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11 avril 2007

In Clito Veritas (1)

Debout dans cette pièce au charme tamisé, les yeux bandés, l'homme se tait. Il se concentre sur la délicate mission qui s'offre à lui. Des trois somptueuses beautés qu'on va lui présenter, trois amours parmi tant d'autres, saura-t-il retrouver pour chacune, son nom ? Saura-t-il se remémorer dans quelles conditions il les a connues ? Comment elles ont, de leur charme insolent ou discret, su conquérir ses sens? Certaines sont encore brûlantes à son esprit, d'autres plus floues, toutes l'ont ému. Et aujourd'hui, aujourd'hui, il va revivre ses passions.

D'une voix neutre, le Juge lui ordonne de s'approcher du premier calice. Timidement, il s'approche d'elle, les lèvres tendues, la narine aux aguets. Il manque défaillir... ce parfum, cette volupté ! Il ne connaît qu'elle. Il est avide maintenant, boit son nectar, se délecte de cette divine liqueur, essence de l'amour... Il sait qui elle est, et il revoit l'ivresse délicieuse de l'instant passé auprès d'elle. Tremblant, il prononce son nom du bout des lèvres, et le Juge ne peut que sourire devant son talent. "Qu'on amène la seconde !"

L'homme, bouleversé encore des effluves de son premier émoi, titube vers la deuxième épreuve. Et là encore, la magie opère. En lui aussitôt, il se remémore la divine robe veloutée de ce soir de juillet, son émotion à peine contenue de toute la soirée, jusqu'à, enfin, tout savoir d'elle, qui elle était, ce qu'elle faisait en ces lieux, tellement médiocres pour elle. Là encore, son nom sort dans un souffle, épris d'amour éperdu. Le Juge jette un regard aux autres membres de ce curieux jury, on y lit de l'admiration. L'homme voudrait rester encore auprès de sa conquête retrouvée, lui crier son bonheur, mais il lui faut déjà découvrir la troisième identité.

Encore une fois, à tâtons, il goûte à même ce temple du plaisir, s'adonne à l'ivresse de la volupté. Et là encore, c'est le déclic. Comment le Jury a-t-il pu réunir les trois grâces qui ont bouleversé sa vie ? L'Homme manque défaillir, s'approche encore de la belle, laisse glisser sur sa langue les saveurs adorées, brûle de la posséder... Il n'en peut plus, la jouissance est trop forte.

"Château Petrus, 1985" murmure enfin l'œnologue, dans un souffle.

Monsieur l'œnologue n'avait pas atteint sa renommée pour son un profil d'oiseau de proie, mais pour les qualités concentrées entre son menton fuyant et son nez crochu, une bouche aux lèvres pleines dessinant en permanence un sourire carnassier. Bien sûr, ce n'était point l'apparence de cette bouche qui était remarquable mais bien ce qu'elle renfermait, un palais exceptionnel capable de disséquer les saveurs les plus subtiles, servie par une langue acerbe toujours prête à empaler ses ennemis au pilori de ses bons mots.

Pourtant, ce que les hommes ignoraient, et que bien des femmes savaient, était le miel que cette bouche savait distiller à la gent féminine, sa promptitude à embrasser et embraser les sens, sa capacité à faire naître le plaisir même dans les cas les plus désespérés. Ainsi, les mauvaises langues de la bourgeoisie provinciale se complaisaient en gorges chaudes, expliquant à mots à peine couverts comment sa langue agile avait su convaincre la veuve de Castignac de le coucher dans son lit et son testament, ce qui lui avait permis de devenir propriétaire d'un des plus beaux châteaux bordelais à la mort de la vieille dame dont, dit-on, le cœur n'aurait pas survécu à la chamade qu'il devait battre chaque nuit.

