07 février 2016
Prostitution et pénalisation du client
J’ai lu avec intérêt l’article d’Emma sur Paris Derrière à propos la pénalisation des clients des prostituées, et je m’apprêtais à y répondre lorsque j’ai réalisé que ce que j’avais écrit était bien trop long pour un commentaire, mais bien assez long pour faire l’objet d’une note.
Emma pense que cette mesure va avant tout pénaliser les clients pauvres :
Sauf que pénaliser le client, c’est pénaliser les pauvres, les sans dents. Les riches n’ont jamais vraiment besoin de faire appel à des prostitués. Les riches, parcequ’ils sont riches, attirent forcément facilement toutes sortes de femmes. La tune, c’est les muscles d’antan. C’est la course au mal dominant. (Ce qui ne grandit pas les femmes, nous sommes d’accord et ça aussi, ce n’est pas une fatalité.) Et quand bien même les plus aisés s’offrent des prostitués, ils n’iront jamais jouer les michetons boulevard de la Villette, en prenant le risque d’une amende. Beaucoup d’hommes font aussi leur choix bien au chaud, chez eux via internet où pullulent les réseaux d’escorts. Le tout est livré à domicile ou à l’hôtel. Les filles se déplacent, ils ne prennent pas le risques. Tout se passe en vase clôt, à la merci de l’éventuelle violence du client.
Je ne suis pas tout à fait d'accord avec elle. A l'heure de la surveillance généralisée sur internet, il sera assez facile de débusquer les clients plus aisés qui passent par les sites d'escorts et se font livrer des filles à domicile ou à l’hôtel. Rien de techniquement impossible puisqu'on trouve bien les consommateurs d'images pédophiles. Le montant de l'amende pourrait aussi rentabiliser la traque du client qui paiera sans discuter ses 1500 euros plutôt que d'essuyer la honte d'un appel au tribunal, sans parler de ses éventuels déboires conjugaux. En fin de compte, la consommation de la prostitution serait réprimée comme un excès de vitesse. Le racolage est permis tout comme on vend des voitures dites "sportives", alors que la "consommation" et l’excès de vitesse sont pénalisés. Ainsi le gouvernement ponctionne un business plutôt que de l’éradiquer. Quand les caisses sont vides, la fin justifie les moyens.
On peut donc aisément imaginer que le cœur de l’activité va quitter la place publique sans pour autant disparaître. Les clients partiront à l’étranger pour ceux qui sont prêts à se taper mille bornes pour aller tirer un coup dans des maisons d'abattage à la frontière allemande ou espagnole, ou bien sur le darknet. Je n'ose imaginer quels "services" y seront proposés aux clients français en toute illégalité. Et certains iront tenter leur chance en club libertin.
Je me souviens avoir rencontré au Pluriel Club, voici quelques années, un trentenaire qui jouissait d’un certain succès parmi les femmes présentes. J’avais été frappé par son vocabulaire. Il n’utilisait pas le terme « club libertin » mais « bordel ». La plupart des hommes seuls qui vont en club sont là pour tirer leur coup, comme au bordel mais sans la culpabilité d’une relation tarifée avec une professionnelle. Pour un prix voisin (une entrée au Moon City coûte 150 euros à un homme seul) ils ont le petit espoir de rencontrer une sex-friend qui leur permettra d’accéder au sésame des « soirées couples ». On pouvait d’ailleurs lire sur le blog de Camille les témoignages d’hommes qui venaient aux soirées couples escortés d’une prostituée chinoise au comportement particulièrement vulgaire.
La crainte d’être pris en flagrant délit poussera sans doute certains clients des prostituées vers les clubs libertins où ils espéreront en avoir pour leur argent. Quel comportement adopteront-ils ? Celui de la séduction subtile alors qu’ils n’ont pas la gueule de l’emploi ? Ou bien l’étalage d’une richesse apparente, avec bouteille de champ ostentatoire afin d’attirer les « libertines » qui veulent « joindre l’utile à l’agréable » ? Une chose me paraît certaine, cette mesure moralement louable et justifiée, contribuera à l’amalgame entre libertinage et prostitution.
Enfin, je ne vais sans doute pas me faire des amis en mettant les pieds dans ce plat, mais quid de la pornographie ? Les professionnelles et semi-professionnelles qui s’y livrent le font elles par plaisir ? Ne nous voilons pas la face, l’immense majorité des actrices pornos subissent cela pour l’argent. Puisqu’elles se font baiser sans ménagement par des inconnus pour de l’argent, je ne pense pas être dans l’erreur en affirmant qu’elles se prostituent. Se repaître du spectacle de cette prostitution serait licite, mais s’y adonner ne le serait pas ? Les producteurs de films pornographiques français seront-ils poursuivis, comme des clients qui payent une prostituée pour avoir une relation sexuelle, fut-ce avec un autre, en l’occurrence un hardeur ? La question mérite d’être posée.
19:44 Publié dans Réflexions | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : prostitution
26 décembre 2015
La photo cache misère
Ma dernière note de l’année est consacrée à une des grandes questions que les femmes se posent à propos des hommes en ce début du XXIe siècle, rien que ça. On en parle un peu partout, en France comme à l’étranger, sur les blogs et les réseaux « sociaux » spécialisés, sans pour autant analyser les raisons profondes de ce comportement mystérieux :
Pourquoi nous envoient-ils une photo de leur bite ?
J’émets l’hypothèse que cette conduite découle directement de la consommation de films pornographiques, ce que je vais étayer par la théorie du désir mimétique : « L’homme désire toujours selon le désir de l’Autre ».
Dans Mensonge romantique et vérité romanesque, René Girard a appliqué cette thèse à l’analyse des grandes œuvres romanesques, dont on ne faisait auparavant qu’une lecture romantique, en imaginant la naissance spontanée du désir du sujet pour son objet. Le premier exemple est Don Quichotte qui désire une vie chevaleresque. Cette aspiration n’est pas née ex nihilo dans un esprit malade, mais s’est installée après une consommation effrénée de romans de chevalerie, dont le héros est Amadis. Dans ce triangle du désir, Don Quichotte est le sujet désirant, fasciné par le médiateur Amadis, héros des romans de chevalerie qui désigne l’existence chevaleresque comme unique objet de désir. Le désir n’est pas un simple lien entre le sujet et l’objet du désir, mais s’inscrit dans un désir triangulaire schématisé de la façon suivante :
Amadis étant un personnage imaginaire, issu de la littérature médiévale, le médiateur est dit externe. Il influence le sujet et éclaire l’objet, mais il ne peut pas entrer en concurrence avec Don Quichotte. Girard observe le même phénomène avec Emma Bovary qui désire à travers les héroïnes romantiques dont elle a l’imagination remplie. Chez Stendhal, Julien Sorel essaie d’imiter Napoléon, et emprunte aux confessions de Rousseau la prétention de manger à la table des maîtres plutôt qu’à celle des valets. Toutes ces vanités sont empruntées à autrui. On retrouve une telle vanité au début de Le Rouge et le Noir lorsque M de Renal s’imagine que M. Valenod, pourrait lui enlever le futur précepteur de ses enfants. Pour qu’un vaniteux désire un objet, il suffit de le convaincre que cet objet est déjà désiré par un tiers auquel s’attache un certain prestige. Le médiateur est alors un rival que la vanité a suscité avant d’en exiger la défaite. Une telle médiation est appelée médiation interne. Le désir triangulaire est toujours là, mais la distance entre le sujet et son médiateur s’amenuise au point qu’ils peuvent entrer en concurrence. En fin de compte, le sujet désire être le médiateur, ce qui s’exprime par la rivalité pour accéder au même objet, comme René Girard le montre chez Proust et Dostoïevski.
Le désir mimétique n’est pas restreint au roman. On le retrouve au cinéma, appliqué au film Eyes Wide Shut sur le site Traversée des apparences. La publicité Nespresso en donne aussi un merveilleux exemple avec Georges Clooney qui désire plus que tout une tasse de café. Les femmes fascinées par Georges Clooney désirent donc la tasse de café (médiation externe). Toutefois, elles peuvent entrer en compétition avec lui puisqu’il n’est plus une star inaccessible, mais un homme croisé au hasard (médiation interne). What else ? Le désir mimétique mis en scène dans la pub nespresso est conçu pour fonctionner avec le téléspectateur qui désire ressembler à Georges Clooney (médiation externe), ou tout au moins avoir le même succès auprès des femmes, et désire donc lui aussi cette fameuse tasse de café. Ô vertige du marketing !
C’est à cause de ce même désir mimétique que des enfants vont avoir tendance à se battre pour un même jouet devant la profusion de l’arbre de Noël, chacun s’imaginant que celui de l’autre est supérieur au sien. C’est aussi le désir mimétique qui explique qu’une volée de pigeons va lutter pour le même croûton de pain, alors qu’il y en a assez pour chacun.
Cherchons maintenant les triangles du désir mimétique dans un film pornographique de base, le gonzo hétéro en accès libre et au scénario étriqué. Que voit-on ?
- Le corps de la femme sous à peu près tous les angles, avec de gros plans sur ses orifices et son visage.
- Peu de choses du corps de l’homme, essentiellement son sexe en érection, jamais au repos.
- La femme hurle de plaisir durant la pénétration. Le fait que ce soit simulé ou pas est anecdotique. Ce qui est présenté est le spectacle du plaisir féminin.
- L’homme vocalise peu son plaisir. Lorsqu’il parle, c’est le plus souvent pour donner des ordres et proférer des insultes.
- L’éjaculation est le point d’orgue du film. C’est presque toujours une éjaculation externe (l’éjaculation interne étant la « spécialité » cream-pie) sur les fesses, les seins ou le visage de la femme. L’éjaculation tient lieu de spectacle du plaisir masculin.
Le spectateur d’un tel film est le sujet désirant, fasciné par le médiateur externe constitué par le hardeur qui désigne l’éjaculation comme ultime objet de désir. Il en va de même pour la spectatrice fascinée par l’actrice qui semble attendre impatiemment l’éjaculation finale qu’elle accueille victorieusement.
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Avec l’apparition des films amateurs, le médiateur se rapproche du sujet, puisque n’importe qui peut se retrouver devant l’objectif. La médiation qui était externe au cinéma classique devient interne avec la pornographie amateur. Le sujet désire donc être le médiateur, selon la théorie du désir mimétique, et il adopte ainsi le comportement mis en valeur par la pornographie. Pour un spectateur de sexe masculin, s’identifier au hardeur dont on ne voit quasiment que le sexe en érection, signifie se réduire à une verge.
Il n’apparaît donc plus aussi étonnant qu’un homme, dont la culture érotique est essentiellement les gonzos, communique son désir sexuel à une femme en lui envoyant la photo de son sexe, comme on peut le dire avec une rose rouge dans le langage suranné des fleurs. Tel est l’héritage de la porn-culture. La femme qui s’y complaît pourra répondre avec un certain à-propos « give it to me ». Celle qui a une autre acception de l’érotisme comprendra les références de son interlocuteur et jugera de la suite à donner en connaissance de cause.
Cette thèse du mimétisme de la pornographie permet aussi d’expliquer le développement de produits « dopants », en particulier ceux destinés à augmenter le volume de l’éjaculation, recommandés par certains organisateurs de gang-bangs et bukkake. Il est évident que ces éjaculations n’ont pas vocation à être internes, ni à remplir un préservatif, ni à intensifier le plaisir physique de l’homme qui est totalement indépendant du volume éjaculé. Ces éjaculations volumineuses satisfont le désir de l’amatrice qui s’identifie à l’actrice porno, au même titre que l’amateur de pornographie s’identifie au phallus du hardeur.
Si vous êtes convaincue par mon explication, ne vous offusquez donc plus de recevoir de telles photos [ édition du 29/12: Attention, second degré ! il est parfaitement normal que vous vous sentiez agressée par un tel acte d'exhibitionnisme non sollicité. Que les explications ci-dessus vous persuadent que vous n'en êtes pas la cause, mais la victime, afin d'agir en connaissance de cause et sans état d’âme ] . Considérez simplement que c’est un moyen de gagner du temps, qui permet à l’un comme à l’autre d’anticiper le comportement sexuel de l’interlocuteur. À vous de mettre cela à profit selon vos attentes.
