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31 août 2016

Il est à la maison

Je décide de rentrer chez moi par la route des falaises. C’est un petit détour, mais ce chemin est si joli et il fait si beau, me dis-je sans laisser remonter jusqu’à ma conscience l’envie inavouable qui me tenaille déjà les entrailles. En vérité, peu m’importe le paysage. Il y a longtemps que je suis lasse du spectacle de la mer, et je ne l’observe plus que dans l’espoir de voir une voile sur la peau ridée de ma rivale. Je regarde plutôt les potagers avec leurs légumes qui me font bien envie, en particulier les concombres et les courgettes, qui doivent être tout chauds sous le soleil de midi. J’en viens à comparer leur forme oblongue au souvenir du sexe de John, taille mise à part. Ce n’est pas que je veuille vraiment imaginer tout ça. Mais je ne peux pas m’en empêcher. Alors, évidemment, mon ventre finit par tressaillir et je sens fondre ma féminité entre mes cuisses. J’ai l’impression de devenir folle tant ça me manque ! Inutile de me raconter des histoires, je sais déjà que je ne résisterai pas à la tentation au croisement du chemin Sherburne.

Arrivée là, je vérifie que personne ne m’a suivie et je m’enfonce brusquement dans le bosquet. J’enjambe quelques ronces, et je m’agenouille parmi les feuillages, toujours au même endroit, à l’abri d’éventuels regards indiscrets. Je ne tarde pas à avoir à portée de main le fruit de mes désirs. Elle est énorme. Sa peau tendue, d’un rouge carmin, brille sous les rayons du soleil. Je retire mon chapeau de paille pour pouvoir avancer mon visage entre les feuilles, jusqu’à ce qu’elle soit juste sous mon nez. Je remarque une goutte de sucs, luisante à son extrémité. Elle est irrésistible. Mes lèvres s’ouvrent, presque malgré moi. Je tends la langue et darde la pointe brillante de sève, qui semble frémir sous le souffle de ma gourmandise. Je finis par la gober tout entière, sans même m’aider de la main. Elle m’apparaît si grosse que pour un peu, elle remplirait presque ma petite bouche. J’accentue la pression de ma langue en la faisant rouler contre mon palais, jusqu’à la faire exploser. Elle se répand dans ma gorge en un jus épais, onctueux, et délicieusement acidulé. J’avale tout goulûment, les yeux mi-clos, savourant ma jouissance égoïste quand l’image de John s’impose à mon esprit. Je sais que c’est honteux, toutefois je ne ressens pas de culpabilité au fond de mon cœur. Comment le pourrais-je, puisque mon mari est pour moi indissociable de mon plaisir ? Je sais bien que je devrais penser à lui en termes de devoir, de respect et de chasteté, mais c’est plus fort que moi, lorsque je songe à John, je le revois cet après-midi-là, juste avant son départ, torse nu en train de couper du bois au fond du jardin. Il était si beau que je n’ai pu résister à l’envie de toucher son corps musclé, luisant de sueur. Après tout, nous avions le droit, nous étions mariés. C’est la seule fois où j’ai vu son sexe dressé en pleine lumière. J’ouvre les yeux et je vois une autre mûre, tout aussi grosse que la première. Oui, j’en suis certaine maintenant, son gland gorgé de désir avait bien cette couleur-là. Quant au goût de sa semence, ma foi, je n’en sais rien, mais je meurs d’envie de le connaître, quoi que puisse en penser le révérend Smith. Je me dépêche de cueillir toutes les mûres à ma portée, je les dépose dans mon chapeau, et je sors de ma cachette. Pourvu que personne ne m’ait vu ! Je crois bien être la seule à avoir repéré ce mûrier sauvage.

ErotismeJ’espère que vous aurez apprécié cet extrait de ma nouvelle intitulée Il est à la maison, qui m’a été inspirée par un article sur les godemichets qu’auraient utilisés les femmes de marin sur l’île de Nantucket au 19ème siècle. J’ai ainsi inventé l’histoire de l’horrible dildo de Connie Congdon, dans la veine de mes nouvelles érotiques historiques, telles que celle sur le fauteuil de volupté dans Les mystères du Chabanais. Ne vous inquiétez pas pour votre libido, la suite de cette nouvelle est plus salée que les mûres sauvages, et vous pourrez la découvrir dans Osez 20 histoires d’obsessions sexuelles publié par La Musardine, où je ne suis pas peu fier d’être parvenu à glisser des références bibliques. A chacun ses challenges…

11 février 2016

Osez 20 histoires de correspondance érotique

Osez20HistoiresDeCorrespondanceErotique.jpegCette fois-ci, j’ai impatiemment attendu de recevoir mon exemplaire du dernier recueil de la collection Osez 20 histoires dans ma boîte à lettres, avant de me jeter dessus comme la petite vérole sur le bas clergé. J’ai été agréablement surpris par la diversité du traitement du thème. La correspondance apparaît parfois dans la forme épistolaire de la nouvelle, que ce soit à une voix, deux voix, voire plus si affinités. Mais elle en est parfois l’objet, voire à la fois la forme et le fond, comme dans cette remarquable Correspondances de John Elliott. Je vais, à la différence de ma dernière chronique, vous donner un aperçu plus exhaustif de cet opus, parce ce que c’est selon moi un grand cru. Je vous prie donc de me pardonner la taille excessive de cette note. En la matière, plus c’est bon, plus c’est long.

Avec La reine des abeilles, Axelle F. nous sert l’histoire fort agréable de la seule serveuse d’un grand restaurant qui reçoit des avances rédigées sur le bloc de commande. Je regrette la position du narrateur omniscient alors que l’auteur décrit uniquement le point de vue de la serveuse, mais le rythme est relevé par l’échange épistolaire pétillant aux réparties audacieuses :

« Petite garce. Tu veux me rendre fou. Et puis ce sillage, ton parfum mêlé à ta transpiration. Ça m’a mis la bite en feu, ça. Au bar, j’étais comme un lion en cage. Peux-tu t’imaginer ce que c’est pour un mâle en rut d’avoir le désir qui piétine ? Je te regardais virevolter en salle, les nichons expressifs dans ton décolleté. Il m’a fallu tirer plusieurs fois sur ma tige pour la remettre en place. »

Mélanie et Geek82 d’Anne-Charlotte Tunroc nous plonge dans les pensées d’une jeune thésarde qui se soumet aux ordres pervers d’un inconnu d’internet :

« C’était absurde car j’aurais pu répondre oui sans le faire. Mais je le fis car j’aimais sa manière de me donner des ordres. J’étais fatiguée, mais ma curiosité était éveillée, et j’aimais cette demi-passivité où j’étais plongée. Ça me plaisait d’être sa marionnette. Je laissais ma nuisette tomber sur mon ventre. Je regardais mes seins et je constatais qu’ils pointaient. »

J’aime beaucoup Vincent Rieussec. Avec L’été de l’hirondelle, il nous propose une délicieuse nouvelle épistolaire du seul point de vue d’une femme adultère, qui écrit ses aveux complaisants à son mari cocu. Les hésitations du premier rendez-vous sont décrites avec autant de finesse que sa pornographie délicate :

