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29 octobre 2007

Mission libertine – IV (1)

l'origine de cette photo...    C’est pour ainsi dire une question de vie ou de mort : je dois prendre la première qui se présente.
    Elle arrive bourrée comme une bavaroise à la fête de la bière. Tant pis. Je joue des coudes pour m’en approcher, être le premier à m’y enfoncer, comme une brute. Elle se traîne jusqu’au bout du quai noir de monde, s’arrête enfin, semble hésiter, et elle vomit un flot de voyageurs exténués. La rame en ingurgite aussitôt une autre rasade dont j’ai su faire partie.
    Le métro m’éructe à Wagram. J’ai trente-cinq minutes pour trouver une bouteille de champagne, un plateau de petits fours, et l’hôtel Mercedes à la façade Art Déco et aux vitraux géométriques. Hôtel de charme côté face. Cathédrale luxurieuse côté pile. Quarante minutes plus tard, je monte les escaliers quatre à quatre jusqu’à la porte de ma chambre. Toujours la même, curieusement, comme si je faisais du sur place. En luxure comme en art, le renouveau n’est qu’un éternel recommencement.
    Je me déshabille intégralement. Une douche, une goutte de parfum… et je réalise que j’ai oublié un élément fondamental de mon scénario : le bandeau ! Tant pis, j’en improviserai un avec une serviette de bain. Je retourne dans la chambre, j’attache le bout de mon ceinturon à la tête de lit et je forme un nœud coulant avec la boucle.
    C’est maintenant l’instant crucial : j’ai cinq minutes pour ouvrir la porte de la chambre, la laisser entrebâillée, m’allonger dans le lit, nouer la serviette autour de ma tête, glisser mes mains jointes dans la boucle du ceinturon et tirer un coup sec.
    Voilà. Mes poignets sont pris. Il ne me reste plus qu’à l’attendre. Oh, je n’ai pas peur de rester accroché là si elle ne venait pas : je pourrais me détacher tout seul sans trop de difficulté. J’ai simplement peur qu’elle ne vienne pas, tout comme j’appréhende son arrivée. La tension monte, impérieuse, dans tous mes membres, tous… Ça y est ! Ma tortionnaire vient d’entrer ! La porte claque derrière elle. Je l’entends poser un sac lourd de brûlantes promesses. Elle s’approche de mon corps étendu, à demi nu, au point que ses doigts frôlent mon buste dans un silence sensationnel. Ils repoussent la lisière de ma nudité jusqu’à s’octroyer ma virilité orgueilleuse. Enfin ! À moi la grande vie et la petite mort !

    J’avais quelques heures à attendre Sarah aux alentours de la mosquée, et mon esprit vagabondait dans les souvenirs cuisants laissés par ma dernière nuit avec elle : un vrai défi, pour la troisième fois, lancé par écrit quelques jours auparavant…

Très chère Sarah,

    Après avoir versé un peu de piment sur une blessure encore vive, ou tout au moins sur une certaine irritation de vos muqueuses, entre autre, je vous offre le baume de la vengeance : Je vais m’offrir à vous. Non pas comme une femme s’offre à un homme, dans l’attente d’un plaisir partagé, mais comme un esclave s’offre à son maître, dans l’attente du seul plaisir pervers du maître aux dépends des supposées souffrances de l’esclave. Pratiquement, nous allons nous donner rendez-vous dans une chambre d’hôtel où je vous attendrai, en pleine lumière, presque nu, les yeux bandés et les poignets liés à la tête du lit. Offert et soumis, vous pourrez faire de moi ce que vous voudrez. Oui, vous avez bien lu, vous avez carte blanche, je vous fais confiance pour être une dominatrice vicieuse, perverse, sadique. Vous pourrez donc me faire subir tous les sévices, toutes les humiliations, jusqu’à ce que je demande grâce, jusqu’à ce que je dise stop, ce qui mettrait immédiatement fin au jeu et vous ferait gagner ce défi.
    Je laisse à votre imagination débordante le soin de choisir ce que vous allez me faire subir, le plus évident consistant à vous équiper afin d’appliquer les préceptes de Vatyayana, auteur du Kamasutra : « Quelque chose que l’un des amants fasse à l’autre, celui-ci doit lui rendre la pareille : baiser pour baiser, caresse pour caresse, coup pour coup ». Quoi que vous me fassiez, je vous demanderai seulement la faveur d’être progressive, pour ne pas m’infliger de blessures qui certes me feraient rendre grâce, mais risqueraient aussi de terminer brutalement et prématurément notre rencontre. D’un autre côté, je vous promets de ne pas tricher en me masturbant pour vous imputer ensuite ma jouissance.
    En effet, toute médaille a un revers : Si au cours de cette séance je venais à jouir, si vous veniez à faire couler mon sperme, volontairement ou non, alors cela mettrait fin au jeu en me faisant gagner la partie. Le chocolat que je vous offre est donc bien amer, car vous ne pourrez en aucun cas jouir de ma virilité sans risquer de me faire jouir aussi. Par ailleurs, je garderai le bandeau tout au long de notre entrevue, je ne croiserai pas votre regard, et ce n'est pas encore cette fois-ci que je verrai votre visage en pleine lumière. Tel sera le seul tabou de ce jeu. De votre côté, vous pourrez vous repaître du spectacle de ma nudité - hormis le bandeau qui cachera le haut de mon visage - et même l’immortaliser si l’envie vous en passait par la tête, vous avez carte blanche vous dis-je, avec la liberté de me détacher, de me ligoter davantage, ou d’inviter un bataillon pour participer à ma reddition si cela vous chante ! L’enjeu de ce défi sera un gage auquel le perdant devra se soumettre, et une proposition de jeu pour la rencontre suivante. Je pense que vous accepterez ce défi, dont la victoire ou la défaite ne se joue qu’à un mot ou un geste. Il va sans dire que je serais très déçu que vous le refusiez. 
    Enfin, je ne résiste pas au plaisir de citer Beigbeder : « Les hommes craignent la vie de couple pour une seule raison : La peur de la routine. Cette peur en cache une autre : celle de la monogamie. Les types n’arrivent pas à admettre qu’ils puissent rester toute leur vie avec la même femme. La solution est simple : il faut qu’elle soit bonniche et putain, vamp et Lolita, bombe sexuelle et vierge effarouchée, infirmière et malade ».

    Au plaisir de tout,

Vagant

À suivre…

27 octobre 2007

De la débauche et de la volupté

Moi : la Débauche / Elle : la Volupté

Devinez qui a gagné ? La volupté bien sûr !

25 octobre 2007

Mission libertine - III

    Sarah s’enfonça, avec une certaine appréhension, dans l’étroit boyau caché aux confins de la rue Larrey. Elle déboucha dans la rue Georges Desplas, contourna la mosquée par la rue Daubenton, pénétra dans un petit patio décoré d’émaux polychromes avant de s’infiltrer dans le café mauresque. Là, elle présenta son sésame pour le bien être au guichet du hammam, caché derrière le présentoir de pâtisseries orientales. La caissière l’ensevelit aussitôt sous une avalanche de détails indispensables sur l’art et la manière de profiter pleinement des soins proposés, et Sarah se retrouva, un paréo en main et quelques débris d’explications à l’esprit, face à une paire de prunelles qui la dévisageaient de la tête aux pieds. Elle traversa lentement une salle à colonne, fontaine et matelas sur lesquels s’allonger, en direction de la jeune femme aux cheveux noirs qui ne cessait de la fixer depuis les vestiaires. Des gouttes perlaient dans ses cheveux bruns bouclés, glissaient tout au long de sa gorge, s’enfonçaient entre ses seins recouverts d’un paréo plaqué sur sa peau par l’atmosphère saturée d’humidité. La jeune femme aborda Sarah :

fb5edbe3b29ec77b7dc9afb0df752818.jpg- Bonjour, je suis Petit Nénuphar.
- Oui… et alors ?
- Je suis là de la part de Vagant qui m’a demandée de passer cette matinée, ou tout au moins ce qu’il en reste, avec vous…
- Ah… vous êtes donc l’agent secret, Petit Nénuphar 007 ?
- Oui, mais entre nous, vous pouvez m’appeler Marina, dit-elle d’une voix suave et les paupières en papillons.

