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10 janvier 2007

Comment se débarrasser de sa femme

Hector75: Bonjour ma chérie, comment vas-tu ce soir ?
Hermione28: Mon amouuuuuur, tu m'as manqué aujourd'hui. Plus que 5 jours.
Hector75 :Oui
Hermione28: Dans 5 jours tu seras là, jeudi prochain tu seras là, enfin!
Hector75: Oui, enfin...
Hermione28: Tu as trouvé une solution?
Hector75: Solution?
Hermione28: Pour ta femme
Hector75: Non, pas encore
Hermione28: Tu ne m'aimes plus.
Hector75: Mais si ma chérie, mon amour, mais si...
Hermione28: Tu aurais trouvé une solution si tu voulais vraiment me voir.
Hector75: Mais je viens en vacance avec ma femme, et elle est jalouse comme une teigne...
Hermione28: Ah? Parce que tu penses pouvoir venir seul un jour?
Hector75: Peut être, je sais pas...
Hermione28: Tu ne veux surtout pas risquer de compromettre ton petit confort, pas pour moi en tous cas, parce que sur le forum Séduction...
Hector75: Sur le forum quoi?
Hermione28: Je n'ai peut être pas l'air très maline, mais tu réponds toujours aux posts d'Electre51.
Hector75: Electre51! Tu rigoles, elle a 60 ans!
Hermione28: Tu lui réponds à Elle. La dernière fois, tu n'as pas répondu au mien.
Hector75: Lequel?
Hermione28: "Messieurs, quel alibi inventez-vous pour voir votre maîtresse?"
Hector75: Je n'avais rien d'intéressant à dire.
Hermione28: Et pour cause. Tu as lu au moins les réponses?
Hector75: Oui, j'ai survolé, le coup des cigarettes, sortir le chien et tout un tas de bêtises.
Hermione28: Ulysse31 au moins, il a des idées !
Hector75: Tu parles, cet abruti passe son temps à ça, on dirait qu'il n'a que ça à foutre.
Hermione28: Je me demande si je n'aurais pas du céder à ses avances. Il aurait eu du temps à me consacrer, Lui.
Hector75: Il doit en avoir au moins douze en parallèle. Tu aurais aimé être la numéro 9? Pour moi, tu es la première.
Hermione28: Parce que je ne suis pas la seule? Il y a une autre femme dans tes mails !
Hector75: Mais si tu es la seule.
Hermione28: Je viens de te voir dans le salon Drague:2!
Hector75: Ah? et qu'est ce que tu faisais là?
Hermione28: Je demandais un conseil à Ulysse31, c'est tout.
Hector75: Et qu'est ce qu'il raconte de beau, vous êtes le phœnix des hôtes de ce tchat, ce genre d'ânerie?
Hermione28: Non, il t'a trouvé un alibi.
Hector75: Sa majesté est trop bonne.
Hermione28: Imparable. Tu prends rdv chez le dentiste, je serai dans la salle d'attente.
Hector75: Quoi?
Hermione28: C'est mieux que rien. Que pour me voir, tu ne puisses pas affronter ta femme... mais même pas le dentiste!
Hector75: Mais je ne peux pas prendre rendez-vous chez un dentiste à l'autre bout de la France!
Hermione28: Tu auras une rage de dent. Ce sera une urgence.
Hector75: C'est romantique !
Hermione28: Si tu ne peux même pas faire cet effort là, je crois que...
Hector75: D'accord, on fera comme tu veux.
Hermione28: Comme JE veux?? Tu n'as donc pas ENVIE de me voir?
Hector75: Si si, je simulerai une rage de dent, et enfin nous pourrons nous voir mon amour, ma chérie...
Hermione28: Enfin. C'est le mot.
Hector75: J'ai envie de toi...
Hermione28: Oui mais là je ne peux pas rester trop longtemps, faut que je couche les petits, faut que j'étende le linge...
Hector75: Je te fais des bisous dans le cou, qui glissent partout...
Hermione28: Oui mon amour. Tu me diras tout ça mardi. Baille baille
Hector75: bisous bisous bisous
Hermione28: baille baille :-* clic !
Hector75: clac !