« Jason a contemplé un instant ma vulve entrouverte nappée de sécrétions poisseuses. Puis il s’est allongé, et des deux mains, il a déployé les petites lèvres trempées d’un jus oncteux. Longuement, il a respiré ma chatte s’enivrant de son fumet. Sa verge se dressait comme un mât de cocagne. Avec application, en gourmet, il a léché le fouillis des muqueuses brûlantes. Soûlé par les vapeurs de mes chairs, il a plongé plus profond sa bouche dans la vulve ouverte et fouillé de la langue mon vagin à la recherche de la mouille grasse qu’il adore tant déguster. »

Je ne connaissais pas John Elliott mais j’ai été tout simplement bluffé par sa nouvelle épistolaire intitulée Correspondances. Elle n’est certes pas aussi excitante que celle de Vincent Rieussec, mais elle est structurée avec une intelligence telle qu’il est parvenu à enchâsser deux correspondances et nous tenir en haleine. On retrouve une même maîtrise chez Clarissa Rivière, dont les Défis épistolaires sont, je dois l’avouer, particulièrement bandants. Il est vrai que cette situation, celle d’un homme qui séduit une femme par écrit pour l’enjoindre à coucher dans les draps ce qu’ils ont couché sur le papier, ne m’est pas inconnue. Je ne résiste pas au plaisir de vous en livrer un passage, où on reconnaîtra l’usage si particulier du verbe aimer cher à l’auteur, mais aussi l’apparition du verbe baiser. Oh ! Clarissa !

« Son maître ne l’a pas fouettée, ni frappée ce soir-là. Il a fait bien pire. Il s’est contenté de l’ignorer pendant qu’il me déshabillait, me caressait. Il m’a aimée longuement, avec feu, sans fatigue apparente. Il s’arrangeait pour me baiser tout près de Marie, qu’elle puisse voir nos sexes s’emboîter malgré ses yeux baissés, sentir l’odeur de nos désirs. Il lui a ensuite ordonné de me faire plaisir, d’un ton sans réplique, et Marie s’est aussitôt exécutée. Elle s’est mise à me lécher tendrement le clitoris tandis que je me faisais prendre vigoureusement par-derrière. Oh, le contraste entre la douceur de sa langue et les coups de boutoir dans ma chatte ! »

La correspondance se prend en queue, de Nicolas Touky, est elle aussi un petit bijou d’originalité qui me rappelle les délices du vouvoiement érotique. Imaginez mesdames, qu’un inconnu dans le métro glisse son adresse dans votre petite culotte. La correspondance qui s’en suit ne manque pas de saveur :

« Mes narines frétillent encore au parfum subtil que vous avez eu la délicieuse audace d’apposer sur ce petit papier. J’ai bandé, madame, en le humant, les yeux fermés. Je bande encore en pensant à la source originelle qui a su produire ce fumet évocateur des sous-bois fleuris de mon enfance, d’un printemps précoce, d’une rosée abondante, chauffée au soleil de mai et qui exhale les parfums enfouis d’un humus généreux. On en mangerait.»

Avec Le secret de tante Anne, Amandine Gantois nous propose, à l’instar de John Elliott, le scénario de la découverte d’une ancienne correspondance aux accents romanesques, entre une bourgeoise visiteuse de prison et un détenu gitan :

« Anne, si je vous avoue sans pudeur mes pensées, c’est pour que vous ne perdiez pas de vue qui je suis. Je vous souillerais comme une vulgaire poupée de chiffon. Je vous baiserais sans ménagement, et une fois repu, je vous laisserais là. Est-ce vraiment cela que vous voulez ? »

Raphael Boudin joue la carte d’une relation atypique entre une femme âgée et un adonis imbu de sa jeunesse dans Vous ne retrouverez jamais plus, une nouvelle aussi intelligente que cruelle :

« Vous n’êtes plus jeune. Vous n’êtes plus ni baisée ni baisable depuis des décennies. Et pourtant, vous souhaitez l’être, de tout votre corps. Vous ne pensez qu’à ça. Vous vivez dans le regret. Ce don rare, ou plutôt cette dépendance à l’amour physique qu’il vous reste, je l’aime. Car cela vous met à ma merci… »

Je n’étais pas parvenu à lire Julien Ligny dans le précédent recueil et j’ai abordé à reculons sa dernière nouvelle intitulée Le rouge de ta queue. On retrouve toujours le thème de l’homosexualité masculine qui ne m’excite pas personnellement, mais j’ai trouvé cette nouvelle aussi bien écrite que bien construite. La juxtaposition de la correspondance et des pensées du protagoniste principal est particulièrement réussie. Entre amis, de Louise Laëdec joue la carte de l’erreur de destinataire dans une correspondance subtile et excitante, pleine de sous-entendus, qui entraîne des amis vers l’adultère et la trahison :

« Chère Anna, Théo a beau être mon meilleur ami, il n’en reste pas moins que je t’apprécie énormément, et que je suis navré qu’il ne parvienne pas à te satisfaire. Votre vie sexuelle ne me regarde pas, en effet, mais quelque part, je ne peux pas m’empêcher de penser que ton erreur de destinataire est un acte manqué… En tant qu’homme, peut-être pourrais-je t’aider… »

Encore une nouvelle épistolaire avec Un seul être vous manque de Jean Darmen où une femme attend son amant et découvre… mais que découvre-t-elle au juste ? On ne le sait qu’à la fin de ce texte bien mené mais si soft qu’il n’est peut-être pas aussi excitant qu’il aurait pu l’être. On ne peut pas en dire autant du texte d’Aude Dite Orium intitulé Lettre ouverte à Colette James auteur de nouvelles érotiques, qui est ni plus ni moins que la description d’un viol collectif. Je déteste être excité par l’abject, même s’il me faut bien reconnaître ce talent à l’auteur. Ce recueil se termine par ma nouvelle préférée, Des mots de feu de Julie Derussy. L’auteure est parvenue à allier le souffle romanesque à un érotisme torride, tout en distillant des phrases remarquables que je ne citerai pas pour ne pas dévoiler l’intrigue. J’ajouterai simplement que le prénom de la principale protagoniste a été judicieusement choisi.

