Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

« Prostitution et pénalisation du client | Page d'accueil | Réflexions capillaires »

11 février 2016

Osez 20 histoires de correspondance érotique

Osez20HistoiresDeCorrespondanceErotique.jpegCette fois-ci, j’ai impatiemment attendu de recevoir mon exemplaire du dernier recueil de la collection Osez 20 histoires dans ma boîte à lettres, avant de me jeter dessus comme la petite vérole sur le bas clergé. J’ai été agréablement surpris par la diversité du traitement du thème. La correspondance apparaît parfois dans la forme épistolaire de la nouvelle, que ce soit à une voix, deux voix, voire plus si affinités. Mais elle en est parfois l’objet, voire à la fois la forme et le fond, comme dans cette remarquable Correspondances de John Elliott. Je vais, à la différence de ma dernière chronique, vous donner un aperçu plus exhaustif de cet opus, parce ce que c’est selon moi un grand cru. Je vous prie donc de me pardonner la taille excessive de cette note. En la matière, plus c’est bon, plus c’est long.

Avec La reine des abeilles, Axelle F. nous sert l’histoire fort agréable de la seule serveuse d’un grand restaurant qui reçoit des avances rédigées sur le bloc de commande. Je regrette la position du narrateur omniscient alors que l’auteur décrit uniquement le point de vue de la serveuse, mais le rythme est relevé par l’échange épistolaire pétillant aux réparties audacieuses :

« Petite garce. Tu veux me rendre fou. Et puis ce sillage, ton parfum mêlé à ta transpiration. Ça m’a mis la bite en feu, ça. Au bar, j’étais comme un lion en cage. Peux-tu t’imaginer ce que c’est pour un mâle en rut d’avoir le désir qui piétine ? Je te regardais virevolter en salle, les nichons expressifs dans ton décolleté. Il m’a fallu tirer plusieurs fois sur ma tige pour la remettre en place. »

Mélanie et Geek82 d’Anne-Charlotte Tunroc nous plonge dans les pensées d’une jeune thésarde qui se soumet aux ordres pervers d’un inconnu d’internet :

« C’était absurde car j’aurais pu répondre oui sans le faire. Mais je le fis car j’aimais sa manière de me donner des ordres. J’étais fatiguée, mais ma curiosité était éveillée, et j’aimais cette demi-passivité où j’étais plongée. Ça me plaisait d’être sa marionnette. Je laissais ma nuisette tomber sur mon ventre. Je regardais mes seins et je constatais qu’ils pointaient. »

J’aime beaucoup Vincent Rieussec. Avec L’été de l’hirondelle, il nous propose une délicieuse nouvelle épistolaire du seul point de vue d’une femme adultère, qui écrit ses aveux complaisants à son mari cocu. Les hésitations du premier rendez-vous sont décrites avec autant de finesse que sa pornographie délicate :

« Jason a contemplé un instant ma vulve entrouverte nappée de sécrétions poisseuses. Puis il s’est allongé, et des deux mains, il a déployé les petites lèvres trempées d’un jus oncteux. Longuement, il a respiré ma chatte s’enivrant de son fumet. Sa verge se dressait comme un mât de cocagne. Avec application, en gourmet, il a léché le fouillis des muqueuses brûlantes. Soûlé par les vapeurs de mes chairs, il a plongé plus profond sa bouche dans la vulve ouverte et fouillé de la langue mon vagin à la recherche de la mouille grasse qu’il adore tant déguster. »

Je ne connaissais pas John Elliott mais j’ai été tout simplement bluffé par sa nouvelle épistolaire intitulée Correspondances. Elle n’est certes pas aussi excitante que celle de Vincent Rieussec, mais elle est structurée avec une intelligence telle qu’il est parvenu à enchâsser deux correspondances et nous tenir en haleine. On retrouve une même maîtrise chez Clarissa Rivière, dont les Défis épistolaires sont, je dois l’avouer, particulièrement bandants. Il est vrai que cette situation, celle d’un homme qui séduit une femme par écrit pour l’enjoindre à coucher dans les draps ce qu’ils ont couché sur le papier, ne m’est pas inconnue. Je ne résiste pas au plaisir de vous en livrer un passage, où on reconnaîtra l’usage si particulier du verbe aimer cher à l’auteur, mais aussi l’apparition du verbe baiser. Oh ! Clarissa !

