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11 février 2007

L'enfer (2)

Catherine dut se battre bec et ongles pour conserver la place libre à côté d'elle. Mais la salle se remplissait inéluctablement, et de guère lasse, elle dut laisser la place à un jeune homme. La séance venait juste de commencer et dans la soudaine obscurité, elle ne pouvait pas bien distinguer ses traits. Il retira son manteau, et posa un sac entre ses jambes. Lorsque les pupilles de Catherine se furent accommodés à l'obscurité, elle jeta un timide coup d'oeil à son voisin. Il lui sembla moins jeune qu'elle l'avait pensé au départ. Une petite trentaine, tout au plus. Et si c'était lui ? Sentit-il la pression du regard de Catherine, ou attendait-il de tourner furtivement ses yeux vers elle, toujours est-il que leurs regards ne se croisèrent pas mais s'accrochèrent comme deux voitures à un carrefour. Ils esquissèrent un sourire gêné avant que leurs yeux ne s'échappent dans la contemplation d'une publicité insipide. "Et si c'était lui ?" se répétait Catherine qui n'osait plus tourner la tête. Elle ne s'était pas imaginé que Vagant put être plus timide qu'elle, à moins qu'il la mette à l'épreuve du premier pas, à moins que ce jeune homme ne soit pas lui, à moins qu'il pense qu'elle n'était pas elle, à moins qu'elle ne lui plaise pas...

Le film commença sans elle. Elle ne percevait que des tâches de lumières qui dansaient sur l'écran et qui se reflétaient sur le visage impassible de son charmant voisin qu'elle regardait maintenant à la dérobée. Il lui aurait bien plu, lui. Et si c'était Vagant ? Il fallait qu'elle en ait le coeur net. Elle finit par opter pour la stratégie du paresseux. Elle allait entamer un langoureux mouvement du genou qui sortirait de sa zone pour empiéter ostensiblement sur celle de son voisin, jusqu'à, suprême audace, le toucher, lorsque le seul rebondissement du film fit tressaillir toute la salle, sursaut qui fit soudainement bouger les jambes du fameux voisin jusqu'à percuter le sournois genou féminin en embuscade. "Excusez-moi" marmonna l'homme tout penaud. "Ce n'est rien" répondit Catherine avec son plus beau sourire sans perdre contact avec la jambe de l'homme en léger repli. Elle crut voir passer un voile devant les yeux de cet homme, et l'esquisse d'un sourire gourmand sur ses lèvres. Il était temps. L'homme finit de se dévoiler par une éloquente pression accentuée de son mollet contre celui de Catherine. En sentant sa chaleur à travers le tissu, Catherine eut l'intime conviction que c'était bien lui.

Il n'y a que le premier pas qui coûte. Il ne s'était pas passé une minute après ce premier contact que leurs mains s'étaient invitées à la fête balbutiante. Celle de Catherine, d'abord, s'était posée sur le genou de son voisin. Elle sentait sous le jean la chaleur de cet homme, ses tressaillements quand ses doigts timides se perdirent entre ces jambes inconnues. Lui, il avait posé sa main sur la cuisse de Catherine, à la lisière de sa jupe. Pas une main conquérante, lourde de velléités libidinales, mais une main timide, une main comme par hasard, une main prête à s'excuser, une main incertaine jusqu'à l'improbable, une main l'air de rien, une main coupable. L'alliance à son doigt brillait comme le réquisitoire d'un procureur. Il osait cependant; de plus en plus même. Il faut dire qu'elle l'encourageait, Catherine, avec ses yeux mi-clos, son souffle court et surtout ses doigts qui s'encanaillaient peu à peu. Après l'avoir effleurée, elle avait finit par lui tâter la bosse, comme on jauge un fruit mûr; et mûr il l'était, tendu, gorgé de jus, plein de sucs qu'il lui tardait de déguster. Leurs regards s'emboîtèrent, brillants, humides, et leurs lèvres s'agrafèrent dans un baiser mordant. La messe était dite. Catherine eu juste le temps de cacher leur étreinte sous son manteau, que les mains de son charmant voisin troussaient sa jupe sans vergogne. Elles s'aventurèrent dans la touffeur de son entre cuisse, au-delà du nylon de ses bas, sur la chair frissonnante déjà, comme prise d'une fièvre tropicale. Là, tout n'était que langueur, furie de volupté. Toute cette envie impérieuse difficilement contenue par un triangle de soie, il la toucha du bout du doigt. A peine avait-il frôlé son bouton qu'un flux de plaisir secoua Catherine en un spasme incontrôlable. Elle échappa à cette main de peur de ne pouvoir retenir ses râles, et elle se pencha sur la braguette qu'elle venait d'ouvrir. Elle y trouva un sexe dur, épais, noueux comme un bâton de berger, dont elle caressa les contours à travers un caleçon aux motifs hawaïens. L'ombre d'un doute s'insinua dans son esprit. "Tu n'as pas mis le boxer de la photo ?" s'interrogea t'elle la bite au poing. "Quelle photo ?" répondit l'ingénu.medium_hawai.jpg