00:45 Publié dans Réflexions | Lien permanent | Commentaires (4)
13 décembre 2015
De Proust au candaulisme
Je lis actuellement avec ravissement Mensonge romantique et vérité romanesque, de René Girard. Je ne développerai pas la théorie du désir mimétique sur ce blog, ni la démonstration magistrale qu'en fait René Girard dans l’art du Roman, mais en donnerai un avant-goût avec La Prisonnière de Marcel Proust :
Il arriverait, si nous savions mieux analyser nos amours, de voir que souvent les femmes ne nous plaisent qu’à cause du contrepoids d’hommes à qui nous avons à les disputer, bien que nous souffrions jusqu’à mourir d’avoir à les leur disputer ; le contrepoids supprimé, le charme de la femme tombe. On en a un exemple douloureux et préventif dans cette prédilection des hommes pour les femmes qui, avant de les connaître, ont commis des fautes, pour ces femmes qu’ils sentent enlisées dans le danger et qu’il leur faut, pendant toute la durée de leur amour, reconquérir ; un exemple postérieur au contraire, et nullement dramatique celui-là, dans l’homme qui, sentant s’affaiblir son goût pour la femme qu’il aime, applique spontanément les règles qu’il a dégagées, et pour être sûr qu’il ne cesse pas d’aimer la femme, la met dans un milieu dangereux où il lui faut la protéger chaque jour. (Le contraire des hommes qui exigent qu’une femme renonce au théâtre, bien que, d’ailleurs, ce soit parce qu’elle avait été au théâtre qu’ils l’ont aimée.)
Le candauliste utilise-t-il ce ressort de la jalousie pour raviver sa passion ? La question mérite d’être posée.
20:41 Publié dans Livre, Réflexions | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : candaulisme
15 novembre 2015
Osez 20 histoires d’amour multiculturelles
Pas le goût d’écrire. Mon esprit dérive entre tristesse, colère et angoisse. Tristesse parce que la grande majorité d’entre nous sommes tous à moins de quatre connexions relationnelles d’une des victimes de vendredi. Colère parce que je ne peux m’empêcher de penser que si nous en sommes là, c’est parce que nos gouvernements successifs poursuivent une politique étrangère irresponsable, sinon criminelle, mais d’autres le diront bien mieux que moi. Angoisse parce que c’est bien beau de clamer « tous unis ! » ou « Not Afraid », il est bien clair que Daech a les moyens de frapper à nouveau dès demain comme nous le rappelle Marc Trevidic. Et je ressens à la fois colère, tristesse et angoisse en lisant que les « ratonnades » ont commencé.
Quel succès du terrorisme qui n’a d’autre but que d’instiller la peur et la haine dans nos cœurs ! Il est bien évident que si les terroristes ont frappé le Paris festif, jeune, cosmopolite, c’est bien par esprit communautariste et détestation de tout ce qui ressemble au modèle d’assimilation français. Ce qu’ils veulent c’est la défiance des quartiers, les zones de non droit sous le joug de leurs dealers, le racisme et la xénophobie qui fournit son lot de désespérés en quête d’idéal, c’est-à-dire de chair à canon. Ce qu’ils détestent, c’est l’ouverture d’esprit, l’acceptation des différences, l’harmonie dans la diversité. Non seulement islamistes et islamophobes s'instrumentalisent les uns les autres, mais ils partagent quelques points communs, qu’on peut résumer à la haine, la haine qui s’oppose naturellement à l’amour.
A notre petit niveau, que peut-on faire pour s’opposer à cette haine, nous autres auteurs plus ou moins amateurs spécialisés dans un genre bien frivole, sinon exalter l’amour et le sexe entre diverses cultures ? Osez 20 histoires d’amour multiculturelles est un fake, tout au moins pour l’instant. J’espère que la Musardine ne m’en voudra pas trop d’avoir imaginé un titre de leur fameuse collection, où deux de mes nouvelles seront d’ailleurs bientôt éditées. Cela est aussi un appel à texte informel pour un érotisme éthique, un érotisme de combat. Comme nous le rappelle Jean Zaganiaris "La littérature érotique est un genre socialement construit diront les sociologues. C’est aussi une formidable machine de guerre" .
Osons donc écrire des histoires érotiques dont les protagonistes sont de cultures différentes!
Osons prendre à revers les clichés et les préjugés raciaux!
Osons opposer aux obscurantistes de tous poils un éros solaire qui traversera leurs frontières iniques!
Ainsi demeurerons-nous fidèles aux Lumières dont les libertins devraient toujours se réclamer.
Edit du 18/11 : Je viens de découvrir cet entretien d'Eric-Emmanuel Schmitt qui exprime exactement la même idée :
"Les terroristes veulent nous diviser, que les Français non musulmans se mettent à haïr ou à suspecter les Français musulmans, ils veulent nous désolidariser, nous communiquer leur haine. Monsieur Ibrahim raconte l'inverse. C'est une histoire de tolérance, d'entente, d'amour. Je ne savais pas que parler d'amour, c'était faire de la résistance, mais samedi soir, je l'ai appris. Pour moi, le but de la littérature est d'abolir la distance entre soi et l'autre. Quand vous lisez un roman japonais, vous devenez Japonais. Mon objectif est que mon lointain soit mon prochain. Maintenant, aucun livre ne peut changer le monde, dit-il, mais un livre peut changer un individu complètement."
20:01 Publié dans In vivo, Réflexions | Lien permanent | Commentaires (12)
22 octobre 2015
La couleur des sentiments
Cette note n’est pas une critique de plus du merveilleux film éponyme relatif à la ségrégation raciale aux États-Unis. Je vais effectivement vous parler de la couleur des sentiments, au sens chromatique du terme.
Tout est parti d’une question philosophique : Comment définir l’amour ? Une réponse possible consiste à dire que l’amour est un mélange de désir sexuel et d’affection pour autrui. L’amour filial n’est composé que d’affection. L’amour pour son conjoint sera composé à la fois de désir sexuel et d’affection, dans des proportions variables tout au long de la vie du couple. Je me suis risqué un peu plus loin en imaginant qu’on puisse décomposer tous les sentiments que nous nourrissons envers autrui, jusqu’à vous proposer une modélisation relationnelle.
Supposons que nos sentiments soient la conjugaison de quatre composantes primaires : le désir sexuel, l’affection, la haine et l’indifférence. Ces composantes seraient à la subtilité des sentiments ce que les couleurs primaires sont aux nuances du spectre colorimétrique. Il y aurait ainsi une correspondance univoque entre les proportions relatives de ces quatre composantes et tout l’éventail des sentiments qui nous relient aux autres. Afin de concrétiser mon modèle, affectons une couleur primaire arbitraire à chaque composante sentimentale : Le rouge pour le désir sexuel, le vert pour l’affection et le bleu pour la haine. Quant à l’indifférence, il agit comme l’inverse de la chromaticité.
Laissez-moi prendre quelques exemples pour illustrer mon propos.
Noir. Quel sentiment nous inspire un illustre inconnu, à l’autre bout de la planète, dont nous ne savons absolument rien ? Pas grand-chose, tout au plus une vague sympathie mais probablement pas de haine ni de désir sexuel à moins d’avoir de sérieux problèmes psychologiques, ou d’être en guerre. Nous aurons donc 1% d’affection et 99% d’indifférence, soit un vert extrêmement foncé indissociable du noir.
Sang de bœuf. Supposons maintenant que nous croisions cette personne dans la rue, et que nous la trouvions séduisante. Nous n’avons guère plus d’affection qu’auparavant, mettons 2% parce que l’inconnu est devenu notre prochain, que nous serions sensé aimer comme nous même si nous escomptions devenir des disciples du Christ. Toujours pas de haine à moins d’être raciste, sexiste, ou victime de je ne sais quelle pathologie haineuse. Quant au désir sexuel, il monte en flèche ! On ne connait rien de cette personne mais on éprouve envers elle 20% de désir sexuel. Les 78% restant demeurent de l’indifférence.
Brun profond. Voilà que cette personne nous aborde sous un quelconque prétexte. Vous faites connaissance, vous sentez bien qu’il y a des atomes crochus, et cette personne vous apparait de plus en plus séduisante. L’affection qui augmente avec la sympathie passe à 10%, ainsi que le désir sexuel qui passe à 30%. L’indifférence décroit donc à 60%.
Écrevisse. Vous sortez avec cette personne qui exerce immédiatement sur vous un irrésistible attrait. Le désir sexuel qui explose dès qu’elle vous enlace passe à 80% tandis que l’affection monte à 20%. L’indifférence a complètement disparu au cœur de l’étreinte.
Blet. Le lendemain, vous êtes sur un petit nuage. Le désir sexuel enfin satisfait est retombé à 30%, l’affection a continué de croître à 30% et l’indifférence est donc à 40% pour ce béguin qui n’est pas encore l’amour fou.
Gris taupe. Trois jours plus tard, l’élu(e) de votre cœur vous fait comprendre que ce n’était qu’un plan cul. Quel salaud/salope ! La haine surgit à 30%, l’affection demeure à 30% car vous ne parvenez pas à tirer un trait sur cette histoire d’autant que le désir sexuel demeure à 30%. L’indifférence est à 10% dans cet état passionnel.
On pourrait ainsi trouver les couleurs du divorce (entre le bleu marine et le vert foncé), celles du crime passionnel (variations du gris), du viol (violet !)… Voici une illustration de ma théorie sans la composante « haine » :
J’y ai représenté une parabole, au sens propre comme au figuré, d’Eric-Emmanuel Schmitt : « L’amour vient par la chair puis l’écarte » qui est une évolution classique des sentiments au sein du couple. Tout va pour le mieux tant que les membres de couple suivent la même trajectoire dans le plan sexe / affection sans s’aventurer dans la dimension haineuse. Toutefois, les hommes et les femmes ont-ils tendance à évoluer de la même manière sur ce plan ? C’est là qu’intervient une note publiée sur les fesses de la crémière qui explique que le désir féminin baisserait plus vite que le désir masculin. La femme évoluerait donc plus vite que l’homme sur cette trajectoire sentimentale vers l’affection désexualisée verdâtre, tandis que l’homme aurait tendance à vouloir demeurer dans le territoire sexuel rougeoyant.
De là à penser que c’est la raison pour laquelle les hommes auraient plus tendance que les femmes à tenter de satisfaire leur libido en dehors du couple, il y a un pas que je franchirais volontiers.
N’hésitez pas à me donner votre opinion sur ma théorie farfelue, les commentaires sont là pour ça.
01:25 Publié dans Réflexions | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : amour, eric emmanuel schmitt, couleurs
26 août 2015
Le fauteuil de volupté
En 1890, le prince de Galles demanda à Louis Soubrier, un artisan ébéniste de renom du faubourg Saint-Antoine, de fabriquer un fauteuil sur mesure pour sa suite au Chabanais, prestigieuse maison close qui n’accueillait que le gratin mondain. Édouard, qui n’était pas encore le septième du nom, fit donc réaliser ce fauteuil dit « de volupté » dans le style du XVIIIème siècle, constitué d’un niveau supérieur similaire à un fauteuil gynécologique avec ses étriers et des poignées, suspendu au-dessus d’une sorte de méridienne au niveau inférieur avec deux plaques pivotantes en cuivre.
Toutes ces informations sont facilement accessibles sur le net, mais quand il s’agit de décrire le fonctionnement de cette invention lubrique, les historiens d’art jettent un voile pudique sur la chose, et en appellent à l’imagination du public, comme si les spécialistes en étaient dénués. Cet objet créé par un homme que les pensionnaires du Chabanais avaient baptisé « Dirty Bertie », avait bel et bien un usage pornographique, au sens étymologique du terme, dont il nous faut adopter le vocabulaire pour en deviner l’usage.
« La légende dit que le fauteuil fut conçu pour trois personnes, mais la disposition précise? Elle reste ouverte au débat » avance Louis Soubrier, 2ème du nom, petit-fils de l’ébéniste et heureux propriétaire du fauteuil bien qu’il n’en ferait pas usage, le dernier l’ayant utilisé dans les années 1980 ayant été un gay très actif.
Il apparaît clairement que ce fauteuil présente deux niveaux distincts qui permettent d’accueillir deux partenaires, une que nous appellerons Catherine au-dessus en position semi-couchée sur le dos, les pieds dans les étriers, l’autre que nous appellerons Sylvie, en dessous, au niveau de la méridienne qui ne permet aucun contact avec Catherine, à moins que Sylvie soit agenouillée à la tête de la méridienne pour gamahucher Catherine. On n’a pas besoin d’inventer un tel fauteuil pour si peu de chose, même si le prince de Galles, avec ses 120 cm de tour de taille, avait sans doute du mal à explorer le kamasutra sans l'aide d'un mobilier adapté.
À partir de trois partenaires en revanche, le fauteuil en question offre d’intéressantes combinaisons. En cherchant bien, j’ai fini par en trouver une sur le net : Alors que Bertie était assis, une jeune femme se plaçait à genoux entre ses jambes alors qu’une autre jeune femme était couchée sur le dos et « gamahuchait » la première. C’est une éventualité, mais elle ne fait aucun usage des plaques pivotantes. Il me parait plus évident que Bertie mette ses pieds sur les plaques, pénètre Catherine en position gynécologique tout en attrapant les poignées, comme un skieur s’agrippe à ses bâtons avant de s’élancer avec un vigoureuse poussée, tandis Sylvie en dessous léchouille le coït à loisir grâce à la forme anatomique du siège gynécologique. Une fois que Bertie a tout lâché dans le con de Catherine, il peut alors s’accroupir pour déguster le fruit son forfait, méritant pleinement le sobriquet Dirty Bertie, tandis que Sylvie étendue sur la méridienne, le dos entre les plaques métalliques, lui fait feuille de rose.
