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23 octobre 2007

Du mariage et de la postérité

Ami lecteur, je vous propose de poursuivre la réflexion entamée dans ma précédente note à propos de la pièce d’Eric Emmanuel Schmitt : « Le libertin ». Résumons la situation : dans le pavillon de chasse du baron d’Holbach, Diderot pose à demi-nu pour Mme Therbouche tout en marivaudant quand son secrétaire interrompt leurs jeux amoureux pour lui demander d’écrire au plus vite l’article sur la morale de l’Encyclopédie. Après avoir défendu ardemment la liberté individuelle auprès de son épouse dans la scène 8, Diderot change de discours dans la scène 13 avec sa fille qui lui annonce vouloir un enfant hors mariage et l’élever seule…

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DIDEROT. « Moi » ! « Je » ! Cesse de te mettre au début, au centre et à la fin de tes phrases. Cet enfant doit avoir une famille, même si tu ne veux pas encore en fonder une. L’intérêt de l’espèce doit l’emporter sur celui de l’individu. Oublie pour un moment le point que tu occupes dans l’espace et dans la durée, étends ta vue sur les siècles à venir, les régions les plus éloignées et les peuples à naître, songe à notre espèce. Si nos prédécesseurs n’avaient rien fait pour nous, et si nous ne faisions rien pour nos neveux, ce serait presque en vain que la nature eût voulu que l’homme fût perfectible. Après moi, le déluge ! C’est un proverbe qui n’a été fait que par des âmes petites, mesquines et personnelles. La nation la plus vile et la plus méprisable serait celle où chacun le prendrait étroitement pour la règle de sa conduite. « Moi, moi » ! L’individu passe mais l’espèce n’a point de fin. Voilà ce qui justifie le sacrifice, voilà ce qui justifie l’homme qui se consume, voilà ce qui justifie l’holocauste du moi immolé sur les autels de la postérité.

[…]

MME THERBOUCHE. Dites-moi, étiez-vous sincère, là, à l’instant avec votre fille ?

DIDEROT. Oui. D’ailleurs, je le note immédiatement. L’Encyclopédie se doit d’aider les pères.

MME THERBOUCHE. C’est étonnant. Comment pouvez-vous à la fois défendre le plaisir individuel et dire que l’individu doit renoncer au plaisir pour le bien de l’espèce ?

DIDEROT. C’est une contradiction ?

MME THERBOUCHE. Ça y ressemble.

DIDEROT. Et pourquoi une morale ne serait-elle pas contradictoire ?

MME THERBOUCHE. Parce que, dans ce cas-là, ça ne fait pas une morale mais deux.  La morale de l’individu, la morale de l’espèce. Et elles n’ont rien à voir l’une avec l’autre.

DIDEROT. C’est ennuyeux…
Il regarde ses feuillets et se met à barrer ce qu’il vient d’écrire avec un soupir.

20 octobre 2007

Du mariage et du libertinage

MME DIDEROT. Tu fais ce que tu veux mais je ne veux plus que tu me trompes autant. Nous sommes mariés ! L’oublies-tu ?

DIDEROT. Le mariage n’est qu’une monstruosité dans l’ordre de la nature.

MME DIDEROT. Oh !

DIDEROT. Le mariage se prétend un engagement indissoluble. Or l’homme sage frémit à l’idée d’un seul engagement indissoluble. Rien ne me paraît plus insensé qu’un précepte qui interdit le changement qui est en nous. Ah, je les vois les jeunes mariés qu’on conduit devant l’autel : j’ai l’impression de contempler une couple de bœufs que l’on conduit à l’abattoir ! Pauvres enfants ! On va leur faire promettre une fidélité qui borne la plus capricieuse des jouissances à un même individu, leur faire promettre de tuer leur désir en l’étranglant dans les chaînes de la fidélité !

MME DIDEROT. Je ne t’écoute plus.

DIDEROT. Ah, les promesses de l’amour ! Je le revois, le premier serment que se firent deux êtres de chair, devant un torrent qui s’écoule, sous un ciel qui change, au bas d’une roche qui tombe en poudre, au pied d’un arbre qui se gerce, sur une pierre qui s’émousse. Tous passait en eux et autour d’eux et ils se faisaient des promesses éternelles, ils croyaient leurs cœurs affranchis des vicissitudes. Ô enfants, toujours enfants…

MME DIDEROT. Que c’est laid ce que tu dis !

DIDEROT. Les désirs me traversent, les femmes me croisent, je ne suis qu’un carrefour de forces qui me dépassent et qui me constituent.

MME DIDEROT. De bien belles phrases pour dire que tu es un cochon !

DIDEROT. Je suis ce que je suis. Pas autre. Tout ce qui est ne peut être ni contre nature, ni hors nature.

MME DIDEROT. On te traite partout de libertin.

DIDEROT. Le libertinage est la faculté de dissocier le sexe et l’amour, le couple et l’accouplement, bref, le libertinage relève simplement du sens de la nuance et de l’exactitude.

MME DIDEROT. Tu n’as pas de morale !

DIDEROT. Mais si ! Seulement, je tiens que la morale n’est rien d’autre que l’art d’être heureux. Tiens, regarde, c’est d’ailleurs ce que j’étais en train d’écrire pour l’article « Morale » de l’Encyclopédie :  « Chacun cherche son bonheur. Il n’y a qu’une seule passion, celle d’être heureux ; il n’y a qu’un devoir, celui d’être heureux. La morale est la science qui fait découler les devoirs et les lois justes de l’idée du vrai bonheur. »

MME DIDEROT. Oui, mais enfin, monsieur le penseur, ce qui te rend heureux ne me rend pas toujours heureuse, moi !

DIDEROT. Comment peux-tu croire que le même bonheur est fait pour tous ! « La plus plupart des traités de morale ne sont d’ailleurs que l’histoire du bonheur de ceux qui les ont écrits. »

 

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0f9705141db163f94f23f10e88929d00.jpgCe délicieux dialogue est issu d’une pièce de théâtre d’Eric Emmanuel Schmitt : « Le libertin ». Je l’ai lue, que dis-je lue, je l’ai dévorée en quelques heures avec une délectation telle que je n’ai pas pu résister au plaisir de vous en faire partager quelques extraits. Car l’auteur a eu le génie d’aborder la problématique philosophique du libertinage avec la légèreté supposée caractériser cette « pratique », et de synthétiser dans un même ouvrage la philosophie et la sensualité qui la fondent : Les mot et la chose enfin réconciliés dans le fond et sur la forme…
Je n’en dirai pas plus sur ce livre pour l’instant, mais j’aimerais réfléchir avec vous sur le thème de ce dialogue de la scène 8 entre le philosophe et sa femme : Le bonheur peut-il être au détriment d’autrui ? Est-ce une problématique exclusivement personnelle comme semble l’affirmer Françoise Simpère dans son excellente note intitulée « Y A PAS QUE NICOLAS ET CECILIA » ?

27 septembre 2007

Une gourmandise

4df7c5004af9ceabd2792b8162b2b3c7.jpg   Un homme se tient par le ventre et le bas ventre. [Proverbe ivoirien]

   Si j’ai évoqué le pouvoir du plaisir dans une de mes anciennes notes et notamment le pouvoir du plaisir sexuel - le pouvoir du bas ventre - je ne me suis jamais étendu sur les plaisirs du ventre. Il faut dire que dans mes textes, il est plus question de chair que de bonne chair : lorsque j’ouvre la bouche pour savourer l’onctuosité de chairs humides, c’est rarement pour gober une huître ; lorsque la paume de ma main flatte une chaude rotondité, ce n’est pas souvent celle d’une miche de pain ; lorsque je plonge un appendice dans un calice parfumé, ce n’est généralement pas mon nez. Alors si je vous dis que j’ai découvert un roman dont la sensualité m’a mis l’eau à la bouche, dont les mots m’ont plongé dans une joie jubilatoire, sans doute penserez-vous que j’ai découvert une fine fleur de l’érotisme. Il n’en est rien. Une gourmandise de Muriel Barbery est à l’encyclopédie de cuisine ce que le cantique des cantiques est à la Bible : une subtile prose dont la poésie enchante l’âme jusqu’aux muqueuses.

   Lire Une gourmandise, c’est goûter la saveur des mots : « Les mots : écrins qui recueillent une réalité esseulée et la métamorphosent en un moment d’anthologie, magiciens qui changent la face de la réalité en l’embellissant du droit de devenir mémorable, rangée dans la bibliothèque des souvenirs. Toute vie ne l’est que par l’osmose du mot et du fait où le premier enrobe le second de son habit de parade. »
   Lire Une gourmandise, c’est déguster les mots de la saveur, ou plutôt les mots des saveurs, car les aliments les plus simples passés au crible de sa plume fantastique ne sont pas froidement disséqués, mais ils sont révélés toute leur puissance évocatrice.
   Une pâtisserie marocaine après les boulettes de viande ? « Elles ne sont appréciables dans toute leur subtilité que lorsque nous ne les mangeons pas pour apaiser la faim et que cette orgie de douceur sucrée ne comble pas un besoin primaire mais nappe notre palais de la bienveillance du monde. »
   Une tomate dans un verger ? « La tomate crue, dévorée dans le jardin sitôt récoltée, c’est la corne d’abondance des sensations simples, une cascade qui essaime dans la bouche et en réunit tous les plaisirs. La résistance de la peau tendue, juste un peu, juste assez, le fondant des tissus, de cette liqueur pépineuse qui s’écoule au coin des lèvres et qu’on essuie sans crainte d’en tacher ses doigts, cette petite boule charnue qui déverse en nous des torrents de nature : voilà la tomate, voilà l’aventure. »
   Le poisson cru dans un restaurant japonais ? « Le vrai sashimi ne se croque pas plus qu’il ne fond sur la langue. Il invite à une mastication lente et souple, qui n’a pas pour fin de faire changer l’aliment de nature mais seulement d’en savourer l’aérienne moellesse. Oui, la moellesse : ni mollesse ni moelleux ; le sashimi, poussière de velours aux confins de la soie, emporte un peu des deux et, dans l’alchimie extraordinaire de son essence vaporeuse, conserve une identité laiteuse que les nuages n’ont pas. »
   Lire Une gourmandise, c’est retrouver des accents de Delerm, mais les plaisirs de Barbery n’ont pas pour vocation de rester minuscules, ils gonflent, ils enflent, ils explosent de lyrisme, et ils nous emportent comme la toute première gorgée de whisky : « Telle une marquise éthérée, je trempai précautionneusement mes lèvres dans le magma tourbeux et… ô violence de l’effet ! C’est une déflagration de piment et d’éléments déchaînés qui détonne soudain dans la bouche ; les organes n’existent plus, il n’y a plus ni palais, ni joues, ni muqueuses : juste la sensation ravageuse qu’une guerre tellurique se déroule en nous-mêmes. »

   Mais je me relis et je réalise qu’emporté par les saveurs et les mots, j’ai oublié de mentionner l’intrigue. Tant pis, j’ai déjà épuisé mon « crédit mot ». Sachez seulement que c’est amusant et drôlement bien mené. Je voudrais juste abuser de votre patience d’ami lecteur pressé pour en venir enfin au fait : Un homme se tient aussi par le ventre. Cela est admirablement développé par Barbery lorsqu’un des protagonistes, un jeune critique gastronomique interrogé le maître au sujet d’un sorbet (« le sorbet est aérien, presque immatériel, il mousse juste un peu au contact de notre chaleur puis, vaincu, pressé, liquéfié, s’évapore dans la gorge et ne laisse à la langue que la réminiscence charmante du fruit et de l’eau qui ont coulé par là ») le qualifie de sorbet de grand-mère. Dans sa bouche et aux oreilles du maître, c’est le plus beau des qualificatifs, et le voilà à parler de la cuisine de grand-mère…