    Sarah se déshabilla dans le couloir qui faisait office de vestiaire, sous le regard de Marina qui n’en perdait pas une miette. Elles éclatèrent de rire en constatant que le haut du bikini rose barbie que j’avais préparé à l’attention de Sarah ne contenait guère plus que les mamelons de son opulente poitrine, ce qui aurait été parfait pour jouer les James Bond girls sur une plage de Copacabana, mais flirtait avec l’attentat à la pudeur parmi les opulentes matrones maghrébines venues pour leur séance de papotage hebdomadaire. Sarah opta donc pour le maillot que je lui avais demandé d’emporter avec elle, car je n’étais pas du tout sûr de ses mensurations. Il faut dire que je n’avais vu ses seins que du creux de la main.
    Dans la salle de transpiration, Marina étala le savon noir sur le dos de Sarah avec autant de sensualité que d’application. Avec cette atmosphère saturée d’humidité, le savon se transformait en pâte onctueuse qui se liquéfiait entre les doigts et s’infiltrait dans tous les pores de la peau. Sarah sentait de douces mains se promener sur tout son dos, qui  insistaient sur ses épaules, tout au long de sa colonne vertébrale, jusqu’aux reins. Chaque geste distillait une langueur qui envahissait sa conscience. Marina lui fit pourtant remarquer qu’une certaine tension subsistait dans le corps de Sarah : son esprit s’était abandonné plus vite que son corps n’avait pu suivre. Sarah enfila un gant de gommage pour le passer lentement sur ses jambes. Qu’il était bon de pouvoir enfin s’occuper de soi ! La caresse du gant sur son corps acheva de la détendre, de ralentir enfin le rythme de sa respiration, et elle proposa à Marina de lui passer le gant sur les jambes. Sans attendre sa réponse, Sarah commença par les mollets de son accompagnatrice. Assise les jambes pliées, légèrement écartées, les pieds à plat sur la dalle de marbre où elles étaient installées, Marina était parfaitement détendue, le buste en appui sur ses mains derrière elle. Sarah remonta jusqu’aux genoux pour redescendre le long des cuisses, sans s’aventurer trop près du maillot de Marina, mais en exerçant une pression modérée, quoique de plus en plus accentuée à chaque passage sur l’intérieur de ses cuisses.
    Enfin s’allongèrent-elles sur leur serviette étalées côte à côte. Marina ôta discrètement son maillot, le haut et puis le bas, pour mieux profiter de la vapeur d’eau sur tout son corps. Entre ses paupières à demi closes, Sarah caressa du regard la peau luisante de son guide dont les petits seins oscillaient au rythme de sa respiration paisible. Son ventre avait conservé les stigmates de la vie qu’il avait dû porter, et son pubis dont la toison était entretenue comme un jardin a la francaise ne cachait aucun mystère. Sans réfléchir, Sarah abandonna ses derniers complexes avec son maillot, et elle savoura à son tour la sensation de liberté, d’unité du corps, comme si son maillot avait matérialisé des frontières désormais abolies. Elles restèrent ainsi allongées, entièrement nues, avant d’essayer la dernière salle, chaude jusqu’à l’insupportable. Enfin vint le massage, un massage ferme, pour ainsi dire viril s’il n’avait pas été dispensé par des femmes employées du hammam. Tandis que l’heure tournait au point que Sarah commençait à s’en inquiéter, Marina lui proposa de retourner encore quelques minutes dans la salle de transpiration.
    Il y avait un peu moins de monde qu’auparavant, tout au plus une douzaine de personnes dans la pénombre de la pièce baignée de vapeur, ce qui lui conférait une atmosphère plus intime. Tout en bavardant de choses et d’autres, Marina commença à masser Sarah qui s’était allongée sur le dos. D’abord au niveau des épaules, ses mains descendirent sur la poitrine tout en prenant soin de contourner les seins : elles ne pouvaient s’empêcher de guetter les réactions des autres femmes malgré la buée qui les transformaient en vagues silhouettes alanguies, et qui ne semblaient manifester que de l’indifférence à voir deux amies se masser mutuellement. Les mains de Marina allaient et venaient sur le ventre de Sarah, s’approchaient toujours un peu plus près de son pubis tout en accentuant leur pression, et glissèrent subrepticement sur l’aine pour s’attaquer aux cuisses, touchant ainsi du doigt l’ambiguïté de la situation : Elles papotaient sur un ton badin au cours d’un massage dont la sensualité confinait à l’érotisme, comme on jette un voile pudique sur les chairs exacerbées. Enfin, les paroles s’éteignirent sous le souffle du désir et Sarah ferma les yeux sur son consentement. Encouragée par un sourire esquissé, Marina caressa enfin les seins convoités, chacun selon une spirale culminant au tétin. Sarah se serait abandonnée au trouble qui l’envahissait si elle ne s’était pas souvenue du temps qui passait. Il lui fallait rapidement se remettre les idées en place, et elle alla s’immerger dans la vasque d’eau froide au cœur de la pièce la plus chaude. Seule dans l’eau, les deux femmes présentes dans la pièce ne purent s’apercevoir que Sarah se pinçait les tétons, titillait son clitoris et caressait ses grandes lèvres imberbes après l’épilation de la veille.
    À peine soulagée, Sarah dût néanmoins retourner au vestiaire, où Marina lui remit une seconde enveloppe. Elle l’ouvrit aussitôt, et la curiosité laissa place à la stupréfaction.

À suivre…

23 octobre 2007

Du mariage et de la postérité

Ami lecteur, je vous propose de poursuivre la réflexion entamée dans ma précédente note à propos de la pièce d’Eric Emmanuel Schmitt : « Le libertin ». Résumons la situation : dans le pavillon de chasse du baron d’Holbach, Diderot pose à demi-nu pour Mme Therbouche tout en marivaudant quand son secrétaire interrompt leurs jeux amoureux pour lui demander d’écrire au plus vite l’article sur la morale de l’Encyclopédie. Après avoir défendu ardemment la liberté individuelle auprès de son épouse dans la scène 8, Diderot change de discours dans la scène 13 avec sa fille qui lui annonce vouloir un enfant hors mariage et l’élever seule…

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DIDEROT. « Moi » ! « Je » ! Cesse de te mettre au début, au centre et à la fin de tes phrases. Cet enfant doit avoir une famille, même si tu ne veux pas encore en fonder une. L’intérêt de l’espèce doit l’emporter sur celui de l’individu. Oublie pour un moment le point que tu occupes dans l’espace et dans la durée, étends ta vue sur les siècles à venir, les régions les plus éloignées et les peuples à naître, songe à notre espèce. Si nos prédécesseurs n’avaient rien fait pour nous, et si nous ne faisions rien pour nos neveux, ce serait presque en vain que la nature eût voulu que l’homme fût perfectible. Après moi, le déluge ! C’est un proverbe qui n’a été fait que par des âmes petites, mesquines et personnelles. La nation la plus vile et la plus méprisable serait celle où chacun le prendrait étroitement pour la règle de sa conduite. « Moi, moi » ! L’individu passe mais l’espèce n’a point de fin. Voilà ce qui justifie le sacrifice, voilà ce qui justifie l’homme qui se consume, voilà ce qui justifie l’holocauste du moi immolé sur les autels de la postérité.

[…]

MME THERBOUCHE. Dites-moi, étiez-vous sincère, là, à l’instant avec votre fille ?

DIDEROT. Oui. D’ailleurs, je le note immédiatement. L’Encyclopédie se doit d’aider les pères.

MME THERBOUCHE. C’est étonnant. Comment pouvez-vous à la fois défendre le plaisir individuel et dire que l’individu doit renoncer au plaisir pour le bien de l’espèce ?

DIDEROT. C’est une contradiction ?

MME THERBOUCHE. Ça y ressemble.

DIDEROT. Et pourquoi une morale ne serait-elle pas contradictoire ?

MME THERBOUCHE. Parce que, dans ce cas-là, ça ne fait pas une morale mais deux.  La morale de l’individu, la morale de l’espèce. Et elles n’ont rien à voir l’une avec l’autre.

DIDEROT. C’est ennuyeux…
Il regarde ses feuillets et se met à barrer ce qu’il vient d’écrire avec un soupir.

