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29 septembre 2007
Bachelor (5)
Très chère Cassandre,
J’ai le plaisir de vous faire parvenir une troisième candidature qui ne manquera certainement pas d’aiguillonner votre curiosité….
Chère Madame,Si j'ose ainsi m'adresser à vous c'est à la demande de votre cher Vagant, bloggeur virtuose et animateur de fantaisies, dont je partage le goût pour les frivolités sensuelles.
Me présenter en détail serait rompre une partie du contrat et, finalement, je préfère laisser à votre imaginaire le soin de dessiner mon portait.
Que dire donc alors qui puisse susciter en vous l'envie, sinon le désir, de me rencontrer ?
Sans doute que cette missive ne constitue en aucun cas une "carte blanche", n'engageant aucune des parties dans la concrétisation matérielle de ce que nous pourrions être à même d'évoquer par les mots.
Probablement, aussi, que notre rencontre serait teintée de surprises, et qu'il vous faudra dépasser les apparences pour découvrir mes penchants fantaisistes. Ceux-ci ne seront que difficilement décelables lors de notre première entrevue - vous userez de votre sagacité pour les découvrir - tandis qu'ils se révèleront évidents si une rencontre - même "aveugle"- devait se produire.
Enfin, que les différents aspects qui semblent animer vos désirs déclenchent en moi une vive émotion ... dans le dés-ordre, que j'apprécie particulièrement.
Je soumets donc à votre bon vouloir, l'envie de pousser plus avant cette découverte.
Respectueusement,
C***
En vous souhaitant bonne réception, je vous prie de me pardonner mes sentiments les plus jaloux.
Vagant
07:30 Publié dans In vivo | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : Bachelor
27 septembre 2007
Une gourmandise
Un homme se tient par le ventre et le bas ventre. [Proverbe ivoirien]
Si j’ai évoqué le pouvoir du plaisir dans une de mes anciennes notes et notamment le pouvoir du plaisir sexuel - le pouvoir du bas ventre - je ne me suis jamais étendu sur les plaisirs du ventre. Il faut dire que dans mes textes, il est plus question de chair que de bonne chair : lorsque j’ouvre la bouche pour savourer l’onctuosité de chairs humides, c’est rarement pour gober une huître ; lorsque la paume de ma main flatte une chaude rotondité, ce n’est pas souvent celle d’une miche de pain ; lorsque je plonge un appendice dans un calice parfumé, ce n’est généralement pas mon nez. Alors si je vous dis que j’ai découvert un roman dont la sensualité m’a mis l’eau à la bouche, dont les mots m’ont plongé dans une joie jubilatoire, sans doute penserez-vous que j’ai découvert une fine fleur de l’érotisme. Il n’en est rien. Une gourmandise de Muriel Barbery est à l’encyclopédie de cuisine ce que le cantique des cantiques est à la Bible : une subtile prose dont la poésie enchante l’âme jusqu’aux muqueuses.
Lire Une gourmandise, c’est goûter la saveur des mots : « Les mots : écrins qui recueillent une réalité esseulée et la métamorphosent en un moment d’anthologie, magiciens qui changent la face de la réalité en l’embellissant du droit de devenir mémorable, rangée dans la bibliothèque des souvenirs. Toute vie ne l’est que par l’osmose du mot et du fait où le premier enrobe le second de son habit de parade. »
Lire Une gourmandise, c’est déguster les mots de la saveur, ou plutôt les mots des saveurs, car les aliments les plus simples passés au crible de sa plume fantastique ne sont pas froidement disséqués, mais ils sont révélés toute leur puissance évocatrice.
Une pâtisserie marocaine après les boulettes de viande ? « Elles ne sont appréciables dans toute leur subtilité que lorsque nous ne les mangeons pas pour apaiser la faim et que cette orgie de douceur sucrée ne comble pas un besoin primaire mais nappe notre palais de la bienveillance du monde. »
Une tomate dans un verger ? « La tomate crue, dévorée dans le jardin sitôt récoltée, c’est la corne d’abondance des sensations simples, une cascade qui essaime dans la bouche et en réunit tous les plaisirs. La résistance de la peau tendue, juste un peu, juste assez, le fondant des tissus, de cette liqueur pépineuse qui s’écoule au coin des lèvres et qu’on essuie sans crainte d’en tacher ses doigts, cette petite boule charnue qui déverse en nous des torrents de nature : voilà la tomate, voilà l’aventure. »
Le poisson cru dans un restaurant japonais ? « Le vrai sashimi ne se croque pas plus qu’il ne fond sur la langue. Il invite à une mastication lente et souple, qui n’a pas pour fin de faire changer l’aliment de nature mais seulement d’en savourer l’aérienne moellesse. Oui, la moellesse : ni mollesse ni moelleux ; le sashimi, poussière de velours aux confins de la soie, emporte un peu des deux et, dans l’alchimie extraordinaire de son essence vaporeuse, conserve une identité laiteuse que les nuages n’ont pas. »
Lire Une gourmandise, c’est retrouver des accents de Delerm, mais les plaisirs de Barbery n’ont pas pour vocation de rester minuscules, ils gonflent, ils enflent, ils explosent de lyrisme, et ils nous emportent comme la toute première gorgée de whisky : « Telle une marquise éthérée, je trempai précautionneusement mes lèvres dans le magma tourbeux et… ô violence de l’effet ! C’est une déflagration de piment et d’éléments déchaînés qui détonne soudain dans la bouche ; les organes n’existent plus, il n’y a plus ni palais, ni joues, ni muqueuses : juste la sensation ravageuse qu’une guerre tellurique se déroule en nous-mêmes. »
