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17 février 2007

Chez Pandore (1)

Il faisait chaud à en suer du vice. D'ailleurs, je le sentais couler entre mes omoplates, glisser dans mon dos comme une sueur froide, mouiller mes fesses et gonfler ma queue. J'étais assis face à l'écran, l'œil hagard et la main moite, tripotant fébrilement du majeur la molette de ma souris comme s'il s'agissait d'un clitoris, faisant défiler des chairs multicolores avec pour seule constante le pourpre des vulves écartelées. Oui, je sais, ces photos ne risquaient pas d'améliorer la situation, mais je n'y pouvais rien, c'était plus fort que moi. La moiteur du soir m'accueillit sur le trottoir en sortant du bureau. J'avalais péniblement ma salive. Je reconnaissais cette sensation d'excitation, lorsqu'elle est encore coincée dans la gorge, avant de descendre dans le bas du ventre en passant par le cœur, le faisant battre un peu plus fort au passage. Elle me donnait soif, envie de boire une bière ou n'importe quoi susceptible de me fournir une mauvaise raison pour franchir rapidement l'entrée de "Chez Pandore", et y assouvir ma curiosité entre autres bas instincts.
 
"Chez Pandore" était, selon ses mœurs, le haut lieu départemental du vice et du stupre, ou ses bas-fonds. Les bourgeois rivalisaient d'indignation à propos de cet établissement, et susurraient à qui voulait l'entendre que bien des notables y avaient leurs entrées lors de soirées infernales, auxquelles ils omettaient de mentionner leur présence. Une bonne partie de la gent masculine locale y avait donc été vue, et c'était là le meilleur rempart contre les calomnies. J'évitais cependant de tergiverser aux portes de cet enfer pour ne pas être remarqué par les vipères du coin qui s'empresseraient d'amplifier mon forfait jusqu'aux oreilles de ma femme. Sitôt la frontière de velours rouge franchie, je fus accueilli par l'odeur caractéristique des lieux pour mâles en perdition, une odeur musquée comme un parfum de femme cueilli au creu des reins, fragrance un rien épicée, dont il devait exister des bombes aérosols à base d'essence de bordel comme il existe des bombes de neuf pour mieux vendre les voitures d'occasion. J'en étais à ces réflexions lorsque je réalisai que mes pas m'avaient mené jusqu'au bar, au cœur de l'antre des femmes légères, pour la première fois.
 
Il n'y avait pas grand monde, trois ou quatre clients au regard blasé et une entraîneuse noire juchée sur un haut tabouret, sa robe longue ouverte sur un gros manque de vertu. Probablement trop tôt dans la soirée. Une jeune femme vêtue de court m'indiqua une place au bord de la scène vide, obscure comme un puits sans fond, avant de me tendre une carte aux prix hallucinants. Je compris rapidement les règles du jeu, et j'optai pour une bière plutôt que la petite coupe de mauvais champagne qui m'était proposée, résistant héroïquement à la serveuse et sa moue équivoque desservie par un regard dédaigneux. Le jeu consisterait à boire le plus lentement possible, afin de ne pas avoir à commander une autre boisson. Je trépignais d'impatience de me rincer l'œil et la gorge. La guerre d'usure avait commencé. Une voix off masculine et empressée ouvrit les hostilités en annonçant le prochain spectacle.
 
Eva apparu dans un halo de lumière rouge projetée sur le nuage d'azote qui se répandait complaisamment autour d'elle. Elle ne portait pas une tenue de scène classique, une de ces robes moulantes en lycra dont les bretelles glissantes auraient rapidement libéré des seins meurtriers comme des obus, ni même une de ses tenues exotiques d'infirmière ou de bonne sœur, blasphème aux soins des âmes aux corps perdus. Non, elle portait un tailleur. Un tailleur strict, gris anthracite, une tenue au classicisme exubérant, une tenue de commerciale innocente, totalement déplacée et d'autant plus excitante. Elle avait même poussé la provocation jusqu'à porter un pantalon. Si ce n'était sa démarche chaloupée sur un air suave de Sade "I Never Thought I'd See The Day", si ce n'était son regard à la fois trouble et résolu, on aurait pu croire qu'elle se rendait à un conseil d'administration. Sauf qu'on était "chez Pandore".
 
Eva esquissa un sourire servile en ôtant sa veste avant de l'accrocher au dos d'un fauteuil de bureau qui apparaissait sous les spots, et dont elle flatta le cuir noir de la paume de la main.

- Vous êtes en retard Eva !

La voix qui résonna dans la salle me fit tressaillir. Une voix féminine, jeune, teintée de ce léger et délicieux accent méridional qui n'entamait pourtant en rien son ton autoritaire et cinglant. La voix renchérit à nouveau
 
- Je ne veux pas entendre vos sempiternelles excuses ! Et quelle est cette tenue ? Vous vous imaginez déjà à ma place, dirigeant cette entreprise en costume Yves St Laurent ?
 
Eva se tenait comme une petite fille, tête baissée, les mains croisées devant elle, le rouge aux joues.
 
- Vous n'êtes que ma secrétaire, ne l'oubliez pas. Et à ma merci ! Déshabillez-vous mon petit...
 
L'ordre avait été donné, sans appel, sur une octave imperceptiblement plus basse, d'une voix légèrement voilée où transparaissait un noir désir, laissant déjà imaginer les turpitudes auxquelles Eva serait soumise. Eva leva un visage larmoyant, j'eus l'impression qu'elle m'implorait du regard comme si cet ordre était le mien, elle fit non de la tête, négation aussi effrayée qu'inutile car déjà capitulaient les premiers boutons de son chemisier blanc sous ses doigts tremblants.
 
- Allons mon petit, détendez-vous, je ne vais pas vous manger, mais ne me décevez pas !
 