22 octobre 2007

Bachelor (10)

Très chère Cassandre,

Tous les goûts sont dans la nature. Comme je ne préjuge pas des vôtres, je me permets de vous transmettre quelques candidatures atypiques. Mais jugez plutôt…

Chère Cassandre,

Ma candidature est, disons-le d'emblée, certainement bien plus originale que toutes celles que tu as pu lire jusqu'alors. Courbettes littéraires, déclamations virtuelles, lettres dégoulinantes de sentiments chevaleresques, des phrases tirées par les cheveux alors que ces messieurs ne pensent qu'à tirer un coup de queue ! Cela en serait sans doute moins comique si c'était plus trivial. Pourquoi faire des manières et ne pas dire clairement ce que l'on veut ?
À quoi bon, messieurs, vous évertuer à enrober les choses ? Pensez-vous vraiment faire passer votre foutre infâme pour de l'ambroisie ou de l'hydromel? Distillez vos mots si vous le souhaitez, mais cessez de vous prendre pour des alchimistes à la bite enchantée...
Tu ne t'exprimes guère Cassandre, mais honnêtement, je serais curieuse de connaître ton avis sur ce casting -je n'ose dire ce zoo- qui, une fois n'est pas coutume, prétend affirmer la suprématie du règne ani-mâle.
Quitte à froisser des susceptibilités, sache Cassandre que je dis tout haut, ce que je ne pouvais supporter plus longtemps de penser tout bas.
Certes, commencer par une attaque est risqué, mais qui ne tente rien, ne peut espérer quoi que ce soit.
C'est la raison pour laquelle chère Cassandre je vais te dire quelle femme je suis pour que tu puisses faire ton choix en connaissance de cause.

Tout d'abord, il ne t'a pas échappé que je te tutoie. J'ai lu que tu es trentenaire et nous avons toutes les deux sans doute à peu près le même âge, voilà pourquoi je préfère dire « tu ». Je ne réserve le « vous » qu'aux personnes âgées ou à mes supérieurs hiérarchiques, non sans mal je l'avoue. Cela peut paraître anecdotique, mais cela te fera sans doute voir que j'ai horreur des conventions que l'on nous impose. J'ai toujours aimé m'aventurer hors des sentiers battus.
Les normes morales imbéciles et figées m'emmerdent vraiment. Ma normalité à moi c'est d'aimer les femmes, d'aimer l'amour avec elles, la baise aussi et de jouir de mon cul à l'envi. J'espère que la crudité de mon langage ne te choque pas Cassandre. Mais je ne vois pas en quoi seuls les hétéros connaîtraient la bestialité de l'acte sexuel.
Ajoutons à cela que des choses, plus que d'autres, me font grimper au rideau. Je veux te parler ici de mon fort penchant pour les jeux D/s. Certains appellent ça le SM, mais ils n'y connaissent rien. Or, les rapports de Dominants et de soumis sont de vrais rapports humains et j'insiste sur ce point. Je ne suis pas une sanguinaire, ni une barbare mais j'avoue volontiers ma parenté avec la mère Fouettard.
Moi, ce qui me plaît c'est être une Maîtresse, dans tous les sens du terme. J'ai d'ailleurs une liaison avec une femme qui est ma soumise. Et l'on ne peut pas dire qu'elle soit malheureuse. Je suis d'ailleurs sûre Cassandre que tu prendrais du plaisir à partager nos jeux ou tout au moins que je t'initie à cet univers. Tu as défié Vagant de t'organiser quelque chose de spécial, moi je te défie d'accepter ma proposition. Peut-être pourrais-tu te révéler à toi-même ou te découvrir une passion pour le cuir, le latex ou mes fessées. J'aime tant lécher le cul zébré de ma soumise après une punition tant méritée.

Déjeune avec moi Cassandre, ça ne t'engage à rien. Je ne te sauterais pas dessus, même s'il s'avère que je te trouve charmante. Mais s'il y a affinité tu pourrais bien connaître le grand frisson !

Maîtresse H***

 

Cassandre, que j'espère pas trop chère quand même, histoire de rester à portée de ma bourse.

Apollon moi-même, dieu vivant du sexe (entre autres qualités comme ma beauté, mon intelligence, ma culture et, surtout, ma modestie naturelle), je me dois d'obtenir tes faveurs, et pour ce faire, je me plierai volontiers à la tradition de devoir te cracher dans ta bouche au préalable. En tournant ma langue sept fois, bien sûr, ne t'inquiète pas.
Si tu es la fille de Priam et que tu te trompes dans les prophéties, moi je suis plutôt le fils de Priape et je ne me trompe pas quand je te prédis du bonheur, du vrai, du lourd, du qu'on redemande, crois-moi sur parole.
Bien sûr, il nous faudra trouver couche à notre mesure, c'est-à-dire essentiellement très bien insonorisée, pour couvrir tes feulements et autres soupirs bruyants lors de tes multiples orgasmes (les Formule 1 de Seine et Marne sont très bien, paraît-il, selon un collègue).
Comme je sais que tu l'as déjà connu à trois, et que tu as fini en partage, je te conseille effectivement d'emmener une copine, vous ne serez pas trop de deux pour calmer mes ardeurs de hardeur bridé, mais débridé.
Maintenant si tu préfères les mous de la plume ou les statues de marbre que tu n'émeus pas, alors casse-toi et paix à tes cendres !

I***

 


Chère Cassetendre,
 
Je vous imagine belle - en tous les cas les parties révélées en photo.
 
La séduction par écrit n'étant pas mon point fort, je préfère me fier au feeling résultant d'une rencontre en tête-à-tête que de poursuivre la présente avec des propos faciles de gigolo séducteur en apparence, le papier, même virtuel, étant docile.
 
Ma candidature au jeu du Bachelor, je la pose avec le sourire ayant comme seul motif qu'elle aboutisse à une rencontre dont vous vous souviendrez avec plaisir.


J***


Sur ce, j’annonce solennellement la clôture de cette première manche. Je vous laisse étudier les candidatures en paix, choisir les personnes que vous souhaitez rencontrer, et je me chargerai de mettre au point les rendez-vous selon les disponibilités des uns et des autres. Je propose que rien ne soit révélé sur vos choix, tout au moins pour l’instant sur ce blog. Plus tard, peut-être, publierai-je quelques notes quant aux anecdotes les plus croustillantes qui ne manqueront pas d’advenir lors des prochains épisodes qui, assurément, ne manqueront ni de sel, ni de piment…

Sur ces délicieuses considérations, je vous souhaite bon appétit !

Vagant

08:55 Publié dans In vivo | Lien permanent | Commentaires (23) | Tags : bachelor

21 octobre 2007

Je vous avais prévenus !

c6fcdc3fe998e65e4ef9911c1f573754.jpgElle : Ce sont les Anglais qui vont gagner.
Lui : Mais non, ce seront les Sud Africains !
Elle : Tu oublies Wilkinson !
Lui : Tu oublies le premier match ! On parie ?
Elle : Quoi ?
Lui : Une sodomie !
Elle : Hummmm…
Lui : Si les Sud Africains gagnent, je te sodomise ! Et dans le cas improbable où ils perdent ?
Elle : Heuuu… Tu me sodomises !

Et voilà... Je vous avais pourtant tous bien prévenus !

20 octobre 2007

Du mariage et du libertinage

MME DIDEROT. Tu fais ce que tu veux mais je ne veux plus que tu me trompes autant. Nous sommes mariés ! L’oublies-tu ?

DIDEROT. Le mariage n’est qu’une monstruosité dans l’ordre de la nature.

MME DIDEROT. Oh !

DIDEROT. Le mariage se prétend un engagement indissoluble. Or l’homme sage frémit à l’idée d’un seul engagement indissoluble. Rien ne me paraît plus insensé qu’un précepte qui interdit le changement qui est en nous. Ah, je les vois les jeunes mariés qu’on conduit devant l’autel : j’ai l’impression de contempler une couple de bœufs que l’on conduit à l’abattoir ! Pauvres enfants ! On va leur faire promettre une fidélité qui borne la plus capricieuse des jouissances à un même individu, leur faire promettre de tuer leur désir en l’étranglant dans les chaînes de la fidélité !

MME DIDEROT. Je ne t’écoute plus.