Mais je me relis et je réalise qu’emporté par les saveurs et les mots, j’ai oublié de mentionner l’intrigue. Tant pis, j’ai déjà épuisé mon « crédit mot ». Sachez seulement que c’est amusant et drôlement bien mené. Je voudrais juste abuser de votre patience d’ami lecteur pressé pour en venir enfin au fait : Un homme se tient aussi par le ventre. Cela est admirablement développé par Barbery lorsqu’un des protagonistes, un jeune critique gastronomique interrogé le maître au sujet d’un sorbet (« le sorbet est aérien, presque immatériel, il mousse juste un peu au contact de notre chaleur puis, vaincu, pressé, liquéfié, s’évapore dans la gorge et ne laisse à la langue que la réminiscence charmante du fruit et de l’eau qui ont coulé par là ») le qualifie de sorbet de grand-mère. Dans sa bouche et aux oreilles du maître, c’est le plus beau des qualificatifs, et le voilà à parler de la cuisine de grand-mère…
Je crois qu’elles avaient conscience, sans même se le dire, d’accomplir une tâche noble en laquelle elles pouvaient exceller et qui n’était qu’en apparence subalterne, matérielle ou bassement utilitaire. Elles savaient bien, par-delà toutes les humiliations subies, non en leur nom propre mais en raison de leur condition de femmes, que lorsque les hommes rentraient et s’asseyaient, leur règne à elle pouvait commencer. Et il ne s’agissait pas de mainmise sur « l’économie domestique » où, souveraines à leur tour, elles se seraient vengées du pouvoir que les hommes avaient à « l’extérieur ». Bien au-delà de cela, elles savaient qu’elles réalisaient des prouesses qui allaient directement au cœur et au corps des hommes et leur conféraient aux yeux de ceux-ci plus de grandeur qu’elles mêmes n’en accordaient aux intrigues du pouvoir et de l’argent ou aux arguments de la force sociale. Elles les tenaient, leurs hommes, non pas par les cordons de l’administration domestique, par les enfants, la respectabilité ou même le lit – mais par les papilles, et cela aussi sûrement que si elles les avaient mis en cage et qu’ils s’y fussent précipités d’eux-mêmes.[…]
Que ressentaient-ils, ces hommes imbus d’eux-mêmes, ces « chefs » de famille, dressés depuis l’aurore, dans une société patriarcale, à devenir les maîtres, lorsqu’ils portaient à leur bouche la première bouchée des mets simples et extraordinaires que leurs femmes avaient préparés dans leurs laboratoires privés ? Que ressent un homme dont la langue jusqu’alors saturée d’épices, de sauce, de viande, de crème, de sel, se rafraîchit subitement au contact d’une longue avalanche de glace et de fruit, juste un peu rustique, juste un peu grumeleuse, afin que l’éphémère le soit un peu moins, retardé par la déliquescence plus lente des petits glaçons fruités qui se disloquent doucement… Ces hommes ressentaient le paradis, tout simplement, et même s’ils ne pouvaient se l’avouer, ils savaient bien qu’eux-mêmes ne pouvaient le donner ainsi à leurs femmes, parce que avec tout leur empire et toute leur arrogance, ils ne pouvaient les faire se pâmer comme elles les faisaient jouir en bouche !
07:35 Publié dans Réflexions | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : Une gourmandise, Livres, Muriel Barbery, Littérature
25 septembre 2007
Bachelor (4)
Ma chère Cassandre,
J’ai le pressentiment que nos candidats rivaliseront d’audace et d’imagination pour vous plaire, sur le fond comme sur la forme. Voici donc la seconde candidature…
Dans l’espoir que ce ne soient pas les trois coups que je ne vous donne jamais…
Votre dévoué Vagant
07:00 Publié dans In vivo | Lien permanent | Commentaires (30) | Tags : Bachelor
23 septembre 2007
Elles
Je lui ai dit de se taire.
C’est tout ce que j’avais trouvé pour arrêter un instant l’engrenage, au moins reculer l’échéance. Il a retenu son mouvement et m’a regardée avec ses yeux de brute, vides comme une nuit sans lune:
- Tu veux que je la ferme ? Moi ? Je n’ai rien dit, abrutie ! T’entends des voix !
- Ne l’ouvre pas, je t’en prie…
J’ai vu un éclair de compréhension dans son regard fou, et puis un mauvais sourire sur ses lèvres épaisses. Il a brandi son couteau suisse et il l’a ouverte comme un porc. Elle s’est vidée à gros bouillon. C’est tout juste s’il l’a regardée. Sans doute devait-il déjà la considérer comme un cadavre. Il en a mis partout, de ce liquide poisseux et âcre, qui colle à la peau et à l’âme. À moi de nettoyer tout ça, d’effacer les traces de son crime devant Dieu. J’ai l’habitude maintenant. Je me suis endurcie. Je sais.
Avant, je me doutais bien qu’après son travail à l’abattoir, il ne rentrait pas directement à la maison. Où allait-il traîner, je ne voulais pas le savoir. Pas savoir où filait sa paye ; pas identifier les odeurs sur ses vêtements ; oublier mes cauchemars avec elles comme les gros titres des journaux ; tout encaisser plutôt que ses coups. Jusqu’au jour où il en a ramené une à la maison.
Je m’en rappellerai toujours, elle était là, petite au creux de la banquette, impassible, rutilante de paillettes aux reflets noirs et rouge. Superbe. La beauté du diable.
- Je t’en supplie, Reza, pas devant moi, pas chez nous…
- Chez moi ! Et je fais ce que je veux !
Je me suis ruée sur elle, je voulais la balancer sur le pallier, mais il m’a envoyée valser d’une seule gifle. Quand j’ai repris mes esprits, il l’avait prise, il l’étreignait dans ses mains de boucher, et quand il en a fini avec elle, il l’a fracassée contre le mur du salon. Une horreur ! J’ai réussi tant bien que mal à faire disparaître tous les morceaux du cadavre avant la visite de l’imam. Quelle honte !
Ils sont cachés dans le placard avec celles qu’il n’a pas brisées.
