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22 novembre 2014

Pourquoi écrire ?

Après quelques échecs successifs en réponse aux appels à texte pour la collection Osez 20 histoires, au concours B Sensory, sans parler du concours avorté sur WLW, j’en suis venu à me poser des questions sur mon style et l’intérêt érotique de mes histoires. En correspondant avec ChocolatCannelle et Julie Huleux, j’en ai conclu que le succès éditorial était surtout une question d’adéquation entre le texte proposé et la ligne éditoriale visée, mais la véritable question à se poser est  pourquoi écrire ? Écrit-on pour se faire plaisir, ou pour faire plaisir au plus grand nombre ?

Gilles Milo-Vacéri exprime sa vision des choses avec humour sur une note qui compare l’écriture et la cuisine. Auteur incroyablement prolifique (9 romans publiés en deux ans, du roman historique au polar sans compter une pléthore de nouvelles érotiques !) son choix est celui de l’efficacité au service du plaisir d’un maximum de lecteurs, et surtout de lectrices. Car la maison d’édition qu’il a choisie pour éditer la plupart de ses nouvelles érotiques est HQN, avec un important volume de vente pour son  principal cœur de cible : la ménagère de moins de cinquante ans. Si cette cible féminine apprécie les situations érotiques corsées, il lui faudrait, selon Julie Huleux, de « l’érotisme en dentelle ». Pas de mots crus, pas de descriptions génitales trop précises. De l’érotisme mais pas de pornographie.

libres_echanges.jpgJ’ai ainsi décortiqué une nouvelle de Gilles Milo-Vacéri intitulée « Libres échanges » dont le pitch laisse imaginer des scènes torrides entre deux couples échangistes. Le contrat est bien rempli car en 25 pages on a droit aux principales combinaisons sexuelles auxquelles on peut s’attendre dans une joyeuse bisexualité assumée. Là où l’auteur est fort, c’est qu’il parvient à décrire tout cela sans utiliser une seule obscénité : pas un cul, pas une bite, pas une queue,  pas une chatte, ni la moindre couille et encore moins de foutre ou de mouille. Mieux encore, le vocabulaire gynécologique est proscrit ! Pas de verge, pas de pénis, pas de gland, pas de vulve, pas d’anus, pas de phallus, pas de sperme. On compte toutefois 9 fesses, 14 seins, 6 érections, 5 clitoris et un seul vagin.

Que reste-t-il de nos amours, me demanderez-vous ? Des périphrases ! Il y a du sexe, beaucoup de sexe, 39 occurrences exactement, et à toutes les sauces. « sexe bandé », « sexe durci » ou « sexe triomphant » pour les uns. « sexe mouillé », « sexe offert » et « sexe trempé » pour les autres. Détaillons un peu les pratiques. On a de la fellation. Seulement 3 occurrences du mot mais beaucoup plus dans les faits car il y a des « sexe[s] pris en bouche ». Toutefois les verbes sucer et lécher semblent absents. Pas de cunnilingus, mais des lèvres que l’on pose sur un sexe féminin. Pas de sodomie mais une "colonne de chair entre les reins". Rien à signaler niveau sensations, je compte 5 extases, 6 orgasmes, 23 plaisirs, 13 désirs et 5 excitations.

En fin de compte, cette cuisine fonctionne bien malgré les ingrédients limités. Jugez-en plutôt avec cette courte citation : « Quand elle sentit qu’on lui relevait la tête en tirant sur ses cheveux, Kathy protesta, s’éloignant avec peine du sexe offert de son amie, mais elle sourit en découvrant sous ses yeux le sexe d’Olivier qu’elle prit immédiatement en bouche tout en le caressant lentement. Au même instant, elle sentit les mains de Théo écarter ses fesses et elle se cambra. Fermant les yeux, elle poussa un long gémissement quand la brûlure déchirante de ses reins devint le plaisir d’être soumise par ce sexe aussi dur qu’une colonne de marbre. Long, incroyablement ferme mais dont les chairs douces et chaudes lui procuraient un plaisir incroyable. Théo s’enfonça d’un seul coup et Kathy le vécut comme une folle pénétration, pleine d’érotisme, de passion et sous la coupe d’une suprême domination. Elle hurla son bonheur. »

Je ne sais pas si cette nouvelle est représentative de ce qui est publié chez HQN, mais si tel est le cas, il vaudrait mieux passer son texte au crible avant de le leur proposer, ce qui peut être perçu par certains auteurs comme un frein à leur créativité. Tout dépend donc bien de la motivation de l’auteur. Est-ce alimentaire ? Est-ce un besoin de reconnaissance ? Est-ce un besoin d’expression personnelle ?