DIDEROT. Ah, les promesses de l’amour ! Je le revois, le premier serment que se firent deux êtres de chair, devant un torrent qui s’écoule, sous un ciel qui change, au bas d’une roche qui tombe en poudre, au pied d’un arbre qui se gerce, sur une pierre qui s’émousse. Tous passait en eux et autour d’eux et ils se faisaient des promesses éternelles, ils croyaient leurs cœurs affranchis des vicissitudes. Ô enfants, toujours enfants…

MME DIDEROT. Que c’est laid ce que tu dis !

DIDEROT. Les désirs me traversent, les femmes me croisent, je ne suis qu’un carrefour de forces qui me dépassent et qui me constituent.

MME DIDEROT. De bien belles phrases pour dire que tu es un cochon !

DIDEROT. Je suis ce que je suis. Pas autre. Tout ce qui est ne peut être ni contre nature, ni hors nature.

MME DIDEROT. On te traite partout de libertin.

DIDEROT. Le libertinage est la faculté de dissocier le sexe et l’amour, le couple et l’accouplement, bref, le libertinage relève simplement du sens de la nuance et de l’exactitude.

MME DIDEROT. Tu n’as pas de morale !

DIDEROT. Mais si ! Seulement, je tiens que la morale n’est rien d’autre que l’art d’être heureux. Tiens, regarde, c’est d’ailleurs ce que j’étais en train d’écrire pour l’article « Morale » de l’Encyclopédie :  « Chacun cherche son bonheur. Il n’y a qu’une seule passion, celle d’être heureux ; il n’y a qu’un devoir, celui d’être heureux. La morale est la science qui fait découler les devoirs et les lois justes de l’idée du vrai bonheur. »

MME DIDEROT. Oui, mais enfin, monsieur le penseur, ce qui te rend heureux ne me rend pas toujours heureuse, moi !

DIDEROT. Comment peux-tu croire que le même bonheur est fait pour tous ! « La plus plupart des traités de morale ne sont d’ailleurs que l’histoire du bonheur de ceux qui les ont écrits. »

 

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0f9705141db163f94f23f10e88929d00.jpgCe délicieux dialogue est issu d’une pièce de théâtre d’Eric Emmanuel Schmitt : « Le libertin ». Je l’ai lue, que dis-je lue, je l’ai dévorée en quelques heures avec une délectation telle que je n’ai pas pu résister au plaisir de vous en faire partager quelques extraits. Car l’auteur a eu le génie d’aborder la problématique philosophique du libertinage avec la légèreté supposée caractériser cette « pratique », et de synthétiser dans un même ouvrage la philosophie et la sensualité qui la fondent : Les mot et la chose enfin réconciliés dans le fond et sur la forme…
Je n’en dirai pas plus sur ce livre pour l’instant, mais j’aimerais réfléchir avec vous sur le thème de ce dialogue de la scène 8 entre le philosophe et sa femme : Le bonheur peut-il être au détriment d’autrui ? Est-ce une problématique exclusivement personnelle comme semble l’affirmer Françoise Simpère dans son excellente note intitulée « Y A PAS QUE NICOLAS ET CECILIA » ?

19 octobre 2007

Mission libertine - II

    En planque à l’entrée des arènes de Lutèce, je distinguais tant bien que mal ma cabine téléphonique dans la foule des passants pressés. Entre deux visages blafards et un camion Picard, j’avais été rassuré de constater que mon affichette « hors service » décourageait les derniers adversaires du téléphone portable d’utiliser ma cabine. Jusqu’à ce qu’une jeune femme y entre malgré tout. Je ne l’avais pas vue découvrir mon enveloppe, mais je devinais cette femme la décacheter fébrilement, lire mon message secret, avant de la voir ressortir de la cabine. Elle était vêtue d’une courte jupe noire qui dévoilait ses jambes fuselées, et d’un blouson de daim sur son chemisier blanc. Lorsque je fus à peu près certain d’avoir identifié Sarah, ma jubilation qui s’était un instant transformée en sourde inquiétude, se mua en exultation silencieuse à l’idée de la prendre en filature. Elle potassa un instant son plan avant de disparaître parmi les passants.
    Bien que je l’aie perdue de vue, elle devait sans doute se diriger vers le Métro Cluny-la-Sorbonne, c'est-à-dire droit sur moi. Je me cachai donc derrière un kiosque à journaux à l’angle des boulevards St Germain & St Michel, avec une vue imprenable sur le ressac des piétons qui traversaient l’avenue. À chaque instant, je m’attendais à la voir tourner au coin de la rue, se diriger vers moi, se planter devant mes yeux ébahis pour m’enfoncer au fond des prunelles son regard d’acier, et me dire d’un ton narquois « alors monsieur Vagant, on joue les espions ? »...
- Que faites-vous là ?
    Le vendeur ventru avait bondi de son kiosque et me jetait des regards soupçonneux tout en vérifiant qu’aucun de ses journaux n’avait disparu.
- J’attends quelqu’un ! répliquai-je sèchement, le regard toujours rivé sur l’horizon étriqué du passage piétons, en vain.
    Mais où était-elle donc passée ? Comment avais-je pu la perdre aussi facilement ? Je sortis de ma pauvre cachette pour m’approcher à pas de loup du croisement, et j’hasardai un œil sur le boulevard d’où je m’attendais à la voir surgir… Rien. Pas l’ombre d’une Sarah à l’horizon, ou peut-être au loin, sur le point d’arriver à la station Odéon. Sprint ! Je déboule dans les escaliers du métro, je passe les portillons à la vitesse d’un fraudeur, j’arrive sur ses pas au détour d’un couloir, lorsqu’elle fait demi tour et se retrouve face à moi !
    Elle me croisa sans ciller.
    J’aurais probablement été vexé en une autre occasion, mais là, je ne fus pas mécontent de ne pas avoir éveillé de plus vifs souvenirs visuels chez Sarah. Quelques flashs de notre dernière nuit s’imposèrent à ma mémoire. Des sensations surtout. Celle des glaçons m’avait laissé un souvenir particulièrement cuisant, puisque Sarah me les avait appliqués sur les testicules alors que j’étais livré à ses sévices, les yeux bandés et les poignets attachés à la tête de lit. Cette nuit là, si elle avait enfin pu voir mon corps sous toutes les coutures, elle avait à peine pu distinguer mon visage dans la pénombre. Car depuis des mois, nous entretenions le mystère…
27c6921ffcf7c989db74896599c1af58.jpg    Je continuai mon chemin, aussi impassible que mes pulsations cardiaques me le permettaient, priant tous les Dieux, ou plutôt tous les diables qu’elle ne m’ait pas reconnu. Je risquai un regard derrière moi : personne. Je fis demi-tour, repris ma course effrénée dans les corridors encombrés et je vis Sarah monter dans une rame qui venait juste d’arriver à quai. Je sautai juste à temps dans la voiture adjacente et je pris un immense plaisir à découvrir ma maîtresse au travers de la vitre de l’issue de secours en bout de voiture : Mon regard remonta le long de ses jambes croisés, glissa dans la pénombre sous sa jupe, remonta sur son blouson vert bouteille, et caressa ses cheveux blonds mi-longs ramassés en un chignon retenu par un chouchou noir. Cette femme à l’allure BCBG étudiait son plan de Paris pour mieux s’y perdre. C’était maintenant au tour de Marina d’entrer en jeu, la seule femme assez aventureuse pour avoir répondu positivement à une annonce laissée sur le forum homosexualité d’auFeminin :

Soins de beauté au hammam de la mosquée de Paris par Zebra75

Après avoir lu le Zèbre d’Alexandre Jardin, j’ai décidé de dynamiser ma vie de couple. Je ne vais pas jusqu’aux extrémités de ce roman, mais j’ai proposé à ma femme quelques jeux sensuels auxquels elle se prête avec bonheur. Notre prochaine aventure sera une sorte de jeu de piste, dont la première étape, très soft, sera une matinée au hammam de la mosquée de Paris. Je vais lui offrir des soins de beauté (hammam + gommage + savon noir + massage) dans un cadre dépaysant et exclusivement féminin. Ce qui serait top, c’est qu’une jolie jeune femme lui donne à cette occasion une enveloppe contenant les instructions pour une seconde étape de ce petit jeu de piste, ainsi qu’un petit gadget intime…

Seriez-vous prête à être cette complice, avec pour rôle d’aborder ma femme et de lui donner une lettre dans les vestiaires ? Mon épouse est une jolie trentenaire, très timide mais qui caresse depuis longtemps quelques fantasmes homosexuels inassouvis, et qui serait certainement ravie d’un tel premier contact. Bien entendu, je vous offrirai la formule comprenant l’entrée au hammam ainsi que les soins de beauté. Si vous êtes intéressée, je vous prie de me contacter par email sur Zebra75@aufeminin.com

À suivre…

17 octobre 2007

Bachelor (9)

Ma chère Cassandre,

Une nouvelle  lettre m’est parvenue dernièrement. J’espère qu’elle sera à votre goût.