07:30 Publié dans Fictions | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : coumarine, Littérature
21 septembre 2007
Bachelor (3)
Note spéciale CUI
Je suppose que tous mes fidèles lecteurs connaissent Comme Une Image alias CUI, l’homme aux mains pleines de dames, le libertin au caleçon hawaïen, le fornicateur de l’opéra, le séducteur à la 106 Kid. Il serait donc fatigué de l’esprit, et sans doute du corps au vu de son programme chargé, au point que malgré sa vivacité légendaire, il se demande s’il a bien tout compris à mon jeu « Bachelor » initié ici et explicité là. Ses questions sont néanmoins si pertinentes que je le soupçonne de dénoncer indirectement mes carences conceptuelles comme doit le faire tout bon ingénieur diplomate devant des spécifications déficientes - on ne dit pas « ça ne marchera jamais parce que…» mais « je n’ai pas bien compris comment… ». En gros, CUI a assez bien presque tout compris, et voilà les détails où, comme chacun sait, se cache le diable :
I-Sur l'envoi de candidature
a) tu réceptionnes
Oui
b) tu valides
Oui
c) tu transmets à Cassandre
Oui, et seulement la lettre en m’assurant de son anonymat. Les candidats seront ainsi appelés A***, B***, C***… selon leur ordre d’arrivée dans ma messagerie.
d) tu publies éventuellement sur ton burp
Oui
e) Cassandre donne ou non son accord pour la phase II.
Oui.
II-Sur le rendez-vous préliminaire
a) tu joues les intermédiaires pour convenir de la date et du lieu.
Oui
b) Seule Cassandre participe au rendez-vous, sans savoir laquelle des lettres retenues son interlocuteur a écrite.
Oui
c) Cassandre t'indique ensuite si elle donne ou non son accord pour la phase III
Oui
d) Des interventions sur ton burp à ce niveau ?
Peut-être quelques notes de la part de Cassandre, selon ses désirs et l’autorisation des candidats. Cela reste à définir.
III-Sur le rendez-vous int. -18
a) à nouveau, tu joues les intermédiaires pour convenir de la date et du lieu tout en cachant l'identité de celui que Cassandre va rencontrer les yeux fermés.
Oui
a-bis) cela suppose que la phase II est close, de même que la phase I doit être clôturée avant de démarrer la phase II.
Je l’espère, mais pas forcément. Je pourrais continuer à recevoir des candidatures pour la phase I alors que la phase II a commencé, s’il s’avérait que les premiers rendez-vous préliminaires sont infructueux.
b) il se passe ce qui doit se passer sans ton intervention (pour le contrôle du respect du règlement notamment ?)
Ta question est aussi ambiguë que le sera ma réponse : selon les circonstances, je prendrai les mesures nécessaires pour garantir autant que possible la sécurité de Cassandre. Le respect de son intégrité physique est ma première priorité. J’en suis implicitement responsable. Cassandre me fait confiance pour organiser ce jeu dont elle ne pourra jouir que si elle se sent en sécurité. En revanche, je n’ai pas à contrôler le respect des règles : je suis l’organisateur, pas le juge.
b-bis) tu remplaces subtilement un des participants à son insu ou pas (chuttt)
Non, pour les raisons données ici.
c) Des interventions sur ton burp à ce niveau ?
Peut-être quelques notes de la part de Cassandre, selon ses désirs et l’autorisation des candidats. Cela reste à définir.
IV-Annonce des résultats
a) Cassandre classe pour chacune des phases les différents candidats toujours sans savoir faire la liaison entre les différentes phases (sur ce point, j'ai quelques doutes : 1) déjà sur la capacité de Cassandre à ne pas identifier les participants à partir de leur lettre (je me place évidemment dans l'hypothèse des participants burpeurs, ayant éventuellement un style rédactionnel) (ou alors ça veut dire qu'il faut se dissimuler mais alors quid de la sincérité ???) 2) à ne pas faire le lien entre l'écrit et l'oral des phases I et II 3) à ne pas faire le lien entre les cris et l'*** des phases II et III.
Certes. À chacun de faire au mieux. Si tu participes et si tu penses que le fait d’être reconnu est un avantage, tu peux laisser transparaître ton style. Si tu penses que cela peut t’être préjudiciable, tu peux t’efforcer d’adopter un ton plus neutre. À toi de voir. Tout commentaire dévoilant l’identité réelle ou supposée des uns et des autres sera immédiatement effacé.
b) Par un subtil calcul (as-tu prévu des coefficients ?), tu nous offres un palmarès en dévoilant à tous qui fit quoi ?
Non
c) Ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants et reçurent un chèque de 100.000 €. C'est ça ? (Ça m'apprendra à ne pas regarder les jeux à la télé, je suis largué.)
Non. Il n’y a à gagner que le plaisir partagé de la phase III.
10:50 Publié dans In vivo | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Bachelor, CUI, jeu libertin
20 septembre 2007
Bachelor (2)
Très chère Cassandre,
J’ai le plaisir de vous faire parvenir une première candidature suite à l’annonce faite sur mon blog. Je vous en laisse seule juge:Exquise Cassandre,
Je prends à deux mains ma plume, mon courage et mon envie de vous plaire. Je ne vous devine qu’à travers les lignes de Vagant. Et la jeune femme que je découvre entre les mots me fascine. Il faut avoir en effet une imagination débordante, délicieusement perverse, érotique et subtile pour lancer pareil défi. Pourquoi tenter l’aventure? Justement parce que je succombe au jeu autant que je m’enivre des parfums capiteux que les femmes exhalent.
Je ne vous cache pas qu’être à la hauteur de vos espérances sera difficile. Mais j’aime séduire avec périls ; et, triompher ou perdre, qu’importe au fond, si on y a mis un peu de gloire ou tout au moins d’ardeur!
