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13 janvier 2014

Gamiani

Est-il possible d’écrire un roman érotique sans utiliser les grossièretés communes au genre ? C’est le défi auquel ce serait attelé Alfred de Musset, en relevant la gageure d’y parvenir en trois jours, et sans doute deux nuits. C’est ainsi que fût publié en 1833 Gamiani ou deux nuits d’excès. Au-delà de la double contrainte de la forme et du temps imposée pour parvenir à ses fins, Alfred de Musset en satisfait une troisième, celle du fond conformément aux valeurs esthétiques et morales du romantisme dont il est une égérie. Alors qu’il écrit à la même période les caprices Marianne , qui voit le triomphe de la morale sur l’amour entaché par le libertinage, Les deux nuits d’excès d’Alfred de Musset se terminent plus mal encore, conformément à la morale chrétienne au pied de la lettre de Paul aux Romains : « le salaire du péché c’est la mort ».

Gamiani met en scène un trio : l’innocence de Fanny, le désir d’Alcide et la débauche de Gamiani, auxquels correspondent traits pour traits Marianne, Coelio et Octave dans les caprices de Marianne. Évidemment, si le trio de Marianne est romantique à souhait, celui de Gamiani est érotique à point : Malgré la contrainte des mots choisis, les scènes les plus crus qui y sont détaillées satisfont les genres les plus scabreux. Le procédé narratif est aussi astucieux : les scènes d’action qu’on imagine fort bien entre les trois protagonistes, sont entrecoupées par leurs récits sulfureux qui réchauffent leurs sens et les poussent à de nouvelles lubricités. Quant à la forme théâtrale, elle confère à l’ensemble une délicieuse désuétude, mais pas seulement…

 

FANNY.

 Quel fâcheux contretemps ! La pluie tombe à torrents, et pas une voiture !

GAMIANI.

Je suis désolée comme vous ; par malencontre, ma voiture est chez le sellier.

FANNY.

Ma mère sera inquiète.

GAMIANI.

Soyez sans crainte, ma chère Fanny, votre mère est prévenue ; elle sait que vous passez la nuit chez moi. Je vous donne l’hospitalité.

FANNY.

Vous êtes trop bonne, en vérité ! Je vais vous causer de l’embarras. 

GAMIANI.

 Dites un vrai plaisir. C’est une aventure qui me divertit… Je ne veux pas vous envoyer coucher seule dans une autre chambre ; nous resterons ensemble.

FANNY.

 Pourquoi ? je dérangerai votre sommeil.

GAMIANI.

 Vous êtes trop cérémonieuse… Voyons ! soyons comme deux jeunes amies, comme deux pensionnaires.

Un doux baiser vint appuyer ce tendre épanchement.

 – Je vais vous aider à vous déshabiller. Ma femme de chambre est couchée ; nous pouvons nous en passer… Comme elle est faite ! heureuse fille ! j’admire votre taille !

FANNY.

 Vous trouvez qu’elle est bien ?

GAMIANI.

 Ravissante !

FANNY.

 Vous voulez me flatter…

GAMIANI.

 Oh ! merveilleuse ! Quelle blancheur ! C’est à en être jalouse !

FANNY.

 Pour celui-là, je ne vous le passe pas : franchement, vous êtes plus blanche que moi.

GAMIANI.

 Vous n’y pensez pas, enfant ! ôtez donc tout comme moi. Quel embarras ! on vous dirait devant un homme. Là ! voyez dans la glace… Comme Pâris vous jetterait la pomme ! friponne ! elle sourit de se voir si belle… Vous méritez bien un baiser sur votre front, sur vos lèvres ! Elle est belle partout, partout !

La bouche de la comtesse se promenait lascive ; ardente, sur le corps de Fanny. Interdite, tremblante ; Fanny laissait tout faire et ne comprenait pas. C’était bien un couple délicieux de volupté, de grâces, d’abandon lascif, de pudeur craintive. On eût dit une vierge, un ange aux bras d’une bacchante en fureur. Que de beautés livrées à mon regard, quel spectacle à soulever mes sens !

gamiani.png

En cherchant bien, ami lecteur, vous trouverez sans doute une adaptation pornographique peu respectueuse de l’œuvre originale (même si je ne comprends pas un traitre mot d’Italien ni d'Ukrainien, on peut suivre l’action sans trop de difficulté), et dont je répugne à vous donner le lien. Je vous prie de ne point blâmer ma pudibonderie passagère, d’autant plus que Google serait votre ami, mais de rêver avec moi à une adaptation théâtrale sans doute inimaginable de nos jours.

14:43 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : gamiani