Chère Cassandre,

Séduire par la plume. Tel est donc l’exercice proposé aux amateurs d’extravagances, empressés de vous courtiser après avoir embrassé quelques parcelles de votre corps, du regard en rêvant que ce fût de leurs lèvres ardentes.

Séduire par la plume, soit. Mais par quel bout commencer ? S’improviser poète alors que je n’en ai que l’orthographe fantaisiste ? Prétendre vous connaître alors que je ne peux réciter que le galbe d’une gorge sous une cascade de cheveux noirs ? Jouer la faconde méditerranéenne que vous semblez porter sur votre peau halée, ou y calligraphier mes envies fantasques en autant d’arabesques que mille et une nuits à vos côtés m’en inspirent déjà ?

Alors séduire par la plume, par son bout qui chatouille, qui caresse des rêves de frissons, de braises en pamoisons jusqu’aux trêves de tendresses. La plume qui frétille, titille, étrille les dernières retenues, et se déploie dans l’éventail des sensations méconnues. La plume qui nous porte, nous emporte sur les ailes du désir, au gré des alizés qui soufflent déjà sur nos lèvres humides.

Dans cette attente impatiente,

G***

Très honnêtement, si je ne suis pas déçu quant à la qualité des prestations littéraires de vos soupirants, je m’attendais à plus de candidatures. Je ne peux que m’interroger quant aux raisons de ce relatif désintérêt. Avec plus de 300 visiteurs par jour en moyenne, un bon millier de lecteurs aura vu vos photos Ô combien attrayantes. Même si tous n’auront pas lu toute la prose associée, je ne doute pas que plusieurs centaines auront pris connaissance de ce concours. Seraient-ils donc tous étouffés par la vertu pour ne pas avoir fait acte de candidature ? Je n’en crois rien ! Auraient-ils tous pensé que ce concours était ma dernière plaisanterie ? Peut-être mais je les ai bien prévenus du sérieux de cette affaire. Ont-ils été rebutés par l’aspect « concours » ? Sans doute, même si cet aspect inscrit votre relation sensuelle avec les candidats dans un cadre strictement ludique et sans enjeux sentimentaux susceptibles d’effrayer les libertins. Quoi d’autre comme dirait Georges Clooney ?

Bien à vous,

Vagant.

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43b86eff4a2fe3f89ceb4613a0a46361.jpgOui, quoi d’autre ? Je vous le demande à vous aussi, ami lecteur qui pouvez encore faire vivre ce « Rêve de Cassandre » (1) en envoyant votre lettre de candidature sur ma messagerie vagant75@yahoo.fr jusqu’à dimanche 21 au soir, date de clôture de la première phase de Bachelor.

(1) la photo ci-jointe n’est pas contractuelle. Nul besoin de ressembler à Colin Farrell ou Ewan McGregor pour participer à ce jeu. Un peu d’imagination suffit amplement !

07:40 Publié dans In vivo | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : Bachelor

13 octobre 2007

Mission libertine - I

   Sarah avait l’œil rivé sur la pendule de sa voiture et sur l’horizon bouché d’une banlieue parisienne. Elle conduisait depuis plus d’une heure, et elle avait horreur de ça. Surtout de se retrouver prise dans la transhumance quotidienne des banlieusards qui convergeaient sur Paris tous les matins. Elle se disait qu’une fois de plus elle serait en retard à son rendez-vous, lorsque son portable claironna.

- Bonjour Sarah, comment allez-vous ?
- Très bien, je suis en route…
- Vous en êtes où ?
- J’arrive sur le périphérique.
- Parfait, vous serez bientôt là, presque à l’heure.
- Oui, je me dépêche !
- Ne vous inquiétez pas, nous ne sommes pas à un quart d’heure prêt, et je préfère vous voir arriver entière. A tout de suite !


7593e025fdf99b3f745cef9826547c52.jpg   Sarah parcourut mentalement la check-list qu’elle connaissait déjà par cœur. Elle ne le faisait pas pour s’assurer qu’elle n’avait rien omis, mais pour se rassurer. Pour plonger dans l’ambiance. Oublier au plus vite son quotidien. Oublier surtout l’image de son mari qui l’avait regardée partir ce matin là, après lui avoir lancé en guise d’ultime recommandation un soupçonneux : « Je te fais confiance. ». Elle avait ressenti cela comme une sourde menace. A la réflexion s’était plutôt un aveu d’impuissance. Que pouvait-il lui faire sinon confiance. Mentalement, elle répéta sa liste à la Prévert : Un plan de paris, un stylo bille, un maillot de bain, un jean, un slip boxer, des boules de geisha.
   Avec vingt minutes de retard, elle gara sa voiture au parking de l’école de médecine, selon les instructions qu'on lui avait donnée. Son plan en main, elle sortit du parking pour affronter l’air vif de cette matinée automnale. Il ne pleuvait pas, et même si le soleil n’était pas vraiment au rendez-vous, la certitude de vivre une nouvelle aventure suffit à lui donner une humeur primesautière. Elle se rendit d’un pas alerte au 77 Bd St Germain. Comme prévu, une cabine téléphonique l’y attendait à l’image de son sentiment éphémère : enfin libre. Sur le combiné, une feuille de papier blanc manuscrite mentait :  « Hors Service ». Sous la plaquette en alu, elle trouva le paquet scotché laissé à son attention. Une grosse enveloppe blanche, plastifiée et matelassée. Sarah la détacha. Elle n’était pas sensée en connaître le contenu, mais elle s’en doutait un peu après avoir lu les messages du mystérieux Zebra75 sur le forum Bisexualité d’auFeminin, dont le style ne lui avait pas échappé.

   AuFeminin.com était un des rares sites internet à avoir survécu à la bulle économique virtuelle des années 90. Il avait été un des premiers à avoir su ferrer les lecteurs, ou plutôt les lectrices, jusqu’à en faire malgré elles des éditrices de contenu. Premier magazine féminin en ligne, à une époque où l’immense majorité des internautes étaient des hommes, auFeminin avait misé sur les femmes qui finiraient bien par surmonter leur répulsion face à la technicité du web de l’époque pour pouvoir s’adonner à leur péché préféré : le bavardage. Son fer de lance était donc les forums de discussion thématiques. Comme prévu, le contenu s’assimilait à du papotage, mais des liens se nouaient entre les internautes au fil de discussions sans queue ni tête, au gré de débats virtuels dignes d’un salon de coiffure. Dans cet univers typiquement féminin, quelques hommes avaient fait le pari d’y séduire. À ce jeu là, je m’étais révélé assez doué.

   Sarah décacheta l’enveloppe, et lut le message qu’elle refermait:

Très chère Sarah,

Vous souvenez-vous avoir lu dans un de mes mails que vous aviez le profil d’une espionne ? Je vous propose d’intégrer nos services de renseignement, et d’en passer aujourd’hui l’examen d’entrée ! Nous vous avons concocté une succession de tests tout au long de cette journée, qui mettront à l’épreuve votre vivacité d’esprit, votre courage, votre abnégation, tous vos sens ainsi que votre soumission à nos consignes. La réussite de chaque test vous mènera au test suivant, et vous devrez donc tous les réussir, jusqu’au dernier, pour gagner ce défi. Chiche ?

Pour commencer, je vais mettre à l’épreuve votre sens… de l’orientation. Rendez-vous aussi vite que possible au Hammam de la grande mosquée de Paris, au 39 rue Geoffroy Saint-Hilaire dans le 5eme. Entrez-y, et profitez sans tarder des massages, gommages et autres soins de beauté. Un de nos agents vous y contactera. Vous trouverez dans cette enveloppe un ticket de métro, le billet d’entrée au hammam (formule orientale tout compris), et un magnifique maillot de bain rose barbie. Vous devrez impérativement être sortie du hammam avant midi !