Cela est bien résumé par cet entretien avec Daniel Nguyen, auteur maintes fois publié par la Musardine, qui indique avoir un travail alimentaire afin de pouvoir s’exprimer sans contraintes sur le plan littéraire et artistique.

Et maintenant, que vais-je faire ? N’ayant ni la capacité ni l’envie d’être un auteur professionnel, je vais me contenter de ce que je peux produire en amateur tout en me faisant plaisir, en proposant quelques texte inédits de temps en temps à des éditeurs susceptibles de les accepter.

Commentaires

Le dimanche 23/11/2014 à 03:25 par Rita Renoir :

Une petite hésitation avant d'envoyer ce commentaire. Car de simple lectrice curieuse, on passe de l'autre côté du miroir. Comme Alice on craint la chute dans le terrier du lapin.
Vous avez raison de vous poser la question sur les histoire d'adéquation entre texte proposé et ligne éditoriale. C'est effectivement le nerf de la guerre pour une maison d'édition.
Cependant je n'arrive pas à croire que vous puissiez avoir comme une forme de regret que vos textes ne puissent être publiés par HQN. Sans vouloir critiquer un éditeur (il y a toute sorte de lecteurs et il en faut pour tous les goûts) il s'agit pour moi de livres roses et faciles et d'écriture au kilomètre. Il me semble, à vous lire depuis quelques temps, que vous avez d'autres ambitions.
Quant à vos textes, ils ne sont pas inintéressants. Mais vous avez parfois une fâcheuse tendance à tomber dans un excès de facilité. J'ai noté entre autre une tendance à répéter certaines de vos expressions. Comme si une fois que vous aviez trouvé un bon mot, une jolie formule, vous teniez à la resservir à vos lecteurs. Et c'est fort dommage. Mais bien entendu, comme je sors un peu de nulle part, vous vous demanderez qui je suis pour me permettre ce genre de remarques. Je ne suis pas venue par ici pour déclencher des hostilités...

Le dimanche 23/11/2014 à 08:41 par Julie-Anne de Sée :

Un brin de découragement, voire d'une amertume dubitative me semblent pointer méchamment le bout de leurs griffes dans vos propos. En revanche, LA question est en effet non seulement pourquoi écrire, mais pour qui ? Avant tout, pour soi. Écrire est un plaisir hautement solitaire, sans doute narcissique, parfois.. thérapeutique, un exutoire. Ensuite, vient le souci de plaire, au lecteur potentiel. Le bât blesse si l'on souhaite être lu du plus grand nombre (le cœur de cible, comme au supermarché !) puisqu'il faut s'en tenir à la stricte ligne éditoriale de l'éditeur que vous évoquez avec un exemple précis. Donc, pourquoi poursuivre ? Pour soi, d'abord, restons narcissique comme l'est devenue notre étrange société et aussi pour ceux qui nous lisent tels que nous sommes et nous apprécient, même s'ils ne sont pas aussi nombreux que les lecteurs d'un Lévy ou d'un Musso ! Quant à l'attribution des prix littéraires, pour aller plus loin... Avez-vous lu le dernier Modiano nobellisé ? J'ose vous le confier: je ne l'ai pas aimé du tout... Je n'ai pas terminé la lecture de votre Sans vain cœur ni vain cul, dont le déroulé de l'histoire m'a amusée jusqu'alors et donné envie de poursuivre, ce que je ne vais pas manquer de faire. Je me permettrai peut-être, avec votre agrément de vous en livrer mes commentaires ? Mais surtout, en aucun cas ne lâchez votre plume, et foin des concours et autres sites sur lesquels nous postons nos petites histoires sans qu'elles remportent les suffrages ou les palmes escomptés ! Je vous lis, j'aime vos textes, j'ai voté pour vous, alors de grâce, chassez ces vilaines pensées, passez outre et... A votre stylo ! Bien à vous, Julie-Anne

Le dimanche 23/11/2014 à 14:18 par Comme une image :

Mon cher Vagant,

Intéressante cette analyse que tu as fait de l'écriture de Gilles Milo-Vacéri ! Je brûlais d'avoir un extrait parce que l'analyse lexicographique ne me permettait pas d'en saisir l'essence. Périphrases, donc, évocation plus que description ; je pense qu'à La Musardine, on attend autre chose.

