07 mai 2008
Post-it (9)
13 Septembre 1977, 9h25
Chéri,
Hubert vient de me déposer à la bibliothèque. Je suis exténuée. Je n’ai presque pas dormi du week-end, même si j’ai passé le plus clair de mon temps à l’horizontale. C’était dé-men-tiel. J’en ai plus fait en deux jours qu’en cinq ans de mariage. Apparemment, je n’ai pas le ventre aussi froid que tu le pensais, ce qui est signe de bonne santé n’est-ce pas ?
Angélique
13 Septembre 1977, 10h35
Mon amour,
Je te prie de me pardonner mon écriture vacillante, mais l’émotion me submerge. Nadia, l’insolente indolente, a des atouts que j’avais sous-estimés. Au moment où je t’écris, elle est agenouillée sous le bureau, juste entre mes cuisses. Elle a palpé la bosse indécente qui déformait mon pantalon, et elle m’a demandé avec son accent inimitable : « tu veux que je te suce, Monsieur Courrrteneau ? ». J’ai aussitôt accepté, tu penses bien. J’ai rudement bien fait : jamais on ne m’avait aussi bien taillé un narguilé. Ah, elle vient de recracher ma queue raide pour te donner le bonjour.
Jean-Jacques
13 Septembre 1977, 10h45
Mon chéri,
Crache lui au visage de ma part. Je ne t’ai pas dit, Hubert m’a invitée dans un club échangiste samedi dernier. Je n’étais pas très à mon aise, au début. Hubert m’a présentée à un couple de ses amis, dont j’ai oublié les prénoms – il m’aurait été impossible de tous les retenir – mais dont l’homme arborait de belles bacchantes. Lorsqu’il m’a léchée, sa langue fouillait les pétales de ma chatte tandis que ses moustaches me picotaient le clitoris. Cela m’a fait un de ses effets ! Si l’idée que tu me touches ne me révulsait pas, je te demanderais de te laisser pousser une grosse moustache, faute de mieux.
Angélique
13 Septembre 1977, 10h55
Amour de ma vie,
C’est fait, je viens d’arroser le joli minois de Nadia. La pointe de sa langue est passée sur sa lèvre supérieure pour recueillir l’écume de ma bite. Tu es bien mauvaise langue, ma chérie. Nadia ne partage pas ton opinion, elle apprécie vivement ma queue et elle ne simule pas, elle. Je vais d’ailleurs la lui mettre en profondeur, en levrette, lorsque je l’aurai ligotée sur l'étagère. Elle adore ça !
Jean-Jacques
13 Septembre 1977, 11h01
Mon amour,
Tu as toujours eu un faible pour les potiches. Je suis désolée de te contredire, mon chéri, mais tandis que le moustachu m’envoyait au septième ciel en un tournemain - c’est le cas de le dire : il m’a fistée aussi - je suis parvenue à avaler la longue verge de Hubert. Compte tenu de ce dont la nature avare t’a nanti, je n’ai définitivement rien à apprendre de ta tunisienne.
Angélique
13 Septembre 1977, 11h07
Angélique chérie,
Tu comptes te reconvertir en avaleuse de sabre ou en gare de triage ?
Figure-toi que viens de fouetter Nadia avec mon ceinturon, ce qui m’excite d’autant plus que ses formes généreuses débordent un peu de ta lingerie. Ton ensemble Charmel souligne sa chair rosie par la morsure du cuir sur sa croupe rebondie. Ça l’excite tellement qu’elle en jute dans ta dentelle, mais pas autant que lorsque je l’ai sodomisée dans notre lit hier matin. Elle portait une de tes nuisettes en soie que nous avons un peu malmenée. Tu me pardonnes mon amour ?
Jean-Jacques
13 Septembre 1977, 11h25
Mon cœur,
Quelle coïncidence ! Il était minuit passé, samedi soir, lorsque j’ai offert ma virginité anale à un grand black. J’étais à quatre pattes, attirée bien qu’intimidée par la vulve noire au cœur de corail d’une jeune antillaise que je m’apprêtais à lécher, lorsque son mari m’a surprise par derrière! Tandis qu’elle m’arrosait le visage de sa mouille, il m’a sodomisée comme une chienne. J’étais affreusement excitée et Hubert était aux anges. Il s’est glissé par en dessous pour me prendre la chatte en même temps. Inoubliable !
