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13 juin 2014

À force de céder sur les mots

« Quoiqu’elle vive par ailleurs, son amour pour Thomas demeurait intact, elle savait le lui dire et surtout le lui montrer. Ainsi, se savoir être toujours le roi de cœur de sa femme rassurait assez Thomas pour juguler d’éventuels accès de jalousie. La jalousie, c’est la peur de perdre l’être aimé quand on n’a pas confiance en soi. Judith avait si bien su rassurer Thomas que le récit de ce vernissage avait fini par émoustiller son époux imaginatif et éveiller chez lui quelques idées coquines. De là à lui faire rencontrer Fabien, il y avait un pas qu’elle n’était pas prête à faire. Mais à force de céder sur les mots…»

Les chemins du désir sont parfois bien sinueux. Une rencontre impromptue, des envies réprimées, une résurgence de tentations et des mots à la clef. Ces mots composent aujourd'hui ma dernière nouvelle publiée sur nouvelles-erotiques.fr , illustrée autant qu’inspirée par une œuvre de Joël Person.

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05 juin 2014

Proposition délicieuse - 5

Le scénario était au point, le timing impeccable. Le rendez-vous avait été fixé, tu avais reçu par mail le lieu, l’heure, et les modalités de ton arrivée.

Il faisait horriblement froid, la nuit tombait, la pluie aussi. En moto, tu avais essayé de ne pas tomber à ton tour. Bien que ma réputation t’avait inspiré confiance, tu avais un peu angoissé à l’idée que Sylvie décidât au dernier moment de ne pas venir, même si je t'avais prévenu une trentaine de minutes auparavant qu’elle était bien montée dans le train pour Paris. Tu craignais aussi qu’elle n’appréciât pas ta présence, ou que tout simplement l’ambiance, le contexte ou toute autre raison ne vienne gâcher la soirée.

A ton arrivée à l’hôtel, personne à la réception. Tant mieux. Tu avais sauté dans l’ascenseur et demandé le quatrième étage. À peine arrivé dans le couloir, tu avais aperçus la chambre, porte entrouverte, comme prévu. Tu t’étais éloigné jusqu’au fond du couloir, où se trouvait l’escalier de secours. C’est là que tu avais ôté silencieusement gants et sac à dos, grosse veste de moto et polaire. Sur la pointe des pieds tu t’étais approché de la chambre dont tu avais poussé la porte. Elle résistait un peu, à cause du “Canal+ Magazine” plié en quatre destiné à retenir le groom automatique censé la maintenir fermée.

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Tu as failli éclater de rire mais tu savais qu’il ne fallait faire aucun bruit. En aucun cas Sylvie ne devait percevoir ta présence. Seulement, avec ton son sac à dos, ta lourde veste de moto aux multiples velcros, et la porte qui résistait, tu craignais de ne pas être très discret. Tu parvins pourtant à entrer, poser tes affaires et même retirer tes chaussures sans éveiller de soupçon. Un vrai miracle. Dans la chambre, un spectacle hors du commun : Sylvie allongée, presque nue, vêtue seulement d’un soutien-gorge noir. En bas, rien. Enfin, presque…

Je me tenais assis sur le lit, avec ma machine infernale qui vibrait entre ses cuisses. Avoues que tu as été éberlué à la vue de cet outil destiné certes au plaisir sexuel, mais un outil high-tech, mécanique, électronique avec des petites lumières multicolores qui clignotaient à la base de l’engin. Un clin d’œil complice, un doigt sur les lèvres, un geste : nous nous saluâmes et communiquâmes en silence. C'est ainsi que je te reconnus, Guillaume. Nous nous étions déjà rencontrés, un an auparavant, en d'autres circonstances, ce que je ne savais pas lorsque je t’avais fait cette audacieuse proposition quelques semaines plus tôt.

Tu t’approchas et observas la scène, debout, tandis que je modifiais le réglage de mon vibro-masseur en utilisant de petits boutons cachés à sa base. Sylvie, les yeux bandés, bougeait légèrement, ondulant vaguement le bassin, ou tirant en vain sur ses poignets attachés. Soudain, elle leva les fesses, et, comme prise de spasmes, commença à perdre tout contrôle…

Sylvie savait que sa défaite était imminente, que le plaisir allait l'emporter malgré toute sa volonté pour ne pas jouir, qu'elle n'aurait pas pu résister infiniment contre la mécanique qui lui creusait inlassablement le vagin. Quand elle entendit Lettre à Elise de Beethoven, elle pensa que sa mère jouait ce morceau autrefois. Émerveillée, elle regardait alors les doigts agiles courir sur les touches blanches et noires, et, le soir venu, lorsqu'elle était dans son lit, seule avec les ombres de la nuit, il lui suffisait d'entendre cette sonate sur le piano du salon pour que le sommeil l'emporte malgré elle. Peut-être est-ce pour cela que le plaisir l'a définitivement emportée à ce moment-là.

