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17 juillet 2007

Sept: La colère

d12433f7a65fcff8fb0a5ac891640884.jpgAoût 1988. J’étais encore célibataire à cette époque là, mais j’avais une copine, Evelyne, une fille à papa à laquelle j’étais sérieusement accroché, enfin autant qu’on peut l’être à vingt ans. Pour fêter mon premier contrat d’embauche, je l’avais invitée avec toute notre bande d’amis inséparables - des copains de la fac désormais perdus de vue - autour d’une pizza dans un restaurant de la grande banlieue parisienne. Elle fut bien arrosée, cette pizza, et pas que d’huile pimentée, de sorte que nous étions tous passablement excités. Enfin presque tous sauf moi, car j’ai toujours eu un peu de mal à supporter le vin qui me fait systématiquement piquer du nez.

Quand je l’ai relevé de mon assiette, les copains commençaient à lever le camp pour aller investir une boite de nuit : "Où est Evelyne ? Ai-je demandé à Paul face à moi.
- Aux toilettes, je crois, m’a-t-il répondu.
- Tu peux garder un œil sur mes affaires, je crois que je vais y aller aussi !
- Pas de problème Christophe."

Les toilettes étaient mixtes. Il n’y avait que deux cabines dont une seule de libre. Pendant que je m'y soulageais la vessie, j’ai entendu un soupir provenant de celle d’à côté. Ce n’était pas le genre de soupir qu’on lâche au cours des efforts qu’on est censé faire en ces lieux. En tendant l’oreille, j’ai eu la nette impression qu’il n’y avait pas une mais deux voix qui provenaient de cette cabine : une voix d’homme, et une voix de femme. En écoutant avec encore un peu plus d’attention, il m’a bien semblé reconnaître celles d’Alain et de Djamila ! Ah, Djamila ! Elle cachait donc bien son jeu, la coquine, sous ses airs de musulmane effarouchée. Quant à Alain, cela ne m’étonnait pas du tout de lui.

Toujours est-il que leurs murmures explicites qui montaient crescendo commençaient à m’exciter sérieusement, et j’ai eu l’irrépressible envie de me rincer l’œil. J’ai précautionneusement posé mes pieds sur le rebord de la cuvette, je suis monté dessus en prenant garde de ne pas glisser, afin de les mater par-dessus la cloison de séparation à l’aide d’un miroir que j’avais toujours sur moi à cette époque. Oui, je dois l’avouer, ça aussi : j’étais un maniaque de la raie rectiligne, bien au milieu du crâne. Pour avoir une vue plongeante, on peut dire je l’ai eue. Une vue à tomber à la renverse: La fille avait tout de la pornstar dans l’attente du cliché choc : Jambes tendues à la verticale, ouvertes comme un compas sur une carte de marine, elle était penchée en avant, le dos à l’horizontal et les mains accrochés aux les bords de la cuvette pour maintenir sa position. Ses fesses cambrées émergeaient de sa robe bleue troussée jusqu’à la taille, telles deux atolls de sable blanc dans les vagues du Pacifique. Sauf que le clapotis n’était pas celui des vaguelettes qui agonisent sur une plage. C’était celui de sa chatte au mouillage sous les assauts d’une verge, ou plutot une vergue épaisse comme bitte d’amarrage, longue comme le beaupré d’un brick qui lui emboutissait la poupe après lui avoir fendu l’étrave : un shorty pourpre pour ultime entrave, d’un ensemble en dentelle de chez Charmel pour lequel j’avais claqué une bonne partie de ma première paye ! L’image était floue, ma main tremblait. J’ai perçu le sourire béat du corsaire, sabre au clair, son visage renversé en arrière, ravagé par l’orgasme, et j’ai croisé son regard quand il a refait surface. « Merde ! est-il seulement parvenu à articuler en voyant mes yeux fous dans mon miroir de poche.
- Que se passe-t-il Alain ? Tu as encore déchiré le préservatif ? a soupiré Evelyne en se tournant vers lui.
- Non, pire. "

Je n’ai pas écouté la suite de leurs atermoiements. Je me suis rué à l’extérieur des toilettes avec une envie de tuer. De retour à la table, j’ai vidé le contenu du sac à main d’Evelyne sur les restes de la pizza. J’ai récupéré entre deux olives les clefs de son coupé Alfa-Roméo que « papa » venait de lui offrir pour son anniversaire. Quand je l’ai entendue arriver derrière moi en me disant qu’elle allait m’expliquer, je l’ai allongée d’une gifle sur la table, au milieu des assiettes sales. Moi, je n’avais pas d’autre explication à donner alors je suis sorti sur le parking. J’ai visé le coupé Alfa flambant neuf. J’ai démarré en trombe histoire de le roder, et je suis parti n’importe où mais ailleurs. Sur l’autoroute, entre 180 et 200, je me suis souvenu d’un prof de la fac qui avait hérité d’un petit « château » dans le bordelais : Mr Delavigne, un nom prédestiné. Je ne sais pas trop pourquoi il s’était pris d’amitié pour moi, mais il m’avait proposé de venir le voir dans sa propriété viticole si je passais dans la région cet été là. J’y étais au petit matin.