   Je crois qu’elles avaient conscience, sans même se le dire, d’accomplir une tâche noble en laquelle elles pouvaient exceller et qui n’était qu’en apparence subalterne, matérielle ou bassement utilitaire. Elles savaient bien, par-delà toutes les humiliations subies, non en leur nom propre mais en raison de leur condition de femmes, que lorsque les hommes rentraient et s’asseyaient, leur règne à elle pouvait commencer. Et il ne s’agissait pas de mainmise sur « l’économie domestique » où, souveraines à leur tour, elles se seraient vengées du pouvoir que les hommes avaient à « l’extérieur ». Bien au-delà de cela, elles savaient qu’elles réalisaient des prouesses qui allaient directement au cœur et au corps des hommes et leur conféraient aux yeux de ceux-ci plus de grandeur qu’elles mêmes n’en accordaient aux intrigues du pouvoir et de l’argent ou aux arguments de la force sociale. Elles les tenaient, leurs hommes, non pas par les cordons de l’administration domestique, par les enfants, la respectabilité ou même le lit – mais par les papilles, et cela aussi sûrement que si elles les avaient mis en cage et qu’ils s’y fussent précipités d’eux-mêmes.[…]
   Que ressentaient-ils, ces hommes imbus d’eux-mêmes, ces « chefs » de famille, dressés depuis l’aurore, dans une société patriarcale, à devenir les maîtres, lorsqu’ils portaient à leur bouche la première bouchée des mets simples et extraordinaires que leurs femmes avaient préparés dans leurs laboratoires privés ? Que ressent un homme dont la langue jusqu’alors saturée d’épices, de sauce, de viande, de crème, de sel, se rafraîchit subitement au contact d’une longue avalanche de glace et de fruit, juste un peu rustique, juste un peu grumeleuse, afin que l’éphémère le soit un peu moins, retardé par la déliquescence plus lente des petits glaçons fruités qui se disloquent doucement… Ces hommes ressentaient le paradis, tout simplement, et même s’ils ne pouvaient se l’avouer, ils savaient bien qu’eux-mêmes ne pouvaient le donner ainsi à leurs femmes, parce que avec tout leur empire et toute leur arrogance, ils ne pouvaient les faire se pâmer comme elles les faisaient jouir en bouche !

19 septembre 2007

Le jeu

da61b43d11d3befaf787c2c483ccae16.jpgIl faut atteindre les dernières pages de Hors jeu, le premier roman de Bertrand Guillot alias SecondFlore, pour comprendre véritablement son sujet : Le Jeu. C’était pourtant dans le titre, me direz-vous judicieusement, mais il m’aura fallu du temps pour comprendre combien ce titre a été bien choisi. Car Hors jeu a pour ambition de traiter du jeu sous tous ses aspects : de la cruauté du jeu de la drague à la vacuité du jeu social, de l’aliénation du jeu vidéo à la folie du jeu de casino, en passant par le jeu télévisé qui en synthétise toutes les tares, omniprésent sur nos écrans et dans ce roman où il nous apparaît plus que jamais comme la caricature grossière des jeux sociaux insidieux. Bien des auteurs ont traité divers aspects du jeu, Dostoïevski avec Le joueur bien sûr, mais aussi Houellebecq, Beigbeder, Kundera, et on les perçoit entre les lignes de Hors jeu, que ce soit pour le fond ou sous la forme. Dans l’ombre de ces monuments contemporains, traiter un sujet aussi vaste est probablement une gageure.
Bertrand s’en sort bien avec un roman accrocheur, au style résolument moderne qui nous entraîne dans les tribulations de Jean-Victor Assalti, héros creux dont le vernis craquelle au point que sa vaniteuse puérilité finit par nous être sympathique. Tombé au chômage après une ascension aussi fulgurante qu’éphémère, il cherche à rebondir dans un jeu télé dont il veut rafler le gros lot avec panache. Il me semble que le tournant du roman se situe à la fin de la troisième partie - lorsque Jean-Victor retrouve une des candidates du jeu - au cours d’un paragraphe que je vous livre in extenso :

Prenant mon courage à une main, ma rose dans l’autre, j’ai avancé. Doucement. En passant, j’ai repéré une table où deux filles lookées Vogue buvaient de grands verres de vin blanc. « Même sur Meetic je ne suis tombée que sur des caves », disait Marie-Claire à Isa.
J’ai tout juste eu le temps de cacher la fleur sous la chaise. Emma a posé son livre, relevé la tête, m’a vu. Sourire d’ange.
- Bonjour !
- Et dire que j’ai cru ne jamais revoir ce sourire…
- On trouve toujours quand on sait chercher, Monsieur le Conseiller…
Ai-je rêvé ou elle avait rapproché sa main sur la table ? J’ai préféré parler de son livre.
Risibles amours, donc. Tu aimes ?
- Oui. C’est un recueil de nouvelles. Je viens d’en finir une qui m’a fait penser à toi.
- Ah, oui ?
- C’est l’histoire d’un jeune couple. Le Jeu de l’auto-stop. Elle est timide et jalouse, lui est amoureux mais maladroit. L’his…
- Pardon, mais… Tu es timide, toi ?
- Idiot ! Donc l’histoire commence dans la voiture : ils partent en vacances. Ils parlent des auto-stoppeuses frivoles qui courent les routes tchèques, la fille imagine toutes les aventures qu’il a pu avoir, loin d’elle, dans sa voiture. Quand il s’arrête dans une station-service pour faire le plein, elle s’en va toute seule, à pied. Il la retrouve un peu plus loin, pouce levé comme une auto-stoppeuse. Il s’arrête à sa hauteur, la laisse monter…
- Un apéritif peut-être ?
La serveuse était arrivée à notre table, discrète comme une coupure publicitaire. Emma a fini son verre, m’a interrogé du regard.
- Bien sûr, j’ai dit. Tu reprends la même chose ?
- Ah non ! Varions les plaisirs.
Elle a tenté un merlot chilien, le moins cher de la carte, j’ai commencé par un bourgueil. La serveuse m’a demandé si nous voulions des grands verres. Bien sûr, j’ai répondu, et discrètement je lui ai demandé en bonus une chope de bière remplie d’eau.
- Les voilà sur la route, donc…
- Oui. Mais la situation a complètement changé. Un jeu s’est instauré : ils jouent a être deux inconnus qui vont finir la nuit ensemble. Libérée de sa timidité, elle joue la fille facile et y prend goût, elle le provoque et ça l’excite.
- Et alors ?
- Alors, le jeu les dépasse tous les deux. Prisonniers de leur scénario, ils ne peuvent pas éviter l’escalade. Quand ils arrivent à l’hôtel, il finit par la traiter de pute, littéralement je veux dire, il lui fait l’amour comme une brute, elle veut sortir du jeu mais n’y arrive pas, et elle finit par jouir comme jamais, mais en pleurant.
- Et elle le quitte ?
- On ne sait pas. Le garçon essaie de la consoler, sans succès. Tout ce que nous dit Kundera, c’est qu’il leur reste treize jours de vacances. J’aime quand les histoires n’ont pas de fin…
Son émotion était visible. Elle venait de loin, bien plus loin que nous deux. Je me suis retourné pour voir où en étaient nos apéritifs.
- Et quel rapport avec moi ? j’ai demandé.
- Le jeu !

05187778fcb64485344099a3e9751d4a.jpgRisibles amours est, à mon avis aussi, le meilleur livre de Kundera. Loin d’être une œuvre de jeunesse immature, chacune de ses nouvelles préfigure les romans de sa postérité. Ainsi Le jeu de l’auto-stop est une merveille d’engrenage psychologique initié par les règles d’un jeu imbécile qui mène un jeune couple au désastre en révélant la part d’ombre de chacun, la part de l’autre. Le jeu agit comme un révélateur de l’âme en bâillonnant la raison avec ses règles ad-hoc:

Et il ne servait à rien d’appeler au secours la raison et d’avertir l’âme étourdie d’avoir à garder ses distances et de ne pas prendre le jeu au sérieux. Justement parce que c’était un jeu, l’âme n’avait pas peur, ne se défendait pas et s’abandonnait au jeu comme à une drogue […] dans le jeu, on n’est pas libre, pour le joueur le jeu est un piège.


J’ai plus d’une fois pu constater combien cette phrase est vraie et comment le jeu pouvait exercer son emprise jusqu'à déborder ses protagonistes, comme ce fut le cas ici.

En conclusion, ne choisissez pas un de ces deux livres : ouvrez les deux comme les paupières sur la mécanique des jeux qui nous submergent.

11 septembre 2007

Interprétation libre

C’était vendredi soir, un vendredi soir d’ouverture de coupe du monde, mais la crêperie était presque vide faute d’écran large. Ça tombait bien, Mathilde et moi avions envie de calme entre deux mêlées sur le terrain de ses draps roses. Nous nous sommes assis face à face, seuls à l’étage et presque au monde. En tous cas, il n’y avait que nous dans nos champs de vision jusqu’à ce des gens ne s’assoient non loin. À leur conversation ostentatoire, on a vite compris que c’était un petit groupe de cathobourges. Ils nous ont lapidés du regard, Mathilde et moi : J’ai une alliance, vingt ans de plus qu’elle, et nous ne donnions pas l’apparence d’un père et de sa fille. Au point que cela n’avait pas échappé au jeune serveur tout particulièrement aimable. Lorsqu’il nous a apporté notre crêpe dessert à partager, il nous a dit : « Je me suis permis de vous faire une jolie décoration en sucre. »

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L’intention nous a semblé charmante, et nous avons fait honneur à cette excellente crêpe aux pommes et à la cannelle. Quand j’ai demandé l’addition, le serveur est venu et je lui ai tendu ma carte bleue. « J’espère que c’est Monsieur qui paye ! » a-t-il sorti tout de go. Mathilde et moi étions décontenancés. Je ne suis parvenu qu’à émettre une pauvre réplique : « Cela aurait bien pu être la carte de Mademoiselle, après tout, elle est assortie à la couleur de ses vêtements. » Nous avons quitté le restaurant sur un sentiment de malaise, léger comme un pet évanescent.

03 septembre 2007

Double vie

            Rémi s’attarda dans la chambre des enfants. Après avoir sacrifié au rituel des devoirs en inspecteur des travaux finis, il s’allongea à même le sol et s’offrit au feu roulant de leurs questions. Dans une société qui ressemblait désormais à un vaste centre commercial, Rémi entendait se battre tant qu’il était encore temps pour leur éviter de finir en citoyens-consommateurs tout en les aidant à compléter un puzzle entamé un dimanche de pluie.