Si vous avez d’autres idées cochonnes, n’hésitez pas à les laisser en commentaire. C’est pour la science !
Edit du 28/10/2015: Le fauteuil de volupté est actuellement visible au musée d'Orsay dans l'exposition Splendeur et Misère. Si vous appréciez cette note ou si avez un commentaire à ce sujet, n’hésitez pas à l’écrire sur google+ (les commentaires sont malheureusement fermés ici pour une raison indépendante de ma volonté).
11:16 Publié dans Réflexions | Lien permanent | Commentaires (17)
18 janvier 2015
L’élixir d’amour
Il y a certains livres dont on aimerait parler, mais dont la construction est telle qu’épiloguer à leur sujet révèlerait nécessairement toute l’intrigue. On ne peut donc qu’inciter à les lire et on est réduit à en parler en privé. Le dernier roman d’Eric-Emmanuel Schmidt est de ceux-là.
J’apprécie cet auteur pour son sens de la formule qui fait toujours mouche, mais surtout l’intelligence de son propos. Avec L’élixir d’Amour, les bons mots qui se succèdent confèrent à ce texte la densité d’une nouvelle qu’on lit d’une seule traite, tout en donnant de l’éclat aux thèses défendues par les deux protagonistes de ce roman. La trame de l’histoire pourrait sembler ennuyeuse : après leur rupture, Adam propose à Louise une correspondance amicale afin d’épiloguer sur l’Amour et ses déclinaisons. Bien entendu, Louise refuse : Si l’amitié est le mouroir de l’amour, je hais l’amitié. « Seule la peau sépare l’amour de l’amitié. C’est mince. » rétorque Adam. S’engage alors un duel par correspondance où s’affrontent l’Amour-toujours aux désirs éphémères.
« Les hommes font l’amour pour jouir, pas pour dire qu’ils aiment. Quand j’allais rejoindre des maîtresses, je n’entaillais pas mon attachement pour toi, je ne t’adorais pas moins, j’ambitionnais seulement de prendre du plaisir et de leur en dispenser.
Une colossale erreur fausse les relations humaines : l’idée que le cul et le sentiment sont un même pays. Or le sexe et l’amour occupent deux territoires différents. Si l’amour envahit le champ de la sexualité, laquelle, bonne fille, l’a laissé entrer, il n’existe pourtant aucun rapport entre le désir et l’affection. […]
L’amour cultive la connaissance, le désir vénère l’inconnu. Tandis que l’amour reste loyal jusqu’au dernier soupir, doigts, paumes, bouche, pénis, bas-ventre sont des aventuriers toujours sur le qui-vive, prêts à emprunter de nouvelles destinations, attirés par le différent, le singulier. Au contraire du sentiment qui cherche la permanence, les pulsions renaissantes ont l’appétit du changement. […]
L’amour vient par la chair puis l’écarte. »
Dans cet échange, Adam semble vainqueur grâce à sa brillante argumentation, mais en apparence seulement. Je n’en dis pas plus pour ne pas dévoiler toute l’intrigue qui m’apparait, à mesure que j’y songe, d’une grande finesse. Il faut aussi saluer l’usage brillant du genre épistolaire, qui invite à lire une seconde fois ce roman (150 pages seulement, dont certaines réduites à une lettre de quelques mots) pour comprendre les sous-entendus à la lumière de la toute dernière lettre.
23:41 Publié dans Réflexions | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : eric emmanuel schmitt, amour
03 décembre 2014
Transgression et révélation
Hier soir, j’ai ouvert mon compte twitter, pour voir (il parait que ça fait sérieusement gonfler l’audience d’un blog, m’a confié Emma de Paris Derrière) . J’ai reçu quelques messages à partir du moment où l'ami CUI m’a accueilli avec bienveillance, et bientôt une pléthore de messages de la part d’un illustre inconnu auquel j’étais bien en peine de répondre en 140 caractères. Il m’indiquait tout son désaccord relatif à ma dernière note Le péché de chair. Fatigué de voir ses tweets inonder mon écran, je l’ai invité à synthétiser tout ça en commentaire ici-bas. Alors que Calixte Loutremer paraissait parfaitement abscons en 140 caractères, il est bien plus pertinent sans limite de taille, si bien que j’ai décidé de me fendre d’une note sur la notion de séance, de transgression et de révélation. Transgression et révélation sont deux choses distinctes, qui peuvent être liées, mais pas forcément.
Commençons par la transgression. Imaginez mon cher Calixte que madame ait toujours refusé la sodomie. Son petit trou est son tabou, et par conséquent le votre. Vous fantasmez sur le fait de la prendre par derrière, d’autant plus qu’elle vous l’a interdit. Cela ne l’empêche pas de frotter sa croupe contre votre vit, histoire de jouer du pénis en tension, mais ça se termine toujours en petites cuillères, sa position préférée. Ça devient lassant à la fin. Mais un soir, contre toute attente, son anus vierge ne se dérobe pas à la pression de votre gland ! Au contraire, sans dire un mot, elle l’humecte de salive et se tient prête à l’assaut, n’imprimant à ses reins qu’une légère ondulation pour faciliter l’intromission. Votre gland turgescent est à l’entrée de son orifice encore serré, mais qui s’ouvre tout doucement sous la pression de votre phallus, tandis que vous retenez votre souffle de peur qu’elle se dérobe… Arrêtons-nous là. Imaginez-vous alors votre plaisir transgressif ? Tout se passe sans un mot, dans l’intimité de votre chambre à coucher. Même dans le noir si vous voulez. Et pourtant, un tabou ancien est transgressé. Sans que vous n’ayez à dire à vos collègues le lendemain « hier-soir, j’ai fait crier ma femme en l’enculant profondément ». La transgression ne réside donc pas forcément dans la révélation publique de l’intime. Ce peut être le cas, mais ce n’est pas que cela.
Venons-en aux séances. Celles décrites par Esparbec sont de nature transgressive, mais j’avance que la transgression n’est pas vraiment nécessaire au déroulement de la séance. Que nous raconte donc Esparbec ? Voici un des exemples : une jeune fille invite son voisin quinquagénaire, le plus sobrement du monde, comme s’il s’agissait de venir vérifier une tuyauterie qui fuit un peu dans la salle de bain, à venir la masturber dans le secret de sa chambre. Là encore, pas un mot n’est échangé. La séance commence et s’arrête à la porte de la chambre fermée à clef. L’homme ne fait que masturber la jeune fille selon un protocole défini à l’avance, et même s’il y a répétition de la scène, il y a transgression car on flirte ici avec des interdits légaux et moraux. Bien entendu, rien de cela n’est révélé, sinon par l’auteur du texte qui utilise le procédé littéraire éculé des aveux pour raconter la scène. Là encore, ce n’est pas la révélation qui est transgressive, mais l’acte en lui-même. Ai-je un exemple de séance non transgressive ? Oui, dans « Sans vain cœur ni vain cul » chapitre 7.
Parlons maintenant de la révélation. Vous soulignez l’anecdote du scooter présidentiel, soit, je vous accorde que la transgression est ici liée à la révélation publique. Maintenant, si Vagant raconte que lui et son amante ont baisé comme des fous samedi soir dans un bureau dont il a la clef, où est la transgression ? Vagant n’est qu’un pseudonyme, un masque derrière lequel se cache peut-être un comptable dans la creuse, un attaché ministériel à Bercy ou un sombre ingénieur d’un conglomérat industriel, allez savoir ? Raconterais-je ma séance de sexe avec moult détails pornographiques, je ne serais pas transgressif pour autant : le cul s’étale à longueurs de page sur tous les blogs au point que saler un macaron sur un blog de cuisine est plus transgressif que baiser dans un ascenseur sur un blog de cul. Il y avait pourtant bien une transgression dans ce bureau ce soir-là, et sans doute un plaisir décuplé, mais il réside dans la partie la plus anodine de ma révélation : « dont il a la clef ». Et je ne dirai rien de plus quant aux détails de l’accès à ce bureau. La transgression était pour nous, et c’est tout.
Pour moi, le plaisir ne réside pas tant dans la transgression que dans la préparation d’une séance, éventuellement transgressive. Esparbec est peut-être un plaisantin, mais je me retrouve dans ces propos-là.
11:08 Publié dans Réflexions | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : transgression, révélation
29 novembre 2014
Le péché de chair
C’est la présentation de ce petit recueil de nouvelles qui m’a poussé à lire un peu d’Esparbec.
Cela commence par la question que se posent tous les érotomanes :
« Comment s'y prendre pour rendre au sexe le goût de l'interdit ? Nous en sommes au sexe plateau télé, au porno pantoufle (ou mules à pompons), aux parties carrées du week-end, aux clubs de fessées, aux cours de bondage par correspondance, etc. Banalisation du plaisir ; voyeurisme généralisé : chacun, pour être " branché ", s'applique à singer les clichés de la mode du cul (piercing, SM, tatouages, implants, etc.) et perd de vue l'essentiel : l'attrait du fruit défendu.
Comment retrouver les plaisirs de la transgression, il n'y a plus qu'à se servir au rayon du self-sex pasteurisé ? Aux affres de la séduction et des travaux d'approche ont succédé des rapports de fournisseur à client : sex-shops, cassettes pornos, clubs d'échangisme, etc. Nous entrons dans une ère de commercialisation générale du cul, accompagné d'un discours " déculpabilisant " centré sur la notion de " plaisir ". Le sexe a été transformé en marchandise ou, pour citer Adorno et Debord : en spectacle. L'image (la mode) a remplacé la chose. »
Comment concrètement retrouver ce fruit défendu, quand notre quotidien est bombardé d’images de femmes irréelles et de problèmes matériels ? Quand les angoisses d’un quotidien précaire viennent s’insinuer jusque sous les draps ? Quand on nous vend les leurres de la pornographie industrielle pour image du désir, comme nous l’écrit Esparbec :
« Implants mammaires ou fessiers, lèvres siliconées, clito emperlousés, la femme, de plus en plus chosifiée, gadgétisée, n’est plus qu’un ersatz vivant de poupée gonflable. Lesquelles poupées, en revanche, sont de plus en plus réalistes. Si bien qu’on voit de moins en moins la différence entre le réel et l’image. Vous avouerez qu’il devient de plus en plus difficile de fantasmer sur ces créatures rafistolées. »
Une fois la question posée, et le constat sans appel, la solution n’apparait pas dans ce petit recueil de nouvelles, quoi qu’en dise l’auteur, tout au moins pas clairement. Il faut plutôt lire la post-face du vénérable pornographe octogénaire pour trouver un début de réponse à la lumière de sa longue expérience :
« La plupart des fantasmes de femmes sont basés sur la notion de séparation, ou de dédoublement […] en gros, disons, le cul hors de la vie quotidienne. Le cul mis en scène.
Même s’il s’agit d’une personne que je connais bien, au moment où nous « jouons au cul », une transmutation s’opère. Nous ne sommes plus les mêmes. Nous ne sommes plus nous-mêmes. C’est à cette fin qu’intervient la notion de « séances », bien connue des érotomanes. Il faut sortir le sexe de la vie et le mettre en scène dans des sortes de saynètes.
En somme, on se fait du cinéma. Exactement comme si on allait ensemble voir un film porno. Sauf qu’on y joue. Si vous préférez, on se donne des RVQ (rendez-dous de cul) au cours desquels on ne laisse jamais parler la spontanéité. À l’avance, froidement, on a décidé qu’il y aurait du sexe. Et quel genre de sexe. On s’est préparé pour cela. Choix des sous-vêtements, façon d’arriver l’un chez l’autre, etc. Tout a été décidé à l’avance, froidement, en suivant un scénario.
Pour éviter la monotonie les séances sont échelonnées dans le temps, séparées par des intervalles de vie normale (rencontre sans sexe). Essentiellement pornographique l’excitation naît de la préparation et de l’idée de ce qu’on va faire ensemble. Le plaisir commence déjà avant, dans l’attente. »
Je ne pense pas avoir expérimenté cela autant qu’avec Sarah. Notre liaison n’était effectivement basée que sur des « rendez-vous de cul » planifiés, scénarisés par l’un ou l’autre à tour de rôle, que j’ai racontés dans « sans vain cœur ni vain cul ». Entre elle et moi, le sexe était hors de la vie quotidienne et le vouvoiement que nous avions instauré participait à la prise de distance nécessaire pour éviter toute irruption de la banalité entre nous. Cela ne signifiait pas l’absence de respect, l’absence de tendresse, l’absence de câlins spontanés qui pouvaient trouver leur place dans le scénario, mais le sexe était en quelque sorte sacralisé. C’est toute la différence entre une telle séance et ce qu’on appelle de nos jours un « plan Q », où on se retrouve simplement pour baiser sans préparation mentale préalable, ni tendresse ni même le dialogue habituel entre deux amants classiques.
