que ce soit. Un petit bout de place tout au plus…

- Un mot, si c’est du cinéma il est plus que confidentiel !

- Georges, j’ai décrit très exactement ce qui me reste de cette étreinte : un petit film très personnel, sans doute troublant, mais qui n’a rien de pornographique. J’ai coupé nos parties génitales au montage. La crudité de ces images ne me semblait pas esthétique, ou plutôt cela ne correspondait pas à mon ressenti – il faut bien que je lâche ce putain de mot – amoureux. Nos émotions partagées étaient mieux exprimées par son visage transfiguré par le plaisir que par des doigts dans une chatte.
Mais dites-moi, Georges, vous imaginez-vous producteur, réalisateur, ou acteur de votre petit porno amateur ? À visage découvert ou bien masqué ? Avec ou sans Madeleine ?

- Propo, ça fait un moment que je cogite sur ton commentaire, et je ne l’ai toujours pas compris.

- Le-rat-vit, achetez donc une web cam, lâchez-vous, et gardez tout ça pour vous !

- Pateric, voulez-vous dire que regardez vos archives vous inspire ?

- Belle Camille, pour qui est le bon moment ?

- Seconde, crois-tu que tes examinateurs aimeraient lire ce genre de prose ?

Le vendredi 25/05/2007 à 21:46 par Madame B :

Quand on regrette c'est que se fût bon, non ? Alors oui, j'en veux bien un et rien que pour le regretter ça vaut le coup, si vous me permettez l'expression ;)

Le samedi 26/05/2007 à 01:10 par Comme une image :

J'ai des souvenirs qui sont presque les tiens, et même dans ta conclusion... Autant dire que ta nostalgie fait écho à la mienne... Saudade, saudade...

Ta Jeanne et ma J***...

Le samedi 26/05/2007 à 13:41 par bellecamille :

Pour moi vagant, le bon moment était pour moi, la musique très plaisante et la lecture aussi :-)

Le samedi 26/05/2007 à 14:02 par amIwrong? :

Très simple. La nostalgie positive c'est quand tu souris à l'arrivée du souvenir, que tu as une pointe de regret mais parce que c'était un bon moment et qu'il te plairait de le revivre tel que tu t'en rappelles.
La nostalgie négative, c'est quand le souvenir te fait pleurer, que tu regrettes parce que tu aurais aimé que les choses se passent autrement ou que tu voudrais remonter le temps et changer l'ordre des choses.
C'est dans ce sens-là que j'utilise ces termes, en tout cas. Satisfait ?

Le samedi 26/05/2007 à 17:56 par seconde :

cher vagant, je ne pense pas en effet que votre prose ne soit du gout des examinateurs de mon mémoire... mais en tout cas ca leur ferait le plus grand bien de la lire....

tendres baisers

Le mercredi 30/05/2007 à 13:23 par Vagant :

- Madame B, faut-il avoir eu un amant pour être une femme accomplie ? En tous cas, il n’est pas nécessaire d’avoir eu une maîtresse pour être un salaud...

- CUI, ce n’est là qu’une partie de mon histoire avec Jeanne. À suivre…

- Belle camille, une bonne partie du plaisir a tout de même été pour moi.

- Merci pour cet éclaircissement, Am I Wrong. Je vais bientôt faire dans la nostalgie négative.

- Seconde, en matière de sexe il ne faut pas se fier aux apparences. Regarde moi, ne me donnerait-on pas le bon Dieu sans confession ?