Je vais m’acheter de la nouvelle lingerie ce soir. Ta tunisienne peut garder mes vieilleries.
Angélique
13 Septembre 1977, 11h35
Amour de ma vie,
Après tes emplettes, peux-tu prendre du pain pour trois ? Nadia passe la nuit à la maison. Tu pourras dormir dans la chambre d’amis car notre lit a beau être large, tu risquerais d’être gênée. Il n’est pas question qu’aucun de nous te touche, mais Nadia est si expressive que tu ne fermerais pas l’œil de la nuit.
Jean-Jacques
13 Septembre 1977, 11h39
Je demande le divorce !
Angélique
13 Septembre 1977, 11h49
Jamais !
Tu es la lune noire de ma nuit, le sens de ma vie. Si tu me quittais, j’en mourrais, et si je meurs on finirai bien par découvrir tous ces post-it que nous nous écrivons à longueur de journée. Je ne te l’ai jamais dit, mais j’ai tout archivé depuis le jour de notre rencontre, même mes propres mots recopiés au papier carbone. Mes mémoires sont devenues mon assurance vie : s’il m’arrivait malheur, ta chère réputation n’y survivrait pas.
N’oublie surtout pas le pain !
Jean-Jacques
07:00 Publié dans Fictions | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : post-it
06 mai 2008
Post-it (8)
10 Septembre 1977, 10h25
Jean-Jacques,
Que tu aies décidé de me tromper à tour de bras pour te venger de ma petite escapade avec Hubert, je le conçois. Mais tu aurais pu choisir autre chose que la femme de ménage tunisienne qui officie dans nos bureaux. Son insolence m'insupporte davantage que son indolence.
A.
10 Septembre 1977, 10h30
Le saumon revient frayer à sa source : à toi les aristos, à moi la populace. Tu n’imagines pas le bien que ça fait de baiser avec entrain. Ça change de ton ventre froid comme une pierre tombale.
JJ
10 Septembre 1977, 11h30
Chéri,
Je viens d’avoir Hubert au téléphone. Il m’invite à passer une nuit de folie à Paris ce week-end. J’ai aussitôt accepté, tu penses bien. Il te donne le bonjour.
Angélique
10 Septembre 1977, 11h37
Je demande le divorce !
JJ
10 Septembre 1977, 11h54
Jamais !
Être la maîtresse d’Hubert me va très bien. Même s’il faisait la folie de divorcer pour moi, quel intérêt aurais-je à transformer un amant pétulant en mari ventripotent ? Je préfère que tu sauves les apparences et que tu gardes la maison pendant mes frasques parisiennes.
A.
06:20 Publié dans Fictions | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : post-it
04 mai 2008
Post-it (7)
11 Juillet 1977, 17h25
Chéri,
Tu ne devineras jamais qui emprunte Venus Erotica. Hubert ! Ce brave Hubert de Chevilly ! Il est de retour de Floride, bronzé comme une biscotte. Pense à prendre le pain ce soir, Il m’invite à boire un verre à la fermeture de la bibliothèque.
Angélique
11 Juillet 1977, 17h30
OK, tu décolleras les pages en pensant à moi. Tu ne veux pas que je prépare l’Amant de Duras pendant que j’y suis ?
JJ
12 Juillet 1977, 10h30
Angélique,
Tu n’es pas rentrée de la nuit. J’exige une explication.
JJ.
12 Juillet 1977, 10h35
J’étais aux champignons.
A.
06:05 Publié dans Fictions | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : post-it
03 mai 2008
Post-it (6)
13 Janvier 1973, 9h25
Ma chérie,
J’espère que tu vas bien, enfin, aussi bien que possible. Ne force pas trop, tout le monde sait que la reprise est difficile dans ces conditions.
Je t’aime,
Jean-Jacques
13 Janvier 1973, 11h35
Chéri,
Henri-Pierre - je peux l’appeler Henri-Pierre n’est-ce pas, puisque c’était un garçon - me manque horriblement. Ce matin, j’ai un peu appuyé sur mon ventre comme si j’allais encore sentir ses coups de pied à l’intérieur. J’aimerais avoir un autre enfant…
Angélique
13 Janvier 1973, 11h45
Angélique,
Tout cela me semble un peu prématuré. Tout a été tellement précipité l’année dernière. J’aimerais un peu profiter de toi, de nous.