Le secret que nous livre Esparbec, l’air de rien, dans son petit recueil gratuit sans prétention, c’est que la sexualité a besoin de son espace propre. C’est en ce sens que la sexualité est du domaine de l’intimité : cela ne signifie pas que la sexualité ne doit se jouer qu’à deux et à huis clos, mais qu’elle doit s’inscrire entre deux parenthèses dans le cours de la vie quotidienne, que ces parenthèse doivent transgresser le quotidien. Si les parenthèses ne sont pas hermétiques, la sexualité se trouve polluée par le quotidien envahissant, corrodée par les problèmes, rongée par les soucis. Elle ne peut plus être récréative. Quand on passe de façon continue du boulot au métro puis à la cuisine pour se retrouver au lit avec son conjoint, on embarque malgré soi son chef de service et sa déclaration d’impôts, et il n’est pas étonnant de ne pas mouiller ou de ne pas bander.
Il est particulièrement difficile pour des conjoints de trouver de vraies parenthèses, dont la transgressivité est une prise de risque, que cette parenthèse prenne la forme de séances libertines ou sadomasochistes. Les amants au long cours ne sont pas non plus à l’abri d’un quotidien, d’une routine où le merveilleux sexuel n’est plus qu’un souvenir. Ils pourront être séduits par une alternance de rencontres amoureuses mais non sexuelles dans le cours de la vie normale, qui apporte la relation humaine et le soutient mutuel, et de ces « rendez-vous de cul » dûment préparés et scénarisés pour retrouver le goût du sexe pur, le goût du péché de chair.
11:53 Publié dans Réflexions | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : esparbec
22 novembre 2014
Pourquoi écrire ?
Après quelques échecs successifs en réponse aux appels à texte pour la collection Osez 20 histoires, au concours B Sensory, sans parler du concours avorté sur WLW, j’en suis venu à me poser des questions sur mon style et l’intérêt érotique de mes histoires. En correspondant avec ChocolatCannelle et Julie Huleux, j’en ai conclu que le succès éditorial était surtout une question d’adéquation entre le texte proposé et la ligne éditoriale visée, mais la véritable question à se poser est pourquoi écrire ? Écrit-on pour se faire plaisir, ou pour faire plaisir au plus grand nombre ?
Gilles Milo-Vacéri exprime sa vision des choses avec humour sur une note qui compare l’écriture et la cuisine. Auteur incroyablement prolifique (9 romans publiés en deux ans, du roman historique au polar sans compter une pléthore de nouvelles érotiques !) son choix est celui de l’efficacité au service du plaisir d’un maximum de lecteurs, et surtout de lectrices. Car la maison d’édition qu’il a choisie pour éditer la plupart de ses nouvelles érotiques est HQN, avec un important volume de vente pour son principal cœur de cible : la ménagère de moins de cinquante ans. Si cette cible féminine apprécie les situations érotiques corsées, il lui faudrait, selon Julie Huleux, de « l’érotisme en dentelle ». Pas de mots crus, pas de descriptions génitales trop précises. De l’érotisme mais pas de pornographie.
J’ai ainsi décortiqué une nouvelle de Gilles Milo-Vacéri intitulée « Libres échanges » dont le pitch laisse imaginer des scènes torrides entre deux couples échangistes. Le contrat est bien rempli car en 25 pages on a droit aux principales combinaisons sexuelles auxquelles on peut s’attendre dans une joyeuse bisexualité assumée. Là où l’auteur est fort, c’est qu’il parvient à décrire tout cela sans utiliser une seule obscénité : pas un cul, pas une bite, pas une queue, pas une chatte, ni la moindre couille et encore moins de foutre ou de mouille. Mieux encore, le vocabulaire gynécologique est proscrit ! Pas de verge, pas de pénis, pas de gland, pas de vulve, pas d’anus, pas de phallus, pas de sperme. On compte toutefois 9 fesses, 14 seins, 6 érections, 5 clitoris et un seul vagin.
Que reste-t-il de nos amours, me demanderez-vous ? Des périphrases ! Il y a du sexe, beaucoup de sexe, 39 occurrences exactement, et à toutes les sauces. « sexe bandé », « sexe durci » ou « sexe triomphant » pour les uns. « sexe mouillé », « sexe offert » et « sexe trempé » pour les autres. Détaillons un peu les pratiques. On a de la fellation. Seulement 3 occurrences du mot mais beaucoup plus dans les faits car il y a des « sexe[s] pris en bouche ». Toutefois les verbes sucer et lécher semblent absents. Pas de cunnilingus, mais des lèvres que l’on pose sur un sexe féminin. Pas de sodomie mais une "colonne de chair entre les reins". Rien à signaler niveau sensations, je compte 5 extases, 6 orgasmes, 23 plaisirs, 13 désirs et 5 excitations.
En fin de compte, cette cuisine fonctionne bien malgré les ingrédients limités. Jugez-en plutôt avec cette courte citation : « Quand elle sentit qu’on lui relevait la tête en tirant sur ses cheveux, Kathy protesta, s’éloignant avec peine du sexe offert de son amie, mais elle sourit en découvrant sous ses yeux le sexe d’Olivier qu’elle prit immédiatement en bouche tout en le caressant lentement. Au même instant, elle sentit les mains de Théo écarter ses fesses et elle se cambra. Fermant les yeux, elle poussa un long gémissement quand la brûlure déchirante de ses reins devint le plaisir d’être soumise par ce sexe aussi dur qu’une colonne de marbre. Long, incroyablement ferme mais dont les chairs douces et chaudes lui procuraient un plaisir incroyable. Théo s’enfonça d’un seul coup et Kathy le vécut comme une folle pénétration, pleine d’érotisme, de passion et sous la coupe d’une suprême domination. Elle hurla son bonheur. »
Je ne sais pas si cette nouvelle est représentative de ce qui est publié chez HQN, mais si tel est le cas, il vaudrait mieux passer son texte au crible avant de le leur proposer, ce qui peut être perçu par certains auteurs comme un frein à leur créativité. Tout dépend donc bien de la motivation de l’auteur. Est-ce alimentaire ? Est-ce un besoin de reconnaissance ? Est-ce un besoin d’expression personnelle ?
Cela est bien résumé par cet entretien avec Daniel Nguyen, auteur maintes fois publié par la Musardine, qui indique avoir un travail alimentaire afin de pouvoir s’exprimer sans contraintes sur le plan littéraire et artistique.
Et maintenant, que vais-je faire ? N’ayant ni la capacité ni l’envie d’être un auteur professionnel, je vais me contenter de ce que je peux produire en amateur tout en me faisant plaisir, en proposant quelques texte inédits de temps en temps à des éditeurs susceptibles de les accepter.
23:40 Publié dans Réflexions | Lien permanent | Commentaires (29) | Tags : gilles milo-vaceri, écriture
27 octobre 2014
Too bi or not too bi
À la lecture de certains blogs intimes, notamment dans la sphère libertine, je me demande parfois quel est le sens du mot bisexuel.
Ainsi Paris-derrière écrit : « Elle a tenté de vous mettre un doigt dans le cul. Vous avez refusé puis finalement accepté et vous avez kiffé. Et là, parfois, dans la tête de l’hétéro-normé, c’est le bazar ! Surgit l’inévitable question : «suis-je gay ? ou bi ?». Je comprends que les mecs soient plus coincés que les nanas sur ce genre de sujet. »
Je me suis insurgé contre cet amalgame fait entre la sensibilité aux caresses anales et le fait d’être attiré par les hommes. Les lesbiennes pur-jus sont-elles toutes insensibles au doigt dans le cul ou à l’anilinctus sous prétexte qu’être sensible de l’anus impliquerait le désir de se faire sodomiser par un sexe masculin ?
Plus subtile, la réponse de CdE m’a laissé pensif : « Pour ma part, ayant reçu doigt de femmes, d’hommes et le « fascinus » bien raide d’un ami, je considère que cet endroit (si je puis dire) est une zone érogène qui n’a rien de désagréable. Loin s’en faut ! La preuve, j’y reviens !
De là à me sentir homo ou bi, il y a un pas que je ne franchis pas. »
On pourrait donc avouer avoir eu des expériences homosexuelles et se déclarer hétérosexuel ? Cela correspond à ce que j’ai entendu de la part de certaines femmes qui se disent hétérosexuelles mais ne dédaignent pas des caresses homosexuelles dans un contexte libertin. On les appellerait bi-curious : essentiellement hétérosexuelles mais occasionnellement amatrices de caresses homosexuelles.
La bisexualité n’existerait-elle donc pas ? Faudrait-il se définir hétérosexuel ou homosexuel et s’y tenir ? Ou, au contraire, l’hétérosexualité et l’homosexualité seraient les deux extrêmes d’un même continuum bisexuel ?
Pour creuser le sujet, j’ai lu l’article de Wikipedia consacré à la bisexualité. Je l’ai trouvé mesuré et bien argumenté. Il valide ma seconde hypothèse, selon laquelle chacun serait plus ou moins bisexuel, et il existe des échelles de mesure de la sexualité humaine où se situer. La plus simple est l’échelle de Kinsey, qui réfute la conception traditionnellement binaire de la vie sexuelle, qui se résumerait à «hétérosexualité ou homosexualité.»
Valeur | Explication |
0 | Exclusivement hétérosexuel(le) |
1 | Prédominance hétérosexuelle, expérience homosexuelle |
2 | Prédominance hétérosexuelle, occasionnellement homosexuel(le) |
3 | Bisexuel sans préférence |
4 | Prédominance homosexuelle, occasionnellement hétérosexuel(le) |
5 | Prédominance homosexuelle, expérience hétérosexuelle |
6 | Exclusivement homosexuel(le) |
Toutefois, cette échelle se base sur les expériences sexuelles, mais occulte les fantasmes et les désirs, ainsi que l’évolution et la fluidité des tendances. La grille d'orientation sexuelle de Klein pallie ces carences en proposant une échelle de 0 (archi hétérosexuel(le)) à 49 (archi homosexuel(le)).
J’ai trouvé une version en ligne du test de Klein sur un site de psychologie québécois.
J’ai pris quelques minutes pour y répondre, et le résultat est… 12.7/49 : orientation hétérosexuelle stable.
Not too bi. Et vous ?
18:35 Publié dans Réflexions | Lien permanent | Commentaires (27) | Tags : bisexualité
14 octobre 2014
Attaquer le soleil ?
Mathilde et moi venons d’assister au vernissage de l’expo qui fait le buzz : SADE, Attaquer le soleil.
Libertins accomplis, pornographes blasés, sybarites de la première heure, autant vous le dire tout de suite, si vous vous attendez au grand frisson, vous risquez d’être franchement déçus. Comme l’annonce Annie Le Brun, commissaire de l’exposition, « [Si Sade] écrivit la Philosophie dans le boudoir, c’est pour mettre la philosophie dans le boudoir, et non l’inverse ». Cette exposition thématique tente d’éclairer la pensée corrosive de Sade à la lumière des œuvres picturales qui illustrent son propos, et celles qu’il aurait inspirées. Le fil est ténu, et les thèses longtemps censurées demeurent dérangeantes.
« Il est sûr que depuis la levée de l’interdit sur son œuvre, on essaye de le neutraliser de bien des manières. Ces derniers temps, particulièrement experts en neutralisation, ont inventé le « porno-chic », devenu un nouveau marché à travers la publicité et la mode » écrit Annie Le Brun. Pourtant, comment qualifier le teaser de l’exposition qui draine tant de monde :
Loin d’être aussi sensuelle, la cohue de ce soir ne nous a pas vraiment permis d’apprécier cette exposition dont la conception labyrinthique, sombre et sinueuse à l’image de la pensée perverse de l’auteur, n’apparait pas très adaptée au large public du musée d’Orsay visé par ce buzz médiatique. Un paradoxe pour ainsi dire sadique pour le moraliste de l’immoralité. Il est ainsi bien difficile de réfléchir à la question de l’irreprésentable lié au désir, devant une juxtaposition d’œuvres picturales et cinématographiques allant du XIVème siècle jusqu’aux années 60, et de petites phrases philosophiques percutantes, détachées de leur contexte, qui ressemblent diablement à des mots d’ordre nihilistes, voire au premier degré à des appels au meurtre.
Mais que voit-on au juste ? En vérité pas grand-chose pour émoustiller le bourgeois, ce qui n’est de toutes façons pas le propos : des projections de L’âge d’or, Dr Jekyll and Mr hyde, Le Journal d’une femme de chambre ; des tableaux de Delacroix, Ingres , Demachy, Fragonard, Franz von Stuck, Cézanne, Vallotton, Monsiau… ; des œuvres photographiques de Molinier ; des sculptures de Clésinger, Khnopff ; et bien sûr des éditions illustrées de la nouvelle Justine directement sorties de l’enfer de la BNF.