Ajoutons à vos attraits et qualités toute cérébrales, un corps désirable et nous aurons dressé un tableau, certes impressionniste mais approchant, je l’espère, du modèle que je ne demande qu’à admirer.
L’on aimerait descendre doucement du cou jusqu’à cette poitrine ronde, s’aventurer sur votre peau hâlée et si douce, à n’en pas douter, et y laisser autant de baisers que votre charme et votre sensualité réclament.
Pardonnez la brièveté de ma lettre. Mais parfois les mots ne suffisent pas, ils réclament de l’aide, ils ont atteint leurs limites. Et alors, ils attendent que les mains, les lèvres, le souffle, les caresses, disent ce qu’ils ne peuvent exprimer.
Votre sensualité affolante, douce, mais non moins voluptueuse Cassandre, excite la mienne qui brûle d’en connaître la saveur.
Sans vouloir jouer les Cassandre, sachez que vos attraits, si riches de promesses grisantes, me laissent espérer que je ne caresserai pas seulement des chimères.A***
Comme convenu, j’ai rendu cette lettre anonyme avant de la publier conformément aux désirs de ce candidat dont j’ai pu vérifier le sérieux. Je vous prie, ma chère Cassandre, de ne pas commenter publiquement cette candidature, tout au moins pour l’instant.Bien à vous,
Vagant_______________________________________
Note à l’attention des candidats
J’ai reçu quelques messages d’éventuels candidats à « Bachelor » qui m’ont fait part de leur perplexité, tout particulièrement en ce qui concerne le procédé qui leur a semblé confus. C’est en vérité très simple et se déroulera en trois étapes :
1/ L’esprit : Tous les candidats à une rencontre avec Cassandre, dont quelques photos ont été publiées ici, écrivent une charmante lettre à son intention sur vagant75@yahoo.fr. Cette lettre devra cependant respecter un premier tabou : l’anonymat. Si le candidat l’accepte, sa lettre sera publiée anonymement sur mon blog comme c’est le cas pour celle de A***. Je vérifierai par ailleurs la fiabilité et le sérieux de chacun.
2/ La vue & l’ouie : Parmi tous ces candidats, une demi-douzaine seront invités à rencontrer Cassandre en tête à tête au cours d’un dîner, d’un déjeuner ou simplement pour prendre un verre, afin de faire connaissance et constater d’éventuels atomes crochus. Chaque candidat devra néanmoins respecter le tabou de l’anonymat : ne pas révéler son identité, ni de quelle lettre il est l’auteur.
3/ Le toucher : Ceux et celles qui auront été séduits par Cassandre autant qu’ils auront su la séduire, auront alors le plaisir de la connaître dans l’intimité, où ils devront faire preuve d’une sensualité raffinée et imaginative plutôt que d’une sexualité fougueuse et endurante. Là encore, il y aura le tabou de l’anonymat à respecter : ne pas révéler son identité. Chaque candidat devra donc s’efforcer de garder le silence tandis que Cassandre gardera les yeux bandés !
Les qualités requises pour participer à ce jeu sont la discrétion sans l’effacement, le raffinement sans affectation, l’imagination dans toute sa subtilité, la sensualité originale au lieu de la sexualité bestiale, le charme plus que la beauté bien que Cassandre soit particulièrement sensible à beauté des sylphides, qu’on se le dise !
Est-ce plus clair ?
09:50 Publié dans In vivo | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : Bachelor, cassandre, jeu libertin
19 septembre 2007
Le jeu
Il faut atteindre les dernières pages de Hors jeu, le premier roman de Bertrand Guillot alias SecondFlore, pour comprendre véritablement son sujet : Le Jeu. C’était pourtant dans le titre, me direz-vous judicieusement, mais il m’aura fallu du temps pour comprendre combien ce titre a été bien choisi. Car Hors jeu a pour ambition de traiter du jeu sous tous ses aspects : de la cruauté du jeu de la drague à la vacuité du jeu social, de l’aliénation du jeu vidéo à la folie du jeu de casino, en passant par le jeu télévisé qui en synthétise toutes les tares, omniprésent sur nos écrans et dans ce roman où il nous apparaît plus que jamais comme la caricature grossière des jeux sociaux insidieux. Bien des auteurs ont traité divers aspects du jeu, Dostoïevski avec Le joueur bien sûr, mais aussi Houellebecq, Beigbeder, Kundera, et on les perçoit entre les lignes de Hors jeu, que ce soit pour le fond ou sous la forme. Dans l’ombre de ces monuments contemporains, traiter un sujet aussi vaste est probablement une gageure.
Bertrand s’en sort bien avec un roman accrocheur, au style résolument moderne qui nous entraîne dans les tribulations de Jean-Victor Assalti, héros creux dont le vernis craquelle au point que sa vaniteuse puérilité finit par nous être sympathique. Tombé au chômage après une ascension aussi fulgurante qu’éphémère, il cherche à rebondir dans un jeu télé dont il veut rafler le gros lot avec panache. Il me semble que le tournant du roman se situe à la fin de la troisième partie - lorsque Jean-Victor retrouve une des candidates du jeu - au cours d’un paragraphe que je vous livre in extenso :
Prenant mon courage à une main, ma rose dans l’autre, j’ai avancé. Doucement. En passant, j’ai repéré une table où deux filles lookées Vogue buvaient de grands verres de vin blanc. « Même sur Meetic je ne suis tombée que sur des caves », disait Marie-Claire à Isa.
J’ai tout juste eu le temps de cacher la fleur sous la chaise. Emma a posé son livre, relevé la tête, m’a vu. Sourire d’ange.
- Bonjour !
- Et dire que j’ai cru ne jamais revoir ce sourire…
- On trouve toujours quand on sait chercher, Monsieur le Conseiller…
Ai-je rêvé ou elle avait rapproché sa main sur la table ? J’ai préféré parler de son livre.
- Risibles amours, donc. Tu aimes ?