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            « Qui sont ces gens ? Demanda Virginie en désignant le couvercle de la boîte. On les connaît, au moins, j’espère… »
            À quoi avait pensé leur parrain en leur offrant de reconstituer Californie 1955 ? Certainement pas à mal. Pourtant, dans le registre des amours illicites, rien n’était plus suggestif que cette photographie en noir et blanc, dont l’admirable organisation plastique rehaussait la qualité poétique. Un surréaliste n’en aurait pas renié l’esprit, ni la lettre.
De prime abord, sa composition pouvait déstabiliser les logiques les mieux établies tant elle s’apparentait à un montage. Après analyse, au premier plan on devinait la partie avant d’une automobile vue de dos. Au second, la mer dans la douce lumière d’un coucher de soleil. Et entre les deux un rétroviseur dans le reflet duquel une femme laissait éclater sa joie de vivre, le visage reposant sur le bras d’un homme. Une diagonale invisible traversait l’image et la séparait en deux mondes. Dans sa partie supérieure, les nuages, l’eau, la terre. Dans sa partie inférieure, les humains, le fer, le verre. Un discret chef-d’œuvre jusque dans ses ambiguïtés et la richesse des interprétations qu’elles suscitaient. D’où pouvait bien sourdre la vraie force, d’elle ou de lui ? Que cachait ce sourire carnassier : une volonté de pouvoir ? Et cette attitude conquérante : le refus de laisser son destin lui échapper ? Le plaisir l’emportait-il sur le bonheur ? Qu’importe après tout. Cette étreinte mouillée de sel marin conservait son mystère, lequel se réfugiait dans le cou à demi couvert de la femme. Erwitt tenait là son Angelus.
            « Des gens qui s’aiment, tout simplement », dit Rémi. Tant qu’à faire, dès qu’il en avait l’occasion et dans la mesure où c’était sans conséquences, il était le genre de père qui préférait donner à ses enfants des mensonges qui élèvent le genre humain plutôt que des vérités qui l’abaissent. La fabrication de l’icône aurait pu en être une. Les personnages auraient pu être des modèles, payés pour poser. Faire semblant. Simuler le sentiment amoureux. Contre de l’argent. Il préféra évoquer l’humour du photographe, et le génie déployé avec naturel pour faire rire et pleurer, son but suprême.
            […]
            Avaient-ils une idée de ce qu’était la vraie vie de leur père ? Au fond, ce qu’ils pouvaient savoir importait moins que ce qu’ils devaient sentir. Le jour où il le comprit, le fardeau s’allégea aussitôt. Son chaos intérieur leur resterait insoupçonnable, du moins pendant un certain temps. Comment aurait-il pu leur expliquer, alors qu’il n’aurait su se l’expliquer à lui-même, qu’en cet instant précis il songeait que, dans la langue de Médée, un même mot désigne suicide et infanticide.
            Quand vint l’heure de l’extinction des feux, il remonta les draps jusqu’à leur menton et leur caressa le front. Avant d’y déposer un baiser, il fut pris d’hésitation et songea à ce que ses lèvres avaient embrassé, à ce que ses doigts avaient caressé quelques heures auparavant. Bien qu’il les eût énergiquement savonnés avant de passer à table, il ne put se défaire d’un malaise, la sensation que cet acte des plus tendres prenait un tour pornographique. Et que les grandes lèvres vulvaires de Victoria [sa maîtresse, ndrl], dont il conservait encore le goût salé, s’apposaient par sa douteuse intercession sur la peau la plus pure qui fût, celle de ses propres enfants. Alors, pour la première fois de la soirée il se sentit souillé.

Pierre Assouline, Double vie

25 août 2007

Femmes : mode d’emploi

Pour une fois, je n’ai pas piqué sur le net la photo qui illustre cette note, c’est moi qui l’ai faite !

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Cette page du magazine Buy while you Fly (achetez en vol) propose donc au client de sexe masculin d’offrir des cosmétiques à ses femmes:
Gift for the Wife (cadeau pour l’épouse) : Crème de jour, crème de nuit et crème pour les mains Elizabeth Arden - 28,50 euros.
Gift for the Girlfriend (cadeau pour la petite amie) : Eau de parfum, lotions et crème pour le corps Elizabeth Arden – 53 euros.
Gift for the Mistress (cadeau pour la maîtresse) : Eau de toilette Dolce & Gabbana, Mascara Yves-St-Laurent – 66 euros.

Derrière cette publicité presque anodine se cache un véritable mode d’emploi des femmes pour cadres pressés. Lisez donc entre les lignes avec moi en commençant par le  commencement : la petite amie. Il faut la séduire pour acquérir définitivement ses faveurs, et on lui consacre donc un budget moyen, quoique relativement élevé comparativement au budget limité du jeune cadre visé. Et qu’est-ce qu’on achète à sa petite amie ? Des produits pour le corps, ce supposé jeune corps féminin qui fait tant envie au jeune cadre en rut, et qui poussera la belle à en dévoiler les charmes.
Une fois qu’on lui a mis la bague au doigt, on quitte le mode « séduction de la petite amie » pour passer en mode « entretien de l’épouse ». À l’instar des voitures, le budget entretien est bien inférieur au budget d'acquisition : il suffit d’acheter des crèmes pour lustrer la partie visible de la carrosserie vieillissante.
Mais avec les années, voilà que le luxurieux désir renaît de ses cendres. Heureusement, le pouvoir d’achat de notre plus si jeune cadre a augmenté : il peut maintenant se payer le luxe d’une maîtresse frivole (forcément), avide de strass et de paillettes. A elle les parfums capiteux et les yeux papillonnants !

Mesdemoiselles, mesdames, rongez encore un peu votre frein avant de lâcher votre commentaire rageur : si je pense avoir su décoder les vieux stéréotypes phallocrates sous-jacents, ce n’est pas pour autant que je les partage. J’aurais bien aimé croire au second degré de cette publicité, mais l’humour ne semble pas équitable dans ce magazine : aucune mention du parfait cadeau pour le petit ami, le mari ou l’amant…
Maintenant, vous pouvez y aller !

08 août 2007

Suggestion érotique

« Viens sur moi ! »
Mathilde portait une jupe à volants qui semblait conçue pour être troussée. Elle glissa ses mains par en dessous et fit glisser son string tout au long de ses jambes fuselées. Moi, j’étais assis, les cuisses très écartées, et j’avais ouvert la braguette de mon jean pour brandir à la verticale ma verge déjà raide. Sa chatte s’y ajusta comme une pièce de Lego. Mathilde me tournait le dos, légèrement penchée en avant, ses mains en appui sur mes genoux. Sous sa jupe, mes mains plaquées sur ses fesses nues marquaient le rythme. Je finis par retrousser sa jupe complètement pour voir les va et vient de son petit cul avec, juste en dessous, ma queue qui s’enfonçait dans l’ombre de sa chatte. Cela devait être aussi un bien joli spectacle par devant. Quelqu’un qui serait passé s’en serait repu. « Parle-moi !» m'ordonna-t-elle.
Mathilde voulait toujours que je lui parle pendant l’amour, peut-être parce que l’ouverture des chairs ouvre l’âme un peu plus, sans rien d’autre que les lèvres pour empêcher tout l’intérieur de se renverser dehors. Peut-être est-ce pour cela que j’avais du mal à les ouvrir, car j’avais beau m’y attendre, j’étais toujours pris au dépourvu et je ne savais jamais quoi répondre, comme quand elle me disait « à quoi tu penses ? » ce qui était plus ou moins la même question. « Que veux-tu que je te dise ? Des mots crus ?
- Oh oui ! Dis moi des mots crus !
- Vraiment ?
- Dis-moi des cochonneries !
- Très cochonnes ?
- Des saloperies ! »

b1ddd18888fdfb620a098341d276fa5a.jpgJe n’avais pas à chercher bien loin, la scène était pour ainsi dire devant moi : « Je te baise à l’arrêt de bus ! Je voulais te baiser dans la forêt juste à côté, mais il pleut…
- Tu me baises comment ?
- Comme une salope !
- Comme ta petite pute ?
- Oui…  Je vois ta chatte coulisser sur ma bite que je sors presque complètement à chaque fois. Si une voiture passait devant nous, ses passagers verraient comment je te baise. D’ailleurs, j’entends un moteur ronronner au loin. En voilà une qui approche. On va te voir !
- Oh non !
- Si ! On va te voir !
- Coquin !
- La voilà qui passe ! Tu as vu comment le conducteur nous a regardés ?
- Il avait un regard libidineux.
- Attend ! Il freine ! Il fait demi-tour !
- Arrête !
- Non, il vient je te dis. J’ai envie qu’il nous voit. Ça ne t’excite pas qu’il nous voit !
- Je ne sais pas.
- Il vient de s’arrêter, de l’autre côté de la route. Il ouvre sa portière pour mieux nous regarder. Et pour nous montrer sa queue aussi. Regarde. Elle est grosse. Il se branle. Ça t’excite ?
- Je ne sais pas… C’est ta queue dans ma chatte qui m’excite. C’est si bon !
- Voilà une autre voiture !
- Ah oui !
- Il s’est arrêté avant d’arriver jusqu’à nous celui-là. Il nous éclaire avec ses phares.
- Ça me fait un peu peur.
- Je suis là, je vais te protéger.
- Hummmm…
- Le premier est sorti de la voiture, il traverse la route, il s’approche. Il est tout prêt maintenant ! Ses yeux sont rivés sur nos sexes emboîtés.
- Oh !
- Regarde sa grosse queue, tu ne veux pas le branler un peu ?
- Non !
- Allez Mathilde, tend ta main vers son sexe devant toi, il n’attend que ça !
- Non ! Je ne veux pas !
- Vas-y ! Sinon j’arrête de te baiser comme une chienne ! »

Mes mains en appuis sur ses fesses maintinrent le corps de Mathilde en avant, et donc mon sexe en retrait, la pointe du gland à l’orée de sa vulve molle dont la sève coulait tout au long de ma hampe déjà luisante de mouille.

Il était temps de faire une mise au point : La paume de ma main droite s’exclama sur sa fesse en suspension.

« Oh non ! Oh non ! » répétait Mathilde tandis que je la maintenais dans sa position d’une main et que je la fessais vigoureusement  de l’autre tant qu’elle n’obéissait pas à mon ordre, tant qu'elle ne branlait pas cet inconnu au regard lubrique. Mathilde éclata en sanglots : « oui… je vais le faire… je vais le faire… ». Je relâchai la pression de ma main sur ses hanches et elle s’enfonça d’un coup sur mon pieu. Je l’enlaçai tendrement. « Pardonne-moi, Mathilde, pardonne-moi ! Ce n’est qu’un jeu, un fantasme, tu le sais !
- Oui je sais, mais tout d’un coup cela m’a semblé si réel que je me suis à nouveau vue à l’arrêt de bus où je m’étais assise sur tes genoux… comme je me frottais contre ta queue raide… avec ces voitures qui passaient … et leur conducteur au regard lubrique quand ils nous regardaient nous embrasser… Ce sont eux que je voyais quand tu me parlais, et ils ne me plaisaient pas !
- Je comprends…
- Et puis après, tu m’aurais demandé de les sucer… Tu aurais voulu qu’ils me jouissent dessus…
- Je ne sais pas, je n’en étais pas là. »


Même si je ne savais pas trop où cette histoire nous aurait menés, même si je n’en étais pas encore là, Mathilde avait sans doute raison. Elle avait aussi pressenti qu’elle devait se protéger face à ce fantasme exprimé avec tant de réalisme, de crainte qu’il finisse par s’y inviter, justement, dans la réalité. Dans l’intimité de la chambre de Mathilde, je la consolais comme je le pouvais, séchant ses larmes du haut avec de tendres baisers, provoquant celles du bas avec de vigoureux coups de rein. Mathilde sanglotait encore un peu, maintenant moins à cause de la vive émotion procurée par mon évocation réaliste, que par dépit de ne pas avoir su jouer le jeu jusqu’au bout. Mais comment pouvait-elle se reprocher, après avoir adhéré au fantasme de faire l’amour à l’extérieur – fantasme qui s’appuyait sur une situation vécue quelques heures auparavant - de ne pas parvenir à prendre subrepticement le recul nécessaire lorsque le rêve s’est malicieusement transformé en cauchemar voyeuriste ? Autant essayer de rêver éveillé. Moi, je n’étais pas du tout déçu. Pourquoi ai-je préféré cent fois qu’elle s’immerge ainsi dans mon fantasme, quitte à refuser le tour qu’il prenait comme on se réveille brutalement, plutôt que de simuler l’acceptation de toutes ses turpitudes ?