Ainsi partirent en vacances de printemps Hector75, sa femme, sa fille, son fils et snoopy. Hector75 allait enfin rencontrer Hermione28, sa maîtresse virtuelle, la femme en Times italique rose qui faisait battre son cœur à 1Mhz depuis qu'il s'était abonné à Wanadoo, sous des prétextes fallacieux dont la recherche de nouvelles recettes de cuisine. Hector75 avait bien fait les choses. Il avait réservé un bungalow au VVF de Contrexéville, avec tous les équipements sportifs, terrain de foot et pédalos, pour que ses enfants et snoopy puissent prendre un bon bol d'air et lui foutre la paix, alors que sa chère Hermione28 ne serait qu'à un quart d'heure de route. Mais il lui restait à gérer le gros morceau, le plat de résistance: sa femme. Comment se débarrasser de sa femme ? Telle était la question obsédante qui apparaissait de plus en plus souvent entre Hermione28 et lui, et qui lui pourrissait la vie. Finis les torrides ébats nautiques aux caraïbes, terminées les sodomies sauvages sur un cheval au galop, les coïts virtuels et délicieux semblaient définitivement envolés, tout au moins jusqu'à la rencontre fatidique. Et quelle rencontre. Point de ballade en amoureux, nus, main dans la main dans les petits chemins escarpés; point de galipettes dans la paille entre veaux, vaches, cochons couvées; point d'hôtel de charme oú ils se seraient envoyés en l'air des heures durant. Non, cette rencontre sauvage aurait lieu au cabinet du Dr Achille à 17h, là où il y a le plus de monde pour que ça dure le plus longtemps possible.

Comme convenu, Hector75 eut son imprévisible rage de dent à la Cafétéria Casino le lundi soir. Hector75 étant perfectionniste, il crut bon de passer une nuit blanche à gémir constamment, pour bien montrer à son épouse l'urgence de la situation. Il simula le lendemain matin un appel au cabinet du Dr Achille trouvé par hasard sur le bottin téléphonique, afin de se faire soigner de toute urgence, mais pas avant 18h, car tout était complet, qu'il vienne plus tôt et qu'il attende on ne sait jamais. C'est ainsi qu'Hector75 monta dans sa voiture à 16h50 après avoir fait mains et pieds pour que sa femme ne l'accompagne pas. Rien de grave, vraiment, probablement une carie aiguë, mais rien de grave, non, on n'allait pas l'opérer, oui il pouvait y aller seul. À 17h, il sonna à la porte du cabinet. À 17h01 il entra dans la salle d'attente, la mine pale et les yeux cernés mais le sourire aux lèvres. Hermione28, enfin, il allait voir Hermione28.

Il ne la reconnut pas tout de suite.
Son regard balaya la salle d'attente angoissée, de petits vieux en femmes enceintes en passant par des cadres en costar, tout un échantillon représentatif de la population française dont Hermione28 n'émergeait malheureusement pas. Enfin, son regard se posa sur une femme entre deux âges, aux joues pourpres et au regard brillant. C'était elle! Son merveilleux amour l'attendait au fond à droite, à côté du radiateur, où elle lui avait gardé une place bien au chaud, camouflée derrière une plante verte qui leur ferait un peu d'intimité. Hector75, souverain, s'y dirigea sans se douter que ce douillet nid d'amour était le fruit d'un combat homérique entre Hermione28 et madame Priam, une vieille rombière pétrit d'arthrose qui avait toujours cette place là eu égard à ses vieux os. Sans quitter Hermione28 des yeux, il s'installa tel un félin dans le fauteuil en skaï dans un ample mouvement à la noblesse calculée. Il fit glisser sur son nez ses lunettes noires pour planter son regard bleu acier sur les paupières papillonnantes d'Hermione28 qui se trémoussait sur son siège. Il plaça habilement son mollet tout contre celui de sa maîtresse, qui avait laissé son pied en pâture à son grand fauve, et il sentit enfin la douce chaleur de cette femme qu'il avait depuis longtemps perçu derrière les caractères en Times italique rose...