Je retirai délicatement le lapin de son fourreau de chair extatique, et je te fis signe de t'approcher. Je te cédai aussitôt la place entre ses cuisses ruisselantes, avant de m'adresser à la jeune femme encore pantelante de plaisir:

-    Pour que ma victoire soit totale, je vais maintenant revenir aux bonnes vielles méthodes traditionnelles !
-    Il me semblait que tu ne devais ni me toucher, ni me sucer ?
-    Mais tu as d'ores et déjà perdu ce défi, non ?
-    Si...

Tu n’attendais que ce moment là pour entrer en action, pour lui prodiguer cette caresse qui était devenue ta signature. Avec Proposition délicieuse pour pseudonyme, Propo pour les intimes, tu proposais un cunnilingus aux femmes susceptibles de te charmer par leur plume, ce qui n’était d’ailleurs pas si facile, et rien de plus. Toutefois tu étais grand, tu étais beau, tu sentais bon le sable chaud, et la plupart des femmes qui se laissaient aller sous ta langue ne demandaient ensuite qu’à connaitre d’autres aspects de ta personnalité. Même ma douce Mathilde avait failli craquer devant ton charme irrésistible, mais tu avais eu la délicatesse de ne pas doubler un bon copain. Je me suis souvent demandé pourquoi tu aimais tant procurer aux femmes ce plaisir là. Était-ce le pouvoir du plaisir que tu exerçais alors sur elles ? Toujours est-il que tu sus faire surfer la bienheureuse perdante sur les vagues de l’orgasme que tu déclenchais si bien, de la pointe de la langue...

Le jeu était arrivé à son terme, et je détachais silencieusement les poignets de ma prisonnière alors que tu poursuivais, insatiable, ton ouvrage éphémère. Je lus l'incompréhension et le doute qui envahissait peu à peu le visage de Sylvie. Elle se demandait comment je pouvais la détacher tout en continuant de m’abreuver à sa source, perplexité qui atteignit son paroxysme lorsque je retirai son bandeau. Sylvie ouvrit les yeux lentement. La lumière de la lampe de chevet était éblouissante. La révélation l'était encore plus. Sylvie se redressa d'un seul coup pour trouver un homme entre ses cuisses, qui posait sur son visage éberlué des yeux bleus pétillants et sur ses petites lèvres ruisselantes une langue agile.

Sylvie ne te reconnut pas tout de suite tant elle ne s'attendait pas à te voir. Malgré les bruits étranges qu'elle avait cru percevoir entre Rachmaninov et Herbbie Hancock, elle n'avait jamais pensé qu'il y avait un autre homme dans la chambre. Et quel homme: un de ses amants, grand amateur de cunnilingus, préliminaire dont tu avais fait ton étendard ! Nous bavardâmes alors un bon moment, le temps que Sylvie retrouve tous ses esprits, et puis nous éteignîmes la lumière décidément trop éblouissante.

Je ne sais pas à quelles combinaisons nous nous livrâmes dans l’obscurité totale qui régnait maintenant dans la chambre. Après de tels préliminaires et auprès de deux amants chauffés à blanc, Sylvie était encline à des étreintes plus traditionnelles dans la limite de notre indécrottable hétérosexualité, si tant est qu’on puisse parler de traditions à trois dans un même lit. C’est ce soir-là qu’est née notre complicité. Entre nous, Sylvie était la reine, alors qu’entre deux rivaux, elle aurait été l’arène. Un détail me revient à l’esprit: entre caresses et baisers, j'ai senti une douce main frôler mon visage, et j’ai happé aussitôt les doigts furtifs pour les sucer avec sensualité. On a bien rigolé quand tu m’as dit d’arrêter parce que ces doigts-là n’étaient pas ceux de Sylvie.

Je ne pense pas que tu me lises encore, mais tu te souviens peut-être de toutes nos folies ? Des femmes, on en aura rendues quelques-unes heureuses, même si d’autres en furent malheureuses. De mon côté, j’ai depuis su me faire pardonner. En tous cas, nombreuses t’ont regretté. Je ne sais pas si tu t’en es rendu compte, mais il y avait de bien jolies femmes la dernière fois, seules et apitoyées, qui regardaient les autres d’un air méfiant. Peut-être se demandaient-elles lesquelles avaient cédé à ton charme. Le plus dur pour moi, c’est quand j’ai vu ta photo, celle qui illustrait ton profil Messenger et ton blog sur auFeminin, avec ton sourire lumineux sur fond de mer Egée. Quand j’ai vu cette photo sur cette grande boite en bois, c’est là que j’ai réalisé que ce n’était pas une mauvaise plaisanterie. Cela ne m’a pas empêché, quelques jours plus tard, de t’appeler, au cas où tu décrocherais. C’est idiot, je sais bien que ça capte mal par chez toi. Et je ne te parle pas des motards, que j’ai longtemps regardés à la dérobée pendant des mois, en espérant voir tes yeux bleus rieurs quand ils soulevaient leur visière. Peu à peu, je me suis fait une raison, même si je n’ai jamais compris pourquoi. De raisons, tu devais avoir les tiennes, mauvaises, sans aucun doute. Tu me manques, copain.

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Le début de cette histoire vraie...


 

22 avril 2014

Du triolisme

les valseuses

Prise entre deux complices, une femme est la reine ;

Mais entre deux rivaux, elle est l’arène.