On ne mesure pas toujours combien le partage d’un fantasme sexuel participe à sa réalisation charnelle. Le simple fait de mettre des mots sur ses envies, et surtout de les partager, prépare le passage à l’acte. J’en avais plus d’une fois constaté les effets après les séances « d’amour virtuel » sur messenger avec des femmes que je rencontrais par la suite : la conclusion charnelle n’était jamais aussi facile qu’après des galipettes virtuelles partagées. La puissance de ces évocations est telle que de ces jeux sexuels et cérébraux ne me semblent pas innocents. Avec Mathilde, la force des mots nous a frappés de plein fouet, au point que je me demande si cela ne s’est pas rapproché d’un processus hypnotique. Je ne parle pas d’hypnose de cabaret mais d’hypnose Ericksonienne dont le sujet garde un certain contrôle de la situation et la mémoire de la séance. Les psychothérapies systémiques utilisent parfois ces techniques hypnotiques, ce qui modifie durablement l’état mental du patient. Je me demande ainsi si le sacro-saint libre arbitre – celui  là même brandi par les tenants du « tout est permis entre adultes consentants » en guise de morale sexuelle - n’est pas parfois obtenu au prix d’une subtile manipulation mentale ?
Alors, où se trouve la liberté dans tout ça ?

15 juillet 2007

Le Club des Sens

6fb48dbeb45a454233fe0432251fa6a7.jpgUne fois n’est pas coutume, voici un petit interlude publicitaire. Non, il ne s’agit pas de la SNCF mais d’un site web particulièrement bien conçu : Le Club des Sens.
Ce site permet aux hédonistes de tous poils de lire et de donner leur avis sur les accessoires de leur plaisir, que ce soit des sex-toys, des romans érotiques, des jeux libertins, des  préservatifs ou mêmes des blogs érotiques tels celui que vous êtes en train de lire !

L’inscription à ce site est bien entendue gratuite, et il offre les fonctionnalités d’un forum au sujet de ces accessoires sensuels. Le catalogue de ces accessoires est déjà bien fourni, et regroupe plus de 8000 avis des membres du club. J’ai ainsi pu y écrire une critique d’un recueil de nouvelles érotiques de Françoise Rey, « Les Métamorphoses ». Mais il est aussi possible d’ajouter d’autres produits à ces listes, et j’ai aussi pu y dire presque tout le mal que je pensais de « La Planète échangiste » de DWL, je dis bien « presque » car le nombre de caractères d’un avis étant limité, je n’ai pas pu retranscrire l’intégralité de ma note à ce sujet. Par ailleurs, ces avis et commentaires sont modérés, et il n’est pas permis aux blogueurs d’y mettre des liens vers leur propre site, à moins de voir leur blog sélectionné par le Club des Sens.
Tout cela donne un site constructif, ordonné, à mille lieues de toute pornographie ou vulgarité, une sorte de guide impartial du consommateur hédoniste qui ne tardera pas à devenir une référence.

Non, ne me dites pas que vous n’avez aucun avis à donner sur quoi que ce soit, ami lecteur, je suis sûr que vous aurez quelques mots à dire sur ça…

05 juillet 2007

L’amour en miettes

Il y a, au coeur de Genève, une île. Un îlot tout au bout du lac Léman, cerné par les cygnes et les canards. L’eau y est si claire qu’on peut voir le fond bleu, tout proche de la surface, lorsque le soleil a fini de jouer à cache-cache avec les nuages. On y accède en traversant un petit pont réservé aux piétons. Ce jour là, j’y marchais derrière Jeanne en tirant ma valise derrière moi. Jeanne m’a montré l’enclos grillagé qui ceinturait cette presqu’île, à peine plus grosse que la pile de ce petit pont qui enjambe le bout du lac. L’enclos, à l’intérieur duquel pataugeaient les canards, est toujours ouvert. On se demande bien à quoi il sert, si ce n’est de perchoir aux pigeons qui viennent s’y aligner. Sur notre île, il y a deux bancs. Ils étaient pris par des petits vieux venus quémander des miettes de soleil. Alors avec Jeanne, on s’est assis sur le rebord du bac à sable déserté par les enfants. J’étais un peu triste. Pas vraiment déçu puisque je ne savais vraiment pas à quoi m’attendre avec elle ce jour là. Bien sûr j’étais content de retrouver ma maîtresse, tout au moins celle que je considérais comme telle depuis quelques années. Même si nous ne nous étions pas vus depuis des mois. Même si notre liaison n’en finissait pas d’agoniser depuis les Chandelles et le reste. Elle était toujours aussi séduisante. J’avais longtemps espéré pouvoir passer avec elle cette journée à la montagne dont elle m’avait parlé depuis plus d’un an, journée sans cesse repoussée jusqu’à ce que la neige fonde complètement, et qu’on atteigne le mois de Mai où elle avait finalement pu prendre une demi-journée de congés pour me voir cette après-midi là. C’était déjà pas mal. J’avais donc pris le train de Paris pour Genève le matin même, et j’avais tiré ma valise jusqu’au rebord du bac à sable d’où nous pouvions voir les canards, et un moineau aussi, qui venait mendigoter quelques miettes à nos pieds. J’ai passé ma main sur la nuque de Jeanne.

- Tu ne me facilites pas les choses tu sais, me dit-elle en fixant l’eau du lac.

J’ai retiré ma main. Elle avait des choses à me dire. Des choses délicates. J’ai toujours eu du mal à comprendre les choses délicates. Je les écoute, je les entends, mais j’ai du mal à les retenir, un peu comme si mon esprit sombrait dans la brume. Elle me disait donc ces choses délicates et je regardais le moineau, tout près.

- Je n’ai rien à te donner ! Rien ! Va-t-en ! Disait-elle au moineau qui ne comprenait rien du tout, lui.

Moi, j’ai compris que nos chemins risquaient de diverger. Jeanne m’a dit qu’elle avait beaucoup avancé ces derniers mois. Elle savait maintenant ce qu’elle voulait faire de sa vie. D’abord, quitter son mari. C’était inéluctable, elle ne l’aimait plus. Après, elle vivrait seule un moment, et puis elle referait sa vie car il lui faudrait une relation stable. Moi, je ne savais même pas si j’aimais encore ma femme. En tous cas, je n’avais pas trouvé la réponse entre les cuisses des autres. Toujours est-il que je n’étais certainement pas un modèle de stabilité affective.

- Je ne peux rien te promettre Jeanne! Ai-je conclu.

Le vent était frais et Jeanne s’est rapprochée de moi. À son contact, j’ai étouffé un sanglot. Ca m’a pris sans prévenir, comme un éternuement, mais j’ai réussi à retenir le deuxième. Jeanne m’a attiré contre elle. Elle m’a regardé droit dans les yeux. Ses cheveux noirs battaient son visage sous les rafales du vent frais. Ils contrastaient merveilleusement avec les reflets moirés du soleil sur sa peau claire et ses yeux bleu acier. Jeanne était atrocement belle.

- Si tu as quelque chose à dire, c’est maintenant ! M’a-t-elle dit.

Je n’avais rien d’autre à dire. Rien à dire du tout. Je crois qu’elle m’a demandé si je l’aimais, ou si je l’avais aimé, je ne sais plus trop. Elle se demandait sans doute si je l’aimerai. J’ai toujours eu du mal à conjuguer ce verbe aux relents d’éternité. J’ai éludé la question en répondant que je ne savais pas comment appeler ces sentiments qui me submergeaient parfois. Elle voulait quitter son mari après dix ans de vie commune et deux jeunes enfants. Il en faut du courage. Moi, je n’avais pas la moindre miette d’engagement à lui donner, rien, pas même l’ombre d’un mensonge. Je ne sais pas pourquoi elle m’a embrassé à ce moment là. Peut-être pour aller chercher avec ses lèvres ce que les miennes ne savaient pas dire. Peut être parce qu’elle en a eu envie. Peut être par pitié. Ou tout simplement parce que j’avais réussi à lui dire qu’elle avait tout pour plaire, en tous cas pour me plaire. Toujours est-il que moi je lui ai rendu, son baiser, avec les lèvres et la langue, depuis le temps que j’en avais envie ! Et voilà qu’elle m’embrassait comme avant, comme au début, comme quand on se contentait d’un peu de présent volé entre l’imparfait et le futur simple. Je me suis levé pour mieux l’étreindre, pour sentir sa chaleur, et lui faire sentir ma bandaison contre son ventre. C’était bien ma seule promesse ferme.

J’ai pris tout ce qu’elle m’a donné, timidement, de peur que tout s’arrête. Sa taille d’abord, avec mon bras. J’en ai fais le tour pour mieux la serrer contre moi. Et puis j’ai hasardé ma main sur son sein. Jeanne m’a saisi le poignet. Je m’attendais à ce qu’elle repousse ma main, mais elle l’a glissée dans son décolleté, tout contre sa peau. J’ai fait rouler son téton entre mes doigts. Jeanne m’a touché les cuisses, et puis entre les cuisses, avec des regards coquins tout en surveillant du coin de l’oeil les passants sur le pont. Comme ils ne pouvaient rien voir, elle a commencé à jouer avec ma braguette, à la descendre, à la remonter, rien que pour m’exciter encore plus. Je la retrouvais diablesse et j’étais aux anges.

- Qu’est-ce que tu ferais si on était tout seul, qu’elle me dit ?
- Je te prendrais contre l’arbre, là, debout, avec tes cuisses enroulées autour de ma taille.
- Et si c’était la nuit ?
- Peut-être en levrette, tes mains sur la rambarde, toute dépoitraillée face au lac. Ça te plairait, hein, petite vicieuse ? Tu mouilles comme je bande ?
- Va savoir...

Avec le sexe, j’étais plus loquace qu’avec le coeur. Jeanne a glissé sa main dans ma braguette. J’ai senti ses doigts palper ma verge dure. J’étais à point. Elle a fini par retirer sa main à cause des gens qui se promenaient un peu trop près. Nous nous sommes assis de nouveau au bord du bac à sable.

- La prochaine fois peut-être... je te laisserai décider.
- Oui... J’ai envie de te reconquérir Jeanne.
- C’est pas gagné.

On s’est embrassés encore, et nous sommes revenus aux choses sérieuses. Jeanne m’a dit qu’elle ne voulait pas me forcer à quoi que ce soit. Que j’étais un papillon. Elle, elle allait suivre son chemin. Libre à moi de la suivre ou pas. En tous cas, lorsqu’elle aurait quitté son mari, elle rencontrerait quelqu’un, tôt ou tard, quelqu’un qu’elle ne connaissait pas encore, quelqu’un d’autre avec lequel refaire sa vie. Avec moi, elle aurait tout de même passé de bons moments. Elle avait les yeux un peu rouges. Comme j’avais un peu froid, nous nous sommes levés et nous avons quitté l’île. Quelques heures plus tard, en rentrant dans ma chambre d’hôtel où j’allais devoir tuer seul la nuit, j’ai souri en repensant au moineau. J’avais eu plus de chance que lui.
Moi, je les avais eues, mes miettes.

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01 juillet 2007

Ma nuit mutine

Septembre 2004. À cette époque là, je fréquentais assidûment le forum Echangisme et Triolisme, avec la grosse envie de participer enfin au principal événement de ce forum : la fameuse « nuit mutine ». En gros, cela consistait à réunir tous les libertins et sympathisants, d’abord dans un café pour un apéritif vertical, puis dans un club libertin pour un repas que je qualifierais d’oblique, et enfin pour un moment de convivialité horizontale. Rien d’obligatoire, bien entendu, mais tout restant possible. L’entrée au club étant réservée aux couples, je parvins à trouver une accompagnatrice, Frédérique, quelques jours avant cette soirée afin de constituer le duo requis.