MensongesAuParadis.pngQuant à moi, je vous propose Mensonges au paradis, une nouvelle épistolaire perverse, à plusieurs voix, inspirée par le modèle indépassable des liaisons dangereuses, bien que son ton soit résolument moderne. Sur ces encouragements à lire cet opus, je vais me remettre à l’ouvrage car j’ai une histoire de vestiaires sur le feu…

13:57 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : écriture, erotisme

13 décembre 2015

De Proust au candaulisme

Je lis actuellement avec ravissement Mensonge romantique et vérité romanesque, de René Girard. Je ne développerai pas la théorie du désir mimétique sur ce blog, ni la démonstration magistrale qu'en fait René Girard dans l’art du Roman, mais en donnerai un avant-goût avec La Prisonnière de Marcel Proust :

la-prisonnière1.jpgIl arriverait, si nous savions mieux analyser nos amours, de voir que souvent les femmes ne nous plaisent qu’à cause du contrepoids d’hommes à qui nous avons à les disputer, bien que nous souffrions jusqu’à mourir d’avoir à les leur disputer ; le contrepoids supprimé, le charme de la femme tombe. On en a un exemple douloureux et préventif dans cette prédilection des hommes pour les femmes qui, avant de les connaître, ont commis des fautes, pour ces femmes qu’ils sentent enlisées dans le danger et qu’il leur faut, pendant toute la durée de leur amour, reconquérir ; un exemple postérieur au contraire, et nullement dramatique celui-là, dans l’homme qui, sentant s’affaiblir son goût pour la femme qu’il aime, applique spontanément les règles qu’il a dégagées, et pour être sûr qu’il ne cesse pas d’aimer la femme, la met dans un milieu dangereux où il lui faut la protéger chaque jour. (Le contraire des hommes qui exigent qu’une femme renonce au théâtre, bien que, d’ailleurs, ce soit parce qu’elle avait été au théâtre qu’ils l’ont aimée.)

Le candauliste utilise-t-il ce ressort de la jalousie pour raviver sa passion ? La question mérite d’être posée.

20:41 Publié dans Livre, Réflexions | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : candaulisme

23 novembre 2015

Osez 20 histoires de sexe et de pouvoir

Osez20HistoiresDeSexeEtDePouvoir.jpgLa semaine dernière, j’étais si pressé de lire ce recueil que j’ai téléphoné deux fois à La Musardine pour savoir s’il était disponible à la librairie. Il l’était vendredi, je l’ai aussitôt acheté et je l’ai dévoré en un week-end. Pour ne pas risquer de vous lasser, je n’évoquerai pas dans cette note toutes les nouvelles de ce recueil, mais je vais en donner un large aperçu, en commençant par le début.

Dans Pour quelques pages de plus, Auguste Boson décrit les scrupules d’un directeur de thèse qui manigance un odieux chantage pour profiter d’une étudiante. J’ai été particulièrement sensible à la description des tourments psychologiques du corrupteur, dans un style agréable illustré d’images originales :

« Il glissa sa main dans sa culotte. Le sexe de Graciu était doux et fortement humecté dans l’entrebâillement de ses lèvres. Il n’osa pas enfoncer un doigt tout de suite. Il prit plaisir à patauger avec son index dans ce petit ruisseau de la vallée, comme un chien en liberté au-dessus d’une flaque. »

Viviane Faure signe une nouvelle touchante et subtile sur une relation homosexuelle entre un quadragénaire marié et un jeune marginal, intitulée Vendredi, ce qui est à la fois le jour où les amants se retrouvent et une référence au roman de Michel Tournier, Vendredi ou les limbes du pacifiques. Comme dans le roman de Tournier, la relation de pouvoir est ambivalente entre les deux hommes.

Côté efficacité, Juliette Di Cen atteint son but avec À vos ordres, mon colonel, une histoire de militaires dont la simplicité est compensée par une bonne dose d’humour :

« J’ai l’impression de travailler sous les ordres du diable en personne, sauf que le mien s’habille en treillis ».

Pour la perversité du scénario, on se régalera avec Les sœurs du sacrifice, de Léon de Griffes qui nous embarque dans un complot qui dépasse sa théorie.

J’ai apprécié grandement, au sens propre comme au figuré, Vice & Versa de Lizzie Hopkins, dont la plume distille une habile pornographie au vocabulaire choisi sans jamais sombrer dans la vulgarité, qui nous décrit comment un hypnotiseur sans scrupule abuse de sa cliente :

« Son index trouva sans peine le clitoris durci. Il continua à la doigter énergiquement tout en baissant la tête. De la langue, il taquina les salières de Vénus, ces adorables fossettes qu’elle arborait au-dessus des fesses, descendit le long de la crête sacrée, s’immisça dans la fente, se posa enfin sur la petite fleur mauve. Anne-Laure tressauta, mais il ne la lâcha pas. L’idée de sa laideur cramponnée à ce cul superbe pendant qu’il la fouillait à son aise lui procurait une sensation de puissance incroyable. »

Je regrette toutefois la description des souvenirs homosexuels dans l’esprit du thérapeute, mais tout est affaire de goûts. Ainsi n’ai-je pas pu lire Le prix du cul de Julien Ligny. Chacun son truc.

Toujours est-il qu’avec Le journal d’une stagiaire, de Nicolas Toukky, la tension sexuelle repart de plus belle, tout particulièrement avec une scène d’onanisme qui ne manque pas de... Seltz :

« Je me mets en tailleur sur la table, jambes ouvertes, je dévisse délicatement le bouchon, j’écarte mieux les jambes et je m’enfile aussitôt le goulot sans perdre une goutte d’eau gazeuse. Ma chatte est si mouillée que ça rentre très facilement, et même plus profondément que je croyais. Je suis surprise par un plaisir qui s’annonce intense. Mon idée est de secouer la bouteille si fort en va-et-vient que l’eau gazeuse va jaillir en moi à grands flots finement pétillants et créer une pression qui va faire gonfler mon vagin. Ce sera comme si Alban se vidait en moi en un geyser de foutre, mais frais et en fines bulles. »

L’autre histoire de stagiaire, signée Vespertille, qui est particulièrement bien construite, allie érotisme et suspens dans une succession de scènes vicieuses à souhait. Une stagiaire aux archives s’étale sur sept jours d'une semaine capiteuse et autant de péchés capitaux. On regrettera toutefois l’absence de la gourmandise.

Héloïse Lesage nous dresse, que dis-je, nous érige le portrait d’une bonne famille versaillaise dont la mère est prête à tous les sacrifices pour inscrire son rejeton dans une pension catholique courue. Ainsi Marie-Charlotte allie l’humour à l’érotisme avec un remarquable style propre à toutes les suggestions :

« M. Barthélémy se leva et s’assit sur le siège près duquel était installée Marie-Charlotte. Le cœur de celle-ci se remit à battre fort et vite, le sang qu’il éjaculait dans ses artères alimentait directement son sexe, son clitoris tambourinait aussi fort que son myocarde. »

J’avais déjà remarqué le talent de Vincent Rieussec dans Osez 20 histoires de punitions sexuelles. Avec l’année du Bac, il enchaîne d’un style alerte les scènes les plus débridées où une jeune lesbienne se déchaîne :

« Ma main part au-delà des bas. Pas de barrière pour les caresses les plus profondes ! Mes doigts s’enlisent dans le mucus qui trahit son excitation. Appuyée au dossier, passive, les cuisses ouvertes, elle se laisse faire. Vaincue d’avance, elle tente une dernière dénégation :
- Je t’en prie, arrête… j’ai honte, tu es si jeune… Tu pourrais être ma fille…
- Chut… Ne dis rien… Viens explorer le con de la petite salope qui a dû hanter tes nuits d’insomnie. »