En creux, ta note explique bien pourquoi, de mon côté, je ne souhaite pas être publié : parce que je veux conserver à mon écriture son côté, sinon spontané, du moins à l'écoute de mes propres règles. Mon plaisir d'écrire est là ; et je crois que je transmets ce plaisir à mes lecteurs – et tant pis si c'est trop ceci pour HQN ou pas assez cela pour la Musardine ;)

Le dimanche 23/11/2014 à 17:47 par Brigit :

"Long, incroyablement ferme mais dont les chairs douces et chaudes lui procuraient un plaisir incroyable." aouch... y a t il un relecteur chez l'éditeur ?

bon, vous pensez avoir identifié la cible, pour qui est-ce publié ? certes mais... écrire et publier sont deux choses différentes, il me semble.

sinon, je suis le premier com : d'après ce que vous en écrivez, c'est de la littérature d'un érotisme léger, facile pas trop paillard et qui n'a rien à envier à certaines productions romance "spicy" (ou pas d'ailleurs) anglo-saxonnes traduites en français où l'on utilise les mêmes euphémismes. au fait, de la romance, cela en est peut-être ?
donc facile à lire. juste la petite dose de sensualité et de transgression nécessaire mais pas trop quand même.
personnellement, j'aime bien les romans estampillés "cowboy" ou "régence", voire "victorien", avec des histoires de débauchés diverses et variées, tenanciers de club SM dans le midwest, éleveur de broncos gays (le rancher, pas le taureau) dans les grandes plaines, lords déchus et autres canailles au coeur d'artichaud mais fort bien membrés pour demoiselles pas si ingénues ou jeunes valets affamés dans un Londres trouble et troublant.
en général, cette littérature obéit à des codes, des règles très précises que les lectrices (voire les lecteurs) s'attendent à retrouver d'un bouquin à l'autre.

cela dit, la production estampillée "érotique" française est pour moi confidentielle et décevante. au pire, littérature de gare. au mieux... les vaillants effort de la musardine. le dernier bouquin acheté à une dédicace de la musardine m'est tombé des mains dès la 3è page, n'a pas résisté davantage à une seconde chance par acquis de conscience. dé-ce-vant.

pour avoir un peu connu le monde de l'édition, qui peut dire ce que veut le public, ni ce qui fera un best-seller ? pas grand monde. d'ailleurs c'est qui la ménagère de moins de 50 ans, une amie à vous j'espère ? [à mon avis, un spécimen rare, en voie de disparition]
et qui écrit pour elle ? vraiment qui, au-delà des lieux communs et de vedettes des médias qui en réalité vendent souvent très peu. l'une des auteures non seulement les plus achetée mais lue de la fameuse ménagère est Franç*ise Bourdin, quasi invisible et inaudible sur les médias mais certainement star des bibliothèques municipales et des librairies. vous le saviez ?

pourquoi écrire ? j'aurais tendance à dire que si l'on se pose la question, c'est foutu. certes on peut avoir une période de doute, mais si on se met à comparer, à examiner ce qui est publié, ce qui a du succès... alors, certaines questions n'ont pas forcément besoin de réponse.

Le dimanche 23/11/2014 à 18:07 par GreenLullaby :

On écrit pour soi avant tout, je pense que c'est le postulat de départ. Après, on peut avoir besoin d'une reconnaissance pour une raison ou une autre, et se soumettre à des impératifs dictés par un éditeur ou un organisateur de concours : cela donne une écriture moins spontanée, et tout le problème est de parvenir à "sentir" suffisamment le sujet ou les contraintes pour y trouver tout de même plaisir.

Je pense que nous avons 2 conceptions différentes du blog, vous et moi (à ce que j'ai lu ici même il y a quelques jours, en fouinant dans les archives - oui, je visite quand vous n'êtes pas là !). Je prends le mien comme un journal, un support de réflexion : si ça peut aboutir à des billets plus esthétiques ou marquants que d'autres, tant mieux, mais ce n'est pas un enjeu. Vous me semblez plus dans la création littéraire. Si je puis me permettre, parce que vous semblez vous remettre en question et susciter des avis, vous gagneriez peut-être à moins réfléchir lorsque vous écrivez. J'ai l'impression que vous mettez en scène le personnage Vagant en décrivant ses actes, au lieu de le laisser s'exprimer et manifester ses sentiments. Ne le prenez pas mal, surtout (comme l'a dit précédemment quelqu'un, qui suis-je pour émettre un avis ?), mais vos histoires - pour bien écrites qu'elles soient, ça vous le savez - manquent souvent de chaleur, de spontanéité, d'authenticité. A mon goût du moins, et cela n'engage que moi. Quoiqu'il en soit, je continue à vous lire avec plaisir.