Le chemisier s'ouvrit sur une lingerie de dentelle blanche qui moulait de petits seins hauts placés.  Son ongle carmin effleura la lisière de dentelle, repoussant lentement ses limites dévoilant une chair pâle, frissonnante, jusqu'à libérer un téton rose et pointu. De loin, j'eus même l'impression qu'une larme venait de couler sur ce sein émouvant. D'un seul coup, Eva rabattit les pans de sa chemise sur sa poitrine et baissa à nouveau son visage cramoisi de honte.
 
- Maintenant, enlève le bas !
 
Retenant de la main gauche les pans son chemisier fermé sur ses seins, la droite glissa mollement le long de sa cuisse, ses doigts hésitèrent un instant, ouvrirent sa ceinture, firent lentement glisser la fermeture de son pantalon, et avec une infinie langueur, elle le repoussa vers le bas jusqu'à ce qu'il tombe à ses chevilles. Elle n'eut qu'un pas à faire pour laisser les oripeaux de sa pudeur sur le sol, alors que la musique qui s'emballait semblait monter comme un frisson le long de ses cuisses fuselées, achevant de transfigurer l'employée soumise en strip-teaseuse lubrique. La voix off semblait celle d'une fille au bord de l'orgasme.
 
"Caresse-toi !" Les pans de son chemiser s'ouvrirent à nouveau sur son ventre, et ses mains qui glissaient sur sa peau, vers ses seins. Eva dégrafa son soutient gorge par-devant, remplaçant les bonnets par la paume de ses mains caressantes, et puis violentes lorsqu'elle tritura ses tétons entre ses doigts, rejetant sa tête en arrière, avant de me jeter au visage un regard fauve. Je sifflai ma bière d'un seul coup. "Montre-moi ton cul !" Elle se retourna, s'accroupit, releva sa chemise comme si elle allait uriner, avant de la jeter au travers de la salle. Sa petite culotte saillait entre ses fesses rondes, deux globes entre lesquels la dentelle n'en finissait pas de glisser. "Branle-toi !" Elle se dirigea vers le siège à quatre pattes comme une chatte en chaleur, s'y agenouilla face au dossier, cuisses écartées, cambrée au maximum, se penchant toujours plus en avant jusqu'à ce que le siège bascule, sa petite culotte tendue à éclater sous la pression de sa vulve gonflée. Sa main glissa entre ses suisses et elle frôla son entre-jambes d'un doigt taquin, qui jouait à repousser l'élastique, toujours un peu plus loin, faisant saillir ses lèvres gonflées. Je déglutissais la petite coupe de champagne sans même m'en rendre compte.
 
Soudain, un spot éclaira une autre partie de la scène. Derrière un bureau cossu, une blonde platinée fumait un cigarillos, une main enfouie sous sa robe rouge sang qui farfouillait entre ses cuisses. Grande, son visage émacié et sévère était outrageusement maquillé. Une bretelle de sa robe avait glissé, libérant un sein lourd et ferme. La blonde se leva, se dirigea vers Eva qui gardait la pose, et approcha de son visage abandonné sur le cuir du fauteuil. Il écarta les pans de sa robe. "Suce-moi !" Entre ses cuisses pendait une queue de vingt bons centimètres. Je faillis m'étrangler avec le cognac. La lumière s'éteignit sur cette vision infernale qui eut le mérite de me faire débander, me permettant ainsi de me lever en titubant. La note acheva de me remettre les idées en place et je me dirigeai promptement vers la sortie.
 
Je franchis les rideaux rouges comme une balle perdue et percutais une passante qui s'écroula sur le trottoir. Je la regardai se lever, tétanisé avant de tourner les talons et prendre la fuite comme si le diable était à mes trousses. Ce n'était pas complètement faux. Je venais de bousculer Madame Michaud, mon chef comptable, une vraie diablesse.

A suivre...

Commentaires

Le samedi 17/02/2007 à 10:52 par Madame B :

Toujours très en forme le matin !

Le samedi 17/02/2007 à 12:35 par Vagant :

Je dois vous avouer quelque chose: je prépare mes notes quelques jours à l'avance. Elles apparaissent sur vos écrans alors que je suis encore dans mon lit !

Le samedi 17/02/2007 à 18:30 par Madeleine :

Très efficace ! Vous êtes mûr pour prendre la relève de Flaherty-Cox !
(avant de lire tout en bas le décevant "Fictions", j'ai failli vous écrire pour vous demander l'adresse de ce lieu de perdition...).

Le samedi 17/02/2007 à 18:49 par Madame B :

Moi cela m'a fait penser au Queen ya une dizaine d'années.

Le samedi 17/02/2007 à 20:49 par Comme une image :

Délicieusement raconté et drôle... J'aime beaucoup le chapelet des brevages qui ponctue ton histoire, l'air de rien.

Le dimanche 18/02/2007 à 08:19 par X-Add :

J'ai apprécié comme un nectar ... Avant de lire "fiction".
Mais l'histoire n en demeure pas moins fort interressante.

Le lundi 19/02/2007 à 13:54 par Vagant :

C'est une boite de strip-tease de Yokohama qui m'a fait penser à cette histoire, moins pour Pandore (1) que pour Pandore (3): le coup du "made in Italia" derrière le fauteuil pivotant est véridique...
Je ne connais pas le Queen. C'est une boite marseillaise ?

Le mercredi 21/02/2007 à 11:44 par Madame B :

Le Queen, c'est une boîte gay parisienne sur les Champs, j'y suis allée il y a une dizaine lors de soirées mixtes, c'était trés chaud.

Le mercredi 21/02/2007 à 21:24 par Vagant pour Madame B :

Ah bon, il se passait des choses comme ça au Queen ? Il est vrai que les gays savent s'amuser...