Au plaisir du votre,

Vagant

À suivre…

11 octobre 2007

Bachelor (8)

Très chère Cassandre,

J’ai longuement hésité à vous faire prendre connaissance de cette missive, pour des raisons que je vais développer un peu plus bas, mais je souhaiterais vous la montrer telle que je l’ai découverte dans ma messagerie voici plus d’une semaine :

Casandre cara,

f06b8c433f97d63b0c5d5a49125a50b6.jpgMi scuso non di scriverli in francese. Spero che lo capirete comunque…

Se si crede la leggenda, signora Cassandre, essete una Principessa difficile da sedurre !

Ho letto in Homere che Apollo non era riuscito a fare l'amore con voi... Se lui non è riuscito, come potrei sperare sedurrli, io che sono soltanto un povero giovane uomo...

Ma voglio tuttavia provare !

Ho visto sullo blog di signore Vagant le tre fotografie straordinarie di voi, ed io sono caduto immediatamente innamorati.

Appena ho visto il vostro collo, i vostri peli, le vostre spalle, i vostri centri, io sono stato ossessionato da una sola cosa: depositare baci incandescenti sul vostro corpo. (Scusate di essere così diretto, è la passione che parla…)

Per sedurrli meglio, ho riletto dieci volte ( !) Gli Amori di Cassandre del poeta Ronsard. Ho capito che eravate una donna crudele ma molto sensuelle…

b6ee9838cbf0b5cabeaa6fbbe4a615ef.jpgC’è una cosa che apprezzo particolarmente in questo gioco della « séduction », è che (se signor Vagant ha la bontà di scegliermi) io avrò la possibilità di essere di fronte a voi in testa a testa, e di fare giocare i miei talenti di seduttori, senza l'aiuto della parola (io spero vivamente che siate sensibile a l'incanto italiano, signora Cassandra?).

Avrei voluto, come i miei concorrenti, scrivervi una poesia, ma non posso. Io posso sedurre le donne soltanto con le parole ed i gesti...

Avrò voluto anche dirlei tutto che sento in fondo al cuore per voi, ma non posso. È perché ho preso la decisione di fare esattamente come voi : fare parlare le fotografie,

Ecco tre piccoli pezzi del mio corpo. Spero che vi daranno desiderio di incontrarlo e farmi l'amore...

Li abbracciavo con forza e furia !

F***

 
b8e33ceb3db3147596e0a8510fe07ad9.jpg

Je ne sais pas si vous parlez Italien, mais moi, je n’en parle pas un traître mot. Tout juste assez pour comprendre en quelle langue cette lettre était rédigée et me précipiter sur BabelFish afin d’en obtenir une traduction dont je vous laisse juger la qualité…

jolie traduction 

Il eût cependant été injuste envers notre courageux candidat transalpin de publier sa lettre ainsi dénaturée. Une bonne amie a eu l’amabilité de me fournir une traduction plus fidèle à l’esprit de la lettre, à condition que je la laisse mener l’enquête sur le corps de son expéditeur. Après quelques jours d’une investigation assidue, elle vient de me rassurer : F*** est en pleine possession de ses moyens mentaux… et physiques. Voici donc sa lettre convenablement traduite :

Chère Casandre,

Je m'excuse de ne pas vous écrire en français. J'espère que vous vous me comprendrez quand même...
Si j'en crois la légende, madame Cassandre, vous êtes une Princesse difficile à séduire ! J'ai lu dans Homère qu'Apollon n'avait pas réussi à faire l'amour avec vous... S'il n'a pas réussi, comment pourrais-je espérer vous séduire, moi qui suis seulement un pauvre jeune homme... Mais je veux toutefois essayer !
J'ai vu sur le blog de Monsieur Vagant trois photographies extraordinaires de vous, et je suis immédiatement tombé amoureux. Dès que j'ai vu votre cou, vos épaules, vos seins, j'ai été obsédé d'une seule chose : déposer des baisers incandescents sur votre corps. (excusez-moi d'être aussi direct, c'est la passion qui parle...)
Pour mieux vous séduire, j'ai relu dix fois (!) Les Amours de Cassandre du poète Ronsard. J'ai découvert que vous étiez une femme cruelle mais très sensuelle...
Il y a une chose que j'apprécie particulièrement dans ce jeu de la "séduction", c'est que (si monsieur Vagant a la bonté de me me sélectionner) j'aurai la possibilité d'être face à vous, en "tête à tête", et de faire jouer mes talents de séducteur, sans l'aide des mots (j'espère vivement que vous serez sensibles au "charme italien", madame Cassandra ?).
J'aurais voulu, comme mes concurrents, vous écrire un poème, mais je ne peux pas. Je ne peux séduire les femmes qu'avec les paroles et les gestes...
J'aurais voulu vous dire tout que je sens au fond du coeur pour vous, mais ne peux pas. C'est pourquoi j'ai pris la décision de faire exactement comme vous : faire parler les photographies. Voilà trois petits morceaux de mon corps. J'espère qu'ils vous donneront le désir de me rencontrer et de me faire l'amour... Je vous embrasse avec force et fureur !

F***

Pour servir et valoir ce que bon vous plaira,

Vagant

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Note à l’attention des lecteurs : Vous qui venez de tomber au beau milieu de cette histoire, vous vous demandez sans doute ce dont il s’agit. Tout a commencé par là, est un peu mieux expliqué ici et , et si vous vous demandez si vous pouvez participer (1), ne vous posez pas la question trop longtemps : prenez votre plus belle plume et déclamez votre désir de connaître Cassandre au sens biblique du terme. Vous serez exaucé si tel est son bon plaisir ! (2)

(1) Non, ce n'est pas une blague !

(2) Plaisir auquel je n’ai rien à voir : Les choix seront exclusivement ceux de Cassandre, certainement pas les miens comme semble l’avoir compris F***

07:15 Publié dans In vivo | Lien permanent | Commentaires (20) | Tags : Bachelor

09 octobre 2007

Échangisme belge

    D’un sourire engageant, Marion invita Jean à entrer dans sa chambre à coucher. Les murs étaient couverts des photos de Mathieu, son mari, surtout des natures mortes où la rouille disputait l’automne aux arbres dégarnis. Au diapason des photos paisibles, Marion parlait d’une voix grave, voilée d’un léger feulement qui lui conférait une sensualité irrésistible. « La fenêtre donne sur le jardin, c’est très calme ici, dit-elle sur un ton de confidence. On pourrait crier tant qu’on veut, personne n’en saurait jamais rien. » Il s’approcha tout près d’elle. Depuis l’étage, la vue s’étendait sur les champs jusqu’à l’horizon brumeux, jusqu’à sa perte. Il l’embrassa et ferma les yeux.
8246995b2be17a475288278b8e67edab.jpg    Le parfum capiteux de la jeune femme embaumait la pièce, et Jean ressentit autant de gène que d’excitation à pénétrer ainsi son intimité. Au rez-de-chaussée, sa femme était avec Mathieu, dans la chambre d’amis ou au salon, mais c’est sur une photo juste devant lui, au dessus de la tête de lit, qu’il focalisa son attention : un quai à l’abandon, au fond duquel ne coulait plus qu’un flot d’herbes folles. Une invitation à embarquer sur une chimère, une invitation au voyage impossible. Oui, impossible. Aller voir ailleurs, les transports trépidants, non, ce n’était pas pour lui. Marion était pourtant là, suspendue à ses lèvres, mais Jean ne pouvait détacher son regard du défaut sournois tout en bas de la photo : deux ombres roses. Les doigts de Mathieu s’étaient égarés sur l’objectif. Jean ne voyait plus qu’eux, ces gros doigts moroses qui allaient se perdre sur Bijou, la toucher, partout, à l’intérieur... La symétrie de la situation ne changeait rien à l’affaire dont sa femme était d’ailleurs l’instigatrice. Même s’il avait été excité par les annonces, abandonner là son Bijou entre leurs mains le révulsa.
    Mais pour le plaisir de sa femme Julie, il se tourna vers Marion, accepta d’échanger ce pavillon flamand contre son Bijou pour les vacances, et il lui donna solennellement les clefs de la maison…

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Oui, je l’avoue, j’abuse : cette note est presque un plagiat, celui de Lassitude par Madeleine sur NOLDA. Presque car le traitement est tout de même légèrement différent, et je plaide les circonstances atténuantes : j’ai agi sous la contrainte de Coumarine qui m’a obligé à parler de maison. Je n’étais certes pas obligé d’évoquer l’échangisme non plus, mais il me fallait aussi vous satisfaire, ami lecteur, pour pouvoir mieux vous frustrer ! À ce niveau là, je crois que ça va suffire pour l’instant, ma prochaine histoire sera du vécu, du vrai cul !