Le recueil se termine sur une main de maîtresse, avec Maîtresse d’Ornella Caldi, récit aussi excitant que bien mené, qui laisse au non-dit le soin de suggérer le plus graveleux :

« Je ne sais pas ce qui me trahit alors, la fragrance caractéristique qui s’échappait déjà de ma jupe chaque fois que je décroisais les jambes, ou le fait justement que j’avais choisi de porter cette jupe, irrévérencieuse au possible, le jour où je décidai de commettre ma première erreur professionnelle. Quoi qu’il en soit, M. Verdier, en son statut d’homme très occupé, ne prit pas de détours. J’étais assise depuis à peine cinq minutes qu’il me demanda soudain si je préférais expier ma faute par sa main ou par sa verge. En bonne repentante, je lui répondit que c’était lui le mieux placé pour juger de la justesse de mon blâme. Une réponse qui sembla le ravir puisque je profitai, ce jour-là, de ma première pénétration anale, accoudée contre le bureau, exactement comme j’avais imaginé qu’il prenait mes prédécesseurs. C’est ainsi, le cul encore dilaté et la bouche imprégnée d’une amère sanction, que je retournai à mon travail, bien décidée à tout mettre en œuvre pour susciter à nouveau les foudres de mon supérieur ».

Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais pour moi, c’est du grand art.

YouCanLeaveYourHatOnVagant.pngIl est temps d’évoquer ma nouvelle You can leave your hat on dont je ne vous ferai pas l’article, d’autant que les plus fidèles de mes lecteurs pourraient reconnaître… je n’en dis pas plus. Toujours est-il que trouver son texte imprimé dans un vrai bouquin est un plaisir bien égoïste, au sens étymologique du terme.

Je terminerai avec la nouvelle la plus étonnante d’entre toutes, Wonder Croupe contre les hommes d’Aude Alisque. C’est tout simplement surréaliste, et dans cet adjectif il y a le mot réaliste, tel le regard de la trentenaire libérée sur ses plans Tinder :

« Je l’y rejoins. J’enchaîne les bières. Je sais que la boisson n’est pas réputée pour représenter le top de la féminité, mais j’ai envie d’avoir l’air de cette fille parfaite, à la fois ton pote et ta pute. Ça marche assez moyennement, voire pas du tout. Je me suis faite à l’idée que ces hommes rencontrés sur Internet ne cherchent pas en moi la femme qu’ils pourront aimer. Je ne suis que le vaisseau de leur plaisir d’un soir, et je prends le mien au passage. Ces hommes ne cherchent plus l’amour, ils picorent, prennent peur, et se rassurent dans le confort de leur solitude, sans prise de risque, jamais. »

Qui a dit qu’on ne pouvait pas écrire avec ses tripes dans un appel à textes ?

15:59 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (12)

29 juin 2015

Invitation au voyage

DesirsDevasions.jpgSplendeur orientale, aimer à loisir, charmes mystérieux, aimer et mourir… on ne relira jamais assez Baudelaire mais je vous invite aujourd’hui à découvrir d’autres horizons.

Désirs d’évasion, tel est le titre d’un recueil de nouvelles  qui vous mènera de Marakech à Falkland, auprès de six auteurs associés pour vous transporter sur les rives du plaisir. Julie Derussy vous embarquera dans une aventure marocaine aussi romantique que métissée. Noann Lyne vous conduira sur les sentiers tortueux d’une délicieuse vengeance sexuelle dans les bas quartiers de São Paulo, et Jerk vous sèmera dans une course onirique au cœur de de l’Ouest sauvage. Enfin, Alexandrine d’Aumale vous perdra dans une fantastique aventure celtique.

Ma préférence va tout de même à Julie-Anne de Sée qui sait toujours aussi habilement mêler les références littéraires à l’érotisme le plus débridé, en nous faisant vivre cette fois-ci une étreinte sauvage dans un aéroport moscovite tout en citant Pouchkine. Vous en doutez ? Jugez plutôt :

Ce fut Lyudmila qui relança leur joute littéraire, toujours en citant le romancier :
Qui donc es-tu, es-tu ange ou un démon au charme étrange ? Résous le doute qui me prend.
Décidément, non seulement elle pouvait réciter son Pouchkine par cœur, mais encore les morceaux choisis laissaient à penser qu’elle le provoquait… Amusé, Alexandre allait répliquer quand il sentit soudain une main remonter doucement sur sa cuisse sous l’écran du vêtement qui la couvrait. Avec un tressaillement de surprise, il leva un regard interrogateur vers la jeune femme. Celle-ci sourit, posa l’index de sa main libre sur ses lèvres, lui intimant ainsi le silence. Elle se rapprocha de lui jusqu’à poser sa tête sur son torse, la main curieuse poursuivant son chemin. Après avoir agacé l’intérieur des cuisses du bout des ongles, les forçant à s’écarter, la petite main s’était insinuée juste sous les couilles.

Quant à moi, j’ai rassemblé quelques souvenirs d’expatriation au Japon pour vous inviter dans les arcanes d’un jeu pervers à Kyoto. Bien entendu, toute ressemblance bla bla bla...

08:10 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : erotisme, japonaise

03 février 2015

Un congrès à New-York

un-congres-a-new-york.jpgVoici quelques jours, j’ai reçu un message d’une dénommée Arsinoë de poncho-editions, pour m’informer de la publication de leur dernier ouvrage intitulé Un congrès à New-York. Plus intéressé par d’éventuels éditeurs pour mes histoires érotiques que par ce livre, je me suis vite rendu compte que ce roman n’était pas seulement leur dernier ouvrage mais aussi le premier, et par ailleurs le seul roman de l’auteur, une certaine Clara Lavigne.

J’ai proposé à Arsinoë de lire ce roman et d’en faire une critique ici-même, sans lui promettre qu’elle serait positive tout en l’assurant de ma bienveillance. J’ai reçu aujourd’hui même cet ouvrage au format pdf, d’environ 60 000 signes, publié dans leur collection Mini. Je l'ai lu en une heure environ. Je vous fais le pitch : « Sarah est une secrétaire jeune, dynamique… et aussi très jolie. Ce n’est pas Martin, son fiancé, qui dira le contraire. Mais cet heureux couple va faire face à un danger inattendu. C’est au cours d’un voyage d’affaires à New York que Sarah va rencontrer Hugo. Il est charmant, superbement beau. Elle ne résistera pas longtemps à la tentation… »

L’histoire de la jeune femme qui trompe son petit fiancé maladroit avec un bellâtre n’est guère originale. Les scènes érotiques sont softs, agréables à lire, sans vulgarité mais sans surprises. Le comportement des protagonistes est attendu selon une vision du monde paternaliste, romantique et moralisatrice. Le style est basique, sans aspérité mais sans élan, sans doute pour ne pas décourager un public non littéraire. L'histoire est bien construite et je n’ai pas relevé de fautes d’orthographe. Allez, je vous livre un peu d’une scène de sexe assez réussie à mon humble avis, parce qu’elle parvient à surprendre le lecteur, mais il faut dire que j’ai un petit faible pour la frustration :