On aurait pu s’attendre à voir une projection d’extraits de Salo ou les 120 jours de Sodome de Pasolini, mais cela aurait sans doute été trop transgressif, et puis cela nous aurait amenés à poser la question du sadisme industriel et des meurtres de masse du fascisme. Hors sujet ? Pas plus que le pan-pan cul-cul de Pauline Réage.
02:15 Publié dans Réflexions | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : sade, attaquer le soleil
02 octobre 2014
A la feuille de rose
Me plongeant avec un certain plaisir dans les paillardises du XIXème siècle, le siècle de Zola et de Maupassant, je suis tombé par hasard sur une pièce de théâtre intitulée À la feuille de rose, maison turque, œuvre de jeunesse de Maupassant qui avait 19 ans quand il la donna en présence de Zola, Flaubert et un des frères Goncourt horrifié. Je ne résiste pas au plaisir de vous livrer une partie du chapitre XIV qui épingle la vantardise Marseillaise, avec l’accent s’il vous plait:
LE MARSEILLAIS
Et qu'est-ce que tu veux que ze fasse de ça ? Ze ne pourrai seulement pas y fourrer mon petit doigt. A la bonne heure à Marseille pécaïre ! Vous ne connaissez pas la Canebière. C'est là qu'il y a de belles femmes. Elles vous zen ont de grandes comme mon chapeau. Troun de Dieu ! Et à la bonne heure on peut foutre là-dedans.
MICHÉ
Allons, blagueur, on la connaît la Canebière, comme s'ils étaient plus forts que d'autres les vits marseillais !
LE MARSEILLAIS
Les vits de marseillais, mon bon ! C'est comme le beaupré d'un navire. Eh couillon ! Que je ne vous plaindrais pas si vous en aviez un entre les fesses, troun de l'air !
MICHÉ
Moi non plus.
LE MARSEILLAIS
Sans compter que vous en auriez un fameux cul pour le recevoir ! Un vit de Marseillais, tenez, moi qui vous parle, quand je bande, ze suis terrible, et ze bande toujours. Une fois, mon bon, zavais coucé avec une femme, la malheureuse, ze la fous, ze la bifous, ze la trifous, ze la refous, et quand zai eu fini, à la dizoutième fois, sans débrider, couillon, je m'aperçois qu'elle était morte. Mon vit lui avait percé le vaintre, et le médecin, qui a constaté le décès, a reconnu qu'elle avait été étouffée par mon vit qui lui était entré dans la gorge.
FATMA
Eh bien merci, tu peux te fouiller que je baise avec toi.
MICHÉ (blaguant)
Eh bien, et moi, et bibi, dans un incendie un jour je monte au quatrième étage d'une maison qui était en feu. Il y avait quatre personnes à sauver. Je mets le mari sur mon dos, je prends le père de la main droite, la mère de la main gauche, restait la femme, comment faire ? Je te la fous à cheval sur mon vit, et en descendant l'escalier, sans m'arrêter, je la baise quatre fois, une fois à chaque étage.
Décortiquant un peu plus le vocabulaire érotique de l’époque, je suis tombé sur le Dictionnaire Erotique Moderne, du journaliste Alfred Delvau, dont la lettre N de l’édition de 1864 ne manque pas d’enluminures.
Il y en a 400 pages. Que d’expressions perdues ! J’ai toutefois découvert qu’à l’époque, on ne taillait pas de pipe mais on gamahuchait le canal. Le miracle de la langue vivante se renouvelle à chaque époque…
13:39 Publié dans Réflexions | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : écriture
12 septembre 2014
Les choses de la vie
Je me souviens de l’hôtel. Il était situé non loin de l’aéroport de Genève, j’avais atterri là en début de soirée, je devais repartir le lendemain matin, je n’aurais qu’une nuit à y passer, seul. Pas le temps d’aller en ville, Jeanne n’avait pas le temps, juste celui de dîner avec moi au restaurant de l’hôtel. Au fond, je savais que c’était la dernière fois. Je ne me berçais plus trop d’illusion, je savais bien que c’était terminé entre nous. Il fallait qu’elle prenne une décision, j’avais été l’homme de la transition. Je me souviens vaguement que c’est ce qu’elle me disait, tandis que nous dinions, entre deux reproches sur son mari qu’elle ne supportait définitivement plus du tout. Le mari, les collègues, les hommes, tous dans le même panier de linge sale et son regard furieux me donnait l’impression d’y être une vieille chaussette. Pour moi qui avais espéré faire l’amour avec elle, sans doute pour la dernière fois, c’était mal parti. Je ne m’en souviens plus clairement mais c’est probablement ce que je pensais encore tandis que nous remontions dans la chambre où elle avait laissé son sac en arrivant.
Ce dont je me souviens très bien en revanche, c’est de son profil, quand Jeanne s’est plantée devant la fenêtre de la chambre d’hôtel pour regarder dehors comme s’il s’y passait quelque chose d’important. Je me suis approché. Il y avait là son parfum, sa voix devenue plus douce. Tout a été très vite. Je ne sais plus trop comment nous en sommes arrivés là, mais l’image d’après, c’est sur le lit à moitié nus. Juché entre ses cuisses ouvertes, je la prenais, fort, en urgence. « Tu te souviens ? » que je lui disais « Dis-moi que tu t’en souviens quand je t’ai prise dans le pré ! », et j’ai ponctué ma question d’un grand coup de rein qui a converti son acquiescement en râle de plaisir. Et quand tu t’es jetée sur moi en entrant dans la chambre de cet hôtel où je m’étais assoupi à force de t’attendre, tu te souviens comme on a baisé ? Encore un coup de rein avec son « oui ! » étouffé en écho. Et dans ta voiture, sur les sièges arrière, avant que tu m’entraines dehors pour que je te prenne en levrette sur le capot, tu t’en souviens, dis ? Et quand je t'ai sodomisée dans la cabine de ce sauna libertin tandis que les hommes seuls se bousculaient pour voir à la porte close. Les miroirs qui tapissaient les murs de la pièce étaient couverts de buée, tu t'en souviens ? Et notre premier après-midi dans cet hôtel proche de la porte Maillot où je t’avais prise cinq ou six fois, mais qu’il t’avait encore fallu te faire baiser par ton ex-collègue le soir même, tu t’en souviens ? Et quand je t’ai enculée dans ce club pendant qu’un autre te prenait par devant, tu t’en souviens aussi ? Et Jeanne criait « Oui ! Oui ! Oui ! » tandis que je martelais sa chatte.
Je ne me souviens plus de toutes les images qui s’imposèrent à mon esprit ce soir-là. Tout défilait devant mes yeux dans le dernier carambolage de nos corps. Il parait qu’on voit ainsi défiler toute sa vie quand on en est au seuil. Pour moi, ce n’étaient que des petits bouts de vie et une petite mort. Quant à Jeanne, je ne l’ai plus jamais revue, et c’est sans doute mieux comme ça. Ainsi soit-il.
09:06 Publié dans Réflexions | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : erotisme, jeanne, expériences
06 septembre 2014
Fellation et irrumation
La dernière note de « Paris Derrière », amusant blog informatif sur toutes les dépravations parisiennes, m’a suggéré quelques réflexions complémentaires sur la fellation, trop souvent confondue avec l’irrumation.
Dans le cas de l’irrumation, celui ou celle qui « suce » se fait prendre la bouche « passivement ». Dans l’antiquité, cette pratique était celle du maître qui pouvait prendre la bouche de son esclave sans lui demander son avis. L’action de prendre son plaisir aux dépends de l’autre était une caractéristique du pouvoir.
La fellation est effectivement plus subtile car celui ou celle qui est actif donne du plaisir à son partenaire passif. Donner du plaisir sexuel à l’autre sans en prendre soi-même, était sujet de moquerie dans l’antiquité, sans doute comme l’imbécile qui se fait duper dans une comédie et qui en redemande. Mais si les partenaires sont à égalité sociale, le pouvoir change alors de camp : le plaisir pris par l’homme sucé passivement n’est plus pris aux dépends de son partenaire, mais dépend du bon vouloir de son partenaire actif. Françoise Rey a écrit de très belles lignes à ce sujet, que je cite dans une de mes notes intitulée le pouvoir du plaisir .
Aujourd’hui comme dans l’antiquité, le pouvoir est bien du côté des actifs, et le plaisir est généralement la rétribution du pouvoir. Dans le cadre de la sexualité, la fellation entre deux partenaires égaux fait exception à cette règle, car l’essentiel du plaisir sexuel est du côté de celui qui est passif. Celui ou celle qui est actif a le pouvoir du plaisir et par conséquent le plaisir du pouvoir du plaisir.
Dans l’univers du X, assistons-nous à des fellations ou à des irrumations ? La plupart du temps, les hommes ne posent-ils pas leur main sur la tête de leur partenaire féminine pour enfoncer leur bite bien au fond d’une glotte plus ou moins consentante ? Les femmes essentiellement passives ne sont-elles pas prises sans ménagement par des hommes hyper-actifs (en dehors des productions spécialisées de type « femdom » où les femmes versent dans la caricature de la domination). Avec le retour en force de l’irrumation aux dépends de la fellation, le X qui sert de modèle d’éducation sexuelle à la jeunesse contemporaine ne renforce-t-il pas un antique modèle du pouvoir machiste ?
08:54 Publié dans Réflexions | Lien permanent | Commentaires (20) | Tags : plaisir, pouvoir, fellation, irrumation
20 juin 2014
Un petit coup de quéquette ?
Si vous avez-vu ce petit panneau publicitaire dans un restaurant parisien, il n’est pas impossible que ce soit celui où j’ai diné voici quelques semaines avec Mathilde. Un dîner impromptu à la faveur d’un trou dans mon emploi du temps qui nous aura permis de passer deux heures ensemble. Deux heures pour baiser ? Non, deux heures pour quelques baisers, et le plaisir de se voir. Pas de chatte entraperçue vite fait, pas de petit coup de quéquette. Nous avions pourtant envie l’un de l’autre, mais pas n’importe comment, pas à la va vite dans un parking, une cage d’escalier ou je ne sais quel endroit sordide pour assouvir un besoin bestial. Si nous avions envie de sexe, ce n’était certainement pas avec n’importe qui. Nous avions surtout besoin de tendresse et nous nous en sommes donné, autant que cela était possible dans un lieu public, ne serait-ce qu’avec quelques caresses sous la table sans nappe d’un bistrot parisien. On peut être amants et s’aimer, et même s’aimer au-delà d’une chambre d’hôtel.
Pour certaines d’entre vous, amies lectrices, les hommes n’auraient qu’une quéquette dans la tête et seraient toujours prêts à niquer tout ce qui bouge, tous les hommes sans exception, sauf papa, peut-être, et encore faut voir. Mais donner de la tendresse, rien, niet, nada, nichts. Quant aux femmes, elles auraient surtout besoin de tendresse avec des besoins sexuels anecdotiques. Ces clichés éculés des besoins sexuels masculins et féminins ont été démontés par la sociologue américaine Alyssa Goldstein, qui affirme que jusqu'au dix-neuvième siècle, on considérait que les besoins sexuels des femmes étaient supérieurs à ceux des hommes. L’excellent blog « les fesses de la crémière » propose une traduction d'un de ses articles. Cette vision historique, Eric-Emmanuel Schmitt en donne un angle différent dans sa pièce de théâtre intitulée Le libertin, à travers le personnage de Diderot en personne, dont j'avais reproduit quelques extraits amusants.
La libération des mœurs due à l’avènement de la contraception au milieu du vingtième siècle, prendrait-elle un nouveau tournant à l’avantage des femmes comme l’affirme le magazine zone interdite avec le reportage de Delphine Cinier : « Amour, sexe et séduction : les codes ont changé », due à l’augmentation du nombre de célibataires de sexe féminin, qui deviennent à leur tour chasseuses d’hommes grâce aux réseaux sociaux, aux sites de rencontre conçus pour les femmes tels qu'AdoptUnMec, sans parler de Gleeden qui revendique l'ouverture de la chasse pour les femmes mariées ?
Il est temps de regarder en face les besoins des uns, des unes, et des autres. Les hommes peuvent avoir aussi besoin de tendresse même dans le cadre de relations extraconjugales, j’en suis témoin. Les femmes peuvent avoir besoin de sexe dans le cadre de relations extraconjugales, et j’en suis aussi témoin.
06:51 Publié dans Réflexions | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : tendresse, débauche, le libertin, eric emmanuel schmitt, delphine cinier
30 mai 2014
On peut rire de tout – 3
Le 28 Septembre 1982 sur France Inter, Pierre Desproges prononçait son fameux réquisitoire contre Jean-Marie Le Pen, face à lui, ou peut être légèrement de profil :
Alors le rire, parlons-en et parlons-en aujourd'hui, alors que notre invité est Jean-Marie Le Pen. Car la présence de Monsieur Le Pen en ces lieux voués le plus souvent à la gaudriole para-judiciaire pose problème. Les questions qui me hantent, avec un H comme dans Halimi sont celles-ci :
Premièrement, peut-on rire de tout ? Deuxièmement, peut-on rire avec tout le monde ?
