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24 janvier 2007
Nuit d'ivresse
Décembre 2003. J'avais décidé d'écourter mes vacances familiales pour réveillonner avec Elsa, ma jeune maîtresse, la femme de ma vie du moment, une splendide mythomane qui s'était inventé une activité d'escort girl pour mieux me séduire, et dont j'étais tombé follement amoureux. J'avais renoncé à trouver un gros mensonge conjugal pour justifier mon départ anticipé et rentrer seul en France. Ma femme, princière, avait décidé de fermer les yeux sur la seule frasque que je ne lui ai jamais avouée. Elsa n'est jamais venue à notre rendez-vous gare du Nord. C'est triste, un quai désespérément vide, qu'on scrute, les yeux au bord du gouffre, et qui s'attachent à la moindre silhouette qui pourrait être elle. Pourtant, je savais à quoi m'attendre, elle m'avait prévenue que c'était une folie, qu'elle devait rester avec son mec. Allez savoir pourquoi je m'étais imaginé que les horloges de la gare contempleraient une fois de plus nos étreintes forcenées.
Dans une réaction de revanche convenue, je décidai sur-le-champ de noyer cette rupture dans l'ivresse. Petit bémol, je n'aime pas l'alcool. Qu'à cela ne tienne, je trouvai une soûlerie à ma mesure. Le soir même, j'aurai sombré corps et âme dans la luxure. Je me serai vautré dans une partouze pour oublier mes états d'âme, je me serai abreuvé de chattes ruisselantes, j'aurai arrosé des lèvres accueillantes, elles. Un seul problème, j'étais seul. Après une ridicule tentative désespérée sur MSN pour me trouver une charmante compagnie à l'impromptu, je me résignai à opter pour un club échangiste qui accueillait les hommes seuls. Ce serait l'hyppocampe de St Maur, un sauna, faute de mieux.
J'eu du mal à trouver la ruelle nichée dans une banlieue morose, puis une place pour me garer, et je me pointai enfin à l'entrée du dispensaire aux alentours de 23h. Une myope m'ouvrit et son sourire se mua en un rictus rébarbatif lorsqu'elle constata que j'étais seul. "Je ne peux pas vous accueillir. Il n'y a pas assez de couples ce soir !", me dit-elle sèchement. Ce n'était certainement pas ce cerbère à lunettes qui allait m'interdire l'accès à mon orgie infernale! Je lui annonçai que je reviendrai plus tard, et j'allai me poster dans ma voiture, aux aguets, prêt à emboîter le pas au premier couple venu. Je n'eus pas trop longtemps à attendre, une petite brune pimpante et un colosse passèrent le sas avec les honneurs. Je sonnai à nouveau. Cette fois, l'accueil fut franchement meilleur, d'autant plus qu'un autre couple que je n'avais pas vu arriver m'emboîtait le pas. Je me retrouvai ainsi dans le couloir qui servait de vestiaire, avec une blonde joviale et un ténébreux tristounet. Un peu gêné par la promiscuité, je n'osai pas croiser leur regard. Je me déshabillai rapidement, je m'attachai maladroitement une serviette autour des reins, l'uniforme des hommes seuls qui n'avaient pas droit au peignoir - attribut distinctif du couple - et j'atterris dans la zone bar du sauna.
Je commandai tout de suite un coca que j'avalai d'un trait d'une main tremblante. A côté, un homme sûr de lui me regarda en souriant. Je n'étais pas fier et ça se voyait. L'instant de panique passé, j'évaluai l'étendue des dégâts d'un coup d'œil navré. Une douzaine d'hommes seuls traînaient ça et là, du sauna au hammam avec entre les jambes le poids d'un ennui palpable. Un couple de quinquagénaires en surcharge pondérale était assis devant le porno qui trônait près dur bar. L'homme affichait un sourire épais. Sous la douche, je vis la petite brune pimpante avec son partenaire taillé comme un gorille. Au hammam, un jeune homme seul se lamentait sur son triste sort. "Misère! Misère!" Psalmodiait-il en vain après chaque nouveau râteau. Les autres ne pipaient pas mot. En procession silencieuse, ils suivaient les rares couples à la trace comme des badauds suivent les obsèques d'une célébrité sans en avoir l'air. Il y avait autant d'ambiance que dans le métro à 8 heures du matin, avant la compétition quotidienne. Ce soir là, la compétition serai autrement plus tendue, sans mauvais jeu de mot. Il était clair qu'il n'y en aurait pas pour tout le monde. Les autres hommes étaient des concurrents, des adversaires. Moi, j'étais hors jeu.