Dans l’ascenseur, il se tint très proche d’elle. Elle sentait son parfum ambré.
-    Je vous trouve très jolie, vous savez.
-    Vous n’êtes pas mal non plus, s’entendit-elle répondre.
Quand les portes s’ouvrirent, elle était dans ses bras, il lui embrassait le cou, et elle fermait les yeux.
Sarah sortit les clés de sa chambre. Aussitôt, il les lui prit des mains, les enfila dans la serrure et poussa la jeune femme à l’intérieur.
Ils s’embrassèrent fougueusement, collés contre la porte. Il la maintenait prisonnière de ses bras. Elle ne pouvait pas lutter contre cet homme si robuste. D’ailleurs, en avait-elle envie ?
Il lui enleva sa veste, fit descendre la fermeture de sa robe. Ses lèvres parcouraient son corps. Il la porta et la déposa sur le grand lit. Ils se défiaient du regard. Il reprit possession de ses lèvres, sa langue tournoyant dans sa bouche. D’une main experte, il dégrafa le soutien-gorge, le jeta à terre, libérant les seins de Sarah qu’il se mit à pétrir. Il mordilla ses mamelons jusqu’à lui arracher un petit cri de douleur. Ils étaient à présent très durs, il les téta. Cette sensation était nouvelle pour elle, et elle l’appréciait. Le désir montait en elle, elle se sentait toute mouillée. Elle se mit à lui déboutonner sa chemise, mais il prit sa main fermement, l’empêchant de continuer. Il se redressa, la regarda, et dit :
-    Il suffit pour ce soir, belle demoiselle ! Il faut dormir, maintenant.

En conclusion, je ne vous inviterai pas à lire cela toute affaire cessante, mais si vous avez des goûts sexuels très classiques et pas d’autre attente qu’un petit moment agréable à passer, pourquoi pas !

Amis auteurs, vous pouvez enrichir le catalogue de Poncho-édition en répondant à leur AT et concours d’écriture. Au programme, l’antiquité et l’Angleterre. Enjoy !

19:35 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (5)

21 février 2014

Le meilleur des mondes

« Bonjour Aldous, je vous attendais.
- Bonjour Henry, je suis très honoré par cette invitation dominicale, aussi mystérieuse qu’impromptue…
- Vous me connaissez, je suis un homme énergique, impulsif parfois, on me le reproche assez, mais voyez-vous Aldous, j’ai eu une soudaine inspiration qu’il me fallait aussitôt confronter à un jeune esprit clairvoyant.
- Vous me faites bien trop d’honneur. Vous ne manquez pourtant pas de jeunes et brillants conseillers dans votre entreprise…
- Ces crétins qui ne font que répéter ce qu’ils ont appris sur les bancs de leur école de commerce pour fils à papa ? Non, ils se seraient contentés de m’écouter poliment et d’acquiescer servilement, alors que je compte sur votre franchise absolue. Après tout, vous ne risquez rien de plus que d’être mis à la porte de chez moi si vos réserves m’agacent ! Ah ! Ah ! Ah ! Je plaisante, bien sûr !
- Je n’en doute pas…
- Plus sérieusement, ce que j’ai à vous montrer est d’ordre privé, et tout ce qui sera dit à cet égard ne doit pas sortir de ma maison.
- Vous pouvez compter sur moi, Henry. »

   Aldous et Henry traversèrent de longs corridors déserts, somptueusement décorés, et pénétrèrent dans un vaste cabinet de travail, au mobilier solide et fonctionnel, mais à la décoration modeste. Seul un poste de radio troublait l’ambiance austère de la pièce, d’où s’élevait Black and Tan Fantasy, le dernier tube de Duke Ellington. Nous étions en 1929, c’était l’été et il faisait chaud. A peine furent-ils entrés que la jeune femme et le photographe qui attendaient là se levèrent obséquieusement.

   « Vous pouvez vous asseoir ! » lança Henry sur un ton de maître d’école, tout en se dirigeant vers deux fauteuils capitonnés au fond de la pièce dans la pénombre. Ils s’y installèrent après s’être servi un verre de whisky. « Augmentez la musique ! » ordonna Henry, avant de s’adresser à Aldous sur le ton de la confidence : « La jeune femme que vous voyez là est une ouvrière employée dans une de mes usines. Vous savez que je dispose d’un service de renseignement efficace afin de tuer dans l’œuf les mouvements syndicaux, et mes contremaîtres zélés m’informent aussi des mœurs des uns et des autres, ce qui peut toujours être utile. Ainsi celle-ci aurait, comment dire, la cuisse légère, et j’ai bien l’intention de favoriser ses penchants. »

   Aldous regarda la jeune femme, avec laquelle il ne devait avoir en commun que la jeunesse. Assise sur une chaise inconfortable en pleine lumière, elle portait une jupe en toile bleue grossière, un maillot de coton qui laissait voir ses épaules et deviner de petits seins, et une casquette vissée sur la tête. Aldous se demanda pourquoi elle était en tenue de travail un dimanche. Il lui sembla qu’elle leur adressait un vague sourire, mélange de servilité et de connivence.

   « Elle ne me connait pas, repris Henry guilleret, elle s’imagine être chez un éditeur de magazines érotiques qui va lui permettre de sortir les mains du cambouis, pas chez son patron qui les lui a mis dedans depuis ses douze ans. On lui a fait savoir qu’elle devrait porter une tenue de travail, et non pas s’apprêter comme pour aller au bal. Maintenant, elle va nous montrer son cul gratuitement. Vous pouvez commencer ! Ordonna Henry un ton plus haut.
- Henry, si vous m’avez fait venir chez vous de toute urgence pour me montrer une pornographie abjecte…
- Votre chasteté vous honore, Aldous, mais elle vous aveugle. Restez je vous prie. Je vous ai invité à contempler l’avenir de l’homme. »

   A l’autre bout de la pièce, le photographe demanda à la jeune femme de prendre des poses lascives tandis qu’il la photographiait. Elle obéissait docilement à ses ordres avec un plaisir apparent, jetant de temps en temps des regards aguicheurs vers les deux hommes qui la regardaient, assis dans la pénombre. Elle savait que le pouvoir était caché là, auprès de ces hommes de la haute société qui pouvaient la sortir de l’usine. Pour ça, elle était prête à tout, même à faire la pute. Après tout, quitte à se faire trousser, autant que ce soit par les mains lisses des bourgeois plutôt que les pognes calleuses des contremaitres avinés. Et puis, au plus profond d’elle-même, sentir ce pouvoir, si proche, ça l’excitait. Elle s’imaginait déjà une coupe de champagne en main, danser dans les somptueux salons qu’elle venait de traverser.