A la première question, je répondrai oui sans hésiter, et je répondrai même oui, sans les avoir consultés, pour mes coreligionnaires en subversions radiophoniques, Luis Rego et Claude Villers.
S'il est vrai que l'humour est la politesse du désespoir, s'il est vrai que le rire, sacrilège blasphématoire que les bigots de toutes les chapelles taxent de vulgarité et de mauvais goût, s'il est vrai que ce rire-là peut parfois désacraliser la bêtise, exorciser les chagrins véritables et fustiger les angoisses mortelles, alors, oui, on peut rire de tout, on doit rire de tout. De la guerre, de la misère et de la mort. Au reste, est-ce qu'elle se gêne, elle, la mort, pour se rire de nous ? Est-ce qu'elle ne pratique pas l'humour noir, elle, la mort ? Regardons s'agiter ces malheureux dans les usines, regardons gigoter ces hommes puissants boursoufflés de leur importance, qui vivent à cent à l'heure. Ils se battent, ils courent, ils caracolent derrière leur vie, et tout d'un coup, ça s'arrête, sans plus de raison que ça n'avait commencé et, le militant de base, le pompeux PDG, la princesse d'opérette, l'enfant qui jouait à la marelle dans les caniveaux de Beyrouth, toi aussi à qui je pense et qui a cru en Dieu jusqu'au bout de ton cancer, tous, nous sommes fauchés, un jour, par le croche-pied de la mort imbécile et les droits de l'homme s'effacent devant les droits de l'asticot.
C’est ainsi que naquit le célèbre aphorisme « On peut rire de tout, mais pas avec tout le monde », devant le père Le Pen qui riait (de bon cœur ?). 32 ans plus tard, il rit encore avec le quart de la population française, tandis que le regretté Desproges a tout cédé à l’asticot. Est-ce la mort ou la vie qui est d’une impayable ironie ?
Après l’accusation, la parole fut donnée à la défense, incarnée par Louis Régo. Son sketch est extraordinaire. Il faut l’avoir vu ne serait-ce que pour constater la liberté d’expression dont on pouvait jouir à cette époque :
Qui pourrait rejouer un tel sketch aujourd’hui ? Allez, au hasard, voyons voir… Dieudonné ? Ni lui ni un autre à mon humble avis. Le premier à tenter ça aurait aussitôt La LICRA, le CRIF, BHL et Valls sur le dos. On peut toujours rire de tout, si on est un comique agréé qui reste sagement dans les limites de la bienséance légiférée, ou bien à huis clos, là où peut fermenter l’ignoble avant d’exploser dans ta face, faute d’avoir su à temps désacraliser la bêtise.
09:29 Publié dans Réflexions | Lien permanent | Commentaires (7)
19 mai 2014
On peut rire de tout - 2
En fin de compte, je vais peut-être me faire une petite série politique, moi. Voilà ce qu’on peut encore lire sur le site officiel de l’Elysée, dans le communiqué de presse conjoint « franco-japonais » à l’occasion de la visite du Premier ministre Shinzo Abe en France :
(13) Concernant le nucléide radioactif dans les produits alimentaires et les fourrages provenant du Japon, le Japon se félicite de la compréhension de la France pour une révision des mesures de restriction de l’UE fondée sur des données scientifiques et le « CODEX pour les contaminants et les toxines dans les aliments ».
Même chez EELV, l’ex faux nez écolo du gouvernement Hollande, on s’insurge:
« Alors que le Japon est incapable de gérer les suites de la catastrophe de Fukushima, il faut donc comprendre qu’au nom des débouchés commerciaux, la France accepterait donc un seuil de radioactivité plus élevé pour les produits alimentaires importés au mépris des risques sanitaires.
EELV dénonce cette banalisation insupportable de la radioactivité et appelle à la vigilance et à la précaution sanitaire. Cet accord est aussi scandaleux qu’irresponsable et doit être annulé au plus vite. »
En fin de compte, on n’a même pas besoin d’un accord commercial imposés par les US pour être empoisonnés par l’importation des OGM américains. Grâce à François Hollande, la France passe à la vitesse supérieure en empoisonnant sa population avec des produits alimentaires Japonais irradiés, au nom de la balance commerciale d’un Japon moribond sur le plan économique et écologique.
Quant au bien-fondé de l’importation de fourrages depuis un pays essentiellement montagneux situé à l’autre bout de la planète, l’OMC à ses raisons que la raison ignore.
Vous faites ce que vous voulez, mais en ce qui me concerne, les restaurants japonais c’est terminé. Toutefois, je vous invite à la modération dans vos commentaires : l’appel au boycott est interdit par la Loi dans la patrie autoproclamée des droits de l’homme, quoi qu’en pense Amnesty International. Il ne me reste donc plus qu’à vous souhaiter bon appétit !
01:08 Publié dans Réflexions | Lien permanent | Commentaires (2)
10 mai 2014
On peut rire de tout
Il n’y a pas que le cul dans la vie. Oui, je sais, quand on vient chez Vagant c’est qu’on a envie de se détendre, ce n’est pas pour être confronté à du lourd, comme on me l’avait déjà reproché. Mais en tant que blogueur, suis-je contraint à la schizophrénie en tenant un blog par thème avec autant d’identités différentes, comme je l’avais déjà évoqué au sujet de la ghettoïsation de l’érotisme ? Moi, je n’ai rien à vendre alors je n’ai pas à segmenter mon minuscule lectorat selon des principes marketing. J’ai donc décidé de répondre à l’appel d’un célèbre blogueur dont je partage les analyses, pour mettre en ligne sa vidéo comique au premier abord, franchement inquiétante au second. Autant vous le dire tout de suite, ça ne plaira sans doute pas à tout le monde…
Alors, on peut rire de tout, mais pas avec tout le monde ?
09:32 Publié dans Réflexions | Lien permanent | Commentaires (10)
02 mai 2014
Du désir sexuel à la consommation
C’est une fois de plus grâce à l’excellent blog « les fesses de la crémière » que je découvre la revue silence, dont le numéro 421 traite des relations poly-amoureuses. Je ne résiste pas à citer un paragraphe relatif à la frustration sexuelle institutionnalisée:
Une fois casé, on assiste sereinement à la baisse de son désir sexuel pour le partenaire quotidien, baisse parfois compensée par une augmentation de la tendresse et de la complicité. Routine, habitude, l'interaction charnelle perd de son attrait. Bref, le couple exclusif semble conduire à la frustration sexuelle. Frustration possiblement renforcée par un matraquage brûlant et systématique dans les médias et la publicité — puisque le sexe fait vendre. Qu'est-ce que qu'on en fait de cette frustration ? La consommation pourrait-elle en être un dérivatif ? Et, Chéri-e, on achète un nouvel écran plat ? J'ai vu la pub à la télé, ça avait l'air super !
Réprimer la sexualité est essentiel à tout processus de domination. Cachée dans les oreillers de couples dormitifs, la publicité n'alimenterait-elle pas en partie leur insatisfaction sexuelle ? La débauche télévisuelle n'utiliserait-elle pas la misère sexuelle au service de la consommation ?Eve Thiebaut
Cette thèse éclaire sous un jour nouveau les propos de Serge Carfantan, que j’avais cités dans cette nouvelle :
Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut pas s’y prendre de manière violente. Les méthodes du genre de celles d’Hitler (texte) sont dépassées. Il suffit de créer un conditionnement collectif si puissant que l’idée même de révolte ne viendra même plus à l’esprit des hommes. L’idéal serait de formater les individus dès la naissance en limitant leurs aptitudes biologiques innées (cf. les individus de type alpha, bêta, gamma). Ensuite, on poursuivrait le conditionnement en réduisant de manière drastique l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle. Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité et plus sa pensée est bornée à des préoccupations médiocres, moins il peut se révolter. Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste. Que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif. Surtout pas de philosophie. Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe : on diffusera massivement, via la télévision, des divertissements flattant toujours l’émotionnel ou l’instinctif. On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. Il est bon, dans un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de penser. On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. Comme tranquillisant social, il n’y a rien de mieux.
En effet, ce n’est pas la sexualité accomplie qui est mise au premier rang de nos sociétés, mais le désir d’une sexualité inaccessible à laquelle la société offre un dérivatif consumériste, comme la tablette de chocolat soulagerait les peines du cœur.
08:29 Publié dans Réflexions | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : polyamour, sexualité
22 avril 2014
Du triolisme
07:13 Publié dans Réflexions | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : triolisme, aphorisme
10 avril 2014
Mise au point - 2
Estrella Mar
Pluginude
avril 2014
Photographie couleurÀ l’origine de cette série, il y a une véritable volonté de l’artiste de mettre en valeur le nu masculin en évitant tout à la fois la virilité du nu héroïque et le corps dans sa dimension sexuelle voire pornographique. Nous sommes donc loin des clichés habituels de corps musculeux ou asexués tels qu’on peut les voir dans les magazines de mode. Le parti-pris est clair : photographier les hommes, dans leur nudité la plus élémentaire, sans fioritures et sans érotisme sous-jacent.
La forêt offre un décor naturel avec le sol jonché de feuilles au premier plan, tandis que des arbres se dressent à l’arrière-plan. Au centre de la composition, un homme nu git sur deux troncs d’arbres fraichement coupés. Le corps est en tension, voire en torsion comme l’indiquent l’épaule droite légèrement relevée et le muscle de la cuisse, bandé. La pose diffère peu des académies chères aux étudiants des Beaux-arts. Ce corps s’intègre parfaitement aux éléments qui l’entourent ne serait-ce que parce qu’il épouse la ligne d’horizon rythmée par les arbres.
On ne peut regarder cette œuvre sans penser à Rodin et à ses naïades qui se fondent dans le bloc de marbre. Ici, il n’est cependant pas question de volupté. Thanatos ne semble pas plus représenté qu’Éros puisque le gisant n’a rien d’une victime présentant son cou au bourreau. Dans le plus simple appareil, à la fois fort et fragile, l’homme se fait offrande. Ce ne sera ni un bouquet, ni un banquet mais bel et bien son corps nu enté sur le tronc d’arbre. Il s’abandonne dans un élan vitaliste. Ses bras et ses jambes enserrent le tronc telle une étreinte, une caresse où la chair se fait jeune pousse. Loin de s’opposer la rude écorce moussue et la peau quasi marmoréenne de l’homme ne font qu’un. Entre l’homme et la nature, plus de lutte mais un moment de grâce et d’harmonie.
Finalement, n’est-ce pas ici le premier homme qu’on retrouve, un Adam avant la chute dans son home des bois ?
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Nu, suspendu entre ciel et terre, je voyais les arbres couchés en rangs serrés.
Nu, branche incongrue d’une souche amputée, poussé là pour elle.
Nu, presque en hiver, elle au printemps.
Dans cette notice de musée facétieuse, Mathilde analyse avec justesse l’objectif de l’artiste et esquisse avec finesse mes motivations profondes de modèle : ces photos sont bien une offrande. À l’orée de la cinquantaine, objectivement sur le déclin, je m’étais dit que cette séance était une des dernières occasions d’avoir une photo de moi de qualité, où mon corps nu ne serait pas grotesque, afin de lui en offrir un tirage en souvenir de moi, en souvenir de nous. En voyant la pose académique, j’ai immédiatement pensé à Rodin et Claudel, et mes souvenirs m’ont projeté sept ans auparavant, au musée d’Orsay le jour de notre premier rendez-vous devant « l’âge mur ». J’avais alors été frappé par les stigmates de l’âge qui caractérisaient la représentation de cet homme, en opposition à la fraicheur de la jeune fille implorante à ses pieds. Une rencontre à l’aune du temps qui passe. Ces stigmates, je les vois aujourd’hui bourgeonner sur cette jambe qui semble pousser sur le tronc malgré la bienveillance de l’artiste qui aura su m’épargner les clichés les moins flatteurs.
Je ne m’embourberai pas davantage dans un apitoiement dramaturgique mais soulignerai la gentillesse et le sérieux de Véronique alias Estrella Mar. Pour poursuivre son projet sur le nu masculin, elle recherche des modèles amateurs, de tout âge et de tout type physique, qui pourront lui accorder quelques heures pour des prises de vue dans la nature en Ile de France. Avec elle, naturisme ne rime pas avec érotisme mais s’attache à la racine du mot pour nous montrer des corps au naturel, et nous affranchir des stéréotypes photoshopés, comme Véronique le dit si bien elle-même : « Toutes ces petites imperfections font toute l'humanité d'un corps, le touchant du vécu, du temps aussi, bien sûr. Ce n'est pas évident de se voir nu à travers le prisme d'une photo, de se confronter à sa propre image mais je trouve qu’il y a quelque chose de sain dans cette confrontation, on finit par arriver à une bienveillance sur son propre corps ». À méditer ; à (se) poser.