De retour du hammam, j'allai m'asseoir sur un matelas, seul. Je n'étais pas dans une partouze échevelée, mais dans un groupe éphémère de mammifères dont les mâles dominants accepteraient ou non de partager leur femelle attitrée. Tout cela reflétait plus des instincts grégaires qu'un hédonisme libéré. Un nabot grisonnant vint s'asseoir non loin de moi. Si je ne me faisais guère d'illusion quant à tirer la moindre satisfaction sexuelle de cette compétition, le pauvre vieux semblait vaincu d'avance avec ses petites moustaches et ses lunettes en cul de bouteille. Pour passer le temps, j'allai me faire suer au Sauna. A mon retour, la petite brune pimpante et le grand brun simiesque avaient pris ma place. Le vieux nabot avait réussi à se placer auprès du couple. C'était un habitué des lieux, il avait la tchatche tout en observant une position obséquieuse face au mâle dominant. Ce n'est pas à un vieux singe qu'on apprend à faire des grimaces. Ils se levèrent tous les trois, bras-dessus bras-dessous, le nabot au milieu. C'était cocasse. Il tenait la petite brune par la taille, et avait le bras tendu en l'air pour atteindre l'épaule du colosse. Plus tard, je les vis tous les trois dans un coin câlin. Elle était 4 pattes, la tête du nabot entre ses cuisses écartées. Elle suçait son mec qui semblait avoir plus de mal à gonfler l'organe décisif que ses biscotos agressifs.
Un peu plus loin le gros des troupes était au garde à vous devant un grand matelas où oeuvraient deux hommes sur la blonde joviale. Je regardais les hommes seuls qui jouaient des coudes et du poignet pour être au premier rang au meilleur de leur forme, au cas où le trio tournerait au gang-bang. Je n'avais rien à faire parmi ces morts de faim qui brandissaient leur quéquette comme des réfugiés brandissent leur marmot affamé devant un convoi humanitaire. Une fois les deux acteurs achevés, la femme signifia la fin de la scène aux figurants déçus qui débandèrent dans tous les sens du terme. J'optai pour une retraite définitive vers les vestiaires. Je rendis ma serviette au gérant qui me demanda ingénument si j'avais apprécié la soirée et si je reviendrais. "Non, je crois que ce n'est pas mon truc", répondis-je franchement. Je n'ai pas pris de douche quand je suis rentré chez moi. Inutile. J'aurai dû me décaper l'intérieur au Karcher.
09:35 Publié dans Réflexions | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : Expériences, sauna, Hyppocampe, libertinage, Littérature, histoire érotique, Erotisme
Commentaires
Le mercredi 24/01/2007 à 11:46 par Lucien :
J'avais aussi écrit un compte-rendu de visite en sauna assez proche du tien dans l'esprit:
http://openspaces.over-blog.com/article-1102231.html
Le mercredi 24/01/2007 à 12:34 par Georges :
Votre récit, Vagant, est excellentissime (j'ai ri aux éclats et partagé, silencieusement, votre désespoir); cette histoire rappelle, en effet, par la justesse et l'humour, la "patte" de Lucien. Bravo, et merci pour ce témoignage qui complète les récits du Moon City, le mien et le vôtre.
Bien à vous,
G.
Le mercredi 24/01/2007 à 18:22 par X-Add :
Quel desherance de tels endroit pour un homme seul. Il est vrai que nous n'avions en temps que couple peu apprécié cette visite au haman que nous avons faites il y a peu.
Et le pari d'homme seul dans cette jungle la, je pense que je ne l aurai tenté, quand bien meme aurais je été seul ...
On connait le vagant drole et excitant a ses heures le vol .... le voila Chasseur dépité. Excellent.
Le mercredi 24/01/2007 à 19:05 par Comme une image :
Eh bien, j'espère que tu as de plus beaux souvenirs à nous raconter !
Les endroits où les "hommes seuls", cette engeance, sont acceptés restent hélas souvent des endroits glauques (pour en avoir vécu un côté couple, et lu ou entendu d'autres témoignages si proches du tien).
Le mercredi 24/01/2007 à 20:40 par Vagant :
Georges, je vous remercie pour votre commentaire, d'une aussi belle plume que la vôtre cela me fait plaisir, ainsi que d'être comparé à quelqu'un de la trempe de Lucien...
X-Add, tu as parfaitement raison: c'est la jungle. Etre SDF du sexe le temps d'une soirée est cependant une expérience que je conseille au moins une fois dans la vie d'un libertin. Cela permet de relativiser son point de vue, probablement comme peuvent le faire les bobos sous les tentes du canal St Martin.
CUI, j'ai raconté un joli souvenir dans ma note intitulée "Le mot magique". J'en publierai d'autres prochainement, toutes ayant eu lieu à l'hyppocampe paris le vendredi après midi en période couple. Le seul bon souvenir que je garde des saunas mixte, c'est à l'hyppocampe paris, encore une fois, avec "Jeanne". Nous étions le seul couple parmi une douzaine de morts de faim. Elle était terrorisée mais je suis parvenu à la réconforter... Je devrais en faire une note d'ailleurs...
Le jeudi 25/01/2007 à 03:10 par X-Add :
Arfff cher Vagant je ne crains pas de dire que je n'aurais pas cette audace, étant en couple et surtout ayant une vie libertine bien moins ouverte que celle d'un Georges et Madeleine .... Un choix.