   « Je ne comprends pas, répondit sobrement Aldous.
- Malgré les apparences et mon caractère inflexible, je me définis comme un humaniste. J’offre du travail à nos concitoyens, ce qui leur permet d’élever leur progéniture sous un toit à peu près décent et de manger à leur faim. Cela devrait leur suffire.
- Vous pensez vraiment que les gens n’aspirent pas à plus ? Au bonheur par exemple…
- Si ! Justement, c’est pourquoi ils conspirent au sein de leurs syndicats contre la main qui les nourrit, en bravant l’ordre social auquel aspire légitimement tout gouvernement. Alors le bonheur, on va le leur offrir, dès le plus jeune âge.
- Offrez-leur donc des écoles, plutôt que de mettre des enfants sur des chaines de montage…
- L’école, oui, à condition de réduire de manière drastique l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle. Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité et plus sa pensée est bornée à des préoccupations médiocres, moins il peut se révolter. Il faut faire en sorte que l’accès au savoir demeure difficile et élitiste. Que le fossé entre le peuple et la science ne soit jamais comblé, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif (a). »

   A l’autre bout de la pièce, le photographe demanda à la jeune femme de faire lentement glisser sa jupe tout au long de ses jambes, tout en lui tournant le dos, ce qu’elle fit de la façon la plus obscène possible, les jambes tendues, son cul pointé vers l’objectif.

   «  Regardez-moi ça, ajouta Henry, elle ne porte même pas de culotte. Elle est décidément parfaite !
- Comment pouvez-vous parler d’éducation sans une once de culture ni de philosophie…
- Surtout pas de philosophie ! Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe : on diffusera massivement des divertissements flattant toujours l’émotionnel ou l’instinctif (a). A la radio bien sûr, mais je fonde aussi de grands espoirs sur la télévision dans cette œuvre de pacification. Quel beau cul !
- Je ne comprends toujours pas pourquoi vous m’avez fait venir assister à ça !
- Regardez là bien, mon cher Aldous. »

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   « Cette pauvre fille est à moitié nue, et alors ?
- Regardez ce qu’elle a précisément sous les yeux, et imaginez l’effet qu’auront mes photos obscènes sur les syndicalistes que je vais écraser. (b)
- Une gravure… Oh ! C’est piquant en effet !
- N’est-ce pas ? Un de mes contremaîtres a saisi ça sur un syndicaliste qui voulait faire de la propagande chez moi ! Avec votre esprit séditieux, j’imagine que vous devez connaitre cette pyramide du système capitaliste ?vintage-infographic-capitalist-pyramid-640x805.jpg
- Je l’ai vue, en effet. C’est caricatural, mais avouez que c’est plutôt bien vu.
- Je pense que ce n’est plus à l’ordre du jour. La première et la quatrième couche vont être considérablement remaniées.
-  Ah oui ?
- Oui, le prolétariat produisait jusqu’à présent pour la bourgeoisie, mais avec les gains de productivité, la bourgeoisie seule ne va pouvoir tout acheter, ce qui entrainerait une intolérable stagnation de mes bénéfices. Ce sera donc aux ouvriers d’acquérir ce qu’ils produisent.
- Vous comptez augmenter les salaires ?
- Non, le crédit. Ils consommeront le bonheur qu’ils fabriquent à crédit. Les malheureux ne le seront plus car ils pourront tous acquérir une radio, et bientôt la télévision pour se distraire ! Quand je vous disais que je suis un véritable humaniste.
- Mais comment vont-ils rembourser avec leur salaire de misère ?
- En prenant d’autres crédits pardi ! Il faut bien faire vivre les banquiers. Vous les voyez en haut de la pyramide ?
-  Mais vous allez remplacer cette pyramide sociale par une pyramide de dettes à l’échelle nationale !
- Vous êtes terrible Aldous ! Je vous parle de bonheur et vous me parlez chiffres. Laissez cela aux argentiers, ils savent ce qu’ils font.
- Le peuple va se révolter car il aura au moins appris à compter.
- Regardez-là Aldous ! Elle a l’air de se révolter, elle ? Non ! Elle a sous les yeux un modèle de la société dans laquelle elle vit, qui lui montre qu’elle est tout en bas de l’échelle sociale. Elle va pourtant se faire enculer dans tous les sens du terme et elle en sera très heureuse, car elle aura l’impression d’être en marche pour la seconde couche de la pyramide sociale, celle qui s’amuse.
- Tous ne réagiront pas comme cette pauvre fille…
- C’est une question de conditionnement. On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. Il est bon, dans un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de penser. On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. Comme tranquillisant social, il n’y a rien de mieux (a).
- Le sexe pour nouvel opium du peuple ?
- Absolument. La religion, c’est terminé. On l’expulse de la quatrième couche de la pyramide !
- Pourquoi ?
- Parce qu’elle n’a pas su évoluer avec son temps. La science l’a remplacée. Ne croyez-vous pas en la science, vous ?
- La science n’est pas de la même nature, Henry, elle est prouvée, irréfutable…
- Fariboles ! Ce n’est qu’un tissu d’hypothèses qui se contredisent successivement. Qui peut lire les démonstrations de cet Einstein ? Qui comprend les miracles de la pénicilline ? Des spécialistes qu’on est bien obligés de croire sur la base de leurs titres ronflants. Le bon peuple doit croire à la marche inexorable de la science qui les mènera bien plus surement au bonheur ici-bas que la pénitence au paradis. Croyez-moi, il sera bien plus léger de bazarder sur les ondes la dernière affirmation scientifique vulgarisée entre deux chansonnettes, que des harangues d’ecclésiastiques.
- Vous passez à la trappe près de deux mille ans d’histoire…
- Justement, ces vieilleries ont fait leur temps. Et les chrétiens ne sont pas fiables. Ils seraient bien capables d’élire un Pape qui prend vraiment parti pour les pauvres. Nous préférons les journalistes, plus efficaces, plus contrôlables, ils apparaitront comme les nouveaux garants de la liberté. Ils désigneront la religion à la populace comme l’éternel ennemi de la liberté individuelle, et de notre bonheur consumériste. En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante apologie de la légèreté ; de sorte que l’euphorie de la publicité devienne le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté. Le conditionnement produira ainsi de lui-même une telle intégration, que la seule peur – qu’il faudra entretenir – sera celle d’être exclus du système et donc de ne plus pouvoir accéder aux conditions nécessaires au bonheur (a).
- Je commence à comprendre… cette fille serait donc l’archétype de votre consommateur de bonheur préfabriqué ?
- Regardez-là s’épanouir dans la légèreté et la luxure, cette truie. Elle est l’avenir, le prototype de l’homme de masse que nous allons produire, et qui devra être traité comme ce qu’il est : un veau, et il doit être surveillé comme doit l’être un troupeau. Tout ce qui permet d’endormir sa lucidité est bon socialement, ce qui menacerait de l’éveiller doit être ridiculisé, étouffé, combattu. Toute doctrine mettant en cause le système doit d’abord être désignée comme subversive et terroriste et ceux qui la soutienne devront ensuite être traités comme tels (a).
- Me mettriez-vous dans ce camp de ces « terroristes » ?
- Libre à vous de choisir, Aldous. Sachez simplement que ceux qui ne seront pas avec nous, seront contre nous.

