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19 janvier 2007
De la censure (1)
Ce matin, comme je le fais depuis plusieurs années, je vais sur le forum Echangisme/Triolisme d'auFeminin où j'ai mes habitudes. J'essaie de me connecter, mais mon mot de passe n'est pas reconnu ! C'est étrange, c'est le même depuis 5 ans. Cela ne m'empêche pas de surfer jusqu'à la dernière discussion à laquelle j'ai participé: Ce que j'avais écrit a soigneusement été effacé ! Et la plupart de mes posts aussi ! Je demande à une amie de voir si elle peut accéder à mon profil... la réponse tombe comme un couperet: je n'existe plus.
Une seule explication me vient à l'esprit: J'ai été banni d'auFeminin. Forcément, je me suis posé des questions sur les raisons qui ont pu justifier une telle mesure à mon égard:
- Aurais-je proféré un lot d'insultes portant atteinte à un autre membre de ce forum? Non, je pense être toujours resté courtois.
- Ai-je mis en ligne la recette du bon vieux cocktail molotov qui pourrait porter atteinte à la sûreté de l'état ? Je n'ai pour vocation que de bruler les femmes de désir...
- Ai-je écrit des propos portant atteinte à la dignité humaine, ou faisant l'apologie de la bestialité ou de la pédocriminalité ? Certainement pas ! Mes mœurs dissolues sont conformes à la législation française et dans l'esprit du forum auquel je participe.
- Mes derniers propos, bien que ni diffamatoires ni obscènes, auraient-ils porté atteinte à l'ambiance du forum, ou l'idée que le modérateur s'en fait ? Peut-être...
J'ai donc réfléchi à ces derniers propos tenus sur une discussion intitulée "La religion et le libertinage...", où l'auteur s'interrogeait à juste titre sur la compatibilité de ces deux pratiques. Voilà ce que je lui avais répondu, ami lecteur, non pas pour vous convaincre de quoi que ce soit - car en la matière j'ai plus de questions que de réponses - mais pour vous permettre de juger par vous-même de l'éventuelle obscénité de mes propos, ou s'ils peuvent nuire à l'ambiance d'un forum de discussion...
Credo, zeVagant le 17 janvier [en fin de matinée]
C'est une question difficile et je me la pose depuis plusieurs années ! Je crois tout d'abord qu'il faut bien distinguer le religieux (au sens de l'organisation sociale des adeptes d'une religion) du spirituel (au sens de sa relation intime à Dieu, puisqu'il est question de Lui).
Aussi, je vais borner l'esquisse de mon analyse à la religion Chrétienne, et réduire le libertinage à la pratique de la sexualité collective récréative actuelle, sans évoquer le libertarisme soixante-huitard ni le libertinage philosophique du 18ème siècle.
Au plan religieux, je crois que le libertinage est incompatible avec les règles de la vie chrétienne. Pour les catholiques, ces règles sont dictées par le Pape et Jean-Paul II fut catégorique: La sexualité ne peut avoir lieu qu'au sein du mariage, en dehors duquel l'abstinence s'impose. Si on veut dépasser ce verdict au profit d'une analyse personnelle à l'image des protestants, on peut aisément justifier ces règles à la lecture de la Bible, en particulier les épîtres de Paul [Romains 1:26] qui demeurent les textes fondateurs de l'identité chrétienne. Sont-ils dépassés parce qu'ils ont 2000 ans ? Je crois pour ma part qu'ils portent sur une dimension psychologique intemporelle de l'Homme, et il suffit de lire "l'art d'aimer" d'Ovide pour réaliser combien nos affects n'ont pas évolué.
La lecture de l'ancien testament, dont l'histoire du roi David, donne un autre éclairage des préceptes religieux à la lumière de la spiritualité. Voici un homme qui n'a pas hésité à faire tuer Urie, l'époux de sa maîtresse Bath-Schéba, afin de pouvoir la prendre pour femme [2 Samuel 11], ce qui va bien à l'encontre des 10 commandements [Exode 20] qu'il était censé suivre. Malgré tous ces pêchés, à cause desquels Dieu l'a d'ailleurs éprouvé, il n'a jamais perdu la foi, il s'est repenti, et le Seigneur l'a béni ainsi que sa descendance. Les règles peuvent être transgressées au prix d'un repentir sincère, mais elles ne peuvent pas rester bafouées. La parabole du fils prodigue ne dit pas autre chose [Luc 15:11].
La pratique active d'un libertinage charnel permet-elle l'édification spirituelle nécessaire à l'adoration de Dieu ? Autrement dit, peut-on partouzer toutes les nuits avec des femmes adultères et demander sa rédemption chaque matin d'un coeur sincère avant de préparer sa prochaine nuit de débauche ?