Dzzzzzzzzzoingzzzzoingzzzzzzoing... Aaaaaargh...

Une fugace inquiétude traversa le regard d'Hector75 qui se douta que le Dr Achille ne devait pas être un ange douceur au vu des mines défaites des patients qui l'entouraient. Seule Hermione28 coulait sur lui un regard d'une infinie tendresse.

- Mon amour, tu es venue, pour moi, chuchota-elle en traînant imperceptiblement sur la dernière syllabe qui s'éteignit en un souffle sensuel.
- Ma chérie, enfin, enfin...

Didoudidadidoudidop! Didoudidadidoudidop!

La sonnerie guillerette de son portable le ramena brutalement sur terre. Sa femme. Ce ne pouvait être qu'elle. "Allô !... oui ma chérie... je suis... oui dans la salle d'attente... du monde, oui... non... pas grave... ne t'inquiète pas... à tout à l'heure... je t'embrasse". Il rangea la maudite bestiole dans la poche de son blouson.

- C'était ma femme dit-il d'un air contrit
- Oui, ta chérie, rétorqua t'elle d'un air pincé, avant de se raviser, ils n'allaient tout de même pas gâcher leur merveilleuse rencontre pour une broutille.
- Je suis désolé, tu sais comment elle est...
- Ce n'est pas grave mon amour, l'important c'est nous, ici, maintenant, si tu savais combien je suis heureuse...

AU SUIVANT ! hurla l'infirmière revêche qui venait de débouler dans la salle d'attente. Un homme livide se leva lentement, et approcha de la matrone à pas comptés. Le menton saillant comme une insulte, elle toisa le pauvre ère d'un regard glacial, ouvrit brutalement la porte de la salle de torture et y poussa la loque liquéfiée. Hector75 sentit une goutte de sueur froide glisser sournoisement le long de sa tempe.

- Ne t'inquiète pas mon cœur, il y en a encore deux avant toi.
- Oui, répondit-il doucement.
- Je n'avais pas le choix, tous les autres dentistes de la ville sont partis en vacances...
- Je vois, dit-il d'une voix blême.
N'écoutant que son courage, qui ne lui disait rien, Hector75 approcha son auriculaire de celui de sa belle, le frôla, le titilla, s'y enroula en une torride étreinte digitale aussi rassurante que discrète. Hermione28 clos doucement les paupières alors qu'un sourire à la mona lisa s'esquissait sur son visage alangui. Phalange contre phalange, ils s'adonnèrent à ces attouchements dont la sensualité débridée faisait frémir les narines de la belle. Et dire qu'Hector75 n'y avait mis qu'un doigt.

La porte de l'antre du tortionnaire s'ouvrit avec fracas, devant l'infirmière qui portait sa dernière victime sur l'épaule avec autant de précaution qu'un boucher porte un quartier de bœuf. Elle lâcha le patient évanouit dans son siège encore chaud, se retourna vers l'assistance éberluée et dit avec un sourire sardonique "Ne vous inquiétez pas, c'est juste une petite nature. Il s'est évanouit avant même que le Docteur n'ait eu le temps de le toucher. A QUI LE TOUR !". La mort dans l'âme, une brave mère de famille se leva et tira son gamin vers l'antre du Dr Jeckil, heu Achille. NOOOOOOOON! hurla le pauvre gosse, MAAAAAAMAAAAN...
"Courage mon garçon, tu es un homme !", rétorqua la matrone qui ponctua son discourt à la psychologie si féminine par un "Hop! Et que ça saute !". Les deux femmes tirèrent l'enfant vers l'abattoir dont la porte fût claquée d'un coup de pied. "Tenez-lui les jambes! Moi je m'occupe des mains!", put-on entendre distinctement depuis la salle d'attente.