  Quelques semaines plus tard, la crise boursière de 1929 fut l’élément déclencheur de la grande dépression qui mit à mal l’empire industriel d’Henry, et la guerre qui suivit retarda de quelques décennies l’avènement de sa vision du monde. Aldous Huxley choisit son camp et publia en 1932 le meilleur des mondes.

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(a) Sagesse et révolte de Serge Carfantan
(b) La photo qui m’a inspiré cette histoire a été trouvée sur ce blog dont l’auteur fait une analyse différente de la mienne…

13 janvier 2014

Gamiani

Est-il possible d’écrire un roman érotique sans utiliser les grossièretés communes au genre ? C’est le défi auquel ce serait attelé Alfred de Musset, en relevant la gageure d’y parvenir en trois jours, et sans doute deux nuits. C’est ainsi que fût publié en 1833 Gamiani ou deux nuits d’excès. Au-delà de la double contrainte de la forme et du temps imposée pour parvenir à ses fins, Alfred de Musset en satisfait une troisième, celle du fond conformément aux valeurs esthétiques et morales du romantisme dont il est une égérie. Alors qu’il écrit à la même période les caprices Marianne , qui voit le triomphe de la morale sur l’amour entaché par le libertinage, Les deux nuits d’excès d’Alfred de Musset se terminent plus mal encore, conformément à la morale chrétienne au pied de la lettre de Paul aux Romains : « le salaire du péché c’est la mort ».

Gamiani met en scène un trio : l’innocence de Fanny, le désir d’Alcide et la débauche de Gamiani, auxquels correspondent traits pour traits Marianne, Coelio et Octave dans les caprices de Marianne. Évidemment, si le trio de Marianne est romantique à souhait, celui de Gamiani est érotique à point : Malgré la contrainte des mots choisis, les scènes les plus crus qui y sont détaillées satisfont les genres les plus scabreux. Le procédé narratif est aussi astucieux : les scènes d’action qu’on imagine fort bien entre les trois protagonistes, sont entrecoupées par leurs récits sulfureux qui réchauffent leurs sens et les poussent à de nouvelles lubricités. Quant à la forme théâtrale, elle confère à l’ensemble une délicieuse désuétude, mais pas seulement…

 

FANNY.

 Quel fâcheux contretemps ! La pluie tombe à torrents, et pas une voiture !

GAMIANI.

Je suis désolée comme vous ; par malencontre, ma voiture est chez le sellier.

FANNY.

Ma mère sera inquiète.

GAMIANI.

Soyez sans crainte, ma chère Fanny, votre mère est prévenue ; elle sait que vous passez la nuit chez moi. Je vous donne l’hospitalité.

FANNY.

Vous êtes trop bonne, en vérité ! Je vais vous causer de l’embarras. 

GAMIANI.

 Dites un vrai plaisir. C’est une aventure qui me divertit… Je ne veux pas vous envoyer coucher seule dans une autre chambre ; nous resterons ensemble.

FANNY.

 Pourquoi ? je dérangerai votre sommeil.

GAMIANI.

 Vous êtes trop cérémonieuse… Voyons ! soyons comme deux jeunes amies, comme deux pensionnaires.

Un doux baiser vint appuyer ce tendre épanchement.

 – Je vais vous aider à vous déshabiller. Ma femme de chambre est couchée ; nous pouvons nous en passer… Comme elle est faite ! heureuse fille ! j’admire votre taille !

FANNY.

 Vous trouvez qu’elle est bien ?

GAMIANI.

 Ravissante !

FANNY.

 Vous voulez me flatter…

GAMIANI.

 Oh ! merveilleuse ! Quelle blancheur ! C’est à en être jalouse !

FANNY.

 Pour celui-là, je ne vous le passe pas : franchement, vous êtes plus blanche que moi.

GAMIANI.

 Vous n’y pensez pas, enfant ! ôtez donc tout comme moi. Quel embarras ! on vous dirait devant un homme. Là ! voyez dans la glace… Comme Pâris vous jetterait la pomme ! friponne ! elle sourit de se voir si belle… Vous méritez bien un baiser sur votre front, sur vos lèvres ! Elle est belle partout, partout !

La bouche de la comtesse se promenait lascive ; ardente, sur le corps de Fanny. Interdite, tremblante ; Fanny laissait tout faire et ne comprenait pas. C’était bien un couple délicieux de volupté, de grâces, d’abandon lascif, de pudeur craintive. On eût dit une vierge, un ange aux bras d’une bacchante en fureur. Que de beautés livrées à mon regard, quel spectacle à soulever mes sens !

gamiani.png

En cherchant bien, ami lecteur, vous trouverez sans doute une adaptation pornographique peu respectueuse de l’œuvre originale (même si je ne comprends pas un traitre mot d’Italien ni d'Ukrainien, on peut suivre l’action sans trop de difficulté), et dont je répugne à vous donner le lien. Je vous prie de ne point blâmer ma pudibonderie passagère, d’autant plus que Google serait votre ami, mais de rêver avec moi à une adaptation théâtrale sans doute inimaginable de nos jours.