07 octobre 2007

Bachelor (7)

Eclatante Cassandre,

Vous, vous, on ne me parle décidément plus que de vous. Votre prénom est sur toutes les lèvres, des enjouées aux furieuses, et votre célébrité déborde déjà au-delà de ma petite blogosphère. Vous imaginiez vous jouer de moi en me demandant d’organiser le défilé des prétendants aux charmes que vous ne m’offrirez jamais, et je suis parvenu à retourner ma mauvaise fortune en faisant rejaillir sur moi un peu de la célébrité que je vous ai donnée. On se console comme on peut, persiflerez-vous sans doute, puisque voici une cinquième candidature que vous risquez d’identifier aisément : E*** y mentionne la soirée où ont été pris les clichés publiés ici, la fameuse soirée où j’ai perdu tout espoir de connaître les plaisirs que vous distribuez à l’envie…

Chère Cassandre

 

Nous nous sommes croisés, voici quelques jours, chez l’honorable Vagant. La rencontre fut fugace – mais est-il besoin de beaucoup pour réveiller le goût de l’aventure ?

Je n’ai vu de vous qu’un pied, une gorge, une oreille.

Un pied sur terre, car il n’est de femme qui s’appartienne plus que celles qui savent se donner.

Une gorge délicate sous une peau lisse, soulignant la fierté que j’avais devinée lorsque Vagant vous a présentée à mon arrivée.

Une oreille, enfin, dont je sais qu’il me faudra charmer le tympan avant d’en caresser le lobe – deux plaisirs bien distincts, pour celui qui les prodigue comme pour celle qui les reçoit, deux plaisirs fins qui se multiplient quand on sait les conjuguer.

 

La seule chose que je n’aurai pas vue de vous, au fond, ce sont vos yeux. Il faisait sombre, il est, et il y avait du monde. Je les imagine joueurs, s’allumant d’une flamme de défi et d’ironie. De grâce, aussi – c’est ce que j’ai songé lorsque je vous ai vue rejeter votre tête en arrière, riant sans doute du bon tour que vous veniez de jouer à notre hôte.

Je voudrais voir votre regard, Cassandre. Avant qu’un jour, vos yeux bandés, les miens bandant, nous ne donnions des sens à tout ceci.

En attendant je vous embrasse.

 

E***


En vous souhaitant de jouir de tout cela,

Vagant

07:50 Publié dans In vivo | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Bachelor

05 octobre 2007

La cliente

    Une jeune femme m’ouvre la porte d’entrée aux cuivres lustrés. La sévérité de ses atours souligne la chaleur de ses atouts : bas satinés sur peau ambrée, tenue rigoureuse sur gorge pulpeuse, blondeur angélique sur mascara diabolique. Elle m’offre le large sourire réservé à la plus « fidèle » clientèle - si tant est qu’on puisse parler de fidélité dans notre milieu - ponctué par un accueil déférent digne de mon dédain: « bonjour madame Carolyn ». C’est ainsi que je me fais appeler dans cette maison, même si personne n’est dupe. Tous savent qui je suis. 
    Une musique voluptueuse berce la salle dont la décoration bourgeoise affiche un luxe ostentatoire. Sur les murs capitonnés de cuir pourpre souligné de boiseries en loupe d’orme, des toiles originales encadrées de dorures sont éclairées à la bougie des lustres en cristal surannés. Mes talons pointus s’enfoncent dans la moquette onctueuse, tandis qu’on m’accompagne vers mon fauteuil club qui me tend ses bras accueillants. Les regards jaloux des clientes glissent sur mon arrogance. Ceux des garçons se prosternent à mes pieds. Je constate avec plaisir que Marquet a pris soin de me réserver ma place sans avoir eu besoin de le lui rappeler. La dernière fois, elle était prise par la pimbêche du JT en cuissardes de mauvais goût. Marquet sait trop bien ce qu’il lui en a coûté. Je m’assieds en prenant soin de faire crisser mes bottes tout en affichant une moue dédaigneuse. Il est encore tôt dans la soirée : autour de moi ne bruisse que le doux babillage des confidences luxurieuses, des corruptions vénales et des intrigues byzantines. Pour les rires cinglants et les sanglots étouffés, il faudra attendre encore un peu.

    Il s’en est d’ailleurs fallu de peu pour que j'aie dû attendre ma coupe de Veuve Cliquot millésimé, mais je dois avouer que Marquet ne s’est pas moqué de moi : ce jeune garçon est très à mon goût. Grand, les épaules larges et la taille fine, il porte divinement bien son costume Smalto, sobre comme je les aime, dont les reflets moirés mettent en valeur son teint halé et ses boucles noires. Il s’avance vers moi, droit comme un matador dans l’arène, avec aux lèvres le sourire conquérant qui joue à l’obséquieux, trahi par un regard ténébreux où semblent encore brûler les vestiges d’une antique noblesse castillane. C’est ainsi qu’ils me plaisent, qu’ils m’excitent, qu’ils m’agacent avec leur jeunesse insolente : encore âpres, presque rugueux, fiers comme des purs-sangs à dompter. Quelques années plus tard, repassé par les exigences de la clientèle, ce ne sera plus qu’une carpette insipide sans la moindre aspérité à gommer. Je peux déjà lire tout cela dans ses yeux sombres, les illusions passées à jamais perdues dans l’inéluctable déchéance à venir, tandis que je sirote mon champagne et que je savoure mon présent, ce délicieux moment qui précède l’énoncé de mes desiderata auxquels il se pliera avec la fausse connivence qui permet de supporter la servilité. Mais pour l’instant, je le fais attendre, debout devant moi qui le toise sans sourciller, en ne lui adressant qu’un sourire narquois à peine esquissé. Tous les garçons savent ce dont je suis capable, ils lui auront appris mes célèbres extravagances, les humiliations que je leur ai parfois fait subir, les larmes hargneuses que certains ont dû ravaler. Il doit y penser à son tour, et perdre peu à peu sa confiance au cours de ce duel, imperceptible s’il n’y avait la longueur de ces secondes silencieuses, jusqu’à perdre toute sa fière contenance, l’irrévérence de son regard qui m’esquive maintenant, qui descend plus bas sans oser s’arrêter sur ma poitrine opulente, jusqu’à venir lécher la pointe de mes talons rutilants.
    Il cède enfin et rompt le silence de sa voix charmante où perce encore un peu de soleil ibérique à peine voilé de grisaille parisienne.
    - Qu’est-ce qui vous ferait plaisir, Madame ?
    Mais qu’est-ce qui pourrait encore me faire plaisir ? Formulée ainsi, sa question est d’une candeur risible. Comme si je venais chez Marquet pour le plaisir ! Non mon petit, il n’est nullement question de plaisir ici, mais d’audaces flamboyantes, d’exigences perverses et de coups bien pesés. Malgré les apparences, nous ne sommes pas dans une luxueuse maison de plaisir mais au cœur des cuisines du pouvoir, dans l’antre des influences, à la cour des dominations ! Mais comme tu m’es sympathique, petit espagnol mal dégrossi, je ne vais te donner qu’une petite leçon, et puis… et puis j’ai envie de quelque chose, finalement : J’ai envie de me payer le luxe suprême de la trivialité dans le temple du raffinement.
    Je lui susurre un ordre. Assez bas pour qu’il ne l’entende pas. Il va devoir me faire répéter, ce qui le mettra dans une situation inconfortable, jusqu’à ce qu’il comprenne la position à prendre.
    - Je vous prie de m’excuser, Madame, je n’ai pas bien compris...
    Oui, tu n’as pas encore compris mon petit, me dis-je en répétant juste assez fort pour qu’il puisse bien sentir l’agacement dans le ton de ma voix, mais pas assez pour qu’il comprenne le sens de ma demande. Cependant, je sens que ça commence à venir: Il s’est penché en avant, le dos droit et les jambes tendues, jusqu’à ce que son visage soit à peu près au niveau du mien, mais légèrement au dessus néanmoins. Tu as les genoux encore un peu raides, bel hidalgo. Je répète encore mes instructions, bas comme une menace sourde dont il ne peut que comprendre l’ampleur. Il blêmit à l’idée de me faire répéter une fois de plus. Une fois de trop, même s’il a finit par prendre la pose qui convient à son rang : à genoux à mes pieds, comme une geisha empressée, l’oreille tendue à l’affût du moindre claquement de langue. Alors je lâche mon injonction à haute et intelligible voix dans le creux de son oreille. Il en sursaute et repart en tremblant, sa leçon bien apprise. Dieu qu’il est émotif !
    J’ai à peine eu le temps de faire le décompte des vieilles peaux qui se pâment pour la moindre œillade des garçons, que le mien revient, à nouveau fier comme Artaban, en apparence. Même s’il n’en a plus trop dans la culotte, c’est le cas de le dire, je suis agréablement surprise de ce qu’il exhibe, mais pas autant que toutes les clientes éberluées qui se retournent sur son passage. Il s’approche jusqu’à moi, un peu gêné malgré le naturel qu’il s’efforce d’afficher, et je ne peux réprimer mon sourire. Ah, Marquet sera toujours Marquet : comme pour me répondre du tac au tac, il a ordonné au garçon de me présenter sa queue dans une assiette démesurée ! C’est certes un beau morceau, plus long et plus épais que ce à quoi je m’attendais, mais tout de même, quelle assiette !
    Sans dévoiler la moindre émotion, je laisse couler mon regard sur le remarquable appendice amoureusement préparé, dans l’assiette dressée à mon intention. Mais je ne peux résister au plaisir de fermer les yeux lorsque son fumet vient chatouiller mon nez légendaire. Car ses arômes rustiques et généreux, ses effluves organiques à l’insolente authenticité m’ont aussitôt catapultée loin, très loin dans mes souvenirs d’enfance au fin fond de la Meuse. Là bas, bien cachée dans l’arrière cuisine, non loin de l’étable d’où provenaient les mugissements des bêtes et le parfum du foin aux abords de l’hiver, j’attendais le retour de mon père dès la tombée du jour, tandis que ma mère au fourneau y répétait ses gammes culinaires au rythme monotone d’une vieille l’horloge comtoise. Le vendredi soir, quand mon père qui rentrait de l’abattoir arrivait dans la cuisine, c’était toujours le même cérémonial. Ma mère allait à la fenêtre, elle vérifiait que personne ne risquait de les voir depuis la cour, elle se retournait vers mon père qui avait déjà sorti sa queue, et elle lui disait avec un ton de reproche démenti par sa mine réjouie:
    - Attends un peu ! Je ne suis pas prête !
    - T’as vu le morceau ? Tâte moi ça, touche un peu !
    - Oui, c’est vrai qu’elle est belle.
    C’est le moment où je fermais les yeux pour les abandonner au plaisir de l’instant, celui des sens primaires, qui nous touche en profondeur jusqu’à la lisière de l’âme, de l’olfactif atavique à l’auditif prénatal. J’inspirais à grandes goulées cette intense ruralité, la voix rocailleuse de mon père enfin revenu, et l’odeur du ragoût qui mitonnait sur le feu et embaumait la cuisine d’odeurs riches et généreuses. C’était un ravissement. L’oignon qui blondit comme du blé mûr, la crème épaisse qui se délite à feu doux, la viande et sa moelle légèrement grillées au four avant de mijoter où elles révèlent alors des arômes de gibier. Je distinguais tous ces parfums, ou plutôt je les entendais comme une aubade fulgurante aux unions de la chair, ils s’imprimaient en moi, me faisaient pâmer de plaisir, libéraient mes envies carnassières, au point d’aller fourrer mon nez dans le marmiton avec la concupiscence des affamés. Je crois que c’est grâce à ces moments là que j'ai compris quelle était ma vocation.