Jean-Jacques
13 Janvier 1973, 11h55
Prématuré… précipité… C’est le cas de le dire.
Merci pour ta compréhension,
A.
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02 mai 2008
Post-it (5)
03 Septembre 1972, 9h05
Angie,
J’ai oublié de te dire, mon frère à des prix au VVF de Contrexéville. Qu’en penses-tu, pour le voyage de noces ?
Jean-Jacques
03 Septembre 1972, 11h05
Jacky,
Ça te plait, Jacky ? Ça fait assez prolétaire pour toi ? Quant au VVF, « même pas en rêve » comme on dit dans ton milieu.
A.
03 Septembre 1972, 11h15
Madame Courteneau,
Il va falloir vous faire à votre nouveau patronyme : je ne m’appelle pas Hubert de Chevilly prout prout. Quant au voyage de noces, ce sera une croisière en barque sur le lac d’Annecy, le fils de prolétaire n’a pas les moyens de vous payer le Nil.
JJ
06:45 Publié dans Fictions | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : Post-it
01 mai 2008
Post-it (4)
03 Juillet 1972, 9h05
Jean-Jacques, mon amour,
J’ai bien réfléchi, je suis prête à tout pour vivre avec toi. Régularisons la situation au plus vite. Es-tu toujours prêt à m’épouser ?
Angélique
03 Juillet 1972, 9h10
Amour de ma vie,
C’est le soleil qui vient de prendre la navette pour descendre jusqu’à moi ! J’exulte de joie ! Pour le mariage comme pour le reste, c’est où tu veux, quand tu veux...
Et ta garden partie ?
Jean-Jacques
03 Juillet 1972, 9h15
Horrible.
Pour le mariage, le plus tôt sera le mieux. En toute discrétion.
A.
06:40 Publié dans Fictions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : post-it
30 avril 2008
Post-it (3)
22 Juin 1972, 8h35
Jean-Jacques,
On nous a vus dans la forêt du Grand Roc, depuis la route du Semnoz. Mon fiancé est au courant. Il veut des explications. Je suis perdue !
Angélique
24 Juin 1972, 8h45
Mon amour,
Je n’aurai pas l’hypocrisie d’en être désolé. Comment pourrais-je regretter nos étreintes ! Dieu que tes lèvres furent douces sur les miennes, et ta chatte fondante sur ma langue. Rien qu’à t’imaginer penchée en avant, mon nez planté aux tréfonds de ta croupe ouverte, j’ai soif de toi ! Quand le vin est tiré, il faut le boire ! Vivons au grand jour notre passion !
Jean-Jacques
24 Juin 1972, 9h00
Tu n’es qu’un égoïste ! On voit que ce n’est pas de toi dont on va persifler à la garden partie du domaine de Chevilly. Hubert et moi devions décider de la date du mariage… Qu’est-ce que je vais lui dire pour arranger la situation ?
A.
24 Juin 1972, 9h05
Que tu étais aux champignons !
JJ
24 Juin 1972, 16h05
Jean-Jacques,
Je n’en reviens pas. Hubert a gobé les champignons. À propos, je crois bien que j’en ai attrapés. Ce n’est pourtant pas la saison… ça me démange de te revoir, mon grand fou. T’es pas fâché, dis ?
Angélique
06:30 Publié dans Fictions | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : Post-it
29 avril 2008
Post-it (2)
24 Mai 1972, 16h35
Grand fou,
Il a suffit qu’un vieux pervers syphilitique me demande Vénus Erotica, pour que tu en profites pour encoller les pages les plus licencieuses. J’en ai plein les doigts. Ce n’est pas sérieux. Par pitié pour les archives otages de ta lubricité, j’accède à tes desiderata : ma petite culotte est dans l’enveloppe ci-jointe. Alors je t’en prie, aie pitié de Marguerite Duras, c’est pour madame Dupré.