14:43 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : gamiani

19 juin 2008

La brioche de Tolstoï

afee9f971b1daff5dfd86fbc544ede54.jpg- Vois-tu, mon ami, les femmes sont le ressort qui fait tout mouvoir en ce monde… Tu me demandes où en sont mes affaires ? En fort mauvais point, mon cher… Et tout cela à cause des femmes… Donne-moi franchement ton avis, continua-t-il en tenant un cigare d’une main et son verre de l’autre.
- Sur quoi ?
- Voici, supposons que tu sois marié, que tu aimes ta femme, et que tu te sois laissé entraîné par une autre femme.
- Excuse-moi, mais je ne comprends rien à pareille affaire ; c’est pour moi, comme si tout à l’heure en sortant de dîner j’allais voler une brioche dans une boulangerie.
Les yeux de Stépane Arcadiévitch [Oblonski] pétillèrent.
- Pourquoi pas ? Certaines brioches sentent si bon qu’on ne saurait résister à la tentation : « Je suis ravi quand j’ai pu vaincre le désir de ma chair ; mais si je n’y réussis pas, j’ai au moins le plaisir pour moi. »
Ce disant, Oblonski sourit malicieusement ; Levine ne put se retenir de l’imiter.
- Trêve de plaisanteries, continua Oblonski. Il s’agit d’une femme charmante, modeste, aimante, sans fortune et qui vous a tout sacrifié : faut-il l’abandonner, maintenant que le mal est fait ? Mettons qu’il soit nécessaire de rompre, pour ne pas troubler la vie de famille, mais ne doit-on pas avoir pitié d’elle, lui adoucir la séparation, assurer son avenir ?
- Pardon, mais tu sais que pour moi les femmes se divisent en deux classes… ou pour mieux dire, il y a les femmes et les… Je n’ai jamais vu et ne verrai jamais de belles repenties ; mais des créatures comme cette Française du comptoir avec son fard et ses frisons ne m’inspirent que du dégoût, comme d’ailleurs toutes les femmes tombées.
- Même celle de l’Évangile ?
- Ah ! Je t’en prie… Le Christ n’aurait jamais prononcé ces paroles, s’il avait su le mauvais usage qu’on en ferait : c’est tout ce qu’on a retenu de l’Évangile. Au reste, c’est plutôt une affaire de sentiments que de raisonnement. J’ai une répulsion pour les femmes tombées, comme tu en as une pour les araignées. Nous n’avons pas eu besoin pour cela d’étudier les mœurs ni des unes ni des autres.
- Tu me rappelles ce personnage de Dickens qui rejetait de la main gauche par-dessus l’épaule droite toutes les questions embarrassantes. Mais nier un fait n’est pas répondre. Que faire, voyons, que faire ? Ta femme vieillit tandis que la vie bouillonne encore en toi. Tu te sens tout d’un coup incapable de l’aimer d’amour, quelque respect que tu professes d’ailleurs pour elle. Sur ces entrefaites l’amour surgit à l’improviste et te voilà perdu ! s’exclama pathétiquement Stépane Arcadiévitch.
Lévine eut un sourire sarcastique.
- Oui, oui, perdu ! répétait Oblonski. Eh bien, voyons, que faire ?
- Ne pas voler de brioche.
Stépane Arcadiévitch se dérida.
- Ô moraliste !... Mais comprends donc la situation. Deux femmes s’affrontent. L’une se prévaut de ses droits, c'est-à-dire de l’amour que tu ne peux lui donner ; l’autre sacrifie tout et ne te demande rien. Que doit-on faire ? Comment se conduire ? Il y a là un drame effrayant.
- Si tu veux que je te confesse ce que j’en pense, je ne vois pas là de drame. Voici pourquoi. Selon moi l’amour… les deux amours tels que tu dois t’en souvenir, Platon les caractérise dans son Banquet, servent de pierre de touche aux hommes, qui ne comprennent que l’un ou l’autre. Ceux qui comprennent uniquement l’amour non platonique n’ont aucune raison de parler de drame, car ce genre d’amour n’en comporte point. « Bien obligé pour l’agrément que j’ai eu » : voilà tout le drame. L’amour platonique ne peut en connaître davantage, parce que là tout est clair et pur, parce que…
À ce moment Levine se rappela ses propres péchés et la lutte intérieure qu’il avait subie. Il termina donc sa tirade d’une manière imprévue :
- Au fait, peut-être as-tu raison. C’est bien possible… Mais je ne sais pas, non, je ne sais pas.
- Vois-tu, dit Stépane Arcadiévitch, tu es un homme tout d’une pièce. C’est ta grande qualité mais aussi ton défaut. Parce que ton caractère est ainsi fait, tu voudrais que la vie fût constituée de même façon. Ainsi tu méprises le service de l’État, parce que tu voudrais que toute occupation humaine correspondît à un but précis – et cela ne saurait être. Tu voudrais également un but dans chacun de nos actes, tu voudrais que l’amour et la vie conjugale ne fissent qu’un – cela ne saurait être. Le charme, la variété, la beauté de la vie tiennent précisément à des oppositions de lumière et d’ombre.

Anna Karénine, Première partie, chapitre XI

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Ami lecteur, ce n’est pas vous qui me féliciterez d’avoir résisté à la tentation. Car pendant plus d’un mois, j’ai résisté à celle d’écrire sur ce blog. Rien, même pas un commentaire ni un regard aux statistiques, l’abstinence complète afin d’échapper à ce qui m’était apparu devenir une addiction. J’aurais pu vous prévenir de ma résolution, mais non, silence radio, et sans le moindre scrupule. Quand je vous disais que je suis infidèle…

Je suis aussi opportuniste. J’ai lâchement profité d’un surcroît de travail auquel je me suis assidûment consacré, ainsi que d’un bon roman qui m’a tenu éloigné de toute velléité littéraire. Il faut dire que face à un monument comme Anna Karénine, l’écrivaillon ne peut que faire taire son clavier. Je ne vous ferai pas l’offense supplémentaire de vous apprendre ce qu’est, selon Louis Pauwels, « ce grand roman de l’adultère, au souffle beaucoup plus grand que Madame Bovary ». J’ai bien une prédilection naturelle pour m’étendre - et même me vautrer - sur ce thème, mais c’est plutôt l’intrication du roman avec la vie personnelle de son auteur dont j’ai envie de vous parler.

Anna Karénine s’inscrit à un tournant de la vie de Lev Nicolaievitch Tolstoï. Guerre et paix lui a déjà apporté la renommée, il n’en est pas moins déchiré entre sa vie littéraire mondaine et sa religiosité puritaine. Un soir de 1873, après avoir relu Pouchkine, le bouillant Tolstoï se lance dans ce roman comme sous l’effet d’une impulsion créatrice incontrôlable - pour ainsi dire libidinale au sens psychologique du terme. Il croit alors pouvoir le terminer en deux semaines, et le publier sous forme de feuilleton dans le messager russe. Quatre ans plus tard, il y est toujours. Après avoir touché 20000 roubles – la somme la plus importante jamais versée pour un roman à cette époque – Tolstoï ne parvient pas à accorder le démon littéraire qui l’aiguillonne, avec ses méditations existentielles au thème récurrent : « Quel est le sens de la vie ». Partagé entre l’envie de peaufiner son chef d’œuvre et celle d’en finir, il en multiplie les plans et les variantes qui finissent par compter autant de pages que l’énorme roman final, soit plus de 850 pages dans l’édition de poche.

La chronologie de ces variantes montre que l’intrigue initiale entre Anna Karenine et son amant le prince Vronski, s’est peu à peu enrichie d’une histoire parallèle : celle du couple vertueux Lévine – Kitty, largement autobiographique. En traversant ce roman de part en part, Lévine-Tolstoi semble donner le contrepoint moraliste de la chute d’Anna Karénine, et remplir ainsi sa mission prosélyte comme le souligne la citation Biblique de la préface « À moi la vengeance et la rétribution » - ce qui prête à sourire quand on réfléchit à l’ambiguïté du mot « moi ». Néanmoins, il ne se départit pas d’une certaine sincérité, notamment lorsqu’il décrit comment Lévine confie son journal intime à sa jeune épouse pour lui avouer son « impureté sexuelle » au soir de sa nuit de noce, épisode autobiographique qui torturera Tolstoi jusqu’à son lit de mort.

C’est cette sincérité là qui désarçonne Lévine dans ce dialogue avec Oblonski, qui  incarne le jouisseur opportuniste, le terrien sympathique, aux préoccupations prosaïques étriquées comparées aux élans passionnés d’Anna Karénine. C’est pourtant ce personnage attachant, dépeint par l’auteur avec tout l’amour du Seigneur envers le pêcheur à convertir, qui balaye les arguties du moraliste. Comme un clin d’œil à la vie terrestre avant que Tolstoï n’embrasse la blancheur immaculée où il se perdra.