- C'est complet.
- Je vous demande pardon ?
- Je vous dis que la séance est complète !
- Mais comment vais-je faire ? J'ai rendez-vous avec une amie à l'intérieur.

Le guichetier me répondit d'un haussement d'épaule qui me laissa pantois à l'entrée du cinéma. J'eus beau plaider ma cause auprès de l'ouvreur, rien n'y fit, je n'avais plus qu'à espérer que la mystérieuse Catherine n'était pas entrée dans la salle, ou à l'attendre à la sortie. Je pris mon courage à deux mains pour aborder une improbable Catherine en lui disant que j'avais rendez-vous avec une inconnue, ce à quoi elle répondit en riant que ce n'était pas elle. Je finis par me résoudre à improviser une pancarte sur laquelle j'écrivis "CATHERINE" comme d'autres écrivent "j'ai faim". Le cri du bas ventre au lieu du cri du ventre, dirons les mauvaises langues. Si ma triste situation n'attira aucun apitoiement de la part de mes congénères de sexe masculin, ma petite pancarte attira l'attention de quelques femmes qui me soutinrent d'un sourire, voire même de quelques mots d'encouragement pour ma démarche courageusement désespérée. Quelques minutes avant la fin de la séance, je décidai d'attendre Catherine à quelques mètres de là, juste à la sortie de cette maudite salle obscure. Avec ma nouvelle position stratégique, aucun spectateur ébloui ne pouvait me louper. Je scrutais le visage de toutes les femmes qui sortaient, et toutes lisaient ma pancarte avec un air amusé.

Toutes sauf une. Les yeux brillants et les joues rouges, elle marqua un temps d'arrêt, à peine perceptible, juste assez pour me jeter un regard apitoyé. L'homme qui l'accompagnait glissa entre les cheveux de la jeune femme un baiser qui atterrit juste sous le lobe de son oreille. Un baiser irrésistible. Elle rit en posant sur lui un regard brillant. Un jeune couple, sans aucun doute.

A suivre...

Commentaires

Le dimanche 11/02/2007 à 10:29 par affrivolante :

le malheur des uns......

Une jolie fille en fleur dans une ville en pluie...il fallait que "cela" arrive.
Surtout saupoudré d'une touche de Lolita Pille .

Kisses

Le dimanche 11/02/2007 à 11:26 par Comme une image :

Hum...
Vraiment terrible !!

Le dimanche 11/02/2007 à 11:30 par lib :

Excellent...

Le dimanche 11/02/2007 à 23:07 par Soleildejuillet :

C'est toujours un plaisir de se fondre dans tes histoires...
Délicieux moment que de te lire, merci pour le lien :))

Le lundi 12/02/2007 à 10:29 par Vagant :

Afrivollante, mon malheur n'a pas fait le bonheur de mon mystérieux rendez-vous comme je viens de l'écrire dans l'épilogue de cette histoire. Sans doute faudrait-il que je lise Lolita Pille, mais je me méfie de ce type de roman autobiographique: le choc du fond est souvent au détriment du chic de la forme.

Soleil-de-Juillet, CUI & Lib, je suis content que cette histoire vous plaise. Presque entièrement vraie...