Monsieur l'œnologue, ainsi veuf, n'avait pourtant pas souhaité unir son cœur à celui d'une des jeunes filles de bonnes familles, dont les mains tendues étaient prêtes à panser sa plaie supposée, et saisir sa fortune nouvelle. Non, il préféra unir son corps à ceux des courtisanes qui voletaient sans répit autour de lui. Et parmi elles, il finit par en préférer une. Non pas qu'elle fût particulièrement belle, mais elle avait ce charme inimitable et cet esprit de libertinage qui lui plaisait tant, lorsque, en sa demeure seigneuriale, il organisait ces mystérieuses fêtes galantes.

Un jour, ou plutôt une nuit, alors qu'il psalmodiait à l'oreille de sa belle une improbable litanie d'amour, elle lui lança un défi. Un défi à sa qualité et son organe le plus remarquable, un défi à l'amour du corps qu'il encensait sans cesse, puisqu'il n'était point question de cœur. Serait-il seulement capable de la reconnaître, elle, avec pour seuls sens ceux qui lui avaient apporté fortune et célébrité, la reconnaître parmi une demi-douzaine d'autres avec sa seule bouche. S'il y parvenait, elle serait son esclave. Sinon elle deviendrait sa femme.

A suivre...

Commentaires

Le mercredi 11/04/2007 à 09:55 par Vintage :

Cher Vagant...

Au-delà de la lecture fort plaisante de ce nouveau tour de passe passe (attention qu'on ne s'en lasse !), il convient de rappeler quelque vérité.

La bouche, en sa langue source du goût tel que mentionné ici, n'est en réalité peuplée que d'infimes terminaisons nerveuses, et reste plus que frustre dans la différenciation des saveurs. Quelques unes tout au plus (sucré amer, acide... ). La particularité de la langue tient plus à ses 64 muscles, qui lui permettent évidemment toutes ces tendres circonvolutions évoquées.

Le reste... n'est point affaire de goût, mais bien d'ODEURS. Car c'est bien de nez dont il s'agit. Le bouquet, c'éest évident. Mais ensuite, le travail de reconnaissance, en oeunologie comme en cuisine et en amour (mais est-ce bien si différent ?) passe par les odeurs, remontant vers le nez par voie retro-nasale. Rien dans la bouche, tout dans le nez ou presque donc.

Lorsqu'on s'exclame "mmmmm " en goûtant un plat sublime après l'avoir déjà humé, le plaisir du "goût" est très frustre et ce sont en fait des odeurs secondaires qui nous ravissent. Preuve en est qu'enrhumé ou perturbé par certains médicaments (ou le tabac !), le "goût" s'en va bien vite, et avec ces délicates saveurs, ou plutôt devrait-on dire, ces effluves subtiles (ou subtils, car les deux se disent).

Le fait que je sois personnellement, comme il est aisé de le constater de visu, gâté par la nature de ce côté là serait-il pour quelque chose dans ma promptitude à remettre les pendules à l'heure... ? ;-)

Prochain perfectionnement la semaine prochaine, avec une dégustation sur les nouveaux vins du Monde. Qui m'y rejoindra ?

Quand à l'art de la langue... Pourquoi l'un empêcherait-il l'autre ?
J'avoue qi'il m'est arrivé d'user des deux simultanément, et pour de grands plaisirs partagés eux-aussi (cher Propo, me voici là avec, si j'ose dire, "une longueur d'avance" ! ;-) )

Vintage, pas seulement décoratif.

Le mercredi 11/04/2007 à 10:39 par Vagant :

Mon cher Vintage, je suis pour ma part fort dépourvu, et je ne sens pas grand chose. Je n'ai donc pratiqué les cunnis au champagne que par vice. A ce propos, la suite de cette histoire devrait combler tes attentes...

Le mercredi 11/04/2007 à 18:52 par Elise :

Vite la suite !!!
Quel suspens...
Au fait, toi qui semble faire parti de la fine fleur des œnologues option gent féminine... Ça a quel goût ? Quelles variations et nuances as-tu déjà rencontré ? Existe-t-il des grands crus et des petites piquettes ?

Vite une réponse !!
Chui curieuse !