- Oui. C’est un recueil de nouvelles. Je viens d’en finir une qui m’a fait penser à toi.
- Ah, oui ?
- C’est l’histoire d’un jeune couple. Le Jeu de l’auto-stop. Elle est timide et jalouse, lui est amoureux mais maladroit. L’his…
- Pardon, mais… Tu es timide, toi ?
- Idiot ! Donc l’histoire commence dans la voiture : ils partent en vacances. Ils parlent des auto-stoppeuses frivoles qui courent les routes tchèques, la fille imagine toutes les aventures qu’il a pu avoir, loin d’elle, dans sa voiture. Quand il s’arrête dans une station-service pour faire le plein, elle s’en va toute seule, à pied. Il la retrouve un peu plus loin, pouce levé comme une auto-stoppeuse. Il s’arrête à sa hauteur, la laisse monter…
- Un apéritif peut-être ?
La serveuse était arrivée à notre table, discrète comme une coupure publicitaire. Emma a fini son verre, m’a interrogé du regard.
- Bien sûr, j’ai dit. Tu reprends la même chose ?
- Ah non ! Varions les plaisirs.
Elle a tenté un merlot chilien, le moins cher de la carte, j’ai commencé par un bourgueil. La serveuse m’a demandé si nous voulions des grands verres. Bien sûr, j’ai répondu, et discrètement je lui ai demandé en bonus une chope de bière remplie d’eau.
- Les voilà sur la route, donc…
- Oui. Mais la situation a complètement changé. Un jeu s’est instauré : ils jouent a être deux inconnus qui vont finir la nuit ensemble. Libérée de sa timidité, elle joue la fille facile et y prend goût, elle le provoque et ça l’excite.
- Et alors ?
- Alors, le jeu les dépasse tous les deux. Prisonniers de leur scénario, ils ne peuvent pas éviter l’escalade. Quand ils arrivent à l’hôtel, il finit par la traiter de pute, littéralement je veux dire, il lui fait l’amour comme une brute, elle veut sortir du jeu mais n’y arrive pas, et elle finit par jouir comme jamais, mais en pleurant.
- Et elle le quitte ?
- On ne sait pas. Le garçon essaie de la consoler, sans succès. Tout ce que nous dit Kundera, c’est qu’il leur reste treize jours de vacances. J’aime quand les histoires n’ont pas de fin…
Son émotion était visible. Elle venait de loin, bien plus loin que nous deux. Je me suis retourné pour voir où en étaient nos apéritifs.
- Et quel rapport avec moi ? j’ai demandé.
- Le jeu !
Risibles amours est, à mon avis aussi, le meilleur livre de Kundera. Loin d’être une œuvre de jeunesse immature, chacune de ses nouvelles préfigure les romans de sa postérité. Ainsi Le jeu de l’auto-stop est une merveille d’engrenage psychologique initié par les règles d’un jeu imbécile qui mène un jeune couple au désastre en révélant la part d’ombre de chacun, la part de l’autre. Le jeu agit comme un révélateur de l’âme en bâillonnant la raison avec ses règles ad-hoc:
Et il ne servait à rien d’appeler au secours la raison et d’avertir l’âme étourdie d’avoir à garder ses distances et de ne pas prendre le jeu au sérieux. Justement parce que c’était un jeu, l’âme n’avait pas peur, ne se défendait pas et s’abandonnait au jeu comme à une drogue […] dans le jeu, on n’est pas libre, pour le joueur le jeu est un piège.
J’ai plus d’une fois pu constater combien cette phrase est vraie et comment le jeu pouvait exercer son emprise jusqu'à déborder ses protagonistes, comme ce fut le cas ici.
En conclusion, ne choisissez pas un de ces deux livres : ouvrez les deux comme les paupières sur la mécanique des jeux qui nous submergent.
10:00 Publié dans Réflexions | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Livres, Agrafe, Hors jeu, Bertrand Guillot, Kundera, Risibles amours, Le jeu de l'auto-stop
17 septembre 2007
Bachelor (1)
Très chère Cassandre,
C’est avec un certain étonnement, mâtiné d’un agacement certain, que j’ai reçu votre subtile proposition. Ma réponse, en revanche, ne vous surprendra probablement pas, eût-elle la forme d’une lettre ouverte. Permettez-moi donc de résumer en une phrase le défi que vous me lancez : organiser un concours de séduction dont vous seriez à la fois l’objet, l’enjeu, et dont je serais l’arbitre !
Avez-vous la moindre idée du supplice de Tantale auquel vous me soumettez, ma chère Cassandre ? Non seulement vous êtes restée sourde à mes appels luxurieux, aveugle à mes appâts capiteux, muette à ma cour assidue, mais après m’avoir ôté tout espoir de conclusion galante, vous voudriez que j’orchestre vos frasques libertines ? Et vous avez l’audace de m’assurer que je prendrais un certain plaisir à cette entreprise, le seul que vous me concéderez jamais : le plaisir du pouvoir de l’eunuque, gardien d’un harem virtuel dédié à votre seul plaisir de sultane ? Voilà des chandelles bien brûlantes à tenir, à la cruelle lumière desquelles je verrais plus sûrement mon humiliation que de supposées leçons de séduction. Mais puisque vous me poussez à ces extrémités du plaisir cérébral, moi qui ait eu la forfanterie d’affirmer trouver autant de plaisir à préparer l’orgie qu’à y participer, puisque vous me prenez aux mots qui m’apparaissaient doux pour se révéler aujourd’hui bien amers, je suis contraint d’accepter le défi que vous me lancez, et qui ne me permettra de jouir de vous que par procuration. Jamais mon souffle ne se perdra dans la cascade de vos cheveux noirs ; jamais mes doigts ne courront sur votre peau diaphane ; jamais mes yeux ne sombreront plus bas que votre décolleté ; à jamais rêverai-je vos équipages fantastiques et de vos transports légendaires.