« Son maître ne l’a pas fouettée, ni frappée ce soir-là. Il a fait bien pire. Il s’est contenté de l’ignorer pendant qu’il me déshabillait, me caressait. Il m’a aimée longuement, avec feu, sans fatigue apparente. Il s’arrangeait pour me baiser tout près de Marie, qu’elle puisse voir nos sexes s’emboîter malgré ses yeux baissés, sentir l’odeur de nos désirs. Il lui a ensuite ordonné de me faire plaisir, d’un ton sans réplique, et Marie s’est aussitôt exécutée. Elle s’est mise à me lécher tendrement le clitoris tandis que je me faisais prendre vigoureusement par-derrière. Oh, le contraste entre la douceur de sa langue et les coups de boutoir dans ma chatte ! »

La correspondance se prend en queue, de Nicolas Touky, est elle aussi un petit bijou d’originalité qui me rappelle les délices du vouvoiement érotique. Imaginez mesdames, qu’un inconnu dans le métro glisse son adresse dans votre petite culotte. La correspondance qui s’en suit ne manque pas de saveur :

« Mes narines frétillent encore au parfum subtil que vous avez eu la délicieuse audace d’apposer sur ce petit papier. J’ai bandé, madame, en le humant, les yeux fermés. Je bande encore en pensant à la source originelle qui a su produire ce fumet évocateur des sous-bois fleuris de mon enfance, d’un printemps précoce, d’une rosée abondante, chauffée au soleil de mai et qui exhale les parfums enfouis d’un humus généreux. On en mangerait.»

Avec Le secret de tante Anne, Amandine Gantois nous propose, à l’instar de John Elliott, le scénario de la découverte d’une ancienne correspondance aux accents romanesques, entre une bourgeoise visiteuse de prison et un détenu gitan :

« Anne, si je vous avoue sans pudeur mes pensées, c’est pour que vous ne perdiez pas de vue qui je suis. Je vous souillerais comme une vulgaire poupée de chiffon. Je vous baiserais sans ménagement, et une fois repu, je vous laisserais là. Est-ce vraiment cela que vous voulez ? »

Raphael Boudin joue la carte d’une relation atypique entre une femme âgée et un adonis imbu de sa jeunesse dans Vous ne retrouverez jamais plus, une nouvelle aussi intelligente que cruelle :

« Vous n’êtes plus jeune. Vous n’êtes plus ni baisée ni baisable depuis des décennies. Et pourtant, vous souhaitez l’être, de tout votre corps. Vous ne pensez qu’à ça. Vous vivez dans le regret. Ce don rare, ou plutôt cette dépendance à l’amour physique qu’il vous reste, je l’aime. Car cela vous met à ma merci… »

Je n’étais pas parvenu à lire Julien Ligny dans le précédent recueil et j’ai abordé à reculons sa dernière nouvelle intitulée Le rouge de ta queue. On retrouve toujours le thème de l’homosexualité masculine qui ne m’excite pas personnellement, mais j’ai trouvé cette nouvelle aussi bien écrite que bien construite. La juxtaposition de la correspondance et des pensées du protagoniste principal est particulièrement réussie. Entre amis, de Louise Laëdec joue la carte de l’erreur de destinataire dans une correspondance subtile et excitante, pleine de sous-entendus, qui entraîne des amis vers l’adultère et la trahison :

« Chère Anna, Théo a beau être mon meilleur ami, il n’en reste pas moins que je t’apprécie énormément, et que je suis navré qu’il ne parvienne pas à te satisfaire. Votre vie sexuelle ne me regarde pas, en effet, mais quelque part, je ne peux pas m’empêcher de penser que ton erreur de destinataire est un acte manqué… En tant qu’homme, peut-être pourrais-je t’aider… »

Encore une nouvelle épistolaire avec Un seul être vous manque de Jean Darmen où une femme attend son amant et découvre… mais que découvre-t-elle au juste ? On ne le sait qu’à la fin de ce texte bien mené mais si soft qu’il n’est peut-être pas aussi excitant qu’il aurait pu l’être. On ne peut pas en dire autant du texte d’Aude Dite Orium intitulé Lettre ouverte à Colette James auteur de nouvelles érotiques, qui est ni plus ni moins que la description d’un viol collectif. Je déteste être excité par l’abject, même s’il me faut bien reconnaître ce talent à l’auteur. Ce recueil se termine par ma nouvelle préférée, Des mots de feu de Julie Derussy. L’auteure est parvenue à allier le souffle romanesque à un érotisme torride, tout en distillant des phrases remarquables que je ne citerai pas pour ne pas dévoiler l’intrigue. J’ajouterai simplement que le prénom de la principale protagoniste a été judicieusement choisi.