Dzzzzzzzzzoingzzzzoingzzzzzzoing... MaMaaaaargh...

Hector75 jeta un regard hagard vers Hermione28 impassible, aux portes du septième ciel, captivée par le moite doigté de son divin amant. Il essuya les grosses goûtes qui perlaient sur son front.

Ouiiiiiiiinn ! Tais-toi ! Tais-toi ! Ouvre la bouche ! Dzzzzzzzzzoingzzzzoingzzzzzzoing...

- Partons d'ici, bégaya Hector75
- Ce n'est pas possible, mon amour, songe à ton alibi...
- Mais ce docteur est un monstre !
- Mais c'est juste le Dr Achille, tu ne peux pas affronter un petit détartrage pour moi ?
- Peut importe le détartrage, allons-nous-en !
- Mais j'ai payé d'avance ! Le Dr Achille va te détartrer, tu en as grand besoin ! Regarde-moi ce sourire jaunâtre !

AU SUIVANT !!! Didoudidadidoudidop! Didoudidadidoudidop! Didoudidadidoudidop...

Hector75 se réveilla en sueur et éteignit le réveil. La douce odeur de café qui flottait dans la chambre le rassura un peu alors qu'il reprenait ses esprits. Son épouse entra dans la chambre et finit de lui remettre les idées en place. "Dépêche-toi! On part à Contrexéville et on a de la route à faire!"

Commentaires

Le mercredi 17/01/2007 à 21:42 par Electronic-lover :

De l'humour, une plume légère : ça me plait bien tout ça... je repasserai !

Le jeudi 18/01/2007 à 01:15 par Vagant :

Merci. J'aime bien vos Haïkus aussi (si cela n'en est pas, cela y ressemble, mais je peux me tromper, je n'y connais rien en poésie.)

Le jeudi 18/01/2007 à 10:23 par Electronic-lover :

Merci.
J'appelle ça des "short cuts", parce que les aïkus... j'y connais rien non plus !
Ou plus exactement parce que cette forme ne me convient pas pour m'exprimer aussi librement que le souhaite. Mais c'est assez proche dans l'esprit : ce sont des textes qui à l'origine sont inspirés d'oeuvres graphiques d'autres personnes (notamment les photos de Perséphone). Le "short cut" (traduisons "racourci") est un commentaire plus ou moins poétique, volontairement bref, destiné à donner un contrepoint à une image et à ouvrir l'esprit et l'imagination du spectateur. J'ai remarqué que dans une expo, on allait toujours lire le tout petit papier dans le coin à côté du tableau pour savoir quels mots collaient à ce qu'on nous montrait. Mais on est très souvent déçu (genre "figure n°17"). Le short cut ravira aussi le curieux...

Le jeudi 18/01/2007 à 11:43 par Vagant :

Je me suis effectivement rendu compte de ma grossière erreur en cherchant Haïkus sur Wikipedia. Comme j'aurais du m'en douter, c'est une forme poétique codifiée dont la beauté réside dans l'art d'échapper aux contraintes. Cela correspond bien à l'esprit japonais. Si j'osais faire ce parallèle (notez l'utilisation du conditionnel purement formelle): Le Haïku est à la poésie ce que le bonsaï est à l'arboriculture.
Cela étant dit, j'ai un peu de mal à apprécier la poésie courte dont la beauté doit être aussi instantanée que la courbe d'un cul croisé dans la rue et à jamais perdu dans la foule anonyme. Cela m'éblouit rarement. J'ai besoin du contexte, de la durée, du poids du temps. Mais j'y reviendrai, d'autant plus que j'aime bien les pochoirs de miss tik.

Le jeudi 18/01/2007 à 15:06 par Electronic-lover :

La durée et le contexte... bien sur. L’ampleur d’un désir ou d’une pensée se développe dans un minimum d'espace-temps.
Le short cut ou le haïku est un stimulus, un amuse bouche qui mettra en appétit, comme le galbe entr'aperçu d'une jolie femme sur le trottoir d'en face...