22:13 Publié dans Réflexions | Lien permanent | Commentaires (23) | Tags : mise au point, photo, mathilde
09 février 2014
Mise au point - 1
Je m’interroge parfois sur la nature de ma liaison avec Mathilde (dont le prénom d’emprunt pourrait changer au gré de ses désirs), et cette interrogation en a dernièrement rejoint une autre relative au sous-titre de ce blog qui, à première vue, pourrait paraitre inadéquat, alors qu’il n’a probablement jamais été aussi approprié.
Faisons le point. En une quinzaine d’années d’infidélité assumée, j’ai connu bien des femmes. J’en ai évoquées quelques-unes sur ce blog: Ninon, Carole, Marianne, Nathalie, Fabienne, Céline, Coralie, Jeanne, Sarah, Catherine, Claire, Justine, Léone, Sylvie, Roxane… liste non exhaustive par ordre vaguement chronologique où l’anecdotique côtoie les relations marquantes. Menais-je alors une double vie ? Oui, dans une certaine mesure, mais pas une double vie accomplie. Plutôt une succession de double vies avortées. Les liaisons que j’ai citées étaient d’abord sensuelles puis amicales et/ou amoureuses. Le sexe était donc au premier plan, comme c’est souvent le cas au début d’une liaison intime. Le désir mène la danse et la danse s’arrête avec la musique, lorsque chacun reprend son rythme. Moi, je vivais dans le rythme effréné des découvertes sensuelles, tout à l’ivresse de la séduction, car je jouissais déjà à la maison du « bonheur conjugal ». Toutes mes partenaires n’avaient toutefois pas les mêmes attentes que moi : toutes n’avaient pas un conjoint, et celles qui en avaient déjà un ne souhaitaient pas forcément le garder. Il faut beaucoup d’amour pour que la musique continue malgré des aspirations désaccordées.
J’avais cité quelques paragraphes de « Double vie », de Pierre Assouline. L’auteur y fait une description dramatique de la liaison adultérine de deux amants qui prennent mille précautions pour ne pas se faire prendre :
Rémi arriva comme convenu à treize heure vingt. Quel que fût le restaurant, ils avaient pris l’habitude de décaler d’une vingtaine de minutes leur rendez-vous sur l’horaire habituel des repas afin que la plupart des clients soient déjà installés. Ainsi, entrant dans l’établissement l’un après l’autre, chacun avait le loisir de balayer la salle d’un regard panoramique pour y repérer un éventuel danger et, le cas échéant, s’en retourner aussitôt. Séparément. Car rien ne les glaçait comme la perspective d’être vus ensemble. Non qu’ils n’aient pas assez d’imagination pour échafauder un scénario cohérent. Mais quelle que fût sa pertinence, leur rencontre hors des cadres habituels de la mondanité instillerait le soupçon de part et d’autre. Le poison du doute rongerait leurs couples. Dans le meilleur des cas, cela passerait une fois, pas deux. Il ne fallait pas gâcher cette carte. Pour futile qu’elle pût paraitre, une telle préoccupation n’était pas moins vitale à leurs yeux. Elle avait suscité de nouveaux réflexes, appelés à devenir naturels par la force des choses. Ainsi, outre ce regard circulaire qui se voulait légèrement scrutateur, ils avaient l’habitude, en pénétrant dans un restaurant, de passer en revue, avec une discrétion éprouvée, les noms inscrits sur la page des réservations du grand agenda. Juste pour voir s’ils se trouvaient en terrain de connaissance. Ce que c’est de s’aimer quand on est mariés, mais pas ensemble.
Je n’ai jamais vécu l’adultère avec de telles angoisses. Ce n’est pas une vie, tout au plus une fraction, la portion congrue. Même auprès de mes anciennes amantes, j’ai bien plus profité de la vie que Rémi et Victoria n’en jouisse dans ce roman. Que dire alors de ce que je vis avec Mathilde ? En sept ans de vie parallèle commune, nous avons connu main dans la main Londres, Copenhague, Amsterdam, Rome, Istanbul, Venise, Bruxelles… liste non exhaustive par ordre vaguement chronologique où nous nous sommes tendrement aimés. Est-ce là une double vie ? Oui, certainement, plus encore qu’auparavant, une double vie accomplie avec des souvenirs qui pourraient appartenir aux petits bonheurs de la conjugalité, comme la découverte de la posada del dragon qui a enchanté nos palais à Madrid.
Toutefois, n’allez pas croire que la salade de tomate, aussi délicieuse fût-elle, soit l’épicentre de notre vie sensuelle. Disons qu’elle en fait aussi partie, tout comme les huitres à la Casanova et d’autres délices amoureux à huis clos… Entre nous, l’idylle renait toujours des cendres de nos sens embrasés.
23:50 Publié dans Réflexions | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : mathilde, pierre assouline, double vie, littérature, livre, adultère, posada del dragon
03 février 2014
L’homme trophée 3 – le coup de grâce
Assis dans un café à côté de Judith, l’ordinateur portable posé face à eux sur la table, Thomas termine les deux premiers chapitres de cette histoire. Judith avait d’abord été contrariée que Thomas, son vieil amant, s’emparât de sa malheureuse liaison avec Victor, pour décrire une vengeance qui n’aurait jamais lieu. Elle reconnaissait dans cette fable des portions de vérité, mais enchâssées dans une trame romanesque dont elle n’aurait jamais pu tenir le premier rôle. Sa liaison avec Victor était toute fraîche, et elle n’avait pas rompu officiellement avec lui. Comment l’aurait-elle pu alors qu’elle n’était officiellement qu’un sex friend dans le meilleur des cas. « Comment veux-tu que je sorte de ta vie, puisque je n’y suis pas ! » lui aurait-il certainement rétorqué si elle s’était avisée de rompre en bonne et due forme. Ainsi la fable de Thomas était un succédanée de rupture qui permettait à Julie d’éviter un affront de plus, et de prendre un peu de distance vis-à-vis de cette relation nocive. Sans avoir besoin de l’écrire explicitement, Thomas s’était attribué le beau rôle de l’inconnu, et il se vengeait ainsi de son rival qu’il savait bien plus jeune et qu’il imaginait bien plus beau. En partageant ce fantasme avec Judith, il espérait ridiculiser Victor dans l’esprit de son amante afin qu’elle l’oublie définitivement.
En fin de compte, Judith finit par s’amuser de la fable de Thomas, remanie les SMS selon le style lapidaire que Victor avait institué, et rebaptise tous les intervenants : Ludivine fait bonne copine, Victor serait victorieux, et Judith évoque l’héroïne de l’Ancien Testament immortalisée par un tableau du Caravage où elle décapite Holopherne.
Selon le récit biblique, le général Holopherne, envoyé par Nabuchodonosor II pour massacrer tout le proche Orient, est arrêté à Béthulie. Il assiège la ville qui est sur le point de se rendre, quand une habitante entreprend un acte héroïque. Seule avec sa servante et des cruches de vin, elle pénètre dans le camp d’Holopherne, qui est immédiatement ensorcelé par la beauté et l’intelligence de Judith. Il organise un banquet en l’honneur de cette femme qui, une fois que les domestiques se sont retirés et qu’Holopherne est complètement ivre, le décapite sans autre forme de procès. La Judith biblique s’enfuie alors du camp avec la tête d’Holopherne pour trophée, tout comme la Judith de Thomas quitte l’Overside après avoir tué son désir pour Victor, l’homme trophée.
Ravis du fruit illégitime de leur union littéraire, Judith propose à Thomas de terminer la soirée dans un club libertin parisien, Le Mask, où ils pourront assouvir leurs désirs depuis trop longtemps frustrés. Quelques couples sont déjà là, accoudés au bar, d’autres sur les banquettes des alcôves du fond, où des tables basses permettent de poser son verre avant de s’abandonner à d’autres douceurs. Après avoir fait le tour du club, Judith et Thomas s’asseyent confortablement dans ces coins câlins de plus en plus bondés qui permettent tous les ébats. Pour eux, ce serait plutôt tous les débats, car l’ombre de Victor qui les a suivis depuis le café est toujours là.
Confortablement blottie dans les bras de Thomas, dont la petite fable a remué de douloureux souvenirs dans l’esprit de Judith, elle évoque ses doutes et ses frustrations, lui explique combien elle a eu besoin de simple tendresse, tandis qu’elle livrait son corps au sexe sans état d’âme avec Victor. Tendrement enlacée à Thomas, dont la position ne lui permet que de toucher les seins de Judith, elle revit intérieurement sa liaison délétère avec Victor, qui fut pour Thomas source de frustration et d’incompréhension puisqu’il n’en avait pas connaissance. Dégoutée du sexe brut avec Victor, elle ne pouvait plus offrir à Thomas qu’un amour épuré de la sexualité, qu’elle réduisait avec lui à sa plus simple expression quand elle ne fuyait pas dans le sommeil dès qu’ils étaient enlacés. Ainsi les corps alanguis qui se vautrent tout autour d’eux dans la luxure illustrent cette baise dégoûtante tandis qu’elle s’assoupit dans les bras de son tendre amant. À force de céder sur les mots, on finit par céder sur la chose. Pour ce crétin de Thomas à la verge désespérément dressée, la réalité a rejoint la fiction, sauf qu’au lieu d’être l’artisan d’une vengeance, il en est la victime face à Victor le bien nommé. Judith l’a bel et bien attiré dans un club libertin pour le frustrer dans les bras d’un vieux rival : Morphée !
La morale de cette histoire, à l’usage des machos soucieux d’arriver à leurs fins avec les femmes, c’est Kundera qui nous la donne dans Le livre du rire et de l’oubli :
Le regard de l’homme a déjà été souvent décrit. Il se pose froidement sur la femme, paraît-il, comme s’il la mesurait, la pesait, l’évaluait, la choisissait, autrement dit comme s’il la changeait en chose.
Ce qu’on sait moins, c’est que la femme n’est pas tout à fait désarmée contre ce regard. Si elle est changée en chose, elle observe donc l’homme avec le regard d’une chose. C’est comme si le marteau avait soudain des yeux et observait fixement le maçon qui s’en sert pour enfoncer un clou. Le maçon voit le regard mauvais du marteau, il perd son assurance et se donne un coup sur le pouce.
Le maçon est le maitre du marteau, pourtant c’est le marteau qui a l’avantage sur le maçon, parce que l’outil sait exactement comment il doit être manié, tandis que celui qui le manie ne peut le savoir qu’à peu près.
Le pouvoir de regarder change le marteau en être vivant, mais le brave maçon doit soutenir son regard insolent et, d’une main ferme, le changer de nouveau en chose. On dit que la femme vit ainsi un mouvement cosmique vers le haut puis vers le bas : l’essor d’une chose se muant en créature et la chute d’une créature se muant en chose.
08:06 Publié dans Fictions, Réflexions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : homme trophée, libertinage, mask, kundera
15 août 2008
Mon plus secret conseil…
Ce titre est épatant, n’est-ce pas ? Moi en tous cas, c’est épaté que je me suis fait appâter par ce roman de Valéry Larbaud publié aux éditions folio, d’autant plus qu’il ne coûtait que deux petits euros. Le prix d’un café. Je croyais ne faire qu’une gorgée de sa centaine de pages, mais j’ai eu bien du mal à avaler cette prose décousue qui serpente au fil des pensées de Lucas Letheil, jeune héritier prétentieux jusqu’aux prétentions littéraires. Il envisage de quitter sa maîtresse colérique. Il ne sait pas que c’est imminent lorsqu’il s’éloigne de leur résidence Napolitaine au cours de sa promenade matinale, qu’il pousse jusqu’à sauter dans le premier train venu. Larbaud y embarque aussi le pauvre lecteur contraint de passer du Français à l’Italien dans cette aventure intérieure. On ne sait d’ailleurs pas trop si l’auteur parle de lui ou de son anti-héros puisqu’il utilise tantôt « je », tantôt « il » et parfois « nous ». Nous en sommes d’ailleurs là dans cet extrait plus que représentatif puisque c’est, à mon humble avis, la meilleure page :
On dira que nous sommes bien difficile ; mais c’est que, si nous sommes repu de scènes de ménage et de tempêtes domestiques, nous sommes aussi repu
Persano.
d’amour. Onze heure moins dix. On va s’arrêter partout maintenant. La ligne monte. Il n’y a plus que de petites gares jusqu’à Potenza ; pas de voyageurs de première. Et les monts de la Lucanie en vue. Des arrêts de trois secondes ; le temps de dire pronti et partenza. – Oui, repu d’amour, malgré l’insensibilité croissante. Et c’est cela qui retarde la rupture, qui nous fait espérer, contre toute espérance, que la dernière crise sera vraiment la dernière. Nous sommes fidèle, aussi. Voici une bien jolie femme ; sans doute, mais nous avons mieux, ou aussi bien à la maison. Des Challettes, lui, court toujours ; il a une liste de formules d’abordage, pour la rue, le théâtre, la plate-forme du tramway… ; a des cartes de visite, avec cette anticipation : « Avocat à la Cour », qu’il glisse, pliées en quatre, dans les mains des jeunes filles et des jeunes femmes accompagnées. J’ai fait ça, autrefois, par esprit d’imitation, quand je sortais avec… Chose… de Louis-Le-Grand. Nous avions l’air de deux agents matrimoniaux, de deux délégués à l’amour. Les premiers venus offrant leurs services aux premières venues. Quelle fatigue !... Quel ennui !... Pourtant si on m’avait demandé ce que je cherchais pendant mes promenades du matin dans Naples, une fois le contact bien établi avec les aspects intimes de la ville, j’aurais – paresse, peur de paraître compliqué – répondu : des femmes.