MensongesAuParadis.pngQuant à moi, je vous propose Mensonges au paradis, une nouvelle épistolaire perverse, à plusieurs voix, inspirée par le modèle indépassable des liaisons dangereuses, bien que son ton soit résolument moderne. Sur ces encouragements à lire cet opus, je vais me remettre à l’ouvrage car j’ai une histoire de vestiaires sur le feu…

13:57 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : écriture, erotisme

Commentaires

Le jeudi 11/02/2016 à 16:51 par Clarissa Rivière :

Merci pour cette très belle chronique, complète et alléchante... vous me donnez très envie de le lire ! J'ai l'impression que ce recueil est particulièrement réussi...

Le jeudi 11/02/2016 à 17:28 par Aude Dite Orium :

Merci pour votre chronique.

Le jeudi 11/02/2016 à 17:48 par auteur :

Merci infiniment Vagant, et au plaisir de te rendre la pareille
(un des rares auteurs dont tu n'as pas parlé)

Le jeudi 11/02/2016 à 23:28 par Vagant :

@Clarissa: Vous l'avez probablement reçu par la poste, et pour vous débarrasser de la tentation de le lire, je vous invite à y céder.

@Aude Dite Orium: De rien ! Votre nouvelle m'a troublé à plus d'un titre, celui de m'exciter et ensuite d'avoir honte de cette excitation. Cela rejoint la problématique de l'érotisme éthique que j'avais essayé de développer sur ce blog voici quelques temps. Je vais sans doute revenir sur ce sujet lors que j'aurai les idées un peu plus claires.

@Auteur inconnu: Je suis navré de vous avoir déçu mais j'avais le choix entre écrire pourquoi j'avais moins aimé votre nouvelle que les autres, ou ne rien écrire du tout à son sujet. J'ai opté pour la seconde option, par paresse d'abord, et ensuite parce qu'il m'a semblé plus courtois envers les auteurs et la Musardine de ne pas critiquer ouvertement certaines nouvelles sélectionnées. Je ne me serais en aucun cas livré à d'artificiels commentaires laudateurs de toutes les nouvelles du recueil. Sans doute n'avez-vous pas aimé ma nouvelle et je n'en prendrais pas ombrage, on ne peut pas plaire à tout le monde.

Le vendredi 12/02/2016 à 12:40 par Auteur inconnu :

L'indifférence, c'est ce qu'il y a de pire, Cher Vagant. Mieux vaut une critique constructive.

Le vendredi 12/02/2016 à 21:38 par Vagant :

@Auteur inconnu: Je ne sais pas si j'aurais été en mesure d’écrire une critique constructive des textes que j'ai moins aimés, et je n'en avais surtout pas très envie. Le principal n'est-il pas d'avoir été sélectionné pour plaire à d'autres lecteurs ? Mon opinion subjective a si peu d'importance.

Le lundi 15/02/2016 à 23:15 par Louise Laëdec :

Je m'aperçois que j'ai oublié de vous remercier pour cette chronique, je répare mon erreur, et en profite pour vous dire que j'ai apprécié votre nouvelle machiavélique.

Le lundi 15/02/2016 à 23:40 par Vagant :

@ Louise Laëdec : Je vous remercie à mon tour. Avez-vous un blog ou une page sur les réseaux sociaux vers lequel établir un lien ?

Le mardi 23/02/2016 à 17:04 par Louise Laëdec :

J'ai une petite page "auteur", mais vous-même n'en avez pas, non ?

Le mardi 23/02/2016 à 22:20 par Vagant :

@ Louise Laëdec : Je n'ai pas trouvé votre petite page, où est-elle cachée ? Sur facebook ? En ce qui me concerne, je n'ai que ce blog et un compte twitter.

Le samedi 27/02/2016 à 00:23 par Louise Laëdec :

Oui, sur Facebook... :)