Le dimanche 23/11/2014 à 23:39 par GreenLullaby :

... et je suis en train de me dire qu'il s'agit sans doute chez vous d'une forme de pudeur :-)

Le mardi 25/11/2014 à 13:09 par Vagant :

@Rita Renoir : Je n’avais jamais pensé à la dimension érotique de la chute dans le terrier du lapin, quand on considère la capacité sexuelle de l’animal en question. Vous n’avez rien à craindre, je suis sage comme une image !
Je vous trouve bien dure avec HQN, même si vous faites semblant de ne pas vouloir critiquer cet éditeur. S’il n’y avait que des Flammarion et autres Gallimard, quel auteur pourrait espérer ne serait-ce qu’arrondir ses fins de mois difficiles en écrivant des romans qui n’ont certes pas vocation à gagner le Goncourt, mais donnent bien du plaisir aux gens qui les lisent ? J’ai pour ma part le fantasme de voir « Vagant » imprimé sur la couverture d’un bouquin. Un besoin de reconnaissance sans doute, ou peut-être le report éditorial d’un certain besoin de séduire. Compte tenu de mon genre de prédilection, je ne m’imagine pas viser plus haut que la Musardine ou HQN, justement, car ma véritable ambition est de faire de l’érotisme sans être idiot en apportant une dimension psychologique ou culturelle au lecteur tout en l’excitant un peu. Voilà tout (en vérité je rêve d’écrire une version contemporaine des liaisons dangereuses mais je n’y parviendrai pas).
Je vous remercie pour vos remarques sur les défaillances de mon style, que j’essaie de corriger. Peut-être lirez-vous d’ici quelques temps de nouveaux textes, ici ou ailleurs, qui vous permettront de juger de mes éventuels progrès. Mais au fait, qui êtes-vous ?

Le mardi 25/11/2014 à 13:09 par Vagant :

@Julie : Le découragement a vite cédé la place à l’espoir grâce à de nouveaux projets. Je vous remercie de vous être lancé dans cette première partie de mon roman malgré toutes ses imperfections, non seulement au niveau du style mais aussi de la construction compliquée. C’est tout le problème lorsqu’on veut restituer dans un récit érotique toutes les émotions ressenties « in real life », tout en collant au plus près à la réalité, notamment celle de la correspondance. Je ne crois pas avoir trouvé la solution et je serais ravi de lire vos commentaires à ce sujet, en toute franchise.

Le mardi 25/11/2014 à 13:10 par Vagant :

@CUI : Je crois que les attentes de la Musardine et celles d’HQN sont différentes, et je crains d’avoir en quelque sorte le cul entre deux chaises : J’ai tendance à utiliser des mots crus qui ne conviennent pas à HQN, mais aussi à me plonger dans des arcanes psychologiques qui ne conviennent pas à la Musardine. Les éditions Dominique Leroy sont plus ouvertes grâce à plusieurs collections pour tous les goûts. Mon texte refusé par la Musardine sera peut-être publié chez D. Leroy à condition d’en pondre d’autres sur le même thème. Celui refusé par B Sensory est entre tes mains.
Je comprends parfaitement que tu ne souhaites pas aller sur le terrain de l’édition, non seulement pour des raisons de liberté de ton, mais aussi de liberté tout court ! Nous sommes, dans une certaine mesure, de la même étoffe : celle des blogs intimes aux ambitions littéraires. La principale différence entre nous est que tu es parvenu à quelque chose de bien plus abouti que moi, tant sur le fond que la forme. Ainsi trouves-tu ton épanouissement auprès de tes infidèles lectrices qui te rétribuent en nature, ce qui doit être bien plus satisfaisant qu’une poignée d’euros imposables. Tout cela n’est possible que dans le strict respect de ta vie privée, et tu ne pourrais pas afficher tes boucles d’or en quatrième de couverture d’un livre érotique signé CUI, sans risquer l’accident matrimonial. En ce qui me concerne, je n’imagine pas ma trombine en quatrième de couverture non plus, ce qui restreint mes ambitions à quelques éditeurs spécialisés.

Le mardi 25/11/2014 à 19:35 par Plume d'Envies :

Comme cela a été dit, écrire, c'est d'abord se faire plaisir à soi-même. Ensuite, parfois, l'ego se rappelle à notre plume et, sainement, nous avons des envies d' "ailleurs". Je partage vos réflexions sur le sujet néanmoins, et n'ai même pas tenté, pour ma part, de transmettre un quelconque écrit à un quelconque éditeur. Chapeau pour ce pas effectué en tous cas.