Enfin, lorsque ce roman s'achève sur l’assoupissement de Lucas, on comprend que sa vocation était sans doute d’être un livre de chevet.
23:09 Publié dans Réflexions | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : Mon plus secret conseil, Larbaud, Livres, Littérature, rupture
10 juillet 2008
Dieu dans la tête de Voltaire
- Que vois-tu ?
- Deux religieuses. Elles passent sous la voûte d’une porte qui se découpe à l’horizon. Et puis des femmes.
- Rien d’autre ?
- Tu sais, moi et l’art, ça fait deux. Surtout le surréalisme, je n’y comprends rien…
- Fais un effort ! Tu ne vois rien d’autre dans la voûte ?
- Non !
- Mais si regarde ! ici les yeux ! là le nez ! C’est la tête de Voltaire !
- Ah oui ! C’est rigolo, maintenant je ne vois plus que lui. J’ai même du mal à distinguer les têtes des religieuses dans ses yeux.
- Et bien tu vois, la main de Dieu, c’est pareil.
- Pardon ?
- Une fois qu’on a perçu Sa main, on ne voit plus qu’elle. Rien n’est plus anodin, tout participe à une œuvre aussi imperceptible qu’omniprésente. Dieu est partout, dans les plus petites choses comme dans les plus grande. Même la religion, cette religion représentée par les deux religieuses, s’efface tout en composant Son œuvre…
- Tu racontes vraiment n’importe quoi Vagant. Tu vois Dieu dans la tête d’un athée notoire maintenant ? Mais c’est grotesque mon vieux. Regarde-moi là au lieu de divaguer. J’ai dit là !
- C’est toi qui es grotesque d’obscénité avec tes cuisses écartées !
- En tous cas, tu as tout de suite vu ce qu’il y avait à voir entre mes cuisses : non pas l’innocente nudité mais l’obscénité sexuelle. Allez, ne fait pas ton Tartuffe, serait-ce encore ton Dieu que tu as vu là, dans ce… calice ?
- Tais-toi !
- « On façonne l’argile pour en faire des vases, mais c’est du vide interne que dépend leur usage. L’Être donne des possibilités, c’est par le Non-Être qu’on les utilise. » Oh ce n’est pas de moi, c’est de Lao-tseu. Après t’être vautré dans la luxure, tu es désormais condamné à ne plus jamais voir dans les femmes que des trous à combler. Allez, viens me baiser maintenant !
- Arrière Satan !
15:30 Publié dans Réflexions | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : Dali, Dieu, Voltaire, Lao-tseu, Foi
11 avril 2008
Un vague amant (7)
Gatwick, Vendredi après midi. Londres n'intéresse plus Ninon. Faute de chambre pour abriter nos ébats, nous décidons de passer la journée à surfer dans un cyber café de l’aéroport, comme deux drogués au net. Nous finissons par dévoiler quelques secrets d’alcôve virtuelle. En vérité, je n’ai presque rien à cacher, et je ne lui montre qu’un bout de correspondance avec une relation épistolaire qui sait tout de cette escapade londonienne. Cela semble l’amuser, mais pas autant que de m’ouvrir sa messagerie, de me dévoiler son carnet d’adresse caramail en direct, histoire de me montrer ce qu’une fille décidée peut faire. À peine s’est elle connectée, qu’une cascade de fenêtres de dialogue s’ouvre à l’écran. Je suis sidéré de la voir draguer sous mes yeux, et sélectionner sans état d’âme ses camarades de jeu pour son prochain week-end.
Entre deux dialogues, elle me demande si je ne pourrais pas lui établir une fausse facture, ce qui lui permettrait de passer ses dépenses Londoniennes en note de frais. Notre liaison vient de passer par pertes et profits. Je ne suis plus qu’une affaire classée à son passif. J’ai compris, amer mais fair play, que je n'aurai guère été que l'amant d'une soirée. Un one shot qui n’offre plus d’intérêt après l'excitation de la découverte. Elle est avide de reprendre son exploration, exploration des sens tous azimuts et des êtres en tous genres, exploration à coeur et corps perdus. Un périple où je n’aurai été qu'une escale.
Je plaisante pour faire bonne figure et cacher mon vague à l’âme. Ce n’est certainement pas un chagrin d’amour, non, juste une blessure d’amour propre. Après tout, qu'avais-je bien osé espérer ? Je ne suis pas le grand et beau jeune libertin qu'elle recherche pour la guider dans ses errances sexuelles. Elle a d’ailleurs bien plus d’expérience que moi dans ce domaine. De l’expérience, moi, je n’ai que l’âge. Pourtant, malgré tous mes efforts pour rationaliser, j’ai un pincement au cœur, et un peu peur pour elle.
06:30 Publié dans Réflexions | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : Un vague amant, ninon, Adultère, Expériences, Littérature
09 avril 2008
Un vague amant (6)
Gatwick au petit matin. Ninon est encore endormie. Ma main flotte sur son pubis, s'enfonce dans sa forêt soyeuse, explore son intimité tranquille. Mon doigt glisse sur sa vulve, entre ses lèvres, tout doucement, dans un lent va et vient. Chaque phalange de mon doigt effleure son clitoris quand il plonge en elle. Dans son demi sommeil, Ninon soupire d'aise, ouvre les cuisses à ma caresse. Mais ma main continue patiemment, sans s'affoler, confiante de détenir enfin la clef de son plaisir. Ma caresse se fait plus profonde, plus pénétrante, mais toujours aussi légère quand, au reflux, mon doigt mouillé titille son clitoris incrusté entre les plis de ses chairs. Ses gémissements de plaisir confirment mon intuition. Réveillée pour de bon, elle m'attire entre ses cuisses. Je caresse son visage, elle suce mon doigt, j'ai compris le message : à ma langue de poursuivre. Elle décharge son orgasme dans ma bouche avide de jouissance.
Si ma bouche est gourmande, la sienne est savante : c’est avec ses lèvres qu’elle enfile mon préservatif. Elle me demande de la prendre tout de suite, en levrette. Je m’apprête à la pénétrer doucement quand elle s'empale d'un coup de reins. C’est elle qui mène la danse en me guidant par la verge, balançant ses hanches au rythme de son plaisir, un coup à droite, un coup à gauche. Elle a le cul rock’n’roll. Elle me baise gaiement, c'est délicieux et j’en ris, d'un rire enfantin en découvrant comment elle me fait l'amour. C’est si ludique, avec une sensualité si différente de celle à laquelle j’ai trop l’habitude. En changeant de femme, j’ai l’impression de perdre un nouveau pucelage.
Je reprends la main d’une claque sur ses fesses. Je glisse un doigt dans son anus, pour sentir mon phallus à travers elle. Pour la première fois, je touche du doigt les sensations que peuvent procurer le va et vient de mon sexe, de plus en plus rapide, de plus en plus profond, là où j'explose.
06:15 Publié dans Réflexions | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : Un vague amant, Erotisme, ninon, Adultère, levrette, récit érotique, Expériences
07 avril 2008
Un vague amant (5)
Gatwick, en pleine nuit. Nous rentrons enfin au Bed & Breakfast après une épuisante odyssée ferroviaire. Arrivés dans la chambre à la fois kitch et cosy, en un mot british, nous décidons qu’un petit massage nous fera le plus grand bien.
Quand je sors de la douche, vêtu d'une simple serviette autour de la taille, Ninon est déjà étendue sur le ventre dans la même tenue. Elle me propose d'abord de "faire la crêpe", selon son expression, et puis nous inverserons les rôles. J'étale l'huile de massage parfumée sur son dos. Elle soupire au contact du liquide froid, soupirs d'aise lorsque je commence à étreindre ses épaules, sa nuque, massant systématiquement chaque vertèbre, descendant de plus en plus bas, jusqu'au coccyx, avant de remonter le long de ses flancs, pour recommencer encore et encore. Ensuite je masse langoureusement ses jambes, ses mollets, ses cuisses, toujours plus haut. Je finis par ôter la serviette pour masser ses fesses rondes et fermes. Je les malaxe à pleines mains, découvrant à l’envie son oeillet rosacé à chaque fois que j’ouvre sa croupe. Je me demande si je vais y connaître pour la première fois les joies de la sodomie. Comme elle se cambre, je vois même sa petite forêt grise qui envahit son intimité lippue. Je n'irai pas plus loin.
Rétrospectivement, je réalise en écrivant ces lignes que j'aurais dû masser la vulve qu'elle me tendait. Mes gestes n'ont pas coulé comme ils auraient dû, dans le tempo du désir.
Comme convenu, elle me prodigue un délicieux massage où elle étale autant d’huile que de talent. À sa demande je lui masse longuement les pieds, et finalement, ma langue maladroite s’aventure dans son intimité.
- Tu connais la rape à fromage ? me demande-t-elle en rigolant.
- C’est une position du kamasoutra ?
- Non, c’est l’impression que me donnent tes poils de barbe contre ma vulve.
- Ah ! Désolé… il est tard, ça a poussé depuis ce matin…
- Tu ne veux pas te raser ?
- Si… j’y vais.
Quand je reviens de la salle de bain, l’ambiance est un poil retombée. Nous nous caressons mutuellement et je finis par la prendre, bêtement, en missionnaire. Je jouis tout seul, comme un con. Elle s'endormira dans mes bras sans que j’aie su lui donner le plaisir attendu.
07:00 Publié dans Réflexions | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : Un vague amant, Erotisme, ninon, Adultère, massage, récit érotique, Expériences
05 avril 2008
Un vague amant (4)
Shoreditch, 21h. La devanture du Metropolis plaquée sur une terne façade de brique rouge me fait penser à un string à paillettes sur les fesses d’une vieille dame. Immanquable. À peine avons-nous franchi le sas d'entrée de cette boîte de strip-tease, que nos yeux sont captivés par une rousse sculpturale dont la nudité est offerte à des dizaines de regards blasés.
Ninon, subjuguée, prend ses quartiers devant la scène pour ne plus en bouger, pendant que je lutte parmi des yuppies en costume pour récupérer deux bières. Je la rejoins pour contempler les effeuillages dont la variété me laisse pantois : lascifs ou acrobatiques, érotiques ou esthétiques, aussi variés que les beautés qui se succèdent sans répit, ils suscitent nos commentaires goguenards ou admiratifs, qualifiant la courbe d'un sein, le galbe d'une cuisse, le grain d'une peau, la souplesse des reins ou les poses suggestives. Ces numéros confortent Ninon dans sa bisexualité, d'autant plus que toutes les artistes la gratifient d'un sourire dont l’apparente complicité masque bien leurs attentes commerciales.
Nous sommes particulièrement impressionnés par une métisse au corps de liane, qui effectue un strip-tease acrobatique digne d'un programme de gymnastique, virevoltant autour d'une barre verticale promue au rang d'agrès, mais qui me suggère plus d'émotions esthétiques qu'érotiques, et davantage d'admiration que d'excitation. Nous ne la quittons pas des yeux alors qu'elle quitte la scène dans l'indifférence générale. Quelques instants plus tard, elle vient nous saluer et nous propose une séance de table dance. « OH YES ! » s'écrie Ninon avec un enthousiasme surprenant .
Nous suivons la danseuse dans une salle à l’écart. Sur une scène miniature, une jeune blonde s'exhibe face à un homme d'affaires bien mûr. Notre belle métisse monte sur la scène qui jouxte notre banquette. J'avoue ne plus avoir d'yeux que pour cette jeune femme à la peau tabac, qui se dénude avec sensualité, exhibant ses charmes les plus intimes dans des postures acrobatiques à quelques pouces de nos visages vermillons d’émotion. Elle conclue son chaud show par sa spécialité : tout en nous regardant entre ses jambes écartées, elle parvient à faire cliqueter comme des clochettes les piercing qui ornent ses lèvres intimes. L’originalité vient de basculer dans le grotesque.
Nous quittons la boîte quelques minutes plus tard. Ninon me prend par le bras, ravie du spectacle, mais toutefois déçue de ne pas avoir revu la belle rousse. Son contact me fait plus bander que toutes les créatures que nous venons de croiser.
06:50 Publié dans Réflexions | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : Un vague amant, Erotisme, ninon, Adultère, strip tease, récit érotique, Expériences