Vagan :)
Amaris75 n'a pas répondu, mais KermitLaGrenouille avec son sens de la répartie caustique...
Donc si je résume cher vagant, kermitlagrenouille le 17 janvier à 13:44
Si on est catho, que l'on prête importance aux textes datant de matusalème, que l'on écoute la parole émanant du Vatican (Le nouveau locataire a en plus l'air encore moins commode que son prédécesseur): Pas de partouze ou alors avec un sincère repenti (autoflagellation, sacrifice de sa meilleure brebie etc...)
Si on est catho, mais juste pour le coté spirituel genre Dieu est bon, Dieu est grand mais il est bien trop occupé pour vérifier si je seiche la messe du Dimanche... Pas de pb pour l'orgie... Après tout le patron en a vu d'autre...
Perso, je me suis trouvé un truc bien plus reposant... Je n'y crois plus... mais alors plus du tout...
Au début ça fait drôle de se dire qu'à la fin, ben pas de paradis ou autre club de vacances, pas de procès devant St Pierre, aucun tsoin tsoin, juste la fin... Mais on s'y fait, et cela donne envie de bien en profiter avant...
Voila, c'est un point de vue qui n'engage que moi.
Petite mise au point, zeVagant le 17 janvier [vers 14h]
J'ai évoqué le Catholicisme pour mieux illustrer le Christianisme au sens large. La position d'un pape ou d'un autre m'importe peu: ce n'est qu'une interprétation des évangiles sous le poids de traditions millénaires, et qui masquent sans doute la profondeur psychologique des paroles du Christ.
Le véritable repentir est celui du coeur, dans l'intimité de chacun, qui ne regarde que soi-même et Dieu si on y croit. Le véritable repentir se passe donc très bien de toutes les manifestations que tu cites.
Le patron en a sans doute vu d'autres, mais qu'importe. Le salut de ton âme a t'elle quelque chose à voir avec celles des autres ? Est-il bien nécessaire de mourir pour jouir de la sérénité de ce salut ? La débauche et le mensonge associés à l'adultère peuvent-ils nous apporter un bonheur durable ? Somme nous condamnés à n'avoir pour seul horizon qu'un matérialisme nihiliste dépeint avec la lucidité d'un Houellebecq ?
Vagant, sans trop de points de vue mais qui engage tout le monde :)
Pensez-vous donc, ami lecteur, que mes propos sont nuisibles à l'ambiance d'un forum de discussion ? Mes questions n'ont-elles pas le droit d'être posées ? Ou bien aurais-je écorché les yeux d'un modérateur tout puissant en écrivant quelques références bibliques ?
Car aujourd'hui, l'idée à la mode est l'athéisme militant, façon Onfray. Toute mention de religion ou de spiritualité est suspecte de sectarisme et doit être ardemment combattue sous prétexte qu'elle entraverait une sacro-sainte laïcité. Dois-je rappeler avec André Comte-Sponville que la laïcité est trop précieuse pour être confisquée par les antireligieux fanatiques ?
En l'absence de toute explication de la part d'auFeminin, je ne peux qu'aboutir à une triste conclusion: En 2007, en France, je suis victime d'un délit d'opinion, dont la sanction est un bannissement sans sommation.
Il est amusant de constater que sur auFeminin, le modérateur semble être de droit divin. Inaccessible par mail ou par quelque autre moyen, ses voies sont impénétrables et ses décisions sans appel. Le forumeur jouit ainsi d'une liberté toute relative, certains de ses mots sont supprimés, des pans entiers d'échanges disparaissent dans les limbes, et sans la moindre raison, on finit par disparaître aussi: auFeminin est une dictature sans dictat, comme le château de Kafka. A moins que le dictat soit subtilement économique...
En vérité, je me demande si ce n'est pas notre liberté d'expression (la votre ou la mienne) qui est menacée sur les forums, plus que les opinions en tant que telles. Ce que j'ai écrit n'est pas dans le ton d'un forum libertin traditionnellement athée et risquait de mener à des débats qui vont à l'encontre de la stratégie commerciale des forums dits "de discussion". Sur auFeminin, on assiste en effet à la multiplication de ces forums afin de segmenter le lectorat: chacun doit se sentir chez soi avec des internautes qui partagent exactement les mêmes opinions, afin de fidéliser la clientèle et mettre en place des publicités bien ciblées. En tant que participant à un forum de discussion, nous ne tombons pas sous le coup d'une loi morale, mais sous la loi du marché qui restreint notre liberté d'expression selon le contexte où nous tentons de l'exercer. En segmentant le marché de la discussion, auFeminin balkanise l'opinion. Elle appauvrit les esprits en évitant... toute discussion de fond ! En allant au bout de sa logique commerciale, le forum perd sa raison d'être.