Le mardi 25/11/2014 à 22:59 par Vagant :

@Brigit : Cette nouvelle de Gilles Milo-Vacéri n’est pas de la romance. Il a écrit une note à ce sujet où il explique ne pas être parvenu à écrire une romance parce qu’il n’en maitrise pas assez les codes. Je pense que Gilles Milo-Vacéri écrit un érotisme classique de bonne facture en évitant soigneusement tout vocabulaire paillard ou gynécologique conformément à la demande de sa maison d’édition. Je suis sincèrement admiratif de sa productivité.
À la différence de la littérature générale, dont on peut apprécier la forme ou le fond et idéalement les deux à la fois, l’érotisme s’adresse le plus souvent à une lectrice qui attend un fond correspondant à ses fantasmes, et où la forme est secondaire. Tomber sur du Chateaubriand est un plus, mais pas question de devoir lire une note en bas de page ou d’ouvrir un dictionnaire pour imaginer la couleur de la chaire marmoréenne de l’héroïne. Ce qui importe est bien le rythme, la montée progressive de l’érotisme, nécessaire préliminaire qui amènera notre lectrice dans un certain état d’excitation sexuelle au moment où l’héroïne atteint l’orgasme, l’extase, le plaisir suprême, prend son pied, rayez les mentions inutiles. Alors que certaines femmes apprécient une bonne claque sur les fesses pendant la levrette, d’autres veulent entendre des mots d’amour murmurés à l’oreille, et certaines ne jouissent qu’en entendant des insultes, et tout cela en fonction de l’amant à pied d’œuvre car on ne s’amuse pas avec Paul comme avec Jacques ou Mamadou. Comment le pauvre auteur peut-il s’y retrouver ? En se fiant au fait que la lectrice l’a choisi sur la base du titre, de la 4ème de couverture et du style de la maison d’édition. Pour une lectrice qui achète son érotisme chez HQN, il faut des sexes bandés doux et chauds qui apportent le plaisir suprême, pour celle qui achète chez fucklagrognasse.com il faut des grosses bites qui défoncent à couilles rabattues, et pour vous des hommes obéissants qui marchent à la cravache dans un style impeccable qui sied au CSP+. Le souci est que vous n’êtes pas rentable ma chère Brigitte, vous êtes un micro-marché qui peut s’épanouir outre atlantique mais en France, c’est moins sûr. Il est donc peu probable que vous trouviez votre bonheur érotique francophone, sauf peut-être sur des blogs amateurs spécialisés.
Pourquoi écrire donc ? En tant qu’amateur, d’abord pour soi, et c’est honorable. En tant que professionnel, pour une ligne éditoriale, ce qui est un choix tout autant honorable. Et si c’est foutu, ça ne m’empêchera pas de récidiver : « Errare humanum est, perseverare diabolicum »

Le mardi 25/11/2014 à 23:11 par Vagant :

@Green : Nous avons 2 conceptions du blog différentes mais je crois que nous sommes d’accords sur la motivation première de l’écriture. Vous avez raison, j’ai mis en scène le personnage Vagant, mais je n’ai pas su décrire ses actes ! Un comble alors que j’en étais l’observateur privilégié ! En vérité, il n’est pas facile d’être à la fois un personnage romanesque et l’auteur du roman où le personnage s’ébat. Comme le dit l’adage, on ne peut être à la fois juge et partie, surtout quand on a ses parties en contact direct avec les autres protagonistes. Eluder le principal, cette forme de pudeur selon vous, n’est en fait qu’une forme d’hypocrisie. C’est tout le problème du blog intime à vocation littéraire : un échec annoncé. Enfin, on se sera toujours bien amusé.

Le mardi 25/11/2014 à 23:18 par Vagant :

@Plume : Vous devriez essayer, c’est une expérience. La Musardine fait régulièrement des appels à texte pour la collection Osez 20 histoires. 20 textes acceptés par fournée, dont 5 de nouveaux auteurs. Des centaines de textes reçus par le comité de lecture à chaque fois. ChocolatCannelle fait un AT pour Mars sur les thèmes « hôtesse de l’air » et « surfeur ». Si ça vous inspire…

Le mardi 25/11/2014 à 23:31 par Plume d'Envies :

Merci pour ces pistes, je vais creuser le sujet !

Le mardi 25/11/2014 à 23:59 par Comme une image :

J'avoue que la perspective d'être rétribué 75 € T.T.C. pour la production d'un texte accepté par La Musardine pour sa collection « Osez 20 histoires ... » ne me motive guère.
J'ai, malheureusement, une assez haute idée de moi-même, et je me dis que quitte à tenter l'aventure de la publication, autant viser plus haut.
Il est clair que la forte probabilité, pas éloignée de la certitude, de ne pas passer la barre est une puissante motivation pour réfréner mes ardeurs quand, parfois, je m'imagine à rêver tout éveillé de devenir un « auteur ».