    Les yeux toujours fermés, je porte un bout de la queue à mes lèvres. A son contact chaud sur ma langue, à la fois moelleux et vigoureux, j’ai la sensation d’avoir à nouveau dix ans, dans la cuisine de maman, lorsque papa riait et lui disait que j’aimais ça: Je commence à la malaxer de la langue, des joues, du palais et des dents, je la mastique avec ampleur jusqu’à éblouir mes papilles de la suavité recueillie. Dans le ragoût de maman, la queue de boeuf - que papa chipait à l’abattoir - avait cette saveur, cette onctuosité, cette truculence que je croyais inimitable. Mais Marquet a réussi le tour de force de me mettre les larmes aux yeux. Il l’aura, sa quatrième étoile au guide Michelin.

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Toute ressemblance avec Une gourmandise de muriel Barbery serait loin d'être fortuite, mais le seul lien avec Légume des Jours est ici.

03 octobre 2007

Bachelor (6)

Ma chère Cassandre,

J’ai le plaisir de vous adresser une quatrième candidature, au format pdf cette fois-ci. Vous qui mettez l’accent sur l’imagination de vos sigisbées, vous voilà servie, tout au moins en ce qui concerne la forme…

Lettre de D*** a Cassandre au format PDF...

Dans l’attente du rouleau de parchemin et de ses enluminures, je vous souhaite tout le discernement nécessaire au choix Cornélien qui se profile à l’horizon.

Vagant

07:05 Publié dans In vivo | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Bachelor

01 octobre 2007

Zapping

Il est minuit et bientôt trente minutes. J’ai beau chercher, je ne trouve pas le sommeil tout seul dans ma chambre d’hôtel, alors j’allume la télé, officiellement à la recherche d’un programme soporifique, officieusement pour mater les extraits du film porno de la chaîne payante : Je zappe le politicard qui déblatère en Danois – rien qu’à voir sa mine, je n’ai pas besoin des sous titres – je zappe le présentateur bronzé qui sautille en hurlant autour d’une roue de strass au bras d’une bombe de fortune – à moins que ce soit l’inverse – je zappe la grève des bus, une marée noire, deux famines, trois guerres civiles, et je tombe sur la blondasse siliconée qui suce le tatoué bodybuildé. Elle a l’air d’aimer ça quand on lui flanque sur sa face de pouf un gros panneau : « chaîne privée payante, 89 couronnes le film ». Je vous le traduis grosso modo du Danois au Français, mais je ne pense pas me tromper de beaucoup. Aux coins de l’écran apparaissent encore des bouts de bite, mais le cœur de l’action demeure caché par le panneau inamovible qui insiste lourdement pour que je lâche mes 89 couronnes danoises. Je zappe. Les chevaux sont dans le virage, la casaque rouge est en tête suivie de prêt par la jaune, c’est ce que doit dire le commentateur mais je ne parierais pas 1 couronne. Je zappe. La blondasse agenouillée a engouffré le gros membre du culturiste, les yeux et la glotte écarquillés. Va-t-elle étouffer ? me demandé-je en commençant à me tripoter quand paf ! Le panneau à 89 couronnes coupe tout le suspens du drame pornographique. Je zappe. La casaque jaune remonte à la corde, va-t-elle coiffer la rouge sur le poteau ? Le suspens hippique est à son comble mais moi je m’en fous, je n’ai pas joué. Je zappe. La blonde enjambe le musculeux définitivement très bien monté, et se retrouve à cheval sur son poteau au gland rouge qu’elle coiffe de sa vulve mouillée. J’ai délaissé la quequette pour la zapette : je n’ai que deux secondes pour bien identifier la position et je zappe avant le panneau à 89 couronnes, en comptant sur la persistance rétinienne pour suivre l’action. La pouliche a l’écume aux lèvres. Ses cuisses musclées prennent appuis sur le sol. Elle s’enfonce – je zappe - sa crinière se soulève à chaque poussée qui l’emboîte - je zappe - sur la queue de l’étalon. Elle remonte de plus en - je zappe - plus fort ! Quelle chevauchée au triple galop sous les - je zappe - coups de cravache du cavalier aux muscles bandés qui - je zappe - claques sur la croupe. L’étalon est à la peine sous la pression de la pouliche qui - je zappe - enserre ses flancs. Quel finish ! Sur un dernier coup de reins, c’est lui qui jaillit le premier - je zappe - 7 Rocco à 6 contre 1, 5 Ovidie à 8 contre 1, 11 Zara Whites à 12 contre 1 qui rapporte dans le désordre 89 Couronnes danoises…

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