Le mercredi 11/04/2007 à 19:41 par pateric :

Escroc ! :-)
Nous laisser juste... Avec du désir sur la langue : quel supplice ! :-)

Le mercredi 11/04/2007 à 19:41 par Vagant :

Oui Elise, certaines femmes sont délicieuses, légèrement acidulées - et dont le goût varie en fonction de l'excitation - et d'autres femmes sont... infâmes. Heureusement, ces dernières sont très rares, et le goût est le plus souvent agréablement neutre. Pour plus d'informations, il faudrait demander à notre ami Propo, spécialiste en la matière...

Le mercredi 11/04/2007 à 19:50 par Vagant :

Pateric, tu pourras déguster la suite Vendredi !

Le jeudi 12/04/2007 à 04:25 par Un mot... hips...passant :

La mort du p'tit chat au pet russe dans le bordel EH ?

Ok, ok. ok.... Aucun rapport, trop facile et cela ne sent certainement pas bon. Dommage qu'en pleine degustation, elles n'aiment pas trop avaler le jus di-vin blanc pour ne pas devenir rouges...

A la relecture, je constate qu'Il est temps que je me couche pour cuver mon vin. Bonne nuit ma douce...hips... France.

Le jeudi 12/04/2007 à 13:19 par Mathilde :

Tiens, ça me fait penser à quelque chose... cf : Le détective! ;-)

Le jeudi 12/04/2007 à 15:45 par Chabada :

Des félicitations pour ce début d'histoire prometteur en attendant la suite de ce nectar de mot délicieux !!!
Une lectrice qui passe régulièrement au gré du vent sans laisser de traces de son passage mais qui revient toujours ;-)

Le jeudi 12/04/2007 à 23:28 par Vagant :

Un mot... passant ? Il me semble reconnaître un grand adepte des calembours... Loguil ?

Mathilde, qu'est-ce qui te fait donc penser au détective ?

Chabada, merci pour votre fidélité à mes infidélités !

Le vendredi 13/04/2007 à 09:27 par Mathilde :

Et bien ce jeu de reconnaissance!

Le vendredi 13/04/2007 à 10:34 par Vagant pour Mathilde :

Oui, c'est vrai, c'est un thème que j'aime bien. Il est aussi présent dans "Êtes vous doué de vos mains ?" qui est passé complètement inaperçu. J'en suis d'ailleurs fort déçu !

Le vendredi 13/04/2007 à 10:53 par Mathilde :

Mais si j'ai tout bien compris, "Etes-vous doué de vos mains?" aura sa raison d'être le 25 avril. En tous les cas, je pense que bien des femmes auraient aimé être à la place de la douce dormeuse vêtue en sous-vêtements rosés.

Le vendredi 13/04/2007 à 16:13 par Un mot passant :

Précision anti-confusion: je ne suis pas Loguil. Je lui dois le respect vu son âge. A côté de sa plume aussi fertile je ne suis que plumeau si fébrile. En plaisir charnel, je végète à rien depuis une histoire avec une belette blonde de la jungle de Paris qui m'a couté fort chair. Mauvais pari.

Je partage depuis lors la vie d'une négresse d'Afrique profonde pas si verte, couleur ca fé foncée mon coeur d'archi-chaud. Une belle telle qu'elle n'a pas besoin de fric pour fricoter de la trique sous le soleil des tropics. Tout est véridique. Pour l'instant, je reste méconnaissable tant que je ne trouve pas de "Le blog pour des nuls". Merci pour votre accueil. Vos textes, c'est du Grand C(r)u !

Le dimanche 15/04/2007 à 12:16 par Vagant :

Mathilde, il ne s'agirait pas, le 25, de somnoler sous les caresses de Gonzague...

Un mot passant, vous m'intriguez. Second essai: Eric ?

Le dimanche 15/04/2007 à 17:53 par Mathilde :

J'ai bien compris, mais on peut toujours rêver, n'est-ce pas? J'aimerais somnoler ainsi, parcourue par des mains caressantes...