Le mercredi 26/11/2014 à 00:19 par Vagant :

@CUI : Ma motivation n’est certainement pas financière. J’ai juste envie de voir Vagant dans la table des matières avant de le trouver sur une couverture. Où va se nicher l’égo, parfois…

Le mercredi 26/11/2014 à 04:37 par Rita Renoir :

Amusant que vous ayez vu une dimension érotique au lapin d'Alice parce que je n'y pensais même pas. C'était plus le fait de me dire que commenter quelqu'un en lui faisant quelques critiques au passage alors qu'on ne sort de nulle part euhhh... j'avais peur que ce soit mal perçu ? (sourire)
Et oui c'est vrai, je l'avoue, shame on me, je suis parfois un peu mordante. Peut-être que ma vision d'HQN est un poil dépassé et devrais-je y regarder d'un peu plus près avant de taper dessus. Mais pour moi j'ai plus une impression de texte débité au kilomètre et surtout bien fade. Et il me semble que vu le travail que vous fournissez en écrivant régulièrement et en vous remettant en question très souvent (je lis très vite et j'ai donc fouiné dans les archives comme une vilaine curieuse), ce serait un peu dommage pour vous... Mais ça ne reste que mon avis. Et puis effectivement je crois que je préfère nettement l'image de la Musardine. De plus si votre motivation n'est pas financière et cela semble évident en vous lisant, il vaut toujours mieux viser plus haut. C'est le nom de Vagant que vous souhaitez mettre sur une couverture et pas gagner 3 francs six sous... Ensuite je reviens sur la remarque de CUI. Effectivement être payé 75 € T.T.C., dit comme ça, ce n'est pas extrêmement motivant. Cependant chaque livre contient 20 histoires. Il faut donc imaginer la rémunération de 20 auteurs. En règle générale un auteur touche un pourcentage de 8 à 10 % du prix du livre. Bien entendu ce pourcentage diminue en fonction du nombre d'auteurs. En faisant le calcul cela me semble être une somme toute petite mais tout de même dans la norme. Et je pense que participer à un recueil collectif peut être un tremplin pour de jeunes auteurs. Ensuite il faut voir quel est le contrat avec la Musardine. Un écrivain reste propriétaire de ses textes. Un contrat d'éditeur n'engage que pour un nombre de livres donné. Si ensuite l'auteur arrive à percer, libre à lui normalement de réutiliser son texte ailleurs si il n'y a pas eu de contrat de réédition...
En attendant votre blog a certes vocation littéraire mais je pense qu'il faut aussi l'imaginer comme un super laboratoire pour vous permettre de tester plein de trucs et sans avoir besoin d'un éditeur. En fonction des réactions de vos lecteurs, vous pouvez ensuite mieux orienter vos histoires et éliminer certaines scories. Parce que au départ un blog c'est plutôt un journal intime. Je dirais même que c'est une forme de catharsis surtout dans cette dimension érotique et double vie. Ce qu'on ne peut pas confier à ses proches on le raconte à des inconnus...

Qui je suis ? Une lectrice infatigable ?

Le mercredi 26/11/2014 à 09:23 par Julie Huleux :

Je suis cette note de blog et ses commentaires avec intérêt, suite à l'invitation de notre hôte...
Je souhaiterais juste réagir au dernier commentaire de Rita, concernant les droits d'auteur:

Un contrat avec une maison d'édition ne tient à chaque fois que sur un texte précis. Ce même contrat a une durée fort longue, qui s'étend sur la durée de vie de l'auteur + 75 ans après son décès. Ensuite, il appartient à tout le monde, totalement libre de droit. Si nous prenons l'exemple de Jules Verne, un éditeur réimprimant une de ses œuvres n'a pas a verser un sous aux héritiers.
L'auteur ou les ayants droit d'une oeuvre littéraire ne peuvent la "récupérer" que si il y a rupture de contrat. Notamment pour cause de défaillance de la part de la maison d'édition.

Quant aux %...
Vaste sujet. La moyenne se situe pour une édition papier entre 5 et 10%.
Plus souvent 5% pour un jeune auteur. Sur le prix du livre hors TVA.
Ses droits d'auteur et son avance sur droits (payé à la signature du contrat) sont soumis a tout un tas de retenues. Car un auteur artiste cotise pour sa retraite et sa sécurité sociale, directement prélevés sur ses droits.

Les maisons d'éditions numériques (comme HQN par exemple) signent des contrats entre 15 et 50%. Le marché démarre en France, et les choses ne sont pas encore homogènes.

Mais je vais m’arrêter là, pour ne pas brouiller davantage le débat.
Heureusement que ça n'est pas l'argent qui motive à écrire !