Devant le portail de sa propriété, aussi gironde que girondine, je n’ai pas eu le cœur de réveiller les Delavigne aussi tôt, mais après avoir passé quatre heures dans la voiture d’Evelyne à respirer son parfum – elle portait un parfum très cher qui collait à tout ce qui lui appartenait – je ne pouvais plus la supporter. J’ai repéré un vieux prunier au bord de l’allée de gravillons blancs qui menait au portail. Avec ce qui me restait de lucidité, j’ai évalué la vitesse qu’il me faudrait atteindre pour y planter l’Alfa sans me faire trop mal en sautant en marche. Du coup, il ne m’en restait plus pour penser à détacher ma ceinture de sécurité avant, et j’ai perdu connaissance en m’encastrant dans l’arbre.

À suivre

Commentaires

Le mardi 17/07/2007 à 12:41 par Un mot passant :

Quel récit! Il traduit rage, colère, blessure. Très très fort! Ecriture magnifique -désolé j'oublie qu'il s'agit d'un aveu...

Le mardi 17/07/2007 à 14:34 par Vintage :

Colère, ou... Jalousie ?

Nullement surpris de vois chez Vagant une aussi pleine et entière leçon d'infidélité !


Le jeu de piste est très sympa sinon. ;-)



V., cherchant le huit dans la nuit...

Le mardi 17/07/2007 à 14:44 par Cali Rise :

Quelle puissance ! Sous les capots des belles et dans tes mots...

Le mardi 17/07/2007 à 16:59 par X-Add :

T'es vache avec les prunes. enfin leurs supports. je reviendrais.

Le mardi 17/07/2007 à 20:58 par pateric :

Détonant parfum que celui de cet étonnant parfum "EVE Line"
Du coup, j'eus compris que tu l'envoy-"asse" dans les roses : ce fût (de La Vigne) tétés assez piquants...
Mais, pas de cul, tu t'emplafonnes un prunier en pleine poire !
Du choc, j'en déduis...
Que tu as un faible pour les belles "italiennes" à la "Pine in Farina"
Que tu n'en possèdes pas moins de "la suite dans les idées"
Que, forcément, tous ces coups-ci de ces derniers temps, les cérémonies de mariage dont tu es témoin(s) (témoignages divers en témoignage d'étais (fort solide d'ailleurs)) puissent te laisser assez père Plêxe (en souplesse très circonflexe) Pour autant, tu me sembles fort père Spicace (un clan sicilien cousin, aux escarres fesses)... Et, un rien père Fide.
Je me marre !

Le mercredi 18/07/2007 à 21:08 par Comme une image :

J'aime beaucoup le « encore » dans « Tu as encore déchiré le préservatif ? ».
Je vois le tag "Fictions" mais je serais curieux de savoir s'il n'y aurait pas quelques éléments biographiques dans cette histoire vibrante !

Le vendredi 20/07/2007 à 10:34 par Vagant pour Un mot :

Merci ! Aveu, aveu… qui te parle d’aveux ?

Le vendredi 20/07/2007 à 14:09 par Vagant pour Vintage :

C’est vrai qu’il y a aussi le thème de la jalousie dans cette histoire. Ça tombe bien, c’est celui de la suite…

Le vendredi 20/07/2007 à 14:10 par Vagant pour Cali :

Merci, en espérant que la suite ne te déçoive pas !

Le vendredi 20/07/2007 à 14:13 par Vagant pour X-Add :

Tu as raison. Fidèle à ma tendance écolo, j’ai sacrifié l’alpha au profit de l’arbre…

Le vendredi 20/07/2007 à 14:14 par Vagant pour Pateric :

À la lecture de ton commentaire, je serais plutôt Père du.

Le vendredi 20/07/2007 à 14:18 par Vagant pour CUI :

Oui, tout est dans le « Encore ». Car si le préservatif est accidenté, la situation est loin d’être accidentelle, d’où ma colère… de papier ! Il y en a au moins un qui est perspicace ;)

Le dimanche 22/07/2007 à 17:05 par Aretina :

Le choix de photo me plait beaucoup... la colere est rouge... et les deux doigts qui serrent le nounours sont aussi comme la colere qui nous ecrase jusqu'a nous faire exploser...

Le mercredi 25/07/2007 à 16:57 par Vagant pour Aretina :

Je trouve cette serie de photos tres chouette. J'espere que l'auteur ne m'en voudra pas trop de les avoir utilisees sans lui demander son accord prealable (on ne s'en sortirait plus). Il s'en rendra probablement compte en regardant ses statistiques et si ca ne lui plait pas, il n'aura qu'a me le dire...

Le dimanche 29/07/2007 à 07:37 par Agatha :

J'arrive un peu, beaucoup en retard pour cause de vacances mais je suis ravie, extrèmement ravie que tu aies accepté l'invitation aux sept aveux ;-) MERCI !
Quelle belle complicité entre Ysé et toi ;-) D'ailleurs, je vous lis au compte-gouttes, c'est plus savoureux !

Ton récit est fluide, très bien écrit et tout ce que j'en retiens c'est la colère, pas vraiment la jalousie même si c'est le fil conducteur. J'ai aimé ce côté impulsif, cette claque au milieu des pizzas et la voiture contre le prunier ! J'aurais aimé avoir cette "lucidité" là, tout bousculer sur mon passage et partir digne ! Mais à l'époque, j'avais 16 ans à peine et le permis... Je ne l'aurais eu que 10 ans plus tard ! ;-)

Le mardi 31/07/2007 à 20:10 par Vagant pour Agatha :

Au risque de te décevoir, j’ai pour ma part un peu triché… Ces 7 aveux (dont deux restent à paraître) sont purement imaginaires. Je suis néanmoins ravi que mon style te plaise et j’espère que les autres épisodes, plus Rabelaisiens dans leur excès, te plaisent tout autant.