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22 novembre 2014

Pourquoi écrire ?

Après quelques échecs successifs en réponse aux appels à texte pour la collection Osez 20 histoires, au concours B Sensory, sans parler du concours avorté sur WLW, j’en suis venu à me poser des questions sur mon style et l’intérêt érotique de mes histoires. En correspondant avec ChocolatCannelle et Julie Huleux, j’en ai conclu que le succès éditorial était surtout une question d’adéquation entre le texte proposé et la ligne éditoriale visée, mais la véritable question à se poser est  pourquoi écrire ? Écrit-on pour se faire plaisir, ou pour faire plaisir au plus grand nombre ?

Gilles Milo-Vacéri exprime sa vision des choses avec humour sur une note qui compare l’écriture et la cuisine. Auteur incroyablement prolifique (9 romans publiés en deux ans, du roman historique au polar sans compter une pléthore de nouvelles érotiques !) son choix est celui de l’efficacité au service du plaisir d’un maximum de lecteurs, et surtout de lectrices. Car la maison d’édition qu’il a choisie pour éditer la plupart de ses nouvelles érotiques est HQN, avec un important volume de vente pour son  principal cœur de cible : la ménagère de moins de cinquante ans. Si cette cible féminine apprécie les situations érotiques corsées, il lui faudrait, selon Julie Huleux, de « l’érotisme en dentelle ». Pas de mots crus, pas de descriptions génitales trop précises. De l’érotisme mais pas de pornographie.

libres_echanges.jpgJ’ai ainsi décortiqué une nouvelle de Gilles Milo-Vacéri intitulée « Libres échanges » dont le pitch laisse imaginer des scènes torrides entre deux couples échangistes. Le contrat est bien rempli car en 25 pages on a droit aux principales combinaisons sexuelles auxquelles on peut s’attendre dans une joyeuse bisexualité assumée. Là où l’auteur est fort, c’est qu’il parvient à décrire tout cela sans utiliser une seule obscénité : pas un cul, pas une bite, pas une queue,  pas une chatte, ni la moindre couille et encore moins de foutre ou de mouille. Mieux encore, le vocabulaire gynécologique est proscrit ! Pas de verge, pas de pénis, pas de gland, pas de vulve, pas d’anus, pas de phallus, pas de sperme. On compte toutefois 9 fesses, 14 seins, 6 érections, 5 clitoris et un seul vagin.

Que reste-t-il de nos amours, me demanderez-vous ? Des périphrases ! Il y a du sexe, beaucoup de sexe, 39 occurrences exactement, et à toutes les sauces. « sexe bandé », « sexe durci » ou « sexe triomphant » pour les uns. « sexe mouillé », « sexe offert » et « sexe trempé » pour les autres. Détaillons un peu les pratiques. On a de la fellation. Seulement 3 occurrences du mot mais beaucoup plus dans les faits car il y a des « sexe[s] pris en bouche ». Toutefois les verbes sucer et lécher semblent absents. Pas de cunnilingus, mais des lèvres que l’on pose sur un sexe féminin. Pas de sodomie mais une "colonne de chair entre les reins". Rien à signaler niveau sensations, je compte 5 extases, 6 orgasmes, 23 plaisirs, 13 désirs et 5 excitations.

En fin de compte, cette cuisine fonctionne bien malgré les ingrédients limités. Jugez-en plutôt avec cette courte citation : « Quand elle sentit qu’on lui relevait la tête en tirant sur ses cheveux, Kathy protesta, s’éloignant avec peine du sexe offert de son amie, mais elle sourit en découvrant sous ses yeux le sexe d’Olivier qu’elle prit immédiatement en bouche tout en le caressant lentement. Au même instant, elle sentit les mains de Théo écarter ses fesses et elle se cambra. Fermant les yeux, elle poussa un long gémissement quand la brûlure déchirante de ses reins devint le plaisir d’être soumise par ce sexe aussi dur qu’une colonne de marbre. Long, incroyablement ferme mais dont les chairs douces et chaudes lui procuraient un plaisir incroyable. Théo s’enfonça d’un seul coup et Kathy le vécut comme une folle pénétration, pleine d’érotisme, de passion et sous la coupe d’une suprême domination. Elle hurla son bonheur. »

Je ne sais pas si cette nouvelle est représentative de ce qui est publié chez HQN, mais si tel est le cas, il vaudrait mieux passer son texte au crible avant de le leur proposer, ce qui peut être perçu par certains auteurs comme un frein à leur créativité. Tout dépend donc bien de la motivation de l’auteur. Est-ce alimentaire ? Est-ce un besoin de reconnaissance ? Est-ce un besoin d’expression personnelle ?

Cela est bien résumé par cet entretien avec Daniel Nguyen, auteur maintes fois publié par la Musardine, qui indique avoir un travail alimentaire afin de pouvoir s’exprimer sans contraintes sur le plan littéraire et artistique.

Et maintenant, que vais-je faire ? N’ayant ni la capacité ni l’envie d’être un auteur professionnel, je vais me contenter de ce que je peux produire en amateur tout en me faisant plaisir, en proposant quelques texte inédits de temps en temps à des éditeurs susceptibles de les accepter.