22:40 Publié dans Réflexions | Lien permanent | Commentaires (4)
Commentaires
Le samedi 20/01/2007 à 15:59 par Georges :
Je trouve stupéfiant ce qui vous arrive. Je n'arrive pas à y croire. La disparition de Zevagant je l'avais d'abord attribuée à une suractivité blogale, mais non, il s'agit d'une véritable DISPARITION. Bon, maintenant que vous me le dites, je crois avoir été victime aussi de censure quelquefois...
Je suis très sensible, par ailleurs, à ce que vous développez autour de la "segmentation": je regrette moi aussi de ne pas pouvoir toucher un public non segmenté (les "libertins" m'irritent à la longue!) - ce qui m'intéresse, moi, c'est les libertins-sans-le-savoir... Grâce à la formule Blog, on peut espérer être "visité" par des gens qui n'ont rien à voir avec le sujet (ça arrive!).
Quant à votre position à propos de la religion et du libertinage, je la partage entièrement.
Solidairement,
Votre G.
Le samedi 20/01/2007 à 22:01 par Comme une image :
Je me permets de douter que ce soit *ces* propos que tu cites qui t'aient valu bannissement. La censure croyante aurait plutôt fait la peau à Kermit et ses propos impies. La censure athée n'aurait pas pu être choquée non plus de ces propos où d'ailleurs ton propre point de vue n'est pas exposé (sinon au travers des exemples que tu choisis pour illustrer ton propos).
Peut-être as-tu été saqué pour propos intellos contraire à la ligne éditoriale.
Ou alors parce que tu avais dragué *Machine et couché avec elle, faisant ainsi pousser les cornes sur le modérateur.
Concernant l'athéisme militant que tu moques un peu, je trouve que les propos d'Onfray sont, contrairement à ce que tu dis, plutôt rares, et qu'il est heureux d'entendre de temps en temps les non-croyants (il serait plus juste de dire les croyants en la non-existence de Dieu(x), puisqu'il s'agit de part et d'autre de croyance) s'exprimer avec un peu de fougue pour contrebalancer les poussées cléricales (c'est un contresens partiel, je sais) hélas elles aussi « à la mode » aux États-Unis ou en terres d'Islam.
La censure est toujours difficile à vivre quand elle est injuste car elle s'apparente à une insulte à l'intelligence.
On se console comme on peut avec cette citation de Courteline :
« Passer pour un idiot aux yeux d'un imbécile est une volupté de fin gourmet. »
Le lundi 22/01/2007 à 11:30 par Vagant :
Georges, je vous remercie pour vos commentaires et votre soutien. Comme l'a écrit fort justement Jean-Claude Guillebaud dans "la tyrannie du plaisir", la morale sexuelle a été confiée aux médecins et au législateur. Il ne serait pas impossible que ses modalités d'application soit aussi orchestrées par le marketing comme il me semble le percevoir dans ma petite mésaventure. Je reviendrai probablement sur ce point dans une prochaine note, ainsi que sur le christianisme et le libertinage...
CUI, je ne crois pas que les propos d'Onfray soient si courageux, tout au moins en France. Pour avoir lu 2 de ses bouquins, il s'inscrit dans une ligne anti cléricale virulente tout à fait dans l'air du temps dans ce pays, où avouer croire en Dieu est assimilé à du fanatisme ou un manque d'émancipation voisin du crétinisme. Après avoir écouté une interview de Comte-Sponville, les positions de ce dernier me semblent plus raisonnables et respectueuses.
Le lundi 22/01/2007 à 21:46 par Comme une image :
Je n'ai pas dit que c'était courageux, j'ai dit (et je maintiens) que ce sont des propos rares.
Autant moquer les catholiques en terre catholique ne demande guère de courage (que ce soit les Guignols raillant JP2 [oui ça fait longtemps que je ne les ai pas regardés, il paraît qu'il est mort, depuis] ou Madonna montant en croix lors d'un récent concert à Rome), autant l'affirmation vigoureuse de son athéisme et de son rejet de la croyance en un dieu ne sont pas monnaie courante dans nos médias.
Quant à André Comte-Sponville, je trouve que ses paroles frappantes comme un robinet d'eau tiède (mais là, je ne parle pas de son respect que tu sembles apprécier).