Le mercredi 26/11/2014 à 10:30 par Rita Renoir :

@Julie Huleux En fait quand vous parlez de la durée + 75 ans c'est justement le fait de dire qu'une œuvre appartient à son AUTEUR et ses ayants droits et certainement pas à la maison d'édition. Donc toute maison d'édition exploitant un texte doit normalement reverser des droits d'auteur à son créateur. Une maison d'édition se charge d'exploiter une œuvre pour un auteur, mais dans un contrat d'édition en bonne et dû forme on précise le tirage (nombre d'exemplaires) et même également le pays. A chaque retirage on peut renégocier le contrat et éventuellement augmenter les droits d'auteur. Un éditeur se doit d'informer l'auteur d'un éventuel retirage. Dieu merci un auteur n'est pas enchainé ad vitam æternam à un éditeur ;-)
Et je vous rejoins tout à fait sur les motivations à écrire. J'ajouterais même qu'à notre époque il faut être sacrément passionné et un peu dingue pour travailler dans les métiers du livre. Parce que ce n'est pas que champagne et petits fours à Saint Germain des Prés...

Le mercredi 26/11/2014 à 10:55 par Rita Renoir :

Et puis quitte à rentrer dans le concret, j'ajouterais que lorsqu'un auteur est publié, il a désormais intérêt à surveiller son bébé. Effectivement une nouvelle loi assez pernicieuse est rentrée en action depuis le 1er mars 2012 : le fameux projet ReLIRE.
http://www.bfmtv.com/culture/projet-relire-fait-hurler-auteurs-479956.html
Voili voilà... Rita quitte sa casquette de prof et va joyeusement voguer ailleurs...

Le vendredi 28/11/2014 à 23:16 par Comme une image :

@ Rita Renoir » Je discutais justement cette semaine avec une des auteures publiées dans la collection « Osez 20 histoires ... » qui me disait que chaque ouvrage coûtait environ 8 € pour un tirage à 2000 ex.
On a fait le calcul et on est arrivé à 80 € sur la base des 10 %, soit 75 € une fois les charges défalquées, ce n'est donc ni une arnaque, ni un pont d'or. Pour les autres détails du contrat, je ne les connais pas.

Le samedi 29/11/2014 à 09:17 par Carnets d'Eros :

On écrit d'abord pour se faire plaisir. C'est mon cas. L'envie de voir mon pseudo sur une couverture tient au plaisir d'être apprécié. Oserai-je dire d'être aimé ? Reconnu en tout cas. C'est assez flatteur tout de même que quelqu'un vous juge assez bon pour être publié.
L'argent ? Ce n'est certes pas avec le pourcentage que je touche sur mes couvertures et récits publiés par Chocolat-Cannelle pour D Leroy éditions que je vais arrondir mes fins de mois. Les e-book sont vendus moins de 3 € et je touche un % ridicule !
Cette semaine j'ai vendu un tableau (Le sein de Ninon qui est parti à Nice). C'est bien plus rémunérateur !
Alors ? Il reste intact le plaisir de la création. Celui de se confronter à d'autres personnes, à leurs avis, à leurs critiques qui mettent le doigt sur les faiblesses de mes productions. Et qui me font progresser. Ou pas ! Je ne suis pas obligé d'accepter ces critiques quand elles transforment l'oeuvre. C'est l'avantage d'avoir un "vrai" métier à côté.
Toutefois les critiques que l'on a fait de mes récits, dans les maisons d'édition m'ont certainement permis de m'affiner et de prendre conscience de lacunes que j'étais incapable de voir.
Mais j'ai aussi reçu des critiques idiotes. Il y a parfois un écart considérable entre la façon dont un texte est reçu sur un blog où on reçoit des volées d'encouragement, de félicitations et d'avis positifs et la réaction d'un éditeur qui te dis qu'après 10 lignes, il a conclu à ta nullité absolue !
C'est le même constat avec les galeries et leurs multiples exigences de format, de technique, de thème, de couleurs... etc. Il faut être créatif mais servir 50 fois le même tableau pour proposer des expos cohérentes, homogènes.
L'une d'elle m'a dit récemment : "intéressant mais vous n'allez pas jusqu'au bout". J'ai demandé ce que cela signifiait et je n'ai jamais eut de réponse. Assise derrière son bureau la galeriste à été incapable de me tenir un discours cohérent, quelque chose d'intelligible. Je ne sais pas ce quelle attend !
L'édition suffit-elle à dire la qualité d'un texte érotique ? Il n'est même pas besoin de répondre. J'ai lu récemment sous la plume de quelqu'un que j'aime bien par ailleurs, une niaiserie, ou tout est convenue, prévisible 3 pages avant et qui se conclu de la manière la plus Judéo-Chrétienne qui soit ! Je suis resté sidéré tant cette personne semblait loin des exigences quelle exprime pour les autres (et donc pour moi) Comment peut-on éditer ça ?
A la vérité je ne lis que rarement des bouquins érotiques. Au bout de 2 pages la plupart m'ennuient à mourir !
A contrario, certains blogueurs mériteraient, selon moi, les honneurs de l'édition. Mais correspondent-ils à ses fameuses lignes éditoriales dont on ne sait jamais rien ?
Vagant, ton post-it mériterait édition ! Et au fait, on en est où avec notre fumeuse ?