Sur le plan affectif, je me sentais, dans une situation transitoire selon l’expression consacrée par Jeanne. Jeanne, dont j’étais toujours amoureux, avait mit un coup de frein à notre liaison depuis notre désastre aux Chandelles. Alors que j’entretenais avec elle une relation exclusive, le sevrage auquel je fus soumis eut raison de mes velléités « monogames ». Ainsi avais-je cédé aux avances de Sarah, je m’étais perdu un soir d’ivresse entre les cuisses de Frédérique, et j’avais rencontré la pétillante Kundalini sans parvenir à la séduire. De ces écarts de conduite, je n’avais avoué à Jeanne que ma soirée de débauche en club avec Frédérique, puisque c’est ce qui me semblait le plus anecdotique, ainsi que ma prochaine participation à la nuit mutine. Jeanne avait pris la chose avec assez de philosophie, mais elle me fit une scène virtuelle sur messenger quelques jours plus tard en lisant le compte rendu de ma nuit mutine sur le fameux forum Echangisme et Triolisme :

Ce petit texte est profondément subjectif. Pas de synthèse, pas de digestion, mais quelques clichés in petto, instantanés d'impressions sur ma mémoire évanescente. Des rushs à couper au montage des mémoires d'un voyeur.

19h30, quelque part vers Montparnasse. Quelques taches de cirage liquide sur le carrelage d'un Franprix, mais mes chaussures brillent ! Après avoir soigneusement tamponné mes bottines, j'abandonne dans l'entrée de la supérette le tube tant désiré quelques minutes plus tôt, un peu comme un préservatif usagé qu'on aurait cherché dans le noir, à tâtons, pendant d'interminables secondes en priant tous les diables pour ne pas débander. Il est 19h35, je suis en retard mais pas encore à la bourre.

Aux alentours de 21h, au Select. Le visage émacié d'un grand type aux lunettes carrées, journaliste en pleine overdose de carrosseries après sa longue journée au salon de l'auto. "T'aime écrire ?" qu'il me dit, "alors on échange nos jobs, et je te file mes articles, moi, j'en peux plus des mots". Mais moi, les voitures, je n'y connais rien, les seules carrosseries qui m'intéressent sont toutes en courbes souples, avec deux tétons pour toutes pointes et pour lignes brisées des plis gracieux tout en haut des cuisses, des liserés de dentelles à la place de celles des portières et des escarpins en guise de jantes. Après tout, il doit bien avoir raison quand il me dit que les femmes en petite tenue sur les stands font vendre les voitures. Mais il est venu seul. Dommage pour lui de ne pas avoir pu en dévergonder une pour l'accompagner au club.

Vers minuit, au sous-sol du club Emmanuelle. Zoom sur les bretelles design de Zorote qui vient d'atterrir sur le forum et dans le libertinage. Il voit qui je suis quand je lui dis qu'un de mes meilleurs souvenirs de club est une petite exhibition sur le podium de l'overside, mes reins collés à ceux d'une gogo danseuse. "En fin de compte, ce n'est pas parce qu'on passe à l'acte qu'on a les meilleurs souvenirs" lui dis-je en guise de conclusion prémonitoire.

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1h du matin, encore plus au fond du sous-sol du club Emmanuelle. Photo de famille au naturel en mode panoramique, avec, de bas en haut et de gauche à droite, monsieur Doubleo les yeux rivés sur le centre de la piste de danse, Frederique911 en grande discussion avec Venitia75 et EnvieDoser, Titinette tentant vainement d'attirer l'attention de Huskill qui est en train de brancher RiresEtCalins, Kundalini3 à la barre avec sa robe rouge Ferrari et dans un show dont elle a le secret, madame Doubleo au centre de la piste de danse, Kalain et sa Kalinette qui montent les escaliers en direction du bar pour aller s'en jeter un, Les Missty27 pas loin de Madelba pas loin de Buli92 pas loin de son rugbyman de mari au crochet du droit dissuasif.

Un peu plus tard, torse nu sur la piste de danse, tout contre elle. Macro sur les reflets iridescents des spots bleu sur sa peau tabac, là, juste sous la paupière droite, en dessous de ses yeux cafés où je perds pied, incapable de me raccrocher aux reflets ambrés de ses cheveux bruns, un peu flous au premier plan. Elle respire la sensualité, m'inspire un violent désir plaqué sur son aine, ma jambe droite entre les siennes entrouvertes, juste entrouvertes. Elle allume, met le feu un peu partout, pyromane qui s'amuse du haut de ses 26 ans, et qui suivra son instinct jusqu'au bout de la nuit. Juste l'instinct de son plaisir. Elle a tout compris. Derrière elle, Kalain contre ses reins donne le tempo.

Aux alentours de 1h30, près du bar. Un homme charismatique prend un glaçon pour l'appliquer sur le téton de Kundalini3, histoire de voir s'il se dresse bien sous l'effet du froid. Il doit avoir fait sa connaissance à peu près 2 minutes 30 auparavant alors que je discutais avec elle. 1 heure plus tôt il avait fait mettre torse nu tous les garçons présents sur la piste de danse, ce qui a donné un bon coup de fouets à la soirée. Certaines personnes ont une audace admirable. D'ailleurs l'expérience est concluante.

Plus tard dans la nuit, au tréfonds des coins câlins. Huskill à genoux dans la mêlée, dressé tel le mat du radeau de la méduse, prend une inspiration tantrique avant de donner des coups de reins dévastateurs à biiiip qui embrasse biiiiip avec biiiiip pendant qu'elle se fait prendre par biiiip. Raconté comme ça, on ne se rend pas bien compte de la beauté du tableau, mais quatre couples enchevêtrés dans la pénombre et un plaisir contagieux, ça fait drôlement joli. Quelques esthètes pointilleux pourraient peut être reprocher la trop forte dominante rose accentuée par la lumière rouge, mais c'est être bien difficile. Moi, j'aurais bien volontiers fait partie du tableau.

Un peu avant 3h du matin, aux pieds de la piste de danse. Deux couples à moitié nus tentent vainement de s'accrocher des serviettes autour des reins. Frédérique911 me masse les épaules, et je me laisse faire. Elle a de très beaux yeux Frédérique. Des yeux d'un bleu délavé poignant. Il est temps que je parte moins pour l'imminence de mon vol pour Londres que pour ne rien gâcher. Huskill me dit souvent qu'éjaculer c'est mourir un peu, que le sperme ça se contient, et que l'énergie vitale remonte alors le long du dos jusqu'à la tête. Moi, faut que ça sorte, ne serait-ce que par une salve de mots.

C’est donc ce récit d’une frustration sublimée qui avait entraîné la crise de jalousie de Jeanne. Elle n’avait pas supporté de lire ces mots là sur le forum, en même temps que tout le monde, sans que je ne lui en parle avant. À ce moment là, j’avais ressenti sa réaction comme une profonde injustice (après tout, je n’avais rien fait avec Kundalini) et une entrave à ma liberté d'expression. Je comprends aujourd’hui qu’on peut être plus jaloux d’un désir  frustré que d’un désir assouvi : il conserve son énergie potentielle dévastatrice.

29 juin 2007

Note à la C..

Aujourd’hui, j’ai décidé de lever le voile sur une part de ma vie que je n’avais jamais exposée ici, une de mes facettes « publiques » que je ne mélange pas avec celles de ma vie « privée » complaisamment étalée sur ce blog comme sur un journal intime, bien que ce n’en soit pas un même sous couvert d’un anonymat très relatif. Vous ne le saviez donc pas encore, ami lecteur, mais moi aussi j’aime…
J’aime les panneaux publicitaires.
Cette notre rend donc un hommage appuyé aux publicitaires qui n’auront pas, pour une fois, sombré dans la facilité des charmes féminins pour vendre les voyages de la SNCF : Ils ont su jouer sur le poids des mots plutôt que sur l’attrait des roploplos pour nous vendre des voyages à Rio (RILLAUX DE JEANNE (Hérault)), New-York (NOUILLORC) ou Istanbul...

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Mais cette note rend aussi un hommage discret aux auteurs des blogs qui osent flirter avec les limites extrêmes de l’humour, et que j’ai souvent imaginés risquer le ridicule, le guidon dans une main et le téléphone portable dans l’autre, avec les pinces à vélo dans une posture rocambolesque pour parvenir à immortaliser l’imagination éphémère des saltimbanques de notre siècle. À la différence de certaines (suivez mon regard), jamais je ne me suis gaussé de la supposée facilité de telles notes : Il n’y a pas que les échanges de vues qui peuvent être délicats, les prises aussi ! La preuve, un objet charnu non identifié est passé devant l’objectif au moment où je prenais ce cliché sur le vif, compromettant ainsi l’esprit – et pour ainsi dire la lettre - strictement cérébral de cette merveilleuse campagne publicitaire. On aura beau dire, on aura beau faire, jamais les femmes ne cesseront d’inviter le regard des hommes.

08:00 Publié dans Réflexions | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : publicité, SNCF

25 juin 2007

Descente aux chandelles (5)

Patrice s’allongea sur le dos. Jeanne le chevaucha. Je regardai un moment leurs sexes emboîtés, et puis je sodomisai Jeanne, très facilement malgré ma position plutôt sportive : debout, les jambes fléchies, genre cours d’aérobic, juste en appui sur les pieds pour ne pas les écraser. Les cris de plaisir de Jeanne arrosèrent toute la pièce. Tandis que je me retirai, elle voulu aussi arrêter. Elle n’en pouvait plus. Mais son partenaire en voulait encore, répétant qu’il allait bientôt jouir. Alors elle resta encore un peu dans ses bras. À côté de moi, un autre homme se masturbait, prêt à entrer en jeu. Je lui dis que c’était fini. Le bassin de Jeanne finit par se séparer de celui de Patrice. Je regardai son sexe, un peu mou. Il pressa son gland entre ses doigts et finit par lâcher quelques gouttes de sperme. Il ne devait pas en être à son premier jet. Il fit quelques commentaires sur la « figure de style » que nous venions de réaliser, d’autant plus élogieux pour Jeanne que c’était sa toute première double pénétration. Il nous rappela son prénom, dès fois qu’on l’oublie. « Au plaisir de ne jamais te revoir »  pensai-je très fort.