Venons en donc à la description des trois étapes de notre carte de Tendre que vous me défiez de mettre en place, et mes obligations de majordome qui en découlent:
1/ Publier sur mon blog un « appel à candidature » pour séduire une femme aussi difficile que délicate, mais une amante aussi fougueuse qu’imaginative. Considérons qu’avec cette lettre ouverte, c’est désormais chose faite. Cette annonce indirecte n’est guère racoleuse, mais après tout, nous n’avons que faire de ceux qui n’auraient pas la patience de comprendre ma prose superfétatoire.
2/ Recevoir sur ma propre messagerie les lettres de motivation des candidats en réponse à cette annonce. Ces lettres seront adressées à vous, ma chère Cassandre, et éventuellement publiées anonymement sur mon blog. À vous d’en juger le bon goût et la pertinence, à moi de m’assurer de la fiabilité de vos sigisbées.
3/ Organiser autant de dîners en tête à tête avec vous que de soupirants retenus. Tel un paon empressé, chacun pourra ainsi déployer auprès de vous « l’éventail complet de ses qualités physiques et morales » comme vous me l’avez écrit, avec un seul tabou : la lettre de motivation ne devra jamais être évoquée. Vous jugerez alors de leur pouvoir de séduction, pour sélectionner ceux qui sont dignes de passer à l’ultime étape.
4/ Assurer votre sécurité tandis que chacun des heureux élus sera invité à vous conquérir physiquement. Car si c’est au pied du mur qu’on juge le maçon, c’est aux pieds de la maîtresse qu’on juge le partenaire sensuel. J’ai bien noté que vous n’attendez pas d’eux des exploits sexuels, mais la capacité d’imaginer un dispositif érotique susceptible de vous enchanter, sous la contrainte de l’anonymat : En aucun cas devront-ils parler ni révéler leur identité d’une quelconque manière, et vous garderez les yeux bandés tout au long des ébats pour ne pas les identifier. Ainsi chacun d’eux sera jugé sur la seule base du plaisir qu’il vous aura donné, indépendamment de son charme ou de ses atouts littéraires.
5/ Publier ici même, sur la base de vos évaluations au terme des trois étapes de ce concours d’amantitude, qui fût à vos yeux le meilleur amant… ou la meilleure maîtresse !
Croyiez-vous, ma chère Cassandre, que j’allais obéir aveuglément à tous vos desiderata ? Pensiez-vous que j’allais servir servilement vos fantasmes érotiques sans y mettre un seul grain de sel ? Ce serait mal me connaître ! Je sais vos penchants saphiques, tout particulièrement marqués à l’endroit des toutes jeunes femmes, et je leur ouvre donc largement les portes de ce concours ! J’entends déjà vos objections : « On ne juge pas le charme d’un homme et le charme d’une femme selon les mêmes critères » ou encore « Comment pourrais-je comparer le désir que m’inspire un homme et celui que m’inspire une femme ? ». Permettez-moi d’y opposer l’argument suivant : Ce concours à pour objet de vous séduire Cassandre, vous et personne d’autre, avec les atouts dont les candidats disposeront ; il ne s’agira pas de déterminer qui est l’homme le plus séduisant, mais de trouver la personne qui a su le mieux vous séduire dans ces circonstances si particulières. Vous ne devrez donc pas classer les atouts disparates des candidats pour leur attribuer une note comparative, mais juger chacun selon les émotions qu’il vous aura données indépendamment des autres.
Je pense avoir bien résumé les termes et les enjeux de ce concours de séduction, n’hésitez donc pas, très chère Cassandre, à m’écrire en privé toute précision nécessaire ou instruction supplémentaire : je suis votre obligé.
Bien à vous,
Vagant
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Ami lecteur, la lettre ci-dessus n’est pas un exercice de style et encore moins une facétie de ma part. Je viens de vous présenter, sous la forme de cette lettre ouverte, le concours bien réel – réel dans toute son acception charnelle – dont la mystérieuse Cassandre est l’enjeu et l’objet. Je ne dirai rien de plus quant au charme inimitable de cette jeune trentenaire, et vous ne verrez rien d’autre d’elle que ces quelques photos qui, je l’espère, vous inspireront les plus tendres pensées. En vérité, je suis certain qu’il ne saurait en être autrement et je vous invite à lui écrire sur ma messagerie : vagant75@yahoo.fr, en joignant votre âge, quelques photos et votre contact téléphonique si nous ne nous connaissons pas par ailleurs. Avant de participer, songez que la seconde et la troisième étape de ce concours se joueront impérativement en région parisienne. Ah, j’oubliais : si vous deviniez à tort ou a raison que Cassandre est votre belle sœur, votre voisine de palier ou votre petite amie, je vous invite très fermement à garder ces suppositions pour vous. Tout commentaire relatif à l’identité de Cassandre ou celle des futurs candidats sera impitoyablement effacé, car l’anonymat des uns et des autres est la clef de voûte de cette délicate entreprise. Je vous remercie d’avance pour votre compréhension.
13:50 Publié dans Défis, In vivo | Lien permanent | Commentaires (25) | Tags : cassandre, bachelor, concours, séduction
11 septembre 2007
Interprétation libre
C’était vendredi soir, un vendredi soir d’ouverture de coupe du monde, mais la crêperie était presque vide faute d’écran large. Ça tombait bien, Mathilde et moi avions envie de calme entre deux mêlées sur le terrain de ses draps roses. Nous nous sommes assis face à face, seuls à l’étage et presque au monde. En tous cas, il n’y avait que nous dans nos champs de vision jusqu’à ce des gens ne s’assoient non loin. À leur conversation ostentatoire, on a vite compris que c’était un petit groupe de cathobourges. Ils nous ont lapidés du regard, Mathilde et moi : J’ai une alliance, vingt ans de plus qu’elle, et nous ne donnions pas l’apparence d’un père et de sa fille. Au point que cela n’avait pas échappé au jeune serveur tout particulièrement aimable. Lorsqu’il nous a apporté notre crêpe dessert à partager, il nous a dit : « Je me suis permis de vous faire une jolie décoration en sucre. »
L’intention nous a semblé charmante, et nous avons fait honneur à cette excellente crêpe aux pommes et à la cannelle. Quand j’ai demandé l’addition, le serveur est venu et je lui ai tendu ma carte bleue. « J’espère que c’est Monsieur qui paye ! » a-t-il sorti tout de go. Mathilde et moi étions décontenancés. Je ne suis parvenu qu’à émettre une pauvre réplique : « Cela aurait bien pu être la carte de Mademoiselle, après tout, elle est assortie à la couleur de ses vêtements. » Nous avons quitté le restaurant sur un sentiment de malaise, léger comme un pet évanescent.