Angélique
24 Mai 1972, 17h15
Mon ange,
Jamais je n’ai éprouvé une telle émotion à décacheter une enveloppe municipale. À peine avais-je extrait ta lingerie fine que je l’ai snifée comme une ligne de coke. Me voilà Angélicomane, accro au parfum de ta mouille que j’ai cru déceler aux confins de la dentelle. Voici un exemplaire illustré de Justine pour te donner une idée de mon érection, avant que j’aie répandu mon foutre au fond de ta culotte. Je rêve que tu la portes, que nos nectars se mélangent tout contre ta vulve…
Jean-Jacques
24 Mai 1972, 17h42
Jean-Jacques,
Je reviens des toilettes. J’ai remis ma culotte pleine de ton sperme frais. Il était froid mais il sentait bon. Je l’ai réchauffé contre ma chatte bouillante. C’est malin, j’ai peur de me lever de mon siège maintenant, et qu’on remarque les tâches. C’est la dernière fois que je consens à ces cochonneries pour te faire plaisir. Et je t’en prie, ne t’avise pas de me suivre dans la rue avec tes yeux exorbités, ça fait jaser tout le quartier.
Angélique
PS: Je t’avais demandé L’amant de Marguerite Duras, pas Justine de Sade ! Tant pis, le clitoris de Madame Dupré devra patienter jusqu'à demain.
25 Mai 1972, 9h10
Ange de mes nuits, démon de mes jours,
Hier soir, j’ai attendu que tout le monde soit parti pour remonter des archives et sniffer ton siège. Ça sentait bon la salope et j’aime ça ! Je suis raide dingue Angélique, raide pour toi et dingue de toi. Quand accepteras-tu enfin de me voir, ne serait-ce que pour boire un verre ?
Jean-Jacques
25 Mai 1972, 9h25
Jean-Jacques,
Tu sais très bien que ce que tu me demandes est impossible. N’oublie pas que je suis fiancée ! Voilà mon soutien-gorge dans la grande enveloppe. C’est bien parce que c’est toi.
Angélique
06:15 Publié dans Fictions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Post-it
27 avril 2008
Post-it (1)
« Avez-vous rempli correctement la fiche avec la cote de l'ouvrage afin que nous puissions la faire parvenir aux archives dans les meilleurs délais ? »
Madame Courteneau, bibliothécaire à Annecy depuis 1972, répétait la même question une centaine de fois par jour depuis 36 ans. Pourtant, que la fiche ait été dûment remplie ou pas, Madame Courteneau l’accompagnait toujours d’un post-it, rédigé de son écriture rêche et nerveuse, en parfaite harmonie avec son caractère acariâtre et sa physionomie à la raideur militaire. Elle glissait ensuite la fiche dans la navette, une sorte de petit ascenseur qui descendait jusqu’aux archives souterraines. Les mystérieuses entrailles de la bibliothèque savoyarde finissaient toujours par régurgiter l’ouvrage demandé, mais après une interminable digestion digne d’une fondue sans vin blanc. Madame Courteneau ouvrait alors le livre, prenait la fiche et en décollait le post-it qu’elle lisait rapidement. La plupart du temps, elle le froissait aussitôt et le jetait à la corbeille d’un petit geste sec, mais elle le collait parfois dans un dossier, à l’abri d’éventuels regards indiscrets, et elle appelait enfin le lecteur assoupi. Les délais d’attente étaient tels qu’ils étaient devenus légendaires, au point de susciter à certains lecteurs imaginatifs les plus folles explications. Toutes ces hypothèses farfelues étaient pourtant bien en deçà de l’incroyable vérité.
Tout le monde fut surpris d’apprendre que Madame Courteneau avait pris sa retraite anticipée juste après le décès de son époux. Contre toute attente, elle avait bazardé son appartement au centre d’Annecy pour partir en catimini au fin fond de la Bretagne, bien qu’elle n’y connût personne. Une longue page de bons et loyaux services municipaux venait d’être tournée sans qu’on ne verse une larme de champagne. Madame Courteneau fût prestement remplacée avec d’autant plus d’entrain qu’avec la nouvelle bibliothécaire, les délais d’attente furent aussitôt divisés de moitié. La jeune femme s’en excusait pourtant, car ils demeuraient bien trop longs selon les normes en vigueur, à cause des fiches archaïques et du classement des archives en dépit du bon sens. Il était temps d’informatiser tout ça, et surtout de commander de nouveaux rayonnages pour mettre un peu d’ordre dans les archives étrangement exiguës où s’empilaient les livres en stalagmites branlantes. C’est au cours des travaux d’aménagement des archives qu’on découvrit le pot au rose : en poussant une vieille étagère bancale, elle pivota sur elle-même et s’ouvrit sur de vastes archives secrètes, composées de dossiers impeccablement classés par ordre chronologique jusqu’en 1972. Dans ces dossiers, des post-it, plus d’un million de post-it collés à la suite !