Le temps de récupérer mes petites affaires semées ici et là, et je retrouvai Jeanne dans la salle principale en conversation avec Sonia. Nous échangeâmes quelques banalités avec elle, puis Jeanne et moi nous assîmes tous les deux. Je la retrouvais enfin. Je l’étreignis, fort, comme un noyé serre sa bouée de sauvetage. Je m’ouvris à elle, peu à peu, je lui  fis part de mes sentiments confus, de la tempête émotionnelle qui m’avait submergé. Je fus surpris qu’elle me dise ne pas avoir aimé cela, même si la situation était excitante, « parce que les hommes bandaient plutôt mou, et même si c’est pas mal d’avoir plusieurs mains sur soi, c’est quand même mieux à deux avec son amoureux ». Et surtout elle me dit que jamais, oh grand jamais, elle ne m’aurait quitté pour un de ces hommes là. Cela me rassura, même si je savais qu’il me faudrait du temps avant de digérer cette expérience, pour ne pas dire cette épreuve, qui m’avait aussi permis de réaliser combien je tenais à elle. Et pourtant, alors que je comprenais mieux ce qui me liait à Jeanne, ce que je venais de toucher du doigt allait se déliter.

medium_Libertine_II.jpgNous rentrâmes à l’hôtel. Jeanne jeta ostensiblement le bout de papier sur lequel Patrice avait noté son numéro de téléphone à mon insu. Elle me raconta même comment il lui avait demandé en pleine étreinte : «Embrasse-moi ! Embrasse-moi comme si tu m’aimais !». Ainsi sa tentative d’appropriation de Jeanne, tentative que j’avais immédiatement perçue et dont j’avais souffert, était bien réelle et motivée par une confusion malsaine. Patrice n’était pas dans le partage, ni même dans le pillage, mais dans l’annexion pure et simple. Dans cette guerre, Sonia n’était que son cheval de Troie. Jeanne et moi nous couchâmes, nus, l’un contre l’autre. Dieu que c’était bon de la sentir entièrement contre moi. J’eu envie de lui faire l’amour, faire l’amour sans doute pour la première fois de la soirée. Épuisée, elle s’endormit dans mes bras. Moi, je ne dormis pas beaucoup cette nuit là. Le film de la soirée passait et repassait en boucle sur l’écran noir de ma nuit blanche. Dans son sommeil, Jeanne marmonnait la bande son : « J’ai trop bu… J’ai fait des bêtises avec mon corps… »

Nous ne sommes jamais retournés en club libertin, Jeanne et moi. Elle ne l’aura fait qu’une seule fois en fin de compte, « pour voir si j’en étais capable » me dira-t-elle quelques mois plus tard, mais sans la moindre envie de recommencer : « J’ai survécu au Koh-Lanta du libertinage, moi ! ». En évoquant dernièrement cette malheureuse expérience avec elle, Jeanne m’a dit n’avoir toujours pas compris ma débâcle : « Après tout, on ne va pas dans un club échangiste pour enfiler des perles ! »

 

23 juin 2007

Descente aux chandelles (4)

Tandis que j’arrivai sur le nouveau théâtre des opérations, après avoir enlevé mes chaussures et enjambé les corps agglutinés en regardant bien où je posais les pieds, Patrice prenait sa partenaire, ma Jeanne, dans la position du missionnaire. J’étais vidé. Je posai la main sur elle, tendrement. En pleine extase, les yeux mi clos, elle me dit « c’est toi mon ange ? ». Oui, c’était moi, je n’allais pas la laisser toute seule avec ce type là, il fallait que je reste avec elle, avec elle qui n’était plus vraiment là et qui me manquait déjà. Je voulais que cet homme parte, qu’il nous laisse. D’un autre côté, je ne voulais pas la frustrer du plaisir qu’il semblait lui donner. Une femme vint roder autour de nous. Elle fouillait fébrilement les matelas, puis elle finit par lâcher : « Excusez-moi, je ne veux pas m’incruster, mais c’est très important, j’ai perdu mon tube de rouge à lèvre !medium_Pile_ou_Face.2.jpg

- Je vous en prie ! » Répondit Jeanne sur un ton calme et policé en lui laissant la place. Elle semblait avoir repris tout d’un coup ses esprits. Décidément, elle n’en finissait pas de me surprendre.

Cette anecdote est révélatrice de l’état d’esprit de Jeanne. Elle se conformait au modèle social attendu tel un caméléon qui se confond avec les couleurs du décor. Dans ce club, la norme sociale était celle de l’échangisme et elle livrait donc son corps à cet homme conformément à son idée préconçue de l’échangisme, et à laquelle elle s’était préparée, au point d’abraser ses envies spécifiques plus proches du mélangisme comme elle me le dirait plus tard et dont les tentatives de caresses à l’endroit de Sonia l’avaient attesté. Le comportement de Jeanne était donc exactement en phase avec l’image de la parfaite libertine promue par ce club, mais peut être pas avec ses désirs profonds et certainement pas avec les miens. Quant à Patrice, il avait su tirer parti de cette parfaite adaptation de Jeanne qui la conduisait à se faire baiser en ronronnant de plaisir, comme un bon client bien poli se fait baiser avec le sourire par un commercial sans vergogne.

La femme retrouva son précieux tube de rouge à lèvre et nous laissa à nos petites affaires qui reprirent là où elles avaient été interrompues. Patrice souleva les jambes de sa partenaire à la verticale et il les plaqua le long de son torse. A la sonorité des gémissements de Jeanne, plus aigus, je cru comprendre qu’il la sodomisait. Je ressentis alors l’impérieuse nécessité de sortir du désarroi insondable dans lequel je sombrais.

On peut envisager plusieurs comportements face aux situations de conflit, et c’est d’ailleurs l’étude de ces mécanismes de défense qui permettent de dresser le profil psychologique de chacun. Ces comportements sont plus ou moins archaïques ou adaptés au contexte et aux contraintes. Or je me trouvais bien dans une telle situation conflictuelle puisque j’avais assimilé l’attitude de Patrice à une agression envers le couple que je formais avec Jeanne, intrusion néanmoins consentie par Jeanne dans ce contexte échangiste. Par conséquent, ma principale contrainte demeurait le plaisir visible de Jeanne. Aussi n’envisageai-je pas l’affrontement direct, c’est à dire la rébellion face à cette scène violente à mes yeux, et qui aurait consisté à ordonner à Jeanne d’arrêter, ce qui revenait de facto à chasser Patrice. Il me sembla tout autant inconcevable de prendre la fuite, ce qu’elle aurait considéré à juste titre comme un lâche abandon incompatible avec mon estime de soi. Je régressai donc jusqu’au déni : Tout était parfaitement normal, Jeanne et moi allions très bien, et je sortis ma queue mollassonne pour qu’elle me la suce. Ce comportement offrait pour bénéfice secondaire une apparente adaptation aux règles du jeu dans cet établissement : J’étais blanc comme un linge mais j’avais sorti ma verge comme une civilité. Quant au dernier bénéfice secondaire, mon éventuel plaisir, il était quelque peu anecdotique.

Le plus étrange est que mon corps, comme s’il avait été indépendant de mes états d’âme, réagissait positivement et Jeanne parvint à me redonner une certaine vigueur. Patrice dit : « quand tu es prêt, on fait une double ! ». J’acquiesçai poliment, reconnaissant envers lui de le laisser m’intégrer à leur couple. Lui et moi avions totalement intervertis nos rôles.

A suivre...

 

21 juin 2007

Descente aux chandelles (3)

Jeanne ne comprit pas ce qui venait de m’arriver. Jusqu’alors, je représentais l’homme de tous ses fantasmes, des pique-niques coquins aux ébats scénarisés, le libertin tout terrain qui cachait sous son capot rutilant un cœur d’amant sentimental, et qui lui permettait d’échapper à l’horizon bouché de sa vie de mère au foyer coincée dans un mariage en bout de course. Pour cette soirée, Jeanne s’était préparée à toutes les extravagances afin d’être à la hauteur de ma réputation sulfureuse. Elle, elle avait revêtu sa robe de soirée comme un gladiateur met son plastron, et voilà que l’homme censé la conduire sur le chemin des plaisirs extrêmes se dérobait soudain. En quelques minutes, j’avais perdu auprès d’elle mon statut d’amant infaillible, et par la même une partie de mon attrait érotique. À l’inverse, je découvrais en elle une libertine aux ressources insoupçonnées qui dansait comme si de rien était après sa première expérience pluraliste.

medium_ClementineII.2.jpgUn peu groggy, je m’assis pour regarder Jeanne au milieu d’autres ravissantes créatures sur la piste. Je me sentais encore un peu déconnecté mais je voulais reprendre le cours de la soirée comme on saute dans un train en marche, ce que se manifestait par une furieuse envie de baiser. Je remarquai une fille métisse qui semblait un peu paumée, assise au bar sur un grand tabouret, sacrément sexy et curieusement seule. Jeanne qui ne dédaignait pas les femmes s’approcha de moi et me parla d’elle, ou plutôt de ses seins rehaussés par sa guêpière, pulpeux comme des fruits murs, « où elle aimerait planter les dents », me dit-elle. Je ne demandais pas mieux. Lorsque cette fille partit dans les salons câlins, visiblement à la recherche de son partenaire – rétrospectivement je me demande si elle n’était pas à la recherche de son client pour lui signifier des dépassements d’honoraires – je proposai à Jeanne de suivre le même chemin. Comme nous tentions de nous frayer un passage entre les corps entrelacés, une grande blonde qui siégeait au détour d’un étroit couloir nous barra le passage. Elle affichait la posture désinvolte d’un douanier africain corrompu dominant son bout de macadam, mais la kalach aux yeux plutôt qu'à l'épaule: Ses jambes tendues en appui sur le mur face à elle, sa jupe relevée sur une belle impudeur, elle cribla Jeanne de regards égrillards. « On ne passe plus ! », sortit-elle sur un ton de défi. À ses côtés, un homme regardait Jeanne comme une gourmandise dans la vitrine d’une pâtisserie. J’imagine qu’il fallait actionner la manivelle de ce garde barrière pour que sa comparse ouvre tous les passages, et ils semblèrent bien dépités de voir Jeanne rebrousser chemin sans entrer dans leur jeu. Nous échouâmes finalement dans la grande salle où la partouze battait son plein.

Nous regardions la scène, passablement excités, lorsque le couple que nous avions croisé dans le sas d’entrée nous aborda. « Et bien on se retrouve » me dit l’homme en souriant, sourire auquel nous répondîmes. Prendre garde à ses sourires est certainement la chose la plus importante à expliquer aux apprentis libertins. Cet homme prit probablement le nôtre pour une invitation car il enlaça Jeanne sans autre forme de procès pour l’embrasser fougueusement. J’étais sidéré par la vitesse à laquelle l’affaire s’emballait. Serrés dans la foule toujours plus compacte, j’essayais de garder le contact avec Jeanne alors qu’il la contournait pour la caresser par derrière. Je sentis une main s’égarer sur la bosse de mon pantalon. Ce n’était pas celle de Jeanne mais celle de la compagne de cet homme, apparemment ravie, qui s’approcha de Jeanne pour l’embrasser à son tour, à pleine bouche. Nous nous présentâmes entre soupirs et baisers : lui Patrice, elle Sonia. J’étais à la fois terriblement excité et inquiet. J’embrassai timidement les lèvres offertes de cette inconnue, et ma main plus hardie s’égara sous sa jupe, sur ses fesses nues, fermes et rebondies. Malheureusement, Patrice ne semblait pas goûter au plaisir des préliminaires mélangistes qui m’auraient amplement suffit. Il détourna à son profit les tentatives de Jeanne pour caresser Sonia, ce dont je ne me rendis pas compte. Je ne voyais qu’une chose : le visage haletant de Jeanne que Patrice prenait debout, par derrière, une minute à peine après nous avoir abordés !