07:25 Publié dans Réflexions | Lien permanent | Commentaires (24) | Tags : crêperie, savoir vivre, mathilde, adultère
10 septembre 2007
Le VRP
L’horloge indique 22h30 mais elle est en avance. Elle m’accompagne partout, cette petite horloge, aux quatre coins de la France. Elle est de tous mes coups. Je viens d’ailleurs d’y jeter un coup d’œil pour savoir combien de temps il me reste à tirer, et je me concentre à nouveau sur ces deux trous où s’introduire.
Je suis VRP. Je vends tout et surtout n’importe quoi, tant que cela me permet de sonner aux portes, de planter mon sourire carnassier dans l’entrée entrebâillée, et glisser des regards insidieux dans l’échancrure des vies privées. Ce sont presque toujours des femmes qui m’ouvrent, de ces ménagères de moins de 50 ans que les pubards cherchent à baiser, alors qu’il suffit de sonner à leur porte avec une gueule d’amour. Dès le premier regard, je sais si je vais conclure l’affaire. Après quelques questions stratégiques, je sais quand et comment. Je me suis spécialisé dans la petite bourgeoises engoncée dans un mariage sous lexomil, piégée par les marmots et les crédits à taux variable, mais prête à vivre la grande aventure entre la purée du déjeuner et le chocolat du goûter : trois heures de ménage maquillées en rêve à bon compte auprès d’un beau sentimenteur. Alors elles m’ouvrent tout, de leur chambre à coucher à leurs rêves télévisés, elles s’ouvrent jusqu’au cœur pour que je les cambriole.
Je suis VRP, officiellement. Tout s’est très bien passé cet après midi avec ma cliente. Elle m’a même fait la bonne surprise du mari en voyage d’affaire pour la semaine, alors j’ai tout mon temps. No Stress. Ça va glisser comme dans du beurre. Maintenant qu’il fait nuit, il ne me reste plus qu’à décider comment la violer. Devant moi, deux trous. Celui de gauche est ouvert, pas béant, non, juste ouvert, prêt à ce que j’y pénètre. L’autre est fermé, prêt à être forcé. Entre les deux, un espace incertain, rouge brique. Inutile de risquer la blessure, je vais opter pour la fenêtre de gauche. Il me semble bien que c’est celle du bureau. Le fric est dans le tiroir du bas.
12:05 Publié dans Fictions | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : VRP, coumarine, Littérature
05 septembre 2007
Vacances au Cap
Il faisait beau ce soir là, et même encore chaud. J’aime bien cette région. J’y vais chaque été. La plage, les dunes, je ne m’en lasse pas. Il y a toujours du spectacle, et je peux vous dire que ça chauffe ! Depuis le temps que j’y vais, je me suis fait des copains et on ne loupe pas une rencontre. S’il n’y a qu’un groupe d’hommes pour regarder, ce sera nous. Bon, autant vous le dire tout de suite, c’est pour les initiés. Vu de loin, ça a l'air sauvage, voire bestial. Mais non, faut pas croire, c’est assez bien organisé, il y a des règles. Avec un peu d’habitude, on sait quand et comment ça va se passer, et si ça vaudra le coup de sortir tout l’attirail. Ce soir là, on savait tous que tôt ou tard, cela allait finir par arriver. Depuis le temps qu’ils se tournaient autour…
Ce sont des jeunes, leur tenue légère met en valeur leur corps qui n’a rien à envier à ceux des pros qu’on voit à la télé sur les chaînes privées : les hommes virils, au buste large, aux cuisses épaisses, aux bras puissants, de vraies bêtes ! Les femmes en raffolent, qu’elles se l’avouent ou non. Ah les femmes ! Parlons-en, elles ont beau faire leur mijaurée, ce sont bien toutes les même, de fieffées… je n’en dirai pas plus. Bref, ils s’approchent tous les uns des autres. Ils se la jouent un peu : démarche chaloupée, poitrine bombée, sourires en coin. Ça à beau être des amateurs, nous qui faisons cercle autour d’eux, on sent bien qu’ils ne sont pas venus faire de la figuration. Ils ne vont pas faire semblant, eux, pas comme ces mauviettes qui débandent dès qu’il s’agit de s’engager à fond. Il va y avoir du spectacle, c’est sûr ! Le groupe se resserre. Ils se frôlent, ils se provoquent. Ça parlemente aussi. Nous, de loin, on n’entend pas ce qu’ils se disent, mais on ne peut pas s’approcher plus près, ils arrêteraient tout et on se ferait jeter. Ils doivent négocier leurs positions respectives, décider qui va prendre qui. Rien qu’à voir les regards qu’ils se jettent, on sait que ça va chauffer. La tension monte. Ils se frottent les uns contres les autres. Ça m'excite ! À côté de moi, papy sort ses jumelles. J’ai oublié les miennes. Il doit voir tous les détails de ces préliminaires, ce vieux salaud, jusqu’aux gouttes de sueur ou d’autre chose… Il a l’impression d’y être, c’est sûr, peut être même que ça lui rappelle sa jeunesse : il est du coin, papy Du Plessis. J'entends sa respiration s’accélèrer. Il doit s’y croire, au beau milieu des peaux luisantes, à étreindre le corps de ses partenaires. Ce genre de spectacle devrait être interdit aux ancêtres, ils risquent de faire sauteur leur pacemaker ! Nous, les plus jeunes de la bande, nous ne sommes peut être même pas en touche, mais il suffirait qu’ils nous désignent du doigt, qu’ils nous fassent signe de les rejoindre, et on fonce dans le tas ! Oui Monsieur ! On n’est peut-être pas de la toute première fraîcheur, mais à quarante-cinq balais, on se tient la dragée haute, si vous voyez ce que je veux dire, et on tient sûrement mieux la distance que bien des jeunots !