Leur contenu était tel que la nouvelle bibliothécaire, aussi soucieuse d’épargner la vie privée de son prédécesseur que la réputation de son établissement, décida de détruire aussitôt ces dossiers compromettants. Elle eut cependant le tort de déléguer cette tâche ingrate à un employé qui trouva là l’occasion de se venger de la vieille acariâtre. La majeure partie des post-it finit par atterrir sur le bureau du rédacteur en chef de la feuille de chou locale, bien content d’avoir quelque chose de croustillant à publier. Affairiste avisé aux prétentions littéraires contrariées, l’opportuniste comprit aussitôt que l’heure de sa gloriole était venue. Il écrivit lui-même une série d’articles sulfureux pour faire enfler la rumeur et préparer la publication des archives secrètes, sous la forme d’un roman à son nom afin d’éviter d’éventuelles poursuites judiciaires. La fiction a tous les droits, et toute ressemblance etc... De toutes façons, la veille Courteneau, percluse de honte et de rhumatismes, n’eut même pas la force de retenir ses larmes en relisant sa vie massicotée en 300 pages. Le roman « épostitaire » commençait le 17 Avril 1972…
17 Avril 1972, 8h15
Mademoiselle de Montmorency,
Sans doute trouverez-vous ce message étrange, sûrement déplacé, peut-être ridicule, mais depuis que j’ai entendu votre voix, je n’ai de cesse de penser à vous. Tout seul au fond de mes archives, je ne vis que pour ces rares moments où je vous entends prononcer le mot « correctement », le seul à parvenir distinctement au travers du puits de la navette jusqu’au fond de mes enfers où je brûle de vous connaître, passant le plus clair de mes sombres journées la tête dans le puits et l’oreille aux aguets…
Dans l’attente d’entendre à nouveau votre voix angélique,
Jean-Jacques Courteneau.
17 Avril 1972, 8h22
Mademoiselle de Montmorency,
Je viens d’entendre votre rire cristallin résonner jusqu’à moi. Si je n’avais su qu’il sonnait à mes dépends, il aurait été le soleil de ma journée. Il sera la lune noire de ma nuit.
Courteneau
17 Avril 1972, 17h37
Monsieur Courteneau,
Avant de prendre ce premier poste à la bibliothèque d’Annecy, je n’aurais jamais imaginé que les fiches de cotes puissent être l’objet d’une correspondance personnelle. Je vous prie de croire que mon rire n’était que l’expression de ma surprise. Que votre nuit soit étoilée.
Angélique de Montmorency
18 Avril 1972, 8h15
Angélique,
Grâce à vous ma nuit a brillé de mille feux : une véritable voie lactée répandue entre mes draps, toute luisante à la lumière des espoirs que vous avez fait naître en moi.
Dans l’attente de vous lire et de vous entendre,
Jean-Jacques
18 Avril 1972, 8h35
Monsieur Courteneau,
Il en faut bien peu pour vous enflammer ! Après tout, nous n’avons pas été présentés et vous ne savez rien de moi. Peut-être suis-je affublée d’un abominable strabisme, et qui me dit que vous n’avez pas une jambe de bois bien sec pour brûler si facilement ?
Angélique de Montmorency
18 Avril 1972, 8h52
Mademoiselle de Montmorency,
Je vous prie de pardonner mon imagination galopante. Je plaide coupable mais j’ai les circonstances atténuantes de mon métier, qui m’ouvre l’esprit au plus romanesque autant qu’il m’enferme dans le plus âpre célibat.
Je vous assure que seul mon troisième jambage est dur comme du bois, mais je vous prie de croire qu’il ne manque pas de sève.
Jean-Jacques Courteneau
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Si vous voulez lire plein d’autres histoires sur la bibliothèque d’Annecy, Madame Courteneau et l’archiviste, vous en trouverez chez Monsieurmonsieur, STV, Le roi Ubu, Ardalia, Sandrine et Tiphaine.
Et si vous vous demandez encore pourquoi, sachez juste que c’est la faute à Melle Bille !
06:55 Publié dans Fictions | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : Post-it, le Troisième Wagon, bibliothèque, archives