Il attira sa proie consentante dans un recoin tranquille pour mieux jouir d’elle. J’y entraînai aussi Sonia pour ne pas perdre Jeanne de vue. En voyant Patrice prendre mon amour encore et encore, contre ce mur de pierres où elle gémissait de plaisir – oui, c’était bien du plaisir, je reconnaissais ses soupirs - j’essayai de la haïr. Débauche des corps et débâcle des sentiments. L’ombre d’un instant j’essayai de reconsidérer la situation sous un autre angle : Jeanne n’était pas la femme dont j’étais amoureux, non, ce n’était qu’un simple passeporc pour entrer dans ce club et me taper toutes les nanas qui me tomberaient sous la main. Sonia tombait plutôt bien. J’écartai son string par derrière et je caressai son sexe encore sec. De l’autre main j’enfilai un préservatif, prêt à la prendre façon soudard. Quelques allées et venues le long de sa vulve, et je la sentis tout d’un coup toute humide sous mes doigts qui s’acharnaient sur son clitoris comme sur le bouton d’un ascenseur récalcitrant. Alors je l’enfilai d’un coup sec et je l’a besognai sans ménagement, un peu comme une vengeance. Elle était étroite et j’éjaculai très vite, sans plaisir mais sans débander non plus tant mon corps était excité. Je continuai à la ramoner vigoureusement tandis qu’une autre femme s’approcha de Sonia pour la caresser. Elle finit bien par jouir sous mes coups de boutoir. De temps en temps, le cœur vide, je regardai Jeanne se faire bourrer aussi. Je crois que j’éjaculai une seconde fois au fond de Sonia, sans vraiment en jouir, puis je me retirai. Mon préservatif pendait au bout de ma queue en berne. Sonia m’adressa un sourire élogieux. En retour, mon rictus dut etre mis au compte de la fatigue. Patrice voulut prendre ses aises sur une banquette et je les suivis, comme un troisième. Je ne réalisai même pas que Sonia avait disparu.

À suivre

19 juin 2007

Descente aux chandelles (2)

medium_Le_temps_des_cerises_II.jpgEtait-ce la programmation musicale qui commençait à s’améliorer, l’ambiance qui s’échauffait ou notre taux d’alcoolémie qui montait, mais Jeanne m’entraîna sur la piste pour nous trémousser un peu. Dieu qu’elle était excitante avec ses yeux brillants et sa moue inimitable. Elle me donnait une irrésistible envie de la caresser alors qu’elle virevoltait entre mes bras timides, avant de se serrer contre moi, de m’embrasser fougueusement, de sentir mon érection au travers de mon pantalon et de m’entraîner vers les fameux salons câlins. A peine arrivés, je la plaquai face à la fenêtre devant laquelle nous étions passés quelques minutes plus tôt, et dont elle saisit les barreaux. Mes mains étaient avides de sa peau, et puis pleines de ses seins, mes lèvres sur sa nuque, mes reins contre ses fesses… Mutine, Jeanne se dégagea de ma prise traîtresse pour aller de l’autre côté du mur, là où une banquette encore chaude semblait attendre de nouveaux ébats.

Elle s’y étendit sur le dos, et moi sur elle. Ivre de désir je remontai sa robe sur son corps enfiévré pour m’emparer de ses fesses, à pleines mains. Mes lèvres papillonnèrent entre ses seins, puis sur son ventre, reconnaissant le chemin qui menait à sa source où j’aimais tant m’abreuver. Elles le suivirent, comme prises d’une soif inextinguible. Je glissai peu à peu à ses pieds, entre ses cuisses ouvertes. En levant les yeux vers elle, je vis un homme dans la pénombre, qui avait aventuré une main entre les barreaux de la fenêtre afin de cajoler les seins de Jeanne. J’ai alors aimé qu’il lui fasse cette caresse là, au point de regretter de le voir disparaître furtivement. Mes lèvres étaient arrivées au bout de leur course, et mes doigts fébriles venaient à la rescousse pour écarter l’ultime dentelle qui me séparait de sa source. Ma langue y plongea, débusqua son nectar qui inonda bientôt mes lèvres, ce qui ne faisait qu’attiser ma soif de son plaisir. Je l’entendis gémir tandis que j’aspirai son bouton entre mes lèvres avides.

Il y a des images dont on se souvient toujours, avec une acuité telle qu’on pourrait les dessiner. Comme celle de cette liste des noms des bacheliers, agrafée sur le mur d’un lycée, si proche et si lointaine à la fois, tandis que j’étais pris dans la cohue de ceux qui l’avaient et de ceux qui ne l’avaient pas. Ou comme celle que mon cerveau a irrémédiablement enregistrée ce soir là lorsque j’ai levé les yeux vers Jeanne en l’entendant gémir. Au centre, son visage à contre jour, tourné vers la droite, découpé comme une ombre chinoise, ses lèvres tendues sur la queue d’un inconnu agenouillé à côté d’elle. Probablement était-ce le type qui l’avait caressée entre les barreaux, et qui avait dû trouver plus commode de faire le tour de la cloison. A sa gauche, dans la pénombre, un autre homme qui était venu s’occuper de ses seins temporairement délaissés. Je me rapprochai de Jeanne: « Ca va ? Chuchotai-je à son oreille.
- Oui ça va ! », me répondit-elle dans un souffle. Je glissai deux doigts inquisiteurs dans sa chatte trempée, troublé par le spectacle de son corps qui vibrait sous mes doigts. Sous nos doigts. L’homme de gauche l’embrassait maintenant goulûment, et Jeanne n’abandonnait sa bouche que pour sucer l’homme de droite quand il s’impatientait. Quant à ses seins, ils se les partageaient.

En nous laissant ainsi aller, dans cette promiscuité certes recherchée mais à laquelle il était impossible d’échapper, je sentais confusément que je perdais le contrôle de la situation. Je ressentis un profond malaise, au sens figuré du terme, puisque mon corps suivait : mon sexe bandait plus que jamais. Le même malaise que quand j’avais 8 ans, et que je voyais approcher les autres, à peine plus grands : Je savais bien qu’ils voulaient m’arracher mon bateau avec lequel je m’amusais seul, toujours seul au bord du bassin, sous prétexte de jouer avec moi. Je fus submergé malgré moi par cette émotion égoïste, archaïque, atavique, inopportune jusqu’au ridicule dans un tel contexte, mais qui m’étouffa. Alors sur le sexe de Jeanne, j’avais la main mise, protectrice. Mes doigts possessifs y entraient, en sortaient, m’amarraient à Jeanne déjà en voyage, et l’y poussaient même, mais sans pourtant la lâcher. Jusqu’au moment où j’ai fini par lâcher prise. La suite, je ne m’en souviens plus très bien. L’homme de gauche lui fouilla le sexe sans vergogne. Jeanne lui dit « doucement ! ». Je me couchai aussitôt sur elle comme un garde du corps, et ils se volatilisèrent. Je n’avais même pas vu le signe qu’elle avait dû leur faire pour leur signifier d’arrêter, lorsqu’elle avait perçu que je ne la suivais plus. Mais je me souviens très bien de ses mains sur mon dos, légères, si légères qu’elles semblaient voler, au point que je me suis demandé si elles lui appartenaient. Jeanne m’a dit que l’homme de gauche embrassait bien, et que pour un peu elle lui aurait demandé de finir la nuit avec nous. Et puis nous sommes retournés danser.

A suivre...

17 juin 2007

Descente aux chandelles (1)

medium_Lola.2.jpgAvril 2004, un Jeudi soir vers 22h30. Jeanne et moi étions sur le trottoir, à la porte de la Mecque des nuits libertines parisiennes : Les chandelles.

Ce n'était pas ma première sortie en club libertin, j'avais déjà eu quelques expériences à l'Overside, expériences plus exhibitionnistes qu'échangistes, et je m'attendais à vivre plus ou moins la même chose dans cette soirée exclusivement réservée aux couples, voire un peu de mélangisme, sans pour autant exclure la pénétration hors couple même si je ne l’envisageais pas vraiment. Car Jeanne était vierge de toute expérience de pluralité sexuelle et c’était aussi la première fois qu’elle mettait les pieds dans un club libertin. Elle n’avait exprimé qu’une inquiétude : être refusée à l’entrée. Elle aurait pris ça comme un déni de son charme, une insulte à sa féminité, alors elle avait mis toutes les chances de son côté. La veille, allongé sur le lit de la chambre d’hôtel qui abritait notre dernière escapade clandestine, nu, le sexe déjà dressé dans l’attente de son corps lové tout contre le mien, je l’avais regardée essayer sa nouvelle petite robe noire, à demi transparente, ses escarpins aux talons pointus, et son tailleur vintage qui soulignait si bien ses courbes féminines.

Quand nous entrâmes dans le sas d’entrée du club, il y avait déjà un autre couple qui commençait à s’impatienter. La femme vêtue d’un long manteau semblait assez jeune, apparemment maghrébine et plutôt jolie bien que trop maquillée à mon goût. Quant à l’homme, il était grand et de belle prestance. La seconde porte du sas s’ouvrit enfin sur un videur revêche qui leur reprocha aussitôt de venir pour la première fois, auquel cas les premiers jours de la semaine étaient plus indiqués que le Jeudi soir. Je commençais à jeter vers Jeanne des regards dépités lorsque le videur nous pria d’entrer, me confirmant ainsi qu’il y avait bien deux poids et deux mesures.

Après le vestiaire nous descendîmes un escalier qui menait vers le club en sous-sol, et puis nous traversâmes une véritable muraille de rubans roses suspendus au plafond, comme pour symboliser un passage vers un autre mode, une parenthèse aux conventions ordinaires, et nous arrivâmes dans la salle principale du club aménagé dans d’anciennes caves voûtées en pierre de taille. Cette salle qui abritait le bar et la piste de danse déserte, avait une déco résolument kitch : intégralement capitonnée de similicuir bleu foncé, jusqu’au plafond littéralement recouvert de lustres en cristal rococo. Côté faune, de très jolies filles vêtues de peu, des hommes bien sapés, mais sans doute pas à la hauteur de leurs cavalières dont nous soupçonnions certaines d’être des escort-girls permettant aux hommes seuls mais aisés de pénétrer dans le club, dans tous les sens du terme. Quant à la musique, elle aurait certainement fait fuir les clubbers avertis, mais étions-nous là pour nous trémousser que sur la piste de danse ?

Nous nous assîmes dans un coin trop tranquille avec deux gin-tonics, avant d’explorer le reste du club, dont ces fameux « salons câlins ». Nous vîmes le premier au travers des barreaux d’une fenêtre creusée à même la roche. C’était une grande pièce sombre dont les cotés étaient bordés de larges banquettes susceptibles d’accueillir une famille très nombreuse. Un couple s’y ébattait tranquillement. Le pantalon à mi-cuisses et les fesses nues, l’homme était juché entre les jambes de sa partenaire dont on ne voyait que les mollets qui battaient l’air. Dans un coin, une alcôve devant laquelle se pressaient des curieux, et plus loin une autre pièce qui semblait aussi bondée qu’un hall de gare un jour de grève, ce qui ne nous invita pas à pousser davantage nos investigations. C’était reculer pour mieux sauter, si j’ose dire.

 A suivre...

13 juin 2007

Le missionnaire, le hussard et le libertin


Le bon, la brute et le truand ; Le père, le fils et le Saint-esprit ; Rouge, Vert, Bleu ; Clergé, noblesse et tiers état ; On a toujours appliqué aux hommes et aux choses une classification triangulaire, alors pourquoi pas à « l’amantitude » dont je définirai tout le spectre à partir de trois pôles : Le missionnaire, le hussard et le libertin. Votre amant, actuel ou désiré, est sûrement trop complexe pour être réduit à une seule de ces figures caricaturales, mais laissez moi les esquisser pour mieux le situer :

medium_missionnaire.jpgLe missionnaire : Il a donné son nom à une position. Une seule et pas la plus folichonne, tout un symbole. Le missionnaire n’est pas le plus imaginatif ni le plus viril, mais c’est une valeur sûre. Vous pouvez compter sur ses frêles épaules pour vous réconforter après avoir été larguée par votre hussard préféré, il sera toujours là, cet amoureux transi prêt à vous enfiler… la bague au doigt. Car le missionnaire se mue volontiers en bon mari et brave père de famille, c’est celui qui élèvera vos enfants, tout en certitudes, y compris celle de vivre avec lui un amour éternel-
lement ennuyeux.