Ça y est ! Ils ont pris position : Face à face et au signal, ils pousseront tous en même temps. Une poussée bien pénétrante... Oh putain con ! Ils se sont emboîtés comme au tétris. On entend leurs râles d’ici. Ils y vont à fond, cuisses contre épaules, et les mains étreignant la taille ou le cul de leurs partenaires. L’introduction n’a pas traîné au milieu de cette mêlée incertaine, mais avec ces types là, une chose est sûre, mieux vaut ne pas avoir le ballon au risque de se faire plaquer aussi sec ! Ah ! Ah ! Si les nôtres jouent comme ça dans quelques jours, ce n’est pas cette année que le XV de France battra nos Springboks !
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J’en profite pour donner un petit coup de pouce au charmant blog d’une vraie amatrice, ici…
07:20 Publié dans Fictions | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : Cap, dieux du stade, Littérature
03 septembre 2007
Double vie
Rémi s’attarda dans la chambre des enfants. Après avoir sacrifié au rituel des devoirs en inspecteur des travaux finis, il s’allongea à même le sol et s’offrit au feu roulant de leurs questions. Dans une société qui ressemblait désormais à un vaste centre commercial, Rémi entendait se battre tant qu’il était encore temps pour leur éviter de finir en citoyens-consommateurs tout en les aidant à compléter un puzzle entamé un dimanche de pluie.
« Qui sont ces gens ? Demanda Virginie en désignant le couvercle de la boîte. On les connaît, au moins, j’espère… »
À quoi avait pensé leur parrain en leur offrant de reconstituer Californie 1955 ? Certainement pas à mal. Pourtant, dans le registre des amours illicites, rien n’était plus suggestif que cette photographie en noir et blanc, dont l’admirable organisation plastique rehaussait la qualité poétique. Un surréaliste n’en aurait pas renié l’esprit, ni la lettre.
De prime abord, sa composition pouvait déstabiliser les logiques les mieux établies tant elle s’apparentait à un montage. Après analyse, au premier plan on devinait la partie avant d’une automobile vue de dos. Au second, la mer dans la douce lumière d’un coucher de soleil. Et entre les deux un rétroviseur dans le reflet duquel une femme laissait éclater sa joie de vivre, le visage reposant sur le bras d’un homme. Une diagonale invisible traversait l’image et la séparait en deux mondes. Dans sa partie supérieure, les nuages, l’eau, la terre. Dans sa partie inférieure, les humains, le fer, le verre. Un discret chef-d’œuvre jusque dans ses ambiguïtés et la richesse des interprétations qu’elles suscitaient. D’où pouvait bien sourdre la vraie force, d’elle ou de lui ? Que cachait ce sourire carnassier : une volonté de pouvoir ? Et cette attitude conquérante : le refus de laisser son destin lui échapper ? Le plaisir l’emportait-il sur le bonheur ? Qu’importe après tout. Cette étreinte mouillée de sel marin conservait son mystère, lequel se réfugiait dans le cou à demi couvert de la femme. Erwitt tenait là son Angelus.
« Des gens qui s’aiment, tout simplement », dit Rémi. Tant qu’à faire, dès qu’il en avait l’occasion et dans la mesure où c’était sans conséquences, il était le genre de père qui préférait donner à ses enfants des mensonges qui élèvent le genre humain plutôt que des vérités qui l’abaissent. La fabrication de l’icône aurait pu en être une. Les personnages auraient pu être des modèles, payés pour poser. Faire semblant. Simuler le sentiment amoureux. Contre de l’argent. Il préféra évoquer l’humour du photographe, et le génie déployé avec naturel pour faire rire et pleurer, son but suprême.
[…]
Avaient-ils une idée de ce qu’était la vraie vie de leur père ? Au fond, ce qu’ils pouvaient savoir importait moins que ce qu’ils devaient sentir. Le jour où il le comprit, le fardeau s’allégea aussitôt. Son chaos intérieur leur resterait insoupçonnable, du moins pendant un certain temps. Comment aurait-il pu leur expliquer, alors qu’il n’aurait su se l’expliquer à lui-même, qu’en cet instant précis il songeait que, dans la langue de Médée, un même mot désigne suicide et infanticide.
Quand vint l’heure de l’extinction des feux, il remonta les draps jusqu’à leur menton et leur caressa le front. Avant d’y déposer un baiser, il fut pris d’hésitation et songea à ce que ses lèvres avaient embrassé, à ce que ses doigts avaient caressé quelques heures auparavant. Bien qu’il les eût énergiquement savonnés avant de passer à table, il ne put se défaire d’un malaise, la sensation que cet acte des plus tendres prenait un tour pornographique. Et que les grandes lèvres vulvaires de Victoria [sa maîtresse, ndrl], dont il conservait encore le goût salé, s’apposaient par sa douteuse intercession sur la peau la plus pure qui fût, celle de ses propres enfants. Alors, pour la première fois de la soirée il se sentit souillé.
07:50 Publié dans Réflexions | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : Pierre Assouline, Double vie, Californie 1955, Erwitt, Littérature, livre, Adultère