Je sors d'une nuit migraineuse. Celle d'hier était la même. J'espère que tout est clair !

Aller bonne journée à toutes et tous. Nous vivons une époque formidable !

CdE

Le samedi 29/11/2014 à 09:28 par Carnets d'Eros :

J'irai quand mêmevérifier le % que je touche sur les récits et les couvertures. Mais du fait des prix faibles des e-book je perçois des sommes ridicules. CAD quelques centimes !
Vagant, si nous sommes publiés nous ne pourrons pas fêter ça chez un étoilé de chez toi ou de chez moi !
Bon WE quand même.

Le samedi 29/11/2014 à 13:03 par Rita Renoir :

Petite réponse rapide parce que plein de soucis à régler et entre autre des problèmes de connexion internet. ;-)
@ Cui tu réponds à mon questionnement sur le nombre d'exemplaires. Je pensais à un chiffre de cet ordre. D'où le fait de comprendre cette renumeration qui semble ridicule... Ensuite ne pas oublier l'effet tremplin pour un jeune auteur...
@ Vagant bien reçu votre mail et désolée de mon retard de réponse.
@ Carnet d'Eros je ne peux que vous rejoindre sur la frustration dans la création artistique et littéraire. La passion confrontée à l'esprit marchand de tapis bien terre à terre c'est pesant.et dur à vivre... En bref haut les coeurs et savoir garder une pointe d'humour en toute circonstance sinon on ne ferait plus rien...

Le dimanche 30/11/2014 à 19:29 par Vagant :

@CdE: Je suis parvenu à la même conclusion que toi. Être édité, dans les conditions que tu décris, c’est avant tout la reconnaissance d’un certain niveau avant d’éventuellement viser quelque chose de plus ambitieux. Merci pour tes éloges pour mon post-it ! Quant à notre fumeuse, ça devrait être édité chez D. Leroy courant 2015, croisons les doigts. Nous fêterons ça à compte d’auteur quand on aura l’occasion de se voir !

Le dimanche 30/11/2014 à 19:37 par Vagant :

@Julie Huleux : Merci pour ce commentaire ! Je comprends parfaitement votre approche professionnelle courageuse et je vous admire sincèrement pour votre engagement. Tout le monde ne peut pas, ou n’a pas le courage de s’engager sur une telle voie. Je préfère pour l’instant adopter une attitude plus dilettante afin d’expérimenter librement divers styles.

Le dimanche 30/11/2014 à 21:07 par Julie Huleux :

Mon cher Vagant, ça n'est pas du courage, vous savez. C'est de l'humble folie.
Totalement assumée.
Je suis bien heureuse de penser que ma détermination soit plaisante à observer.

Une chose est sûre, il n'est pas nécessaire de se professionnaliser pour être un auteur.
Vous en êtes un déjà. Publié ou vivant de votre plume, ou pas du tout.

Il n'est pas péjoratif de l'envisager comme un loisir. Comme un art.

Le vendredi 30/01/2015 à 20:01 par Nicolas Lacharme :

Au soir de mon premier vrai refus, je tenais juste à te remercier d'avoir écrit cet article. Il résume bien, je trouve, le paradoxe de l'envie d'être publié, et donc quelque part, reconnu, avec la revendication d'une indépendance nécessaire pour conserver un minimum d'inspiration, d'authenticité.

N'empêche... Je suis bigrement déçu !

Le vendredi 30/01/2015 à 20:15 par Vagant :

@Nicolas : J'imagine que c'est un refus sur l'AT de la collection Osez 20 Histoires / Libertinage ? Tu n'es pas le seul, ma nouvelle a aussi été refusée. N’hésite pas à en demander la raison à Elise. Elle a la gentillesse de répondre. En ce qui me concerne ce fut : "le style est sans doute un peu trop précieux, du moins trop travaillé, pour laisser vraiment s'échapper la sensualité des scènes érotiques. Au final, elles paraissent un peu "désincarnées". C'est un équilibre à trouver !". Bon, on va dire que c'est un retour négatif plutôt encourageant.