 

 

 

 

medium_hussard.2.jpgLe hussard : Il n’a pas donné son nom à une position mais a un style d’amour, violent, vigoureux… et bref. Le hussard est le macho par excellence, le sanguin, l’impétueux, le jaloux. Ce n’est pas le plus attentif, c’est celui qui vous cloue au mur sans retirer ses bottes avant de partir en croisade, et qui, à son retour, exigera que vous l’ayez attendu dans la plus fervente adoration. Si le missionnaire est la braise qui couve sous la cendre, le hussard est un feu de paille ardent. Vos vieux jours, ce n’est pas lui qui les réchauffera, mais son souvenir éblouissant les éclairera peut être.

 

 

 

medium_libertin.jpgLe libertin : Il est si insaisissable que même son adjectif est équivoque, associé à la fois à la liberté de penser, et de baiser. Raffiné jusqu’à la perversion, c’est celui qui glorifie l’acte amoureux pour votre plus grand plaisir, mais parfois au détriment des sentiments. Idéal pour les enterrements de vie de jeune fille, perte de virginité ou toute autre étape de votre vie charnelle, il incarne aussi très bien le démon de midi et le 5 à 7 sans conséquence… tout au moins pour lui. S’il n’est pas jaloux, ne comptez pas trop mettre le grappin dessus car si vous pouvez conquérir son corps et son esprit, son cœur risque de rester inaccessible.

 

Bien entendu, vos désirs ne vous porteront pas vers une seule de ces figures emblématiques, mais plutôt vers une synthèse des trois dans des proportions qui peuvent varier au cours de votre vie, le parcours classique consistant à tomber amoureuse d’un hussard, se marier avec un missionnaire et finir par prendre un amant libertin. De surcroît, les hommes peuvent avoir plusieurs facettes, et un apparent missionnaire peut cacher un insatiable libertin (le contraire étant plus rare, ou alors vraiment sur le tard).

Et vous, amie lectrice qui aimeriez vous rencontrer actuellement ? Plutôt un missionnaire ? Un hussard ? Ou un libertin ?

07 juin 2007

Au réveil

medium_VillaRoyaleMontsouris.jpgLa Villa Royale Montsouris est un petit hôtel de charme parisien à l’ambiance Mauresque. Crépi ocre rustique, robinetterie de cuivre, faïences marocaines, tentures pourpres et couvre lit en lin  assortis… si on s’abstient de regarder par la fenêtre qui donne sur les boulevards des maréchaux, on pourrait se croire à Marrakech, dans la chambre d’une de ces riads modernisées par un architecte tant la décoration fourmille de détails recherchés. Il ne mérite sans doute pas ses quatre étoiles au vu du peu de services offerts, et il semblerait d’ailleurs que cet hôtel ait été déclassé, mais c’est (ou bien était-ce) sans aucun doute un très bel endroit pour y inviter sa maîtresse et s’offrir un avant goût de mille et une nuits de plaisir en une seule soirée. Je garde ainsi deux souvenirs de cet hôtel. Un seul et unique après-midi avec une jeune femme en tous points remarquable dont je vous parlerai un autre jour si vous êtes sage, et une nuit avec Jeanne.

Jeanne était descendue sur Paris pour me retrouver ainsi que des amis qu’elle n’avait pas vus de longue date. Invitée à dîner avec eux, elle m’avait promis de ne pas s’éterniser et de me retrouver à l’hôtel dans la soirée. Bien entendu, le dîner s’était prolongé, et je l’avais attendu face à la télé, tout seul dans ma chambre marocaine avant de prendre un livre et finir par m’assoupir.


J’ai été tiré de mon sommeil au milieu de la nuit en entendant frapper. Je me suis levé, et j’ai titubé jusqu’à la porte de la chambre. J’ai ouvert. C’était Jeanne. Allez savoir pourquoi, je crois que je me rappellerai toujours ce moment là. En un clin d’œil, son regard a balayé tous les reproches que je lui aurais fait si je n’étais pas ramolli de sommeil. Elle s’est précipitée dans la chambre et presque sans me dire un mot, elle m’a poussé sur le lit pour se jeter sur moi. Nous avons fait l’amour comme des fous, comme des bêtes, vite et mal et c’était bon. Oui, c’était bon après la déception d’ouvrir les yeux sur un bonheur simple, comme un enfant qui se réveille heureux sous le regard bienveillant de sa mère (et grâce à ce regard là) après s’être endormi en larmes parce qu’il ne voulait pas aller se coucher.


Je me demande si pour devenir l’« adulte responsable » attendu, on ne doit pas bâillonner la part d’enfance (et donc d’illusion) qui subsiste en nous, et par la même perdre le pouvoir magique de n’avoir qu’à fermer les yeux sur la tristesse pour les ouvrir sur le bonheur. Pour reconquérir ce pouvoir là, peut-être faut-il simplement admettre que le bonheur peut changer de visage pendant la nuit.

03 juin 2007

Lettre d’amour

Mars 2004. Autre hôtel, toujours Jeanne. Elle avait les cheveux assez courts, raides, auburn. Elle revenait des sports d’hiver, le visage halé, avec la marque des lunettes de ski comme un bandeau clair où étincelait le bleu de ses yeux. Je crois ne l’avoir jamais trouvée aussi belle que ce jour là. J’avais eu envie d’immortaliser quelques scènes, et j’ai posé la web cam reliée au PC sur le bureau dans la chambre de l’hôtel. Quelques mois plus tard, j’ai évoqué ce moment là lorsque que je lui ai écrit cela :

Te souviens-tu mon tendre amour, du jour où tu m'as demandé de t'attacher ? Tu voulais être dominée, soumise à mes caprices les plus extravagants. Tu me voulais sévère, inflexible, si loin de la tendresse habituelle de nos ébats amoureux. Ce rôle ne m'est pas familier, mais je me suis piqué au jeu. J'avais sous la main quelques accessoires faciles à pervertir, mon ceinturon, une bouteille de champagne, et je me suis composé le personnage du maître auquel on venait d'offrir une belle esclave. Je t'ai déshabillée, avec la lenteur calculée de celui qui ouvre un paquet cadeau, et qui jouit d'avance de découvrir une offrande bien connue mais dont il ne se lasse pas, la douceur de ta peau et ton parfum enivrant. Toi, tu me regardais avec tes grands yeux bleus, un sourire à peine esquissé au coin des lèvres, et j'ai du me retenir pour ne pas te serrer tendrement dans mes bras.

J'ai décidé de ne pas te déshabiller complètement, mais de te faire garder tes sous-vêtements, un délicieux petit ensemble de dentelle noire. Je t'ai ordonné de te retourner, pour que j'apprécie bien la marchandise dont j'allais jouir, et je t'ai lié les poignets dans le dos avec ma ceinture. Tu n'as pas pu réprimer ton sourire. Je t'ai ordonné de me sucer, et tu t'es exécutée de bonne grâce, à genoux sur le lit. Je vois encore tes lèvres fines coulisser sur la verge alors que mes mains extrayaient tes seins de leurs écrins de dentelle. Il me semble encore sentir la pression de ta bouche sur mon sexe, et au creux de ma main le poids de tes seins dont je torturais tendrement les tétons pointus.

J'ai gratifié d'un langoureux baiser la docile esclave que tu avais décidé d'être, et j'ai apaisé ta soif en offrant à tes lèvres avides mes doigts et ma langue mouillés de champagne. J'entends encore ton cri de surprise lorsque j'en ai versé un verre sur tes seins, tes gémissements de plaisir quand je les ai longuement malaxés, assis derrière toi, ma queue raide contre tes mains liées. Mais si je t'avais attachée, c'était pour mieux te donner la correction que tu appelais de tous tes voeux. Je t'ai couchée sur le ventre pour malaxer tes fesses, j'ai écarté ton string pour me repaître de la vue de ton intimité, et j'y ai versé un peu de champagne. Il t'inonda de partout, t'arracha des soupirs, et ma bouche gourmande pompa l'inondation pétillante.

Clac ! La surprise t'arracha un cri quand ma main s'abattit sur ta fesse droite, alors que mes lèvres câlines picoraient ta nuque pour faire diversion. Clac ! La gauche maintenant, et toujours ce petit cri. Tu ne t'y attendais donc pas ? Et clac ! À nouveau la droite ! Clac ! Encore la gauche ! Avec ce traitement, tes fesses prirent rapidement des couleurs, et il était grand temps de les rafraîchir. Une bonne rasade de champagne fit l'affaire, et je ne pus à nouveau résister au plaisir de laper les bulles sur tes fesses endolories. Cette alternance de douceurs et de sévérité eut tôt fait de te mettre dans tous tes états et tes petits cris de surprise se muèrent en longs soupirs d'un plaisir sans compromission, sous l'action conjuguée de mes doigts et de ma langue qui allaient et venaient dans tous tes orifices.

Bientôt la bouteille fût vide, ce qui la rendit paradoxalement bien plus utile. Cambrée au maximum, tu m'offrais sans pudeur le spectacle de ta vulve ruisselante de nectar, et elle accueillit le goulot de la bouteille que je vissai lentement dans ton sexe. Face à ce spectacle irrésistible, j'enjambai tes fesses qui pointaient en l'air, pour m'enfoncer à la verticale dans ton anus palpitant. Cette double pénétration te coupa le souffle, mais nous emporta rapidement vers une jouissance effrénée. Te souviens-tu mon amour combien tu as aimé ? Combien tu as aimé me donner carte blanche, te donner complètement, te livrer à mes fantaisies, puisque tu avais confiance en moi ?

Moi aussi j'aimerais vivre ces sensations là l'espace d'un moment, alors, pour nos retrouvailles nous inverserons les rôles. Je m'offrirai à toi sans réserve, et je te propose même un scénario comme cadre à ce fantasme, celui d'être le gigolo dont tu te paieras les services. Ton petit gigolo faute de pouvoir être ta petite pute à cause de ce que j'ai entre les jambes, un petit gigolo débutant, officiellement masseur, mais prêt à tout pour satisfaire ses clientes les plus exigeantes, et dont tu abuseras sans vergogne.

Tout d'abord, tu me paieras, histoire de donner le ton. Un petit passage sous la douche où tu inspecteras la marchandise d'un oeil critique, et puis le massage que je te procurerai avec application. Mon amateurisme n'échappera pas à ta sévérité, et ce ne sont pas mes éloges sur ta beauté plastique qui calmeront ton mécontentement, ni ta fureur qui ne tardera pas à éclater. Je te laisserai l'exprimer comme il te plaira, complètement soumis à tes désirs pervers, n'opposant qu'une fausse résistance pour t'exciter d'avantage. Inflexible, impitoyable, tu feras de moi tout ce que tu veux, tu pourras m'attacher fermement, me bander les yeux, me fesser brutalement, barbouiller mon visage de ta mouille pendant que je te laperai comme un chien, me déflorer l'anus avec le gode ceinture que tu viendras d'acquérir, ou me soumettre à d'inimaginables caprices. Mes "Non !" seront autant de "Oui !", mes "assez !" signifieront "plus fort !", toute ma virilité sera étouffée, réduite à mon seul phallus dressé, turgescent baromètre de mon plaisir, selon lequel tu pourras aller aussi loin que tu veux. Tu as carte blanche mon amour, montre moi ce dont tu es capable, je sais déjà la tendresse de notre étreinte à la fin de ce jeu.

Tout ce qui me reste du film de notre étreinte de ce jour là, ce sont quelques clichés, très tendres. J’ai détruit tout le reste pour ne garder que le principal, l’émotion.
En fin de compte, je n’